AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Chimie click

Dans le domaine de la synthĂšse chimique, la chimie clic, ou chimie click (click chemistry en anglais ou plus communĂ©ment tagging) est une classe de rĂ©actions chimiques biocompatibles utilisĂ©es pour joindre Ă  un substrat choisi une biomolĂ©cule spĂ©cifique (le click peut Ă©voquer le bruit imaginaire d'un clipsage d'une molĂ©cule sur l'autre).

La notion de chimie clic ne dĂ©crit pas simplement l'utilisation de rĂ©actions spĂ©cifiques (rĂ©actions de couplage ou plus complexes telles que des rĂ©actions de cycloaddition par clic), mais aussi une façon de gĂ©nĂ©rer des « produits Â» en s'inspirant des exemples de la nature (elle s'inscrit pour partie dans le biomimĂ©tisme), pour par exemple gĂ©nĂ©rer des biopolymĂšres (ou d'autres molĂ©cules d'intĂ©rĂȘt biochimique) en regroupant de petites unitĂ©s modulaires (en quelque sorte clipsables entre elles)[1].

Contextes d'utilisation

La chimie clic concerne souvent le vivant et la chimie verte, mais n'est pas strictement limitée au contexte biologique : le concept d'une réaction en « clic » a aussi été utilisé pour des applications pharmacologiques, de marquage (ex. : le marquage de protéines au carbone 11 et au fluor 18[2]) et diverses applications biomimétiques. Cependant cette méthode s'est montrée notablement utile dans la détection, la localisation et la qualification de biomolécules. Elle peut contribuer à la production de cristaux liquides[3].

La nanomédecine, les nanomatériaux et les nanotechnologies sont d'autres domaines d'utilisation[4] - [5].

ÉlĂ©ments de dĂ©finition

Le plus souvent, la chimie clic fait se joindre une biomolĂ©cule d'intĂ©rĂȘt (protĂ©ine) et une autre molĂ©cule (dite « reporter »).

Elles fonctionnent mĂ©taphoriquement comme un clipsage « Ă  ressort » — caractĂ©risĂ©es par une forte force motrice thermodynamique qui conduit rapidement et de façon irrĂ©versible Ă  un rendement Ă©levĂ© d'un seul produit de rĂ©action, avec une forte spĂ©cificitĂ© (parfois avec les deux rĂ©gio- et stĂ©rĂ©ospĂ©cificitĂ©).

Selon Sharpless, une « rĂ©action clic » souhaitable doit ĂȘtre[6] :

  • modulaire ;
  • Ă  l'Ă©chelle ;
  • Ă  hauts rendements chimiques ;
  • propre (ne gĂ©nĂ©rer que des sous-produits inoffensifs) ;
  • stĂ©rĂ©ospĂ©cifique ;
  • physiologiquement stable ;
  • dotĂ©e d'une grande force motrice thermodynamique (> 84 kJ/mol) Ă  la faveur d'une rĂ©action avec un seul produit de rĂ©action (une rĂ©action nettement exothermique fait un rĂ©actif « Ă  ressort ») ;
  • Ă©conome en atomes (cf. « atom economy »).

Le processus devrait idéalement :

  • nĂ©cessiter des conditions de rĂ©action simples ;
  • ne nĂ©cessiter que des matĂ©riaux et rĂ©actifs facilement disponibles ;
  • ne pas nĂ©cessiter de solvant ou alors un solvant bĂ©nin (de prĂ©fĂ©rence de l'eau) ;
  • fournir des produits faciles Ă  dĂ©tecter ou isoler par des mĂ©thodes non-chromatographiques (cristallisation ou distillation).

Plusieurs de ces critĂšres sont subjectifs, et mĂȘme si des critĂšres mesurables et objectifs sont susceptibles d'ĂȘtre acceptĂ©s, il est peu probable que la rĂ©action sera parfaite pour chaque situation et chaque application. Mais plusieurs types de rĂ©actions ont Ă©tĂ© identifiĂ©s qui semblent mieux rĂ©pondre Ă  ces critĂšres que d'autres :

IntĂ©rĂȘt, spĂ©cificitĂ©s

Les rĂ©actions clic se produisent en synthĂšse monotope. Elles ne sont pas gĂȘnĂ©es par l'eau. Elles ne gĂ©nĂšrent que trĂšs peu de sous-produits (qui sont par ailleurs inoffensifs).

Ces qualitĂ©s rendent ces rĂ©actions particuliĂšrement adaptĂ©es aux besoins d'isolement et de ciblage de molĂ©cules complexes dans les milieux biologiques oĂč les rĂ©actions doivent ĂȘtre physiologiquement stables et biocompatibles (tous les sous-produits doivent ĂȘtre non toxiques (in vivo et pas seulement in vitro). Elles sont Ă©galement adaptĂ©es Ă  la vectorisation de principes actifs (mĂ©dicaments) vers une molĂ©cule prĂ©cise dans l'organisme ou vers un type prĂ©cis de cellules.

