Censure au cinéma

L'histoire de la censure cinématographique commence à la fin du XIX^e siècle, de même que l'histoire du cinéma. Considérée comme la première représentation d'un baiser de cinéma[2], le film The Kiss sorti en 1896 fait d'objet d'une censure à la suite du scandale qu'il provoque, notamment chez les conservateurs sociaux[3] aux États-Unis, au sein de l'Empire britannique ou encore de l'Église catholique appelant à bannir ce film[4].

En Irlande, le texte de loi Censorship of Films Act (1923, modifiée à plusieurs reprises) instaure un comité de censure[5], le Oifig Scrúdóir na Scannán, responsable des restrictions d'âge et du bannissement. Depuis 1986, sept films ont été bannis dont Tueurs nés[5].

En Norvège, le texte de lois Act of Film and Video (1987[note 1]) régule les œuvres contenant de la violence et de la pornographie par une restriction d'âge mise en place par les distributeurs de film[6], ce qui n'empêche pas le National Board of Classification de censurer un film. Depuis 1997, 36 films ont été entièrement interdits par cet organe[6]. Le film japonais L'Empire des sens a par exemple été banni de 1976 à 2001 pour ses scènes « sexuelles et sadomasochistes »[6]. Chaque ville régule également l'âge requis pour œuvres exploitées au cinéma ainsi que leurs interdictions, par exemple la ville d'Oslo a interdit le film Dobermann avant que cette décision soit contestée et levée[6].

Le cinéma a bien souvent été au service de l’État, pouvant même devenir un outil de propagande. Avec des techniques de réalisation très variées, le cinéma a connu diverses évolutions et différents genres allant même jusqu’à devenir un cinéma de propagande.

L’expressionisme servait à mettre en scène un sujet, un thème précis mais avec l’avènement du cinéma soviétique, découlant de la Révolution Russe de 1917, la mise en scène s’éclipse au profit du montage. L’objectif du montage est d’orienter le spectateur dans une direction déterminée. Avec le jeu des plans, le spectateur peut facilement voir la joie, le désespoir, le chaos... Le montage permet de mettre en avant des images pouvant choquer. L’un des exemples qui peut illustrer ces propos est le film de Serguei Eisenstein : Le cuirassé Potemkine, sorti en 1926. Par un enchevêtrement d’images, Eisenstein critique la garde tsariste et le pouvoir politique de l’époque dans la très célèbre scène des escaliers d’Odessa (semblant interminable). Ce film fut interdit à la diffusion jusqu’en 1953 en France. Le montage contribue à la création de contenu idéologique[7].

En 1922, le fascisme arrive au pouvoir en Italie et ne se soucie guerre du cinéma dans un premier temps. Le gouvernement italien de l’époque favorise la communication de masse par la presse. Pourtant le cinéma, qui n’est vu que comme une forme de divertissement, va faire l’objet d’un contrôle au regard des bonnes mœurs et de l’ordre public. En 1934, le cinéma va devenir un véritable outil de propagande pour le gouvernement italien, au même titre que le gouvernement Allemand[8]. À leur accession au pouvoir, les nazis vont chercher à censurer le cinéma en exerçant une forme de contrôle. Est alors créé un ministère de la propagande dont Goebbels aura la charge[9].

En France, la censure est exercée par l’État qui, par une compétence de police administrative, juge si un film peut ou non être divulgué aux yeux du public[10]. Le mécanisme français est très différent de celui des États-Unis qui dans les années 1930, avaient fait adopter le Code Hays. Sous la pression des puritains et des scandales hollywoodiens, comme celui de Mae West affichée en qualité de grande séductrice dans le film « Je ne suis pas un ange » de Wesley Ruggles (1933), William Hays, alors président de la Motion Picture Producers and Distributors of America, participa à l’instauration d’un code de censure au cinéma en 1934[11].

La censure cinématographique a fait l’objet d’une évolution juridique en France. C’est par le biais de décrets des 25 juillets 1919 et du 7 mai 1935 et d’une ordonnance du 3 mai 1945, que le cinéma français s’est vu soumis à un régime d’autorisation préalable : un régime de police administrative. Le ministre de la culture peut décider de ne pas octroyer un visa d’exploitation pour un film. C’est un mécanisme de censure préalable qui permet également aux maires de refuser ou limiter la projection d’un film dans des salles de cinéma, considérant qu’il peut y avoir une atteinte aux bonne mœurs ou que le film est susceptible de heurter la sensibilité du spectateur[12].

Ainsi, dans sa décision : Société « Les Films Lutetia » et syndicat français des producteurs et exportateurs de films, le Conseil d’État avait estimé que « l’interdiction d’un film est légale lorsque la projection du film est susceptible d’être, à raison du caractère immoral dudit film et de circonstances locales, préjudiciable à l’ordre public »[13]. De plus, le Conseil d’État avait déterminé que « l’immoralité d’un film devait, pour qu’elle puisse justifier une interdiction être assortie de certaines circonstances locales dont le juge se réserverait le contrôle et l’appréciation »[13]. En l’espèce, le maire de la ville de Nice interdisait la projection de certains films sur son territoire considérant que ces derniers revêtaient « un caractère contraire à la décence et aux bonnes mœurs ». Les demandeurs en instance s’opposaient à cette interdiction en contestant les pouvoirs des maires et des préfets à l’égard des films cinématographiques, revêtues du visa d'exploitation[13].

Le ministre de la culture possède également le pouvoir d’accorder une autorisation de projection pour certains types de spectateurs ou de limiter la projection en assortissant le film d’une limite d’âge ou d’un classement cinématographique tel que le classement X[12]. Il faut se référer aux dispositions de l’article L.211-1 du Code du cinéma et de l’image animée pour observer les dispositions relatives à la censure au cinéma, qui déterminent que le visa d’exploitation « peut être refusé ou sa délivrance subordonnée à des motifs tirés de la protection de l’enfance et de la jeunesse ou du respect de la dignité humaine »[13].

La censure cinématographique peut encore être débattue avec l’entrée en vigueur de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine. La liberté de création consisterait à matérialiser des œuvres sous diverses formes et domaines artistiques[14]. La liberté de création peut donc en quelque sorte être considérée comme une forme de liberté d’expression mais limitée au même titre[14].