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Chouette de Minerve

Dans la mythologie grecque, la Chouette chevĂȘche (Athene noctua) reprĂ©sente ou accompagne traditionnellement AthĂ©na, la dĂ©esse vierge de la sagesse, ou Minerve, son incarnation syncrĂ©tique dans la mythologie romaine[1]. En raison de cette association, l'oiseau, souvent appelĂ© chouette de Minerve ou la chouette d'AthĂ©na, a Ă©tĂ© utilisĂ© comme symbole de la connaissance, de la sagesse, de la perspicacitĂ© et de l'Ă©rudition dans le monde occidental[2] - [3].

PiĂšce en argent tĂ©tradrachme au MusĂ©e des Beaux-Arts de Lyon reprĂ©sentant la chouette d'AthĂ©na (environ –). L'inscription « ΑΘΕ » est une abrĂ©viation de « ΑΘΗΝΑΙΩΝ », qui peut ĂȘtre traduite par « des AthĂ©niens ». En usage quotidien, les drachmes athĂ©niennes Ă©taient appelĂ©es glaukes (γλαῊÎșΔς, « chouettes »).

Monde classique

GrĂšce

AthĂ©na tenant un casque et une lance, avec une chouette. AttribuĂ© au peintre de Brygos (vers –), Metropolitan Museum of Art.

Les raisons de l'association d'Athéna et de la chouette sont incertaines. Certains mythographes, tels que David Kinsley et Martin P. Nilsson, suggÚrent qu'elle pourrait descendre d'une déesse du palais minoen associée à des oiseaux[4] - [5] et Marija Gimbutas prétend retracer les origines d'Athéna à une ancienne déesse européenne des oiseaux et des serpents[6] - [7].

Cynthia Berger explique quant Ă  elle son utilisation comme symbole de sagesse par des caractĂ©ristiques telles que la capacitĂ© Ă  voir dans le noir[2]. D’autres enfin, comme William Geoffrey Arnott, proposent une simple association entre les mythes fondateurs d'AthĂšnes et le nombre important de ces oiseaux dans la rĂ©gion (un fait notĂ© depuis l'antiquitĂ© par Aristophane dans Les Oiseaux et Lysistrata)[8].

Quoi qu’il en soit, la ville d’AthĂšnes semble avoir adoptĂ© la chouette comme preuve de son allĂ©geance Ă  sa dĂ©esse protectrice[8] - [9] qui, selon un mythe Ă©tiologique populaire reproduit sur le fronton occidental du ParthĂ©non, a obtenu la faveur de ses citoyens en leur offrant un cadeau plus attrayant que PosĂ©idon[10].

Les AthĂ©niens reproduisaient gĂ©nĂ©ralement les chouettes sur des vases, des poids et des amphores remis aux Jeux PanathĂ©naĂŻques[8]. Cette chouette est mĂȘme devenue l’avers commun des tĂ©tradrachme athĂ©niens aprĂšs et selon Philochore[11], le tĂ©tradrachme athĂ©nien Ă©tait connu sous le nom de glaux (ÎłÎ»Î±ÏÎŸ, « petite chouette »)[12] dans tout le monde antique et « chouette » dans la numismatique actuelle[13] - [14]. Ces oiseaux furent mĂȘme utilisĂ©s pour motiver les AthĂ©niens dans les batailles contre d'autres villes grecques, comme lors de la victorieuse bataille d'Agathocles de Syracuse sur les Carthaginois en -310 (les chouettes qui volaient dans les rangs Ă©taient interprĂ©tĂ©es comme une bĂ©nĂ©diction d’AthĂ©na[2]) ou dans la bataille de Salamine, dont tĂ©moigne Plutarque dans la biographie de ThĂ©mistocle[15].

Rome

L'association entre la chouette et la dĂ©esse s'est poursuivie Ă  travers Minerve dans la mythologie romaine, bien que cette derniĂšre l'adopte parfois simplement comme un oiseau sacrĂ© ou favori. Par exemple, dans les MĂ©tamorphoses d’Ovide, Cornix le corbeau se plaint que sa place de dĂ©esse de l'oiseau sacrĂ© est occupĂ©e par la chouette, qui, dans cette histoire particuliĂšre se rĂ©vĂšle ĂȘtre NyctimĂšne, une fille maudite d'ÉpopĂ©e, roi de Lesbos[16].

L’ancien folklore romain considĂ©rait les chouettes comme annonciatrices de mort si elles hululaient perchĂ©es sur un toit. On croyait aussi que placer une de leurs plumes Ă  proximitĂ© d’un dormeur pouvait l’inciter Ă  rĂ©vĂ©ler ses secrets[1].

MĂ©taphore philosophique

Georg Wilhelm Friedrich Hegel, philosophe idĂ©aliste allemand du XIXe siĂšcle Ă©crivit que « Ce n’est qu’au dĂ©but du crĂ©puscule que la chouette de Minerve prend son envol » signifiant que la philosophie ne comprend un processus historique qu'au moment oĂč il est achevĂ©[17]. La philosophie n'apparaĂźt que dans la « maturitĂ© de la rĂ©alitĂ© », car elle ne comprend qu'avec du recul.

