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Cité d'urgence

En France, une cité d'urgence est un type de construction, réalisé comme son nom l'indique dans « l'urgence » face aux problèmes de mal-logement dans les années 1950. Ces cités d'urgence, censées rester une solution provisoire permettant de résorber les bidonvilles dans l'attente de la construction des grands ensembles de logements sociaux, ont pourtant duré bien plus longtemps que prévu, jusque dans les années 1970, voire au-delà.

De fait, ces constructions sommaires, vouées à une destruction rapide, ont offert un logement certes moins précaire que les camps de fortune, mais ont très mal résisté au temps. Cet habitat, bien vite insalubre, souvent constitué d'un gros œuvre sans dallage, de pièces aux murs blanchis à la chaux, sans sanitaires, a été bien vite détruit dès que les solutions de relogement se sont présentées.

Histoire

Les cités d'urgence sont nées après l'appel de 1954 de l'abbé Pierre. Devant les problèmes de mal-logement, le gouvernement débloque dix milliards de francs (243 millions d'euros de 2022) pour la construction rapide de logements. Certains lieux imposés sont clairement inappropriés : ainsi, pour aller plus vite, l'abbé Pierre impose, pour la cité d'urgence du Plessis-Trévise, un lieu dans la forêt, humide et en pente ; il veut « des hangars avec un poêle au milieu ». L'architecte Pierre Dufau qui construit la cité, sans prendre d'honoraires, impose[1] des salles de bains, de larges baies vitrées, la séparation des chambres des enfants et des parents et un plan polyvalent permettant aussi de loger des célibataires. Ce plan-type sera repris à Ham (Somme).

À Rennes, la cité d'urgence de Cleunay (93 logements) compte parmi les premières construites[2] en France. Le terrain est nivelé dès le par les bulldozers du 6e Génie d'Angers, puis sont construites les maisonnettes, avec une entrée aménagée en cellier, un séjour, une chambre et un WC. Elles sont équipées d'un évier, d'un WC à la turque, d'une douche à l'eau froide — il est possible d'obtenir l'eau chaude en raccordant le logement — et d'un branchement électrique. Cette cité est détruite en 1981-1982 dans le cadre de travaux de réhabilitation.

Dans certaines villes, ce sont des installations laissées par les Occupants qui tiennent lieu de cité d'urgence ; pour Angers, c'est le cas des baraquements du domaine de Pignerolle à Saint-Barthélemy-d'Anjou. Cette cité devient très rapidement un taudis insalubre et criminogène ; elle est finalement évacuée[3] en 1961.

Certaines cités d'urgence sont des manifestes de l'architecture nouvelle. À Bobigny, la cité de l'Étoile, construite par Georges Candilis, élève du Corbusier, avec ses grandes coursives et ses balcons, est considérée comme un modèle. Dégradée au fil des années, elle doit être détruite en 2010 mais y échappe après avoir été labellisée « Patrimoine du XXe siècle ». Pendant ce temps, les habitants attendent des travaux nécessaires, qui sont finalement décidés[4] en 2016 : sur 763 logements, 223 vont être démolis, 204 restaurés et 332 libérés pour être réhabilités et restructurés en 277 logements. C'est l'une des rares cités d'urgence qui échappe à la démolition.

Disparition

Destruction de la cité d'urgence de Montbéliard en 2007.

La résorption des cités d'urgence a été très longue. En 2015, on en démolissait encore dans le quartier d'Herbet, à Clermont-Ferrand[5].

Si aujourd'hui beaucoup des cités d'urgence ont disparu, il en reste la mémoire. Une baraque-témoin est construite à Plœmeur près de Lorient pour témoigner des conditions de vie dans ces cités d'urgence.

