AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Chrysotriklinos

Le Chrysotriklinos (en grec : Î§ÏÏ…ÏƒÎżÏ„ÏÎŻÎșλÎčÎœÎżÏ‚, "salle dorĂ©e des trois lits", en latin : triclinium) fut la principale salle de rĂ©ception et de cĂ©rĂ©monie du Grand Palais de Constantinople depuis sa construction Ă  la fin du VIe siĂšcle jusqu’au Xe siĂšcle. Nous ne connaissons son apparence que par diverses sources littĂ©raires dont le De Ceremoniis, recueil de cĂ©rĂ©monies impĂ©riales rĂ©digĂ© par Constantin VII : une grande salle octogonale Ă  coupole recouverte de mosaĂŻques d'or et comportant trois « lits », c'est-Ă -dire trois grandes banquettes de rĂ©ception. Cette salle symbolisait par sa majestĂ© la toute-puissance des empereurs byzantins. Aussi a-t-elle inspirĂ© la construction d’autres Ă©difices dont la chapelle palatine de Charlemagne Ă  Aix-la-Chapelle.

Le Grand Palais de Constantinople et ses environs ; le Chrysotriklinos devait se trouver au sud prĂšs du Palais Boukoleon et du Pharos.

Emplacement

Ce que l’on appelle le Grand Palais de Constantinople Ă©tait en fait constituĂ© de deux palais, le premier bĂąti originellement par Constantin Ier au nord, et un nouveau palais qui prit forme Ă  la fin du VIIe siĂšcle. Le vieux palais Ă©tait situĂ© Ă  32 m. au-dessus de la mer, Ă  cĂŽtĂ© de la cathĂ©drale Hagia Sophia et de l’Hippodrome. Le nouveau palais Ă©tait situĂ© 16 mĂštres en contrebas. SituĂ© entre le Grand Palais au nord et le palais de Boukoleon au sud, le Chrysotriklinos avait Ă  sa gauche le Lausiakos et le Ioustinianos et Ă  sa droite la Nea Ekklesia. Il devint le centre de la vie Ă  la cour lorsque les empereurs transfĂ©rĂšrent leur rĂ©sidence des anciens Ă©difices situĂ©s sur la terrasse supĂ©rieure vers des Ă©difices plus prĂšs du niveau de la mer ; le Chrysotriklinos devait se trouver juste au-dessus du port du Boukoleon et permettait de passer des salles rĂ©servĂ©es Ă  l’administration aux appartements privĂ©s de l’empereur[1].

Histoire

La basilique San Vitale de Ravenne ; son plan devait ĂȘtre assez semblable Ă  celui du Chrysotriklinos.

Les sources ne s’accordent pas sur la date de la construction du Chrysotriklinos[2]. On croit gĂ©nĂ©ralement que la salle serait due Ă  Justin II (r. 565 – 578) et aurait par la suite Ă©tĂ© complĂ©tĂ©e et dĂ©corĂ©e par son successeur, TibĂšre II (r. 578 – 582) [3]. Selon la Suda, ouvrage grec de rĂ©fĂ©rences de la fin du Xe siĂšcle, elle serait due Ă  Justin Ier (5. 518 – 527), alors que selon la Patria de Constantinople[N 1], elle serait l’Ɠuvre de l’empereur Marcien (r. 450 – 457). Selon l’historien Jean Zonaras, thĂ©ologien et historien byzantin du XIIe siĂšcle, Justin II aurait en fait reconstruit un Ă©difice prĂ©existant Ă  partir du palais d’Hormisdas datant de Justinien Ier (r. 527 – 565)[4]. AprĂšs la pĂ©riode iconoclaste de l’Empire byzantin, la salle fut embellie successivement par les empereurs Michel III (r. 842 – 867) et Basile Ier (r. 866 – 886). Contrairement aux Ă©difices de l’aile de DaphnĂ© du Grand Palais qui ne servaient qu’à un seul usage, le Chrysotriklinos combinait les fonctions de salle du trĂŽne lors de rĂ©ceptions et d’audiences, ainsi que celle de salle de banquet[4] - [5]. Comme les appartements impĂ©riaux lui Ă©taient contigus, la salle devint le lieu privilĂ©giĂ© des cĂ©rĂ©monies quotidiennes du palais au point oĂč Constantin VII PorphyrogĂ©nĂšte (r. 945 – 959) s’y rĂ©fĂšre simplement comme « le palais » [6]. Plus prĂ©cisĂ©ment, le De Ceremoniis mentionne qu’il servait pour la rĂ©ception des ambassades Ă©trangĂšres, pour la remise des titres et dignitĂ©s, ainsi que comme point de rassemblement pour diffĂ©rents festivals religieux, en plus de se transformer en salle de banquet lors de grandes fĂȘtes comme PĂąques [7].

