Cholo
Cholo (prononcé en espagnol : [ˈtʃolo]) est un terme mal défini possédant différentes significations en rapport avec les personnes d'origine amérindienne, qui dans de nombreux cas ont du sang espagnol (mestizos), ou ont adopté des éléments du vêtement, de la langue ou de la culture espagnole[1]. Il s'agissait à l'origine d'un terme ethnique péjoratif utilisé par les créoles espagnols au XVIe siècle.
Dans les textes sociologiques, il désigne une des castas (en)[2] et il s'applique aux individus d'ascendance totalement ou partiellement indigène. Le terme est ainsi selon le contexte synonyme d'indigène ou de mestizo ou désigne un individu ayant un parent indigène et l'autre mestizo. L'utilisation précise du mot « cholo » a beaucoup varié selon les lieux et les époques. Dans l'Amérique actuelle, il s'applique le plus souvent à une sous-culture vestimentaire populaire.
Usages historiques
La première mention du terme se trouve dans un livre péruvien publié en 1606 et 1616, les Comentarios Reales de los Incas (Commentaires royaux des Incas) d'Inca Garcilaso de la Vega. Il y écrit que « l'enfant d'un nègre et d'une Indienne, ou d'un Indien et d'une négresse, est appelé mulâtre et mulêtresse. Les enfants de ceux-ci sont appelés cholo ; c'est un mot des Îles du Vent ; il signifie chien, nom pas de race pure, mais de la pire origine ; et les Espagnols l'utilisent pour l'insulte et l'invective[3] ».
Dans la Nouvelle-Espagne coexistaient les termes cholo et coyote, indiquant une origine métisse et indienne. Selon le système colonial des castas (en) en usage en Amérique latine, cholo s'appliquait aux enfants issus de l'union de métis et d'amérindiens, c'est-à -dire qui possédaient trois quarts de sang indien et un quart de sang espagnol. D'autres termes (mestizo, castizo (en), etc.) indiquaient d'autres proportions, plus ou moins grandes, de sang espagnol.
Le passage de Cholo dans la langue anglaise date de 1851, lorsque Herman Melville l'a utilisé dans son roman Moby-Dick à propos d'un matelot hispanophone probablement originaire des Îles-du-Vent. Isela Alexsandra Garcia de l'Université de Californie à Berkeley écrit que l'origine du terme peut être recherchée jusqu'au Mexique, où dans la première moitié du XIXe siècle il renvoyait à des métis et descendants d'indiens « culturellement en marge »[4].
Au cours de la Guerre du Pacifique (1879-1884), les officiers chiliens traitaient avec mépris les Péruviens de « cholos »[5].
Un article du Los Angeles Express (en) du 2 avril 1907, titré « Cleaning Up the Filthy Cholo Courts Has Begun in Earnest », utilise indifféremment les termes cholos et Mexicans[6]. Le term cholo courts est défini dans The Journal of San Diego History comme « parfois à peine plus que des bidonvilles instantanés, les baraques étant éparpillées presque au hasard autour des zones urbaines pour créer des résidences horizontales bon marché[7]. »
Usages modernes
États-Unis
Dans certaines parties des États-Unis, cholos, cholas et cholitas sont des termes d'argot américain désignant des personnes d'origine latino-américaine (habituellement mexicaine), à faibles revenus, des « durs » qui peuvent porter des vêtements stéréotypés[1]. L'origine de cet emploi est complexe :
« Le statut racial et culturel et la classe sociale sont reflétés dans le terme cholo lui-même, qui a été adopté en Californie dans les années 1960 par les jeunes suivant la tradition pachuco (en), à titre de nom pour cette identité (Cuellar 1982). En 1571, Frère Alonso de Molina, dans son vocabulaire nahuatl (Vocabulario en lengua castellana y mexicana), définit le mot xolo comme esclave, serviteur ou serveur. Le dictionnaire LibrerÃa Porrúa définit cholo, dans son usage aux Amériques, comme un indien civilisé ou un demi-sang ou métis d'un père européen et d'une mère indienne. Historiquement, le mot a été utilisé dans les zones frontalières comme terme péjoratif pour désigner les immigrants mexicains des classes inférieures, et dans le reste de l'Amérique latine pour désigner un indien acculturé ou un paysan[8]. »
En dépit ou à cause de cette longue histoire de sens dénigrant, le terme Cholo a été adopté comme un symbole de fierté dans le contexte des mouvements ethniques des années 1960[9].
Stéréotypes vestimentaires
Dans les annes 1930 et 1940, les Cholos et Chicanos étaient connus comme « Pachucos (en) » et associés avec les sous-cultures zoot suit et hep cat[10]. La presse de l'époque a accusé les Cholos des États-Unis d'être membres de gangs et de petite délinquance, ce qui a conduit aux émeutes zazous de juin 1943 à Los Angeles[11]. Jusqu'au début des années 1970, la coiffure cholo et chicano typique était une variante du style pompadour, haute sur la tête et tenue en place par de grandes quantités de gel.
