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Computer Bismarck

Computer Bismarck (l'épisode Bismarck pour le titre français par Computerre) est un jeu vidéo de type wargame (bataille navale) développé et publié par Strategic Simulations en 1980. Le jeu retrace la dernière bataille du cuirassé Bismarck dans l’océan Atlantique pendant la Seconde Guerre mondiale. Le joueur contrôle les forces armées britanniques et affronte au tour par tour le cuirassé Bismarck et d'autres navires allemands. Ces derniers peuvent être contrôlés par l'ordinateur ou par un deuxième joueur.

Computer Bismarck
Logo de Computer Bismarck par Louis Saekow

DĂ©veloppeur
Strategic Simulations
Éditeur
RĂ©alisateur
Joel Billings
John Lyons
Dave Cook

DĂ©but du projet
Août 1979
Date de sortie
FĂ©vrier 1980

Son dĂ©veloppement dĂ©bute au cours de l’étĂ© 1979 lorsque Joel Billings fonde le studio Strategic Simulations pour crĂ©er un jeu de guerre sur ordinateur. Il imagine son concept en s'inspirant des jeux de plateau qu'il possède et recrute John Lyons pour le programmer sur un micro-ordinateur TRS-80. Pour financer le projet, il rencontre notamment les responsables d'Avalon Hill et d’Automated Simulations mais ces derniers ne se montrent pas intĂ©ressĂ©s, ce qui pousse Joel Billings Ă  Ă©diter lui-mĂŞme le jeu. Ă€ la suite d'une rencontre avec Trip Hawkins, il dĂ©cide de dĂ©velopper le jeu pour l'Apple II plutĂ´t que pour le TSR-80 et John Lyons doit donc en convertir le code source en Basic. Ils terminent le jeu en janvier 1980 et font appel Ă  Louis Saekow pour concevoir son packaging, qu'ils souhaitent de qualitĂ© professionnelle. Pour le promouvoir, ils envoient d’abord 30 000 tracts Ă  des possesseurs d'Apple II puis le prĂ©sentent en mars lors de l'Applefest de San Francisco. Pour vanter son cĂ´tĂ© innovant, ils imaginent un slogan accrocheur « le wargame Ă  2 160 $ », ce qui correspond au prix du jeu additionnĂ© Ă  celui du micro-ordinateur Apple II nĂ©cessaire pour y jouer.

Après cette campagne de publicitĂ©, les commandes ne tardent pas Ă  affluer et le jeu rencontre un certain succès critique et commercial avec plus de 8 000 copies vendues aux États-Unis. Il permet Ă  Strategic Simulations de se faire connaitre mais aussi de gagner la rĂ©putation d'un Ă©diteur sĂ©rieux. Le studio reçoit ainsi de nombreuses propositions de la part de programmeurs indĂ©pendants qui souhaitent faire publier leurs wargame par Strategic Simulations. Dès 1980, la sociĂ©tĂ© compte ainsi six wargames dans son catalogue, ce qui lui permet de rĂ©aliser un chiffre d’affaires de 317 000 $. Au cours de ses trois premières annĂ©es d’existence, Strategic Simulations publie au total 28 jeux diffĂ©rents. Cette profusion permet au studio de s’imposer comme un leader « solide » du marchĂ© des wargames sur ordinateur, malgrĂ© la concurrence d’Avalon Hill qui est pourtant l’un des plus importants Ă©diteurs de jeu de guerre sur table. Les spĂ©cialistes du genre considèrent que Computer Bismarck est le premier « wargame sĂ©rieux sur micro-ordinateur » et qu’il a contribuĂ© Ă  lĂ©gitimer le genre, et plus gĂ©nĂ©ralement les jeux sur ordinateur, en proposant un packaging « professionnel » alors que ses prĂ©dĂ©cesseurs Ă©taient distribuĂ©s dans des sachets plastiques refermables.

Trame

Photographie du Bismarck en septembre 1940.