En dĂ©veloppant des rĂ©actions bioorthogonales spĂ©cifiques et contrĂŽlables, les scientifiques ont aussi ouvert la possibilitĂ© de cibler des objectifs particuliers dans les lysats cellulaires complexes. RĂ©cemment, on a ainsi pu adapter des rĂ©actions clic au milieu interne de cellules vivantes, dont Ă  l'aide de trĂšs petites molĂ©cules-sondes (Affimer, qui sont des sortes d'anticorps artificiels). Ces molĂ©cules peuvent trouver leurs cibles et s'y fixer (clic). MalgrĂ© les dĂ©fis posĂ©s par la permĂ©abilitĂ© de la cellule et les rĂ©actions du systĂšme immunitaire, les rĂ©actions clic ont dĂ©jĂ  prouvĂ© leur utilitĂ© dans une nouvelle gĂ©nĂ©ration d'expĂ©riences d'immunoprĂ©cipitation et en spectromĂ©trie de fluorescence (oĂč un fluorophore est attachĂ© Ă  une cible d'intĂ©rĂȘt qui peut alors ĂȘtre quantifiĂ©e et/ou localisĂ©e).

Plus rĂ©cemment, d'autres mĂ©thodes nouvelles ont Ă©tĂ© utilisĂ©es pour incorporer des Ă©lĂ©ments « chimio-cliquables » sur et dans des biomolĂ©cules, y compris pour l'incorporation d'acides aminĂ©s non naturels contenant des groupes protĂ©iques rĂ©actifs en protĂ©ines et des nuclĂ©otides modifiĂ©s. Ces techniques reprĂ©sentent une partie du domaine de la biologie chimique, et de la biologie synthĂ©tique oĂč la chimie clic joue un rĂŽle fondamental en permettant des couplages plus intentionnels et prĂ©cis d'unitĂ©s modulaires, Ă  des fins diverses.

Histoire

Le terme de click chemistry a été inventé par K. Barry Sharpless, chimiste de l'Institut de recherche Scripps en 1998.

Il n'a été décrit par Sharpless, avec Hartmuth Kolb et M.G Finn, qu'en 2001, comme une méthode chimique permettant de générer « sur mesure » des substances par couplage de petites unités de maniÚre rapide, efficace et reproductible[6] - [13].

ArriĂšre-plan

La chimie clic est une mĂ©thode de fixation d'une sonde ou d'un Ă©lĂ©ment d'intĂ©rĂȘt Ă  une biomolĂ©cule, via un processus (le clic) qui est une conjugaison biochimique (ou « bioconjugaison Â»).

La possibilité offerte d'attacher des fluorophores et d'autres « molécules reporters » a fait de la chimie clic un outil puissant pour l'identification, la localisation et la caractérisation à la fois d'anciennes et de nouvelles biomolécules.

Comme avec les autres mĂ©thodes, l'insertion d'une molĂ©cule (fluorophore par exemple), mĂȘme de petite taille dans une protĂ©ine d'intĂ©rĂȘt, peut affecter ses fonctions et son expression (car elle affecte la forme de la protĂ©ine et Ă©ventuellement son repliement, surtout si la fixation se fait sur une partie fonctionnellement importante de la protĂ©ine cible).

Pour surmonter ou contourner ces dĂ©fis, les chimistes ont choisi de procĂ©der en identifiant prĂ©alablement des paires de molĂ©cules « partenaires » pouvant interagir selon des rĂ©actions bioorthogonales. Ceci leur permet d'utiliser des molĂ©cues exogĂšnes trĂšs petites comme sondes biomolĂ©culaires. Un fluorophore peut ĂȘtre rattachĂ© Ă  l'une de ces sondes pour donner un signal de fluorescence lors de la liaison de la molĂ©cule rapporteur de la cible.

Exemple : cycloaddition azoture-alcyne catalysée par le cuivre(I) (CuAAC)

Une réaction clic classique[14] - [15] est la réaction catalysée par le cuivre(I) d'un azoture avec un alcyne, qui fournit un triazole 1,4 disubstitué. De telles réactions (cycloadditions) ont été signalées par Arthur Michael dÚs 1893[16]. Plus tard, vers le milieu du XXe siÚcle, cette famille de cycloadditions 1,3-dipolaire a pris le nom d'« Huisgen » aprÚs des études de leur cinétique et conditions de réactions.

Comparaison des cycloadditions Huisgen et azoture-alcyne catalysée par le cuivre.

La catalyse de la cycloaddition de Huisgen 1,3 dipolaire par des sels de cuivre(I) a été découverte simultanément et indépendamment par les groupes de Valery V. Fokine et K. Barry Sharpless à l'Institut de recherche Scripps en Californie[17] et Morten Meldal dans le Laboratoire de Carlsberg, Danemark[18]. La version catalysée de cette réaction ne donne que de l'isomÚre 1,4 du triazole résultant, tandis que la réaction de Huisgen classique offre à la fois les isomÚres 1,4 et 1,5, est lente et nécessite une température de 100 °C[16].

Le mécanisme à deux cuivres du cycle catalytique CuAAC.

