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Conjecture de Baum-Connes

En mathématiques, plus précisément en K-théorie des opérateurs (en), la conjecture de Baum-Connes suggÚre un lien entre la K-théorie de la C*-algÚbre d'un groupe et la K-homologie (en) de l'espace classifiant les actions propres de ce groupe.

Elle propose ainsi une correspondance entre deux objets mathématiques de nature différente, la K-homologie étant liée à la géométrie, à la théorie des opérateurs différentiels et à la théorie de l'homotopie, tandis que la K-théorie de la C*-algÚbre réduite d'un groupe (en) est un objet purement analytique.

La conjecture, si elle était vraie, aurait pour conséquences quelques célÚbres conjectures antérieures. Par exemple, la partie surjectivité implique la conjecture de Kadison-Kaplansky pour un groupe discret sans torsion et la partie injectivité est étroitement liée à la conjecture de Novikov (en).

La conjecture est aussi trÚs liée à la théorie de l'indice (en) (car l'application d'assemblage ” est une sorte d'indice) et joue un rÎle majeur dans le programme de géométrie non commutative d'Alain Connes.

Les origines de la conjecture remontent à la théorie de Fredholm (en), au théorÚme de l'indice d'Atiyah-Singer, et à l'interaction entre la géométrie et la K-théorie des opérateurs telle qu'elle est formulée dans les travaux de Brown, Douglas et Fillmore, parmi bien d'autres sujets motivants.

Paul Baum et Alain Connes en 2004 Ă  Oberwolfach.

Formulation

Soit Γ un groupe localement compact Ă  base dĂ©nombrable (par exemple un groupe discret dĂ©nombrable). On peut dĂ©finir le morphisme d'assemblage :

oĂč et (k valant 0 ou 1) dĂ©signent respectivement :

  • la K-homologie Ă©quivariante Ă  supports Γ-compacts de l'espace E Γ qui classifie les actions propres de Γ,
  • la K-thĂ©orie de la C*-algĂšbre rĂ©duite de Γ.

Paul Baum et Alain Connes ont conjecturé, en 1982, que

le morphisme d'assemblage Ό est un isomorphisme.

Comme le membre de gauche semble moins difficile à calculer que celui de droite (parce qu'on connait trÚs peu de théorÚmes généraux de structure sur les C*-algÚbres), on considÚre souvent cette conjecture comme une explicitation du membre de droite.

À l'origine, la conjecture n'Ă©tait pas formulĂ©e en ces termes car la notion de K-homologie Ă©quivariante n'avait pas encore Ă©mergĂ©.

Dans le cas oĂč Γ est discret et sans torsion, le membre de gauche se rĂ©duit Ă  la K-homologie non Ă©quivariante Ă  supports compacts de l'espace classifiant usuel BΓ de Γ.

Conjecture Ă  coefficients

Il existe aussi une forme plus gĂ©nĂ©rale, dite Ă  coefficients, de la conjecture Baum-Connes, dans laquelle les deux membres sont Ă  coefficients dans une C*-algĂšbre A sur laquelle Γ agit par automorphismes. Elle s'Ă©nonce dans le langage de la KK-thĂ©orie (de) en disant que le morphisme d'assemblage

est un isomorphisme, et la version sans coefficients correspond au cas A = ℂ.

Cependant, en 2002, Nigel Higson, Vincent Lafforgue et Georges Skandalis ont trouvĂ© des contre-exemples Ă  la conjecture Ă  coefficients, en s'appuyant sur des rĂ©sultats de Gromov (nĂ©anmoins non reconnus, en 2008, par la totalitĂ© de la communautĂ© mathĂ©matique) qui concernent les graphes expanseurs dans les graphes de Cayley[1]. MĂȘme si cette construction se confirme, la conjecture Ă  coefficients reste un sujet de recherche active car, contrairement Ă  la conjecture classique, on la considĂšre souvent comme un Ă©noncĂ© concernant des groupes ou ensembles de groupes particuliers.

Exemples

Soit Γ le groupe â„€ des entiers relatifs. Alors le membre de gauche est la K-homologie de son classifiant Bâ„€ qui est le cercle. Par l'isomorphisme de Gelfand (en), qui n'est autre ici que la transformation de Fourier, la C*-algĂšbre du groupe est isomorphe Ă  l'algĂšbre des fonctions continues sur le cercle, donc le membre de droite est la K-thĂ©orie topologique du cercle. Le morphisme d'assemblage est alors la dualitĂ© de PoincarĂ© en KK-thĂ©orie (dĂ©finie par Gennadi Kasparov (de)) et c'est un isomorphisme.

Un autre exemple simple est donnĂ© par les groupes compacts. Dans ce cas, les deux membres sont naturellement isomorphes Ă  l'anneau des reprĂ©sentations complexes (en) Rℂ(K) du groupe K, et le morphisme d'assemblage, via ces isomorphismes, est l'application identitĂ©.