Le jeu retrace la poursuite du cuirassé Bismarck par la Royal Navy dans l’océan Atlantique pendant la Seconde Guerre mondiale[2]. Le 24 mai 1941, le Bismarck et le croiseur Prinz Eugen parviennent à couler le cuirassé HMS Hood et à endommager le HMS Prince of Wales lors de la bataille du détroit de Danemark. À l'issue de cette bataille, les navires et les avions de la Royal Navy poursuivent le Bismarck pendant deux jours au terme desquels un bombardier-torpilleur parvient à le paralyser. Le Bismarck coule le lendemain matin[3].

Système de jeu

Computer Bismarck est un wargame au tour par tour dans lequel le joueur contrĂ´le les forces britanniques et affronte le cuirassĂ© Bismarck, le croiseur lourd Prinz Eugen et d’autres navires allemands[4]. Les forces allemandes peuvent ĂŞtre contrĂ´lĂ©es par l’ordinateur ou par un deuxième joueur[2] - [5]. L’action du jeu se dĂ©roule sur une carte qui reprĂ©sente la mer du Nord et la partie nord de l’ocĂ©an Atlantique. La carte est divisĂ©e en cases carrĂ©es, dont un cĂ´tĂ© reprĂ©sente 70 nm, et forme ainsi une grille de 18 Ă— 20 cases[4]. Sur celle-ci, les unitĂ©s et les infrastructures militaires sont reprĂ©sentĂ©es par des lettres de l’alphabet anglais[6]. Une unitĂ© peut reprĂ©senter un navire capital, un croiseur ou un groupe de destroyers, de sous-marins ou d’avions[4]. Ces unitĂ©s possèdent des capacitĂ©s et des caractĂ©ristiques qui leur sont propres et qui dĂ©terminent leur mobilitĂ©, leur puissance de feu, leur vulnĂ©rabilitĂ© et d’autres facteurs ayant une influence sur le gameplay du jeu[7]. Chaque tour simule une durĂ©e de quatre heures[8]. Ils sont divisĂ©s en plusieurs phases dans lesquelles les joueurs donnent alternativement des directives Ă  leurs unitĂ©s respectives par l’intermĂ©diaire du clavier[7] - [8]. Au dĂ©but de chaque tour, le joueur commence ainsi par prendre connaissance de la mĂ©tĂ©o, de la position de ses unitĂ©s ainsi que de leur Ă©tat. Il doit en effet gĂ©rer leurs stocks de carburant et de munitions et, si nĂ©cessaire, les faire rejoindre un port alliĂ© pour les ravitailler. Ă€ chaque tour, le joueur est Ă©galement informĂ© de la position des navires ennemis ayant dĂ©jĂ  Ă©tĂ© repĂ©rĂ©s. Il peut alors dĂ©cider de les poursuivre, si ses propres navires sont suffisamment rapides pour les intercepter, puis dĂ©finir les mouvements de sa flotte. Il peut ensuite donner des directives Ă  ses avions, qu’ils soient dĂ©jĂ  en vol ou sur un porte-avions, comme se dĂ©placer, accompagner un convoi, effectuer une mission de reconnaissance ou suivre un navire ennemi. Si des navires ennemis ont Ă©tĂ© repĂ©rĂ©s, le joueur peut alors dĂ©cider de les attaquer ou, au contraire, de battre en retraite[9]. Le jeu prend en compte la ligne de vue des unitĂ©s et les mouvements des navires n’ayant pas encore Ă©tĂ© repĂ©rĂ©s par le joueur lui sont donc cachĂ©s par l’ordinateur[8]. Les joueurs gagnent des points en dĂ©truisant les unitĂ©s adverses. Une fois que les Britanniques ont rĂ©ussi Ă  faire couler le Bismarck, ou après trente tours de jeu, la partie se termine[9]. Suivant leur nombre de points, la victoire est alors attribuĂ©e aux Britanniques ou aux Allemands[7].