Notes et références

  1. Bernard J., Drockenmuller E., Fleury E., Pascault J.P., Fontaine L. et Daniel J.C. (2010), « « La chimie click » : Quelles perspectives pour les polymÚres ? », L'Actualité chimique, 344, 51-56.
  2. T. Bordenave, Apport de la chimie ‘‘click’’pour le marquage au carbone-11 et au fluor-18 de nuclĂ©osides et d’oligonuclĂ©otides, thĂšse, Bordeaux-1, 2012 (rĂ©sumĂ©).
  3. Guerra S. (2012), La chimie click au service des cristaux liquides, thÚse, Université de Neuchùtel.
  4. Ripert M. (2013), Développement d'une stratégie d'adressage sur or par chimie « click » électro-catalysée : application à la détection sans marquage de biomolécules, thÚse, université Claude-Bernard Lyon-I.
  5. (en) I. Nierengarten et J.-F. Nierengarten, The impact of the copper-catalyzed alkyne-azide 1,3-dipolar cycloaddition in fullerene chemistry, vol. 15, Chem. Rec., (présentation en ligne), p. 31-51.
  6. H. C. Kolb, M. G. Finn et K. B. Sharpless, « Click Chemistry: Diverse Chemical Function from a Few Good Reactions », Angewandte Chemie International Edition, vol. 40, no 11,‎ , p. 2004–2021 (PMID 11433435, DOI 10.1002/1521-3773(20010601)40:11<2004::AID-ANIE2004>3.0.CO;2-5).
  7. Spiteri, Christian et Moses, John E., « Copper-Catalyzed Azide–Alkyne Cycloaddition: Regioselective Synthesis of 1,4,5-Trisubstituted 1,2,3-Triazoles », Angewandte Chemie International Edition, vol. 49, no 1,‎ , p. 31–33 (DOI 10.1002/anie.200905322).
  8. Hoyle, Charles E. et Bowman, Christopher N., « Thiol–Ene Click Chemistry », Angewandte Chemie International Edition, vol. 49, no 9,‎ , p. 1540–1573 (DOI 10.1002/anie.200903924).
  9. Lowe, A. B., Polymer Chemistry, 2010, 1 (1), 17–36.
  10. Blackman, Melissa L. et Royzen, Maksim et Fox, Joseph M., « Tetrazine Ligation: Fast Bioconjugation Based on Inverse-Electron-Demand Diels−Alder Reactivity », Journal of the American Chemical Society, vol. 130, no 41,‎ , p. 13518–13519 (PMID 18798613, PMCID 2653060, DOI 10.1021/ja8053805).
  11. Stöckmann, Henning, Neves, Andre, Stairs, Shaun, Brindle, Kevin et Leeper, Finian, « Exploring isonitrile-based click chemistry for ligation with biomolecules », Organic & Biomolecular Chemistry, vol. 9,‎ , p. 7303 (DOI 10.1039/C1OB06424J).
  12. Kashemirov, Boris A., Bala, Joy L. F., Chen, Xiaolan, Ebetino, F. H., Xia, Zhidao, Russell, R. Graham G., Coxon, Fraser P., Roelofs, Anke J., Rogers Michael J. et McKenna, Charles E., « Fluorescently labeled risedronate and related analogues: « magic linker » synthesis », Bioconjugate Chemistry, vol. 19,‎ , p. 2308–2310 (DOI 10.1021/bc800369c).
  13. R. A. Evans, « The Rise of Azide–Alkyne 1,3-Dipolar 'Click' Cycloaddition and its Application to Polymer Science and Surface Modification », Australian Journal of Chemistry, vol. 60, no 6,‎ , p. 384–395 (DOI 10.1071/CH06457).
  14. Development and Applications of Click Chemistry, Gregory C. Patton, 8 novembre 2004, sur chemistry.uiuc.edu.
  15. H.C. Kolb et Sharpless, B.K., « The growing impact of click chemistry on drug discovery », Drug Discov Today, vol. 8, no 24,‎ , p. 1128–1137 (PMID 14678739, DOI 10.1016/S1359-6446(03)02933-7).
  16. L. Liang et D. Astruc, The copper(I)-catalysed alkyne-azide cycloaddition (CuAAC) « click » reaction and its applications.
  17. Vsevolod V. Rostovtsev, Green, Luke G, Fokin, Valery V. et Sharpless, K. Barry, « A Stepwise Huisgen Cycloaddition Process: Copper(I)-Catalyzed Regioselective « Ligation » of Azides and Terminal Alkynes », Angewandte Chemie International Edition, vol. 41, no 14,‎ , p. 2596–2599 (DOI 10.1002/1521-3773(20020715)41:14<2596::aid-anie2596>3.0.co;2-4).
  18. Tornoe, C. W., Christensen, C. et Meldal, M., « Peptidotriazoles on Solid Phase: [1,2,3]-Triazoles by Regiospecific Copper(I)-Catalyzed 1,3-Dipolar Cycloadditions of Terminal Alkynes to Azides », Journal of Organic Chemistry, vol. 67, no 9,‎ , p. 3057–3064 (PMID 11975567, DOI 10.1021/jo011148j).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.