« Pour dire encore un mot sur la prĂ©tention d'enseigner comment doit ĂȘtre le monde, nous remarquons qu'en tout cas, la philosophie vient toujours trop tard. En tant que pensĂ©e du monde, elle apparaĂźt seulement lorsque la rĂ©alitĂ© a accompli et terminĂ© son processus de formation. Ce que le concept enseigne, l'histoire le montre avec la mĂȘme nĂ©cessitĂ© : c'est dans la maturitĂ© des ĂȘtres que l'idĂ©al apparaĂźt en face du rĂ©el et aprĂšs avoir saisi le mĂȘme monde dans sa substance, le reconstruit dans la forme d'un empire d'idĂ©es. Lorsque la philosophie peint sa grisaille dans la grisaille, une manifestation de la vie achĂšve de vieillir. On ne peut pas la rajeunir avec du gris sur du gris, mais seulement la connaĂźtre. Ce n'est qu'au dĂ©but du crĂ©puscule que la chouette de Minerve prend son vol. »

— Hegel (trad. AndrĂ© Kaan), Principes de la philosophie du droit, Gallimard,

Voir Ă©galement

Notes et références

  1. (en) Cassandra Eason, Fabulous Creatures, Mythical Monsters, and Animal Power Symbols : A Handbook, Westport, CT, USA, Greenwood Publishing Group, , 181 p. (ISBN 978-0-275-99425-9, lire en ligne), p. 71 :
    « The Roman goddess of wisdom Minerva has the owl as her sacred creature, as does her ancient Greek counterpart Athene. Athene was often depicted with an owl, which was considered a symbol of wisdom in both cultures. The best known image of Athene's owl, the Little Owl, is seen on ancient Athenian coins dating from the fifth century BCE. To the Romans an owl feather placed near sleeping people would prompt them to speak in their sleep and reveal their secrets. However, in Rome the owl was considered a harbinger of death if it perched on a roof or on a public building and hooted. The deaths of several Roman emperors, including the assassination of Julius Caesar, were signaled by an owl landing on the roof and hooting. »
  2. Cynthia Berger, Owls, Mechanicsburg, PA, USA, Stackpole Books, , 131 p. (ISBN 978-0-8117-3213-0, lire en ligne), p. X
  3. Susan J. Deacy et Alexandra Villing, Athena in the Classical World, Leiden, Netherlands, Brill, , 435 p. (ISBN 978-90-04-12142-3)
  4. (en) David Kinsley, The Goddesses' Mirror: Visions of the Divine from East and West, New York, SUNY Press, , 320 p. (ISBN 978-1-4384-0913-9, lire en ligne), p. 141
  5. (en) Nilsson, « The Minoan-Mycenaean religion and its survival in Greek religion », Acta Regiae Societatis Humaniorum Litterarum Lundensis, Biblo & Tannen Publishers, vol. 9,‎ , p. 491 (ISSN 0347-5123, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. (en) Marija Gimbutas, The Goddesses and Gods of Old Europe, - B.C. : Myths and Cult Images, Berkeley, 2, , 147–150 p. (ISBN 978-0-520-25398-8, lire en ligne)
  7. (en) Marija Gimbutas, The living goddesses, Berkeley, University of California Press, , 157–158 p. (ISBN 978-0-520-92709-4, lire en ligne)
  8. (en) William Geoffrey Arnott, Birds in the Ancient World from A to Z, Londres, Routledge, , 84–85 p. (ISBN 978-0-415-23851-9, lire en ligne)
  9. (en) David Sacks, A Dictionary of the Ancient Greek World, Oxford, Oxford University Press, , 306 p. (ISBN 978-0-19-511206-1, lire en ligne), p. 41
  10. (en) Palagia, « The Pediments of the Parthenon », Monumenta Graeca et Romana, Brill, vol. 7,‎ , p. 40 (ISSN 0169-8850, lire en ligne, consultĂ© le )
  11. Philochorus: Scholion to Aristophanes, Birds 1106.
  12. (en) D'Arcy Wentworth Thompson, A Glossary of Greek Birds, Oxford, Clarendon Press, (lire en ligne), p. 45–46
  13. Philip Harding: The story of Athens: The Fragments of the Local Chronicles of Attika.
  14. Kraay, C.M. The archaic owls of Athens: classification and chronology.
  15. (en) War and Society in the Greek World, Londres, Routledge, , 288 p. (ISBN 978-1-134-80783-3, lire en ligne)
  16. (en) William Scovil Anderson, Ovid's Metamorphoses, Books 1-5, Tulsa, University of Oklahoma Press, , 578 p. (ISBN 978-0-8061-2894-8, lire en ligne), p. 301
  17. (en) John E. Smith, « When Dusk Is Only Dusk », New York Times,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ) :
    « Hegel’s claim, however, bestows no special importance on a closing phase; it refers instead to the end of an era, which is confirmed as such by the appearance of philosophical critique and appraisal that involves making explicit the ideas and beliefs that drove that era but could not be fully articulated until it was over »
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