DĂ©veloppement

Le dĂ©veloppement de Computer Bismarck dĂ©bute au cours de l’étĂ© 1979, lorsque Joel Billings dĂ©cide de fonder le studio Strategic Simulations pour crĂ©er un jeu de guerre sur ordinateur. Afin de recruter un programmeur intĂ©ressĂ© par son projet, il rĂ©dige un tract qu’il affiche dans une boutique de jeu locale et il ne tarde pas Ă  ĂŞtre contactĂ© par John Lyons, un fan de jeu de guerre ayant des compĂ©tences en programmation informatique. Le courant passe bien entre eux et ils commencent rapidement Ă  dĂ©velopper leur premier jeu de guerre basĂ© sur la Seconde Guerre mondiale. Joel est en effet passionnĂ© de cette pĂ©riode depuis son plus jeune âge et prĂ©fère des jeux comme Tactics II et Gettysburg au jeu de rĂ´le de fantasy Donjons et Dragons[10]. Afin d'en simplifier la rĂ©alisation et de tirer avantage des options offertes par l’ordinateur dans le domaine des jeux de guerre, il dĂ©cide d’en faire un wargame naval basĂ© sur la poursuite du cuirassĂ© Bismarck. D’après lui, cet Ă©pisode de la Seconde Guerre mondiale offre en effet deux avantages. Il permet tout d’abord de limiter le nombre d’unitĂ©s Ă  gĂ©rer par l’ordinateur – le Bismarck et le Prinz Eugen – et donc de faciliter la programmation de l’intelligence artificielle nĂ©cessaire pour offrir au joueur l’option de jouer seul contre l’ordinateur. Il propose Ă©galement une situation parfaite pour tirer avantage de la possibilitĂ©, offerte par l’ordinateur, de cacher au joueur les mouvements des navires qu’il poursuit[11]. En s’inspirant des jeux de plateau qu’il possède sur ce thème, il imagine un premier concept. Il se procure Ă©galement un ordinateur afin que John Lyons puisse travailler sur le jeu depuis chez lui. En aoĂ»t 1979, ce dernier commence donc Ă  programmer un système permettant de rendre ces affrontements sur un micro-ordinateur TRS-80. Lorsqu’il y parvient, Joel commence Ă  chercher des financements pour leur projet. Il profite d’abord de ses connaissances en marketing, acquises au cours de ses Ă©tudes, pour entreprendre une Ă©tude de marchĂ© auprès du magasin de jeu local ainsi qu’à une convention de joueurs organisĂ©e Ă  San Francisco[10]. Cette Ă©tude, la première rĂ©alisĂ©e sur ce sujet, montre un recoupement entre la population des fans de jeux de guerre et celle des possesseurs de micro-ordinateurs, comme le TRS-80, l’Apple II et le Commodore PET. L’ordinateur apparaĂ®t en plus comme un support particulièrement adaptĂ© Ă  ce type de jeu, grâce Ă  sa capacitĂ© Ă  en gĂ©rer les nombreux paramètres, tout en offrant de nouvelles possibilitĂ©s, comme celle de jouer seul contre l’ordinateur ou de cacher certaines informations, comme les dĂ©placements, aux autres joueurs[12]. Dans ce contexte favorable, Joel commence Ă  chercher des financements pour son projet. Six semaines après le dĂ©but du dĂ©veloppement, il rencontre Tom Shaw du studio Avalon Hill pour lui parler de son projet, mais l’entretien se rĂ©vèle infructueux. Il contacte Ă©galement un des fondateurs d’Automated Simulations après avoir vu un de leurs jeux dans un magasin, mais ce dernier n’est pas non plus intĂ©ressĂ© par son projet[10] - [13]. Joel rĂ©alise alors qu’il devra lui-mĂŞme publier le jeu et il se tourne vers sa famille pour rĂ©unir 40 000 $ afin de financer son dĂ©veloppement, sa publication et sa promotion[14]. Après une rencontre avec Trip Hawkins, qui travaille Ă  l’époque pour Apple, Joel dĂ©cide de dĂ©velopper le jeu pour l’ordinateur d’Apple plutĂ´t que pour le TSR-80. Deux mois après le dĂ©but du dĂ©veloppement, son oncle lui procure un Apple II et John commence Ă  programmer sur celui-ci en BASIC. Après avoir converti le code pour l’adapter Ă  l’Apple II, Joel et John dĂ©couvrent un package de graphismes qui leur permet de crĂ©er la carte du jeu sur cette nouvelle plateforme. Les deux dĂ©veloppeurs ne rencontrent ensuite plus de problèmes et fin janvier 1980, après six mois de dĂ©veloppement, le jeu – qu’ils ont baptisĂ© Computer Bismarck – est terminĂ©[10] - [13].