Au XIXe siècle, un cholo est typiquement un homme portant un chino large ou un short avec des chaussettes montantes blanches, des jeans froissés, un débardeur blanc et des chemises à boutons, fréquemment en flanelle à carreaux, avec seulement le bouton du haut attaché. Les Cholos des années 1990 et 2000 avaient souvent les cheveux tondus très courts, même si certains continuaient à les porter de façon plus traditionnelle plaqués vers l'arrière, parfois tenus en place par un filet ou un bandana.
Bolivie
En Bolivie, « cholo » renvoie à des personnes possédant une certaine quantité de sang indien[1]. À partir de l'élection d'Evo Morales à la présidence du pays en 2005, les femmes « chola », ou « cholitas », longtemps victimes de mépris, conquièrent de nouveaux droits et une reconnaissance sociale[12], par exemple dans le domaine de la mode[1].
Mexique
Les gangs de cholos sont apparus aux États-Unis dans la deuxième moitié des années 1970[13]. Ils étaient déjà bien établis au début des années 1980 le long de la frontière américaine, dans l'État de Zacatecas et celui de Chihuahua[14]. Ils portaient des noms variés comme barrios, clickas et gangas et étaient typiquement considérés comme des Hispaniques américains (en) plutôt que comme mexicains, du fait de leurs vêtements et de leur apparence, qui n'avaient rien de traditionnel au Mexique. Beaucoup de ces groupes étaient formés de jeunes qui avaient passé du temps aux États-Unis et en revenaient avec une nouvelle identité forgée par la culture urbaine américaine[15]. La plupart ont entre 13 et 25 ans et n'ont pas poursuivi leurs études au-delà du collège[13]. Ces groupes imitent l'organisation des gangs américains, particulièrement californiens. Ils ont leur propre style vestimentaire et langagier. Ils sont connus pour leurs gestes codés, leurs tatouages et leurs graffitis. Ils contrôlent des territoires en ville et s'affrontent principalement à ce sujet[15].
Notes et références
- « The rise of the 'cholitas' », BBC News, (consulté le )
- The Hispanic American Almanac : A Reference Work on Hispanics in the United States., Thompson Gale, , 886 p. (ISBN 0-7876-2518-3), p. 14
- Garcilaso, Inca, de la Vega, Los Comentarios Reales de los Incas, , ME
« Aqui el escribe "Al hijo de negro y de india, o de indio y de negra, dicen mulato y mulata. A los hijos de éstos llaman cholo; es vocablo de la isla de Barlovento; quiere decir perro, no de los castizos (raza pura), sino de los muy bellacos gozcones; y los españoles usan de él por infamia y vituperio." »
. - James Diego Vigil, Barrio Gangs : Street Life and Identity in Southern California, Austin, University of Texas Press, , 202 p. (ISBN 0-292-71119-0, lire en ligne)
- (es) Jorge Iván Vergara et Hans Gundermann, « Constitution and internal dynamics of the regional identitary in Tarapacá and Los Lagos, Chile », Chungara (en), Université de Tarapacá, vol. 44, no 1,‎ , p. 115–134 (DOI 10.4067/s0717-73562012000100009)
- « Cleaning Up the Filthy Cholo Courts Has Begun in Earnest" »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), Los Angeles Express, April 2, 1907.
- Curtis, James R. and Ford, Larry. "Bungalow Courts in San Diego: Monitoring a Sense of Place". The Journal of San Diego History. Spring 1988, Volume 34,
- J. Cuellar « The Rise and Spread of Cholismo as a Border Youth Subculture » () « Racial and cultural status, along with social class are reflected in the term cholo itself, which was adopted in California in the 1960s by youth following the pachuco tradition, as a label for that identity (Cuellar 1982). In 1571, Fray Alonso de Molina, in his Nahuatl vocabulary (Vocabulario en Lengua Castellana y Mexicana Y Mexicana y Castellana), defined the word xolo as slave, servant, or waiter. The Porrúa Dictionary defines cholo, as used in the Americas, as a civilized Native American or a half-breed or mestizo of a European father and Native American mother. The word has historically been used along the borderland as a derogatory term to mean lower class Mexican migrants, and in the rest of Latin America to mean an acculturating Indian or peasant. »
- Laura L. Cummings, « Cloth-Wrapped People, Trouble, and Power: Pachuco Culture in the Greater Southwest », Journal of the Southwest, vol. 45, no 3,‎ , p. 329–48 (JSTOR 40170329)
- LA Almanac
- Zoot suit riots media
- Lou Valini, « En Bolivie, le féminisme s'habille en "chola" », Le Figaro Magazine,‎ , p. 52-61 (lire en ligne).
- (es) Susana López Peña, « Los cholos de 'Nezayork' »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), Mexico City, Noticieros Televisa (consulté le )
- Pachucas and Pachucos in Tucson : Situated Border Lives (Southwest Center Series), University of Arizona Press,
- (es) Saúl Sánchez Lemus, « La vida loca », Noticieros Televisa, Mexico City,‎ (lire en ligne, consulté le )
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Cholo » (voir la liste des auteurs).
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- (en) « The Folk Feminist Struggle Behind the Chola Fashion Trend », Barbara Calderón-Douglas, Vice Magazine, 13 avril 2015.