Le Chrysotriklinos devint ainsi le centre du nouveau Palais de Boukoleon, lorsque l’empereur NicĂ©phore II (r. 963 – 969) fit fortifier la partie sud du Grand Palais en direction de la mer. Toutefois, Ă  partir du XIe siĂšcle, les empereurs dĂ©laissĂšrent le Boukoleon en faveur du palais des Blachernes situĂ© dans la partie nord-ouest de la ville[4]. AprĂšs la chute de Constantinople aux mains des latins lors de la QuatriĂšme Croisade, les empereurs latins (1204 – 1261) utilisĂšrent principalement le Boukoleon, ce que fit Ă©galement, du moins pour un temps, Michel VIII PalĂ©ologue (r. 1259 – 1282) pendant que le palais des Blachernes Ă©tait restaurĂ©. On trouve mention du Chrysotriklinos pour la derniĂšre fois en 1308, quoique les ruines du Grand Palais subsistĂšrent jusqu’à la fin de l’Empire byzantin[4].

Description

L’intĂ©rieur de la chapelle palatine de Charlemagne dont le plan aurait suivi celui du Chrysotriklinos.

En dĂ©pit de son importance et de frĂ©quentes mentions dans les textes byzantins, aucune description complĂšte n’a Ă©tĂ© faite du Chrysotriklinos[3]. Toutefois, si l’on rassemble ce qu’en disent les sources, il semble qu’il s’agissait de huit espaces voutĂ©s (ÎșÎ±ÎŒÎŹÏÎ±Îč) qui ouvraient sur une salle octogonale couronnĂ©e par un dĂŽme[8] - [N 2]. De ces huit petites salles, une seule constituait une vĂ©ritable abside (ÎșÏŒÎłÏ‡Î·), les autres Ă©tant simplement des renfoncements fermĂ©s par des rideaux[6] - [2]. Les arches qui surmontaient ces espaces supportaient un toit percĂ© de seize fenĂȘtres (probablement deux pour chacune des huit petites salles attenantes[9]). La forme et le caractĂšre d’ensemble du Chrysotriklinos devaient ĂȘtre utilisĂ©s plus tard par Charlemagne dans la construction de la chapelle palatine du palais d’Aix-la-Chapelle quoique le modĂšle immĂ©diat ait probablement Ă©tĂ© San Vitale de Ravenne, situĂ©e Ă  l’intĂ©rieur de son royaume[10] La grande diffĂ©rence toutefois Ă©tait que ces Ă©difices constituaient des structures indĂ©pendantes, alors que le Chrysotriklinos constituait un lieu de passage entre divers Ă©difices auxquels on accĂ©dait par des portes situĂ©es dans les petites salles voutĂ©es[11].

À l’intĂ©rieur, le trĂŽne Ă©tait situĂ© sur le cĂŽtĂ© est (le bēma) derriĂšre une balustrade de bronze. À sa gauche (nord) se trouvait l’ « oratoire de saint ThĂ©odose » oĂč Ă©taient conservĂ©es la couronne de l’empereur de mĂȘme que diverses reliques dont le bĂąton dont MoĂŻse s’était servi pour sĂ©parer les eaux du Nil ; l’empereur s’en servait Ă©galement lorsqu’il devait changer de vĂȘtements[3]. À l’opposĂ© (sud) se trouvait l’entrĂ©e principale et le vestibule extĂ©rieur (Tripeton) oĂč se trouvait l’Horologion (probablement appelĂ© ainsi parce qu’il contenait un cadran solaire) et par lequel on accĂ©dait aux salles du Lausiakos et du Justinianos, toutes deux attribuĂ©es Ă  Justinien II (r. 685-695 et 705-711). À gauche des portes de l’ouest se trouvait le Diaitarikion, antichambre Ă  la disposition du papias, intendant du palais, oĂč celui-ci dĂ©posait les clĂ©s, symbole de son office, aprĂšs l’ouverture solennelle de la salle chaque matin. Suivaient, en remontant vers le nord le Pantheon servant d’antichambre pour les hauts-fonctionnaires attendant d’ĂȘtre convoquĂ©s. CĂŽtĂ© sud, on accĂ©dait aux appartements privĂ©s (Koitƍn) de l’empereur et de l’impĂ©ratrice par une porte d’argent installĂ©e par Constantin VII[6]. Lors des grands banquets, les choristes d’Hagia Sophia et des Saints-ApĂŽtres Ă©taient disposĂ©s de part et d’autre de la salle, les uns devant l’entrĂ©e du Koitƍn, les autres leur faisant face devant le Pantheon[12] - [13].