Production et promotion

Conscient de la nĂ©cessitĂ© de donner au packaging du jeu une apparence professionnelle pour parvenir Ă  le vendre Ă  60 $ l’unitĂ© – soit quatre ou cinq fois le prix standard pour un jeu sur ordinateur Ă  l’époque – Joel Billings souhaite s’inspirer de la qualitĂ© de celui des jeux Avalon Hill qu’il considère comme la rĂ©fĂ©rence dans ce domaine[14] - [10]. Il dĂ©cide donc rapidement de faire appel Ă  un professionnel pour concevoir l’artwork et le packaging du jeu et contacte alors Louis Saekow qu’il a rencontrĂ© quelques annĂ©es auparavant Ă  l’universitĂ© Stanford et dont il connait le souhait de devenir graphiste[10]. Ă€ l’époque, ce dernier n’a que peu d’expĂ©rience dans ce domaine et Joel est d’abord rĂ©ticent Ă  lui confier ce travail. Pour le convaincre, Louis Saekow assure donc Ă  Joel que si le rĂ©sultat ne lui plaĂ®t pas, il n’aura pas Ă  le payer. Soucieux de ne pas laisser Ă©chapper cette opportunitĂ©, il se met au travail immĂ©diatement et, par l’intermĂ©diaire de son colocataire, il obtient l’accès Ă  une stat camera (en) qu’il utilise pour rĂ©aliser l’artwork du jeu. Après 500 heures (en deux semaines) de travail, il prĂ©sente le rĂ©sultat Ă  Joel qui, satisfait, lui offre des parts dans sa sociĂ©tĂ©[10]. Le packaging se voit ensuite complĂ©tĂ© avec un manuel, Ă©galement rĂ©alisĂ© par un professionnel, mais aussi une sĂ©rie d'Ă©lĂ©ments destinĂ©s Ă  aider le joueur, dont une carte reprĂ©sentant la zone couverte dans le jeu[14]. Celui-ci terminĂ©, et l’impression assurĂ©e par un cousin de Louis Saekow, la production du jeu peut commencer et Joel ne tarde pas Ă  se retrouver avec les 2 000 premières copies du jeu sur les bras, qu’il entrepose dans sa chambre jusqu’à ce que Strategic Simulations dĂ©mĂ©nage dans de nouveaux locaux[14] - [10].

La quasi-totalitĂ© de l’argent non dĂ©pensĂ© en interne par Strategic Simulations est utilisĂ©e pour promouvoir le jeu[14]. Ils envoient ainsi 30 000 tracts Ă  des possesseurs d'Apple II puis, en mars, ils le prĂ©sentent lors de l'Applefest de San Francisco[10]. Pour le prĂ©senter comme quelque chose de rĂ©ellement nouveau, ils imaginent un slogan accrocheur « le wargame Ă  2 160 $ », ce qui correspond au prix du jeu additionnĂ© Ă  celui du micro-ordinateur Apple II nĂ©cessaire pour y jouer[14] - [12]. Computer Bismarck parvient ainsi Ă  attirer l’attention des mĂ©dias spĂ©cialisĂ©s dans les jeux de guerre traditionnels avec notamment des articles dans des magazines comme Fire and Movement[14].

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Critiques

Ordinateur gris équipé d'un clavier, de deux lecteurs de disquette et d'un petit moniteur.
Une partie des critiques juge la version Apple II plus amusante grâce à ses graphismes en couleurs et à des temps de chargement et de calcul moins longs.