RĂ©sultats partiels

La conjecture sans coefficients est toujours non résolue en toute généralité. Elle a été le sujet de nombreux travaux, et a été démontrée pour les classes de groupes suivantes :

  • les groupes ayant la propriĂ©tĂ© de Haagerup (en), ou groupes a-T-moyennables de Gromov[2], qui vĂ©rifient mĂȘme la conjecture Ă  coefficients[3]
    (parmi les groupes a-T-moyennables figurent les groupes moyennables, les groupes de Coxeter, les groupes agissant proprement sur un arbre ou sur un complexe cubique CAT(0) ; ceci inclut aussi les groupes de Lie SO(n,1), SU(n,1) et leurs sous-groupes discrets) ;
  • les groupes Ă  une relation (i.e. admettant une prĂ©sentation avec un nombre fini de gĂ©nĂ©rateurs et une seule relation), qui vĂ©rifient mĂȘme la conjecture Ă  coefficients[4] ;
  • les sous-groupes discrets cocompacts des groupes suivants[5] - [6] :
    • les groupes de Lie rĂ©els de rang 1 : on l'a vu plus haut pour SO(n,1) et SU(n,1), mais ceci inclut aussi Sp(n,1) (n > 1) et F4(–20) qui, eux, ont la propriĂ©tĂ© (T)[7],
    • SL3 d'un corps local (par exemple ℝ, ℂ ou le corps ℚp des nombres p-adiques), qui a Ă©galement la propriĂ©tĂ© (T)[8]
(les groupes discrets infinis ayant la propriété (T) de Kazhdan et pour lesquels on sait démontrer la conjecture sont encore rares[9] ; ces premiers exemples n'ont été exhibés qu'en 1998, par Vincent Lafforgue[5] - [10]) ;
  • les groupes hyperboliques de Gromov et leurs sous-groupes (ceci inclut en particulier les rĂ©seaux cocompacts des groupes de Lie de rang 1), qui vĂ©rifient mĂȘme la conjecture Ă  coefficients[11].

Dans le cas des groupes non discrets, on dispose de résultats trÚs généraux :

  • la conjecture est connue pour les groupes de Lie rĂ©els connexes rĂ©ductifs (A. Wassermann, 1987) ;
  • plus gĂ©nĂ©ralement, elle a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e par J. Chabert, S. Echterhoff et R. Nest[12] pour la classe des groupes presque connexes (un groupe topologique G est dit presque connexe si G/G0 est compact, oĂč G0 est la composante connexe de l'identitĂ© dans G), et aussi pour les groupes algĂ©briques sur les corps locaux de caractĂ©ristique nulle (ℝ, ℂ et les extensions finies de ℚp).

L'injectivité est connue pour bien plus de groupes grùce à la méthode Dirac-dual Dirac. Celle-ci remonte à des idées de Michael Atiyah, généralisées et formalisées en 1987 par Gennadi Kasparov. L'injectivité est connue pour les classes suivantes :

  • les sous-groupes discrets de groupes de Lie connexes ou virtuellement connexes,
  • les sous-groupes discrets des groupes p-adiques,
  • les groupes boliques (qui sont une gĂ©nĂ©ralisation des groupes hyperboliques),
  • les groupes agissant de façon moyennable sur un espace compact.

L'exemple le plus simple d’un groupe dont on ne sait pas s'il vĂ©rifie la conjecture est SL3(â„€).

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Baum–Connes conjecture » (voir la liste des auteurs).
  1. (en) N. Higson, V. Lafforgue et G. Skandalis, « Counter-examples to the Baum-Connes conjecture », Geom. Funct. Anal., vol. 12, no 2,‎ , p. 330-354 (lire en ligne).
  2. Pierre Julg, « Travaux de N. Higson et G. Kasparov sur la conjecture de Baum-Connes », SĂ©minaire Bourbaki, vol. 40,‎ (lire en ligne), exposĂ© no 841, p. 151-183.
  3. (en) G. Higson et G. Kasparov, « E-theory and KK-theory for groups which act properly and isometrically on Hilbert space », Invent. Math., vol. 144,‎ , p. 23-74 (lire en ligne).
  4. (en) C. BĂ©guin, H. Bettaieb et A. Valette, « K-theory for C*-algebras of one-relator groups », K-Theory, vol. 16, no 3,‎ , p. 277-298 (DOI 10.1023/A:1007755408585).
  5. Georges Skandalis, « ProgrĂšs rĂ©cents sur la conjecture de Baum-Connes. Contribution de Vincent Lafforgue », SĂ©minaire Bourbaki, vol. 42,‎ (lire en ligne), exposĂ© no 869, p. 105-135.
  6. (en) Vincent Lafforgue, « Banach KK-theory and the Baum-Connes conjecture », Proceedings of the International Congress of Mathematicians (Beijing 2002),‎ (arXiv math/0304342).
  7. Bachir Bekka, Pierre de la Harpe et Alain Valette, Kazhdan's Property (T), Cambridge University Press, (lire en ligne), p. 7.
  8. Bekka, de la Harpe et Valette 2008, p. 40.
  9. (en) Guido Mislin et Alain Valette, Proper Group Actions and the Baum-Connes Conjecture, BirkhÀuser, (lire en ligne), p. 42.
  10. (en) Alain Valette, Introduction to the Baum-Connes Conjecture, Springer, (lire en ligne), p. ix.
  11. (en) Michael Puschnigg, « The Baum-Connes conjecture with coefficients for word-hyperbolic groups (after Vincent Lafforgue) », SĂ©minaire Bourbaki, vol. 65,‎ (lire en ligne), exposĂ© no 1062, p. 105-135.
  12. (en) J. Chabert, S. Echterhoff et R. Nest, « The Connes-Kasparov conjecture for almost connected groups and for linear p-adic groups », Publ. Math. IHES, vol. 97,‎ (lire en ligne).

Article connexe

Conjecture de Farrell-Jones (en)

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