On ne sait rien de la dĂ©coration telle qu’elle existait originellement au VIe siĂšcle. AprĂšs la fin de la pĂ©riode iconoclaste toutefois, elle fut refaite entre 856 et 866 et Ă©tait essentiellement constituĂ©e de mosaĂŻques monumentales[6] - [14]. Au Xe siĂšcle, l’ambassadeur Liutprand de Cremone n’hĂ©sitait pas Ă  parler de cette salle comme « de la plus belle du palais »[3]. Au-dessus du trĂŽne impĂ©rial se trouvait une image du Christ lui-mĂȘme assis sur un trĂŽne, alors qu’au-dessus de l’entrĂ©e principale figurait la Vierge Marie en compagnie de l’empereur Michel III, avec prĂšs d’eux le patriarche Photios. L’ensemble de la dĂ©coration se voulait ainsi une analogie entre la cour du Christ dans les cieux et celle de son reprĂ©sentant sur la terre dans l’empire [5].

La salle contenait des meubles de prix comme le Pentapyrgion (litt: les cinq tours), une armoire construite par l’empereur ThĂ©ophile (r. 829 – 842) exposant des vases prĂ©cieux, des couronnes et autres objets de valeur[15]. Lors de banquets impĂ©riaux, la banquette principale pouvait accueillir trente convives; deux autres banquettes pouvaient accueillir dix-huit dignitaires chacune. À l’occasion, l’empereur avait sa propre table, sĂ©parĂ©e des autres[9]. Lors d’occasions spĂ©ciales, on dĂ©ployait toutes les splendeurs d’apparat; c’était le cas par exemple pour les banquets donnĂ©s en l’honneur d’ambassadeurs arabes et qui sont dĂ©crites dans le De Ceremoniis. L’illumination se faisait alors par de grands chandeliers qui jetaient leur lumiĂšre sur les emblĂšmes impĂ©riaux, les reliques et autres objets prĂ©cieux venus de diverses Ă©glises et qui Ă©taient disposĂ©s sur les cĂŽtĂ©s pendant que le repas se faisait au son de deux orgues d’or et deux d’argent placĂ©s dans une galerie accompagnant les chƓurs de la cathĂ©drale Hagia Sophia et de l’église des Saints-ApĂŽtres[16].

Le Chrysotriklinos, cƓur de la vie de cour

AprĂšs l’office des matines cĂ©lĂ©brĂ©e dans le Lausiakos, le commandant de la garde et le papias se rendaient Ă  la porte de Skyla pour l’ouverture du palais. Ceci fait, les gardes y demeuraient en faction pendant que leur commandant retournait au Lausiakos et que le papias dĂ©posait ses clĂ©s dans la petite salle voutĂ©e qui lui servait d’antichambre. Les serviteurs dĂ©posaient alors le skaramangion[N 3] sur une banquette.

La premiĂšre heure du jour Ă©tant terminĂ©e, l’intendant principal se rendait devant les portes d’argent du Koitƍn impĂ©rial oĂč il frappait Ă  trois reprises. Lorsque l’empereur Ă©tait prĂȘt, les serviteurs lui apportaient le skaramangion qu’il revĂȘtait avant d’aller prier devant l’image du Christ au-dessus du trĂŽne impĂ©rial aprĂšs quoi il s’asseyait les jours ordinaires sur un siĂšge d’or (sellion) disposĂ© Ă  droite du trĂŽne vide lequel, au centre, reprĂ©sentait l’autoritĂ© suprĂȘme de Dieu. Il commandait alors au papias d’aller chercher le logothĂšte qui attendait au Lausiakos. À son arrivĂ©e et aprĂšs que les rideaux aient Ă©tĂ© ouverts devant lui, le logothĂšte se prosternait devant l’empereur.