Dieppe compte une cité d'urgence construite en 1954 et rasée en 1994[6] ; l'entreprise Saint-Martin se charge de la construction des maisons de briques couvertes de zinc, équipées d'un bac à lessive servant pour la douche, raccordées au gaz de ville et au tout-à-l'égout. En face de la cité provisoire se trouve la « cité Michel », un ensemble de demi-lunes laissées par des militaires (hangars Nissen) qui abrite deux cents personnes, soit une trentaine de familles, jusqu'en 1968.

À Pessac, la cité d'urgence du quartier de Magonty était composée de baraquements en bois implantés en 1960 sur un terrain communal. Après de multiples démarches du syndicat de quartier pour exiger sa démolition, elle est finalement reconstruite sur place en 1993-1994.

Dans les Yvelines, il y avait plusieurs cités d'urgence : Les Grandes-Vignes à Mantes-la-Jolie, les Vaux-Monneuses à Mantes-la-Ville, Bècheville aux Mureaux, toutes rasées à la fin des années 1990. La dernière, à Meulan, est rasée en 2003[7].

À Saint-Quentin, la cité d'urgence de la Chaussée romaine est construite en 1956 et rasée en 2010[8] ; ses habitants se chauffaient au bois.

À Orléans, la cité d'urgence du Sanitas, faubourg Madeleine, partiellement squattée et devenue un no man's land, a été détruite[9] en partie en 2012 ; dix personnes y vivaient encore. Deux baraques ont subsisté, habitées.

À Melun (Seine-et-Marne), la cité d'urgence construite en 1954 détruite progressivement à la fin des années 1970 comptait 125 habitations.

À Bourg-en-Bresse, la cité d'urgence avait été construite en 1955 rue Descartes, dans le quartier des Vennes. Elle comptait dix logements et n'a été rasée qu'en 2017[10]. Les derniers locataires l'avaient quitté en 2012.

À Flers, la cité d'urgence du quartier du Clos Morel, construite en 1954 et réhabilitée en 1996, a été démolie en 2013 après le départ du dernier habitant.

À Saint-Malo, la cité de l'Espérance comptait trente logements construits de 1955 à 1960 ; elle est rasée[11] en 2015-16 dans le cadre de l'ANRU et remplacée par 22 maisons.

Dijon se débarrasse aussi de ses cités d'urgence ; la dernière, la cité Stalingrad (136 logements), est rasée en 2015.

À Angers (Maine-et-Loire) en 2022, quatre anciennes cités de l'urgence construites dans les années 1970 sont l'objet d'un concours collaboratif dans le but de les réhabiliter selon des critères sociaux et environnementaux[12].

Notes et références

  1. Pierre Dufau, « Site du grand architecte français Pierre Dufau – architecture moderne », sur pierre-dufau.com (consulté le ).
  2. « Cité d’urgence de Cleunay », sur wiki-rennes.fr (consulté le ).
  3. Archives patrimoniales de la ville d'Angers, « Pignerolle : cité de relogement », sur archives.angers.fr (consulté le ).
  4. « Bobigny : la cité de l'Etoile sauvée de la destruction », lesechos.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. Ville de Clermont-Ferrand, 2015.
  6. Michel Recher et Noroit Services, « Dieppe-Janval : de la Cité Provisoire à l'école Jules Ferry », sur dieppe-janval.fr (consulté le ).
  7. « La dernière des cités d'urgence disparaît », leparisien.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. (en) « Saint-Quentin : Les mémoires de la cité d’urgence », sur Le Courrier Picard (consulté le ).
  9. David Creff, « La cité d’urgence Sanitas partiellement détruite », larep.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. « Quartier des Vennes : les travaux de l’ancienne cité d’urgence ont débuté », Le Progrès,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. « Saint-Malo. L’ex Cité d’urgence a changé de visage », Ouest-France.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. « À Angers, un concours collaboratif pour réhabiliter d'anciennes cités d'urgence », sur Les Échos, (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

  • Raymond Jean, La Ligne 12, Le Seuil, , 153 p. (ISBN 2-02-001198-0). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
    Le héros vit dans une cité d'urgence, décrite dans le deuxième chapitre.

Liens externes

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