À la sortie de Computer Bismarck en 1980, le magazine Byte le décrit comme un tournant dans le développement des wargame et salue la possibilité de jouer seul contre l’ordinateur ainsi que la qualité de sa documentation. La critique du jeu est cependant globalement défavorable, même si son auteur estime qu’il est peut-être injuste d’espérer du premier wargame sur ordinateur d'être vraiment abouti. L’auteur du test critique notamment le jeu pour son adaptation fidèle des mécanismes du jeu de plateau Bismarck, dont certains ne sont pas spécialement adaptés à un jeu sur ordinateur. Il regrette ainsi qu’il perpétue le système « irritant » de déplacement des navires du jeu original et conclut que son principal défaut est de ne pas exploiter les possibilités offertes par la plate-forme[7]. La plupart des critiques publiées à l’époque sont cependant positives. Ainsi, le magazine Popular Mechanics salue son niveau de détail et sa capacité à recréer les manœuvres complexes d’une véritable bataille navale, pour conclure qu’il est « unique » et « fantastique »[15]. Le magazine Fire and Movement en fait également une critique particulièrement élogieuse, son auteur saluant notamment la prise en charge par l’ordinateur de tous les facteurs techniques de la simulation, ainsi que de la dissimulation des unités. Son seul reproche concerne le temps nécessaire à l’ordinateur pour calculer les déplacements de toutes les unités du camp anglais, qu’il estime à une vingtaine de minutes par tour[4]. Pour le journaliste du magazine Creative Computing, le jeu n’est pas destiné à n’importe qui car il est « extrêmement complexe ». Il le recommande néanmoins de manière « enthousiaste » aux joueurs prêts à relever le défi[6]. De son côté, la critique du magazine Microcomputing met en avant la différence entre les versions TRS-80 et Apple II du jeu. Il juge en effet cette dernière plus amusante grâce à ses graphismes en couleurs et à des temps de chargement et de calcul moins longs[16].

Après la sortie de Computer Bismarck en France, le magazine Tilt teste la version TRS-80 en 1984 et lui attribue une note de trois sur six[17]. Le même magazine teste la version Apple II un an plus tard, en 1985, et lui attribue une note de cinq sur six[18]. Le jeu est alors décrit par la critique comme un wargame « difficile et passionnant »[9]. Rétrospectivement, le magazine Cyber Stratège juge en 1997 que si le jeu est désormais « désuet », il conserve « une valeur (sentimentale et financière) inestimable auprès des collectionneurs »[8].

Ventes

Le dĂ©veloppement terminĂ©, Strategic Simulations rĂ©alise ses deux premières ventes en fĂ©vrier 1980 : deux copies Ă  la boutique Hobby de San Antonio et cinquante copies au Computerland de Los Altos[12] - [14]. Une semaine plus tard, le studio dĂ©mĂ©nage de l’appartement de Joel. Dans leurs nouveaux locaux, ils affichent une carte des États-Unis sur laquelle ils ajoutent une Ă©pingle Ă  chaque fois qu’ils parviennent Ă  vendre le jeu dans une nouvelle ville. En Ă  peine six semaines, la carte est entièrement remplie[14]. Au total, le studio vend ainsi plus de 8 000 copies du jeu[14].

Postérité

Impact sur le genre

Les premiers exemples de wargame sur ordinateur sont les simulations de combat développées par l’armée des États-Unis dans les années 1950 et 1960[19]. Ces programmes sont cependant destinés à un usage militaire et il faut attendre les années 1970 pour voir apparaitre, sur ordinateur central, les premiers wargame visant à divertir. Ce type d’ordinateur, destiné à la recherche plutôt qu’à un usage personnel, reste à l’époque extrêmement cher et les jeux développés pour ces derniers ne sont donc pas commercialisés[19] - [20]. Les jeux de plateau connaissent à l’époque leur heure de gloire et l’arrivée sur le marché en 1977 des premiers modèles de micro-ordinateurs à usage du grand public – l’Apple II, le TRS-80 et le Commodore PET – préfigure l’arrivée de wargames destinés au grand public[21] - [12]. L’année suivante, Chris Crawford porte ainsi Tanktics sur Commodore PET et en vend la première copie en décembre 1978[12]. C’est dans ce contexte que Strategic Simulations développe Computer Bismarck qui est publié en février 1980[13] - [12]. Bien que Tanktics lui soit antérieur, Computer Bismarck est généralement considéré comme un bon candidat au titre de premier véritable wargame sur ordinateur personnel[21]. Contrairement à son prédécesseur, il est en effet développé avec pour objectif d’être produit et vendu en grande quantité grâce notamment aux possibilités graphiques offertes par l’Apple II et à un packaging de qualité, dans la veine de ceux généralement proposés pour un jeu de plateau[12]. Pour Bob Proctor, du magazine Computer Gaming World, le jeu est ainsi le premier « wargame sérieux sur micro-ordinateur » et il contribue à légitimer le genre, et plus généralement les jeux sur ordinateur, en proposant un packaging « professionnel » alors que ses prédécesseurs étaient distribués dans des sachets plastiques refermables[10] - [13].