AprĂšs Ă©tude des diffĂ©rents dossiers, gĂ©nĂ©ralement vers la troisiĂšme heure, le renvoi des personnes convoquĂ©es (« minsai », du latin « missa ») Ă©tait signalĂ©e par le papias qui, prenant ses clĂ©s sur le banc oĂč elles avaient Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es, les entrechoquait en sortant.

Les dimanches ordinaires, aprĂšs la liturgie de saint Basile cĂ©lĂ©brĂ©e dans le Lausiakos, si l’empereur le dĂ©sirait, une procession se dirigeait vers le Chrystotriklinos oĂč les fonctionnaires prenaient leur siĂšge pendant que le papias Ă©numĂ©rait les noms des personnes invitĂ©es au banquet impĂ©rial. Le papias entrechoquait alors ses clĂ©s pour marquer la fin de la cĂ©rĂ©monie et seuls demeuraient les invitĂ©s.

Les banquets d’envergure avaient lieu dans le Chrysotriklinos et dans le Ioustinianos attenant. L’empereur et sa famille, ainsi que les invitĂ©s spĂ©ciaux prenaient place Ă  la grande table, pendant que les autres invitĂ©s Ă©taient placĂ©s selon leur rang aux autres tables, l’importance de chacun Ă©tant symbolisĂ©e par la distance le sĂ©parant de la personne impĂ©riale. Lors d’occasions importantes, les orgues annonçaient les plats servis pendant que les choristes placĂ©s de part et d’autre de la salle se faisaient entendre et que les factions du cirque ayant depuis longtemps perdu leur vocation sportive exĂ©cutaient des danses[17].

Bibliographie

Sources primaires

  • Constantin VII PorphyrogĂ©nĂšte. De Ceremoniis. Paris, Les Belles Lettres, 1967.
  • Zonaras, « Ioannes Zonaras », Patrologia Graeca, Brepol Verlag, vol. 134, 1864 (ISBN 978-2-503-14342-2).

Sources secondaires

  • (en) Cormack, Robin. "But is it Art?". In Hoffman, Eva Rose F. (ed.). Late antique and medieval art of the Mediterranean world. Wiley-Blackwell., 2007. (ISBN 978-1-4051-2071-5).
  • (en) Fichtenau, Heinrich (1978). The Carolingian empire. Toronto, University of Toronto Press, 1978. (ISBN 978-0-8020-6367-0).
  • (en) Kazhdan, Alexander, ed. (1991). The Oxford Dictionary of Byzantium. Oxford and New York, Oxford University Press, 1991. (ISBN 0-19-504652-8).
  • (en) Kostenec, Jan. "Chrysotriklinos". (in) Encyclopedia of the Hellenic World, Constantinople. 2008-04-06, Retrieved 2009-09-20.
  • (en) Mango, Cyril A. (1986). The Art of the Byzantine Empire 312-1453: Sources and Documents. Toronto, University of Toronto Press, 1986. (ISBN 978-0-8020-6627-5).

Notes et références

Notes

  1. Collection de textes sur l'histoire et les monuments de Constantinople datant également de la fin du Xe siÚcle mais généralement peu fiable.
  2. On retrouve ce mĂȘme genre d’architecture Ă  l’église des Saints-Serge-et-Bacchus prĂšs de lĂ  et Ă  la basilique San Vitale de Ravenne
  3. Tunique avec ceinture et longues manches, fendue sur le devant et l’arriĂšre ou sur les cĂŽtĂ©s.

Références

  1. Featherstone (2015) pp. 588, 594-595
  2. Featherstone (2005) pp. 833-835
  3. Cormak (2004) p. 304
  4. Kostenec (2008), "Chrysotriklinos"
  5. Cormak (2007) p. 305
  6. Cormak (2007) pp. 304 -305
  7. Kazdhan (1991) vol.1, « Chrysotriklinos », p. 455
  8. De Ceremoniis, II, 15
  9. Kazdhan (1991) p. 455
  10. Fichtenau (1978) p. 68.
  11. Featherstone (2005) p. 836
  12. De Ceremoniis, II, 15, 585, 10-14
  13. Featherstone (2005) p. 839
  14. Mango (1986) p. 184
  15. Kazdhan (1991) p. 455-456
  16. Cormak (2007) p. 306
  17. Featherstone (2015) pp. 599-601

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.