Impact pour Strategic Simulations

La qualitĂ© du packaging du jeu permet Ă  Strategic Simulations de rapidement s'imposer comme un Ă©diteur sĂ©rieux. Le studio reçoit ainsi de nombreuses propositions de la part de programmeurs fans de jeux de guerre qui souhaitent faire publier leurs crĂ©ations par sa sociĂ©tĂ©[13]. En plus de Computer Ambush, dĂ©veloppĂ© en interne par Ed Williger[22], le studio va ainsi publier de nombreux jeux dĂ©veloppĂ©s par des programmeurs indĂ©pendants comme Computer Quarterback de Dan Bunten, Computer Conflict de Roger Keating, Computer Air Combat et Computer Baseball de Charles Merrow et Jack Avery et The Battle of Shiloh et Tigers in the Snow de Chuck Kroegel et David Landrey[13]. Dès 1980, la sociĂ©tĂ© compte ainsi six wargames dans son catalogue, ce qui lui permet de rĂ©aliser un chiffre d’affaires de 317 000 $ dès sa première annĂ©e d'opĂ©ration, avec une perte nette de seulement 60 000 $, relativement prĂ©visible dans ce contexte[14]. Au cours de ses trois premières annĂ©es d’existence, Strategic Simulations publie au total 28 jeux diffĂ©rents, principalement dĂ©veloppĂ©s par des programmeurs indĂ©pendants[13]. Cette profusion permet au studio de s’imposer comme un leader « solide » du marchĂ© des wargames sur ordinateur, malgrĂ© la concurrence d’Avalon Hill qui est pourtant l’un des plus importants Ă©diteurs de jeu de guerre sur table[22] - [23]. Le succès de Computer Bismarck est en revanche entachĂ© par des critiques qui soulignent ses similitudes avec le jeu de plateau Bismarck, le magazine Byte s’étonnant par exemple que la boite du jeu n’indique rien Ă  ce sujet[7] - [21]. En 1983, Avalon Hill, l’éditeur de Bismarck, attaque donc SSI en justice en accusant le studio d’avoir copiĂ© les mĂ©canismes de jeu de ses jeux de plateau dans, entre autres, Computer Bismarck. Les deux sociĂ©tĂ©s parviennent cependant Ă  un arrangement et l’affaire ne sera jamais jugĂ©e[2].

Le jeu Pursuit of the Graf Spee développé par Joel Billings et publié par Strategic Simulations en 1982 utilise le même moteur de jeu que Computer Bismark et propose un gameplay similaire. Comme son prédécesseur, il se déroule dans l’océan Atlantique pendant la Seconde Guerre mondiale. Le joueur y contrôle les forces armées britanniques lancées à la poursuite de l’Admiral Graf Spee, un croiseur cuirassé allemand[14] - [24]. À sa sortie, il ne rencontre qu’un succès mitigé avec seulement 2082 copies vendues[14].

Préservation

En décembre 2013, le fondateur de Strategic Simulations fait don, pour préservation, de Computer Bismarck et de son code source à l’International Center for the History of Electronic Games dans le cadre d’une donation incluant plusieurs autres titres édités par le studio[25].

Notes et références

  1. (en) R.R. Bowker Company et Bantam Books, 1984 Complete Sourcebook of Personal Computing, Bowker, (ISBN 0-8352-1765-5), p. 251.
  2. (en) Rusel DeMaria et Johnny L. Wilson, High Score: The Illustrated History of Electronic Games, McGraw-Hill Osborne Media, , 2e éd., 158–159 p. (ISBN 0-07-223172-6).
  3. (en) Ludovic Kennedy, Pursuit: The Sinking of the Bismarck, William Collins Sons & Co Ltd, (ISBN 0-00-211739-8).
  4. (en) Richard Jarniven, « Game Profile: Computer Bismarck », Fire and Movement, no 23,‎ , p. 39-40 (ISSN 0147-0051).
  5. (en) « Sink the Bismarck with your Apple! (advertisement) », Byte,‎ , p. 165 (ISSN 0360-5280).
  6. (en) Randy Heuer, « Computer Bismarck », Creative Computing, vol. 6, no 8,‎ , p. 31-34 (ISSN 0097-8140).
  7. (en) Peter A Ansoff, « Computer Bismarck », Byte, vol. 5, no 12,‎ , p. 282–286 (ISSN 0360-5280).
  8. « Computer Bismarck : Le pionnier », Cyber Stratège, no 3,‎ , p. 38 (ISSN 1280-8199).
  9. « Dossier : Vagues à l’arme - L'épisode Bismarck », Tilt, no 19,‎ , p. 52-54.
  10. (en) Craig Ritchie, « Developer Lookback – Stategic Simulations Inc (Part 1 of 2) », Retro Gamer, no 42,‎ , p. 34-39 (ISSN 1742-3155).
  11. (en) Paul Rigby, « Muskets and Magic », The Games Machine, no 24,‎ , p. 69-72 (ISSN 0954-8092).
  12. (en) Ezra Sidran, « Worlds at War: The history of wargames Part 2 », Computer Games Strategy Plus, no 23,‎ , p. 20-27.
  13. (en) Bob Proctor, « Titans of the Computer Gaming World: Strategic Simulations, Inc. (SSI) », Computer Gaming World, no 45,‎ , p. 36-37, 48 (ISSN 0744-6667).
  14. (en) Jimmy Maher, « Opening the Gold Box, Part 1: Joel Billings and SSI », sur Filfre.net, .
  15. (en) Neil Shapiro, « PM Electronics Monitor: Have your own war room », Popular Mechanics, vol. 154, no 2,‎ , p. 13 (ISSN 0032-4558).
  16. (en) Ed Umlor, « New Software: Computer Bismarck », Microcomputing,‎ , p. 16.
  17. Stormbringer, « Dossier: Kriegspiel! », Tilt, no 10,‎ , p. 64-65.
  18. « Dossier : Vagues à l’arme - 23 batailles navales au Tiltoscope », Tilt, no 19,‎ , p. 62.
  19. (en) Neal Roger Tringham, Science Fiction Video Games, CRC Press, , 536 p. (ISBN 978-1-4822-0389-9, lire en ligne), « Chapter 13 : Computer Wargames », p. 324.
  20. Harrigan, Kirschenbaum et Dunnigan 2016, The Digital Age, p. 25.
  21. Harrigan, Kirschenbaum et Dunnigan 2016, The Digital Age, p. 26.
  22. (en) Jack Powell, « War Games: The story of S.S.I. », Antic, vol. 4, no 3,‎ , p. 28 (ISSN 0113-1141).
  23. (en) Matt Barton, Dungeons and Desktops : The History of Computer Role-Playing Games, Wellesley, CRC Press, , 451 p. (ISBN 978-1-4398-6524-8, lire en ligne), « Chapter 6: The Early Golden Age », p. 98.
  24. (en) Bob Proctor, « Gameline: Pursuit of the Graf Spee », Softline, vol. 1, no 6,‎ , p. 22 (ISSN 0745-4988).
  25. (en) Christian Nutt, « Strategic Simulations, Inc. founder donates company collection to ICHEG », sur Gamasutra, .

Bibliographie

  • (en) Pat Harrigan, Matthew Kirschenbaum et James Dunnigan, Zones of Control : Perspectives on Wargaming, MIT Press, , 848 p. (ISBN 978-0-262-33495-2, lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
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