Caulobacter vibrioides
Caulobacter crescentus
Caulobacter vibrioides (anc. Caulobacter crescentus)[5] est une espĂšce de bactĂ©ries gram-nĂ©gatives vivant dans les milieux aquatiques comme les lacs et les riviĂšres. Câest une bactĂ©rie oligotrophe capable de croĂźtre dans les habitats polluĂ©s, grĂące Ă des gĂšnes impliquĂ©s dans la rĂ©sistance aux mĂ©taux de transition et aux stress oxydants[6] - [7].
Cette bactérie se présente sous deux formes trÚs différentes : une forme non réplicative mobile grùce à un flagelle et une forme réplicative fixée munie d'un pédoncule. Alors que la forme mobile permet la dissémination et la recherche de nutriments, la forme fixée est le siÚge de la réplication. Lorsque les conditions sont favorables, la forme mobile se différencie vers la forme fixée pour se diviser de maniÚre asymétrique et polarisée : une cellule mÚre fixée se diviser alors en une cellule fille fixée et une cellule fille mobile[7].
C. vibrioides est utilisĂ©e comme modĂšle dans lâĂ©tude de la rĂ©gulation du cycle cellulaire procaryote, de la division asymĂ©trique et de la diffĂ©renciation cellulaire. Le pĂ©doncule confĂšre Ă la cellule fixĂ©e une propriĂ©tĂ© particuliĂšre, l'adhĂ©sion, qui met en jeu des macromolĂ©cules appelĂ©es adhĂ©sines Ă structure polysaccharidique[8].
Deux souches
Il existe deux souches de Caulobacter crescentus : la souche originelle CB15 et la souche utilisĂ©e en laboratoire NA1000. NA1000 est une souche dĂ©rivĂ©e de CB15 associĂ©e Ă une pression de sĂ©lection induit par lâenvironnement du laboratoire. Au niveau de la taille du gĂ©nome, la souche CB15 fait 4,02 mĂ©gabases et la souche NA1000 fait 4,04 mĂ©gabases. Les deux souches sont gĂ©nĂ©tiquement diffĂ©rentes par la prĂ©sence de 8 polymorphismes codants, 2 non codants et 1 site dâinsertions/suppressions (26 kb)[9].
Ces diffĂ©rences gĂ©nĂ©tiques ont induit des diffĂ©rences phĂ©notypiques entre les deux souches notamment au niveau de lâadhĂ©rence, la vitesse de croissance et la synchronisation. La synchronisation est la capacitĂ© de sĂ©parer physiquement les deux formes cellulaires, flagellĂ©es et pĂ©donculĂ©es par centrifugation. Alors que la souche CB15 est adhĂ©rente (forme fixĂ©e), se multiplie lentement et est incapable de se synchroniser, la souche NA1000 nâest pas adhĂ©rente, se multiplie plus rapidement et possĂšde la capacitĂ© de synchronisation. Cette derniĂšre caractĂ©ristique fait de la souche NA1000, la souche prĂ©dominante en laboratoire[9].
Cycle cellulaire
La forme flagellĂ©e mobile, permettant la dispersion, est limitĂ©e Ă la phase G1 de l'interphase. En conditions favorables, la bactĂ©rie se diffĂ©rencie en forme pĂ©donculĂ©e fixĂ©e et permet la rĂ©plication du chromosome en phase S. AprĂšs la rĂ©plication du chromosome, la cellule s'allonge et s'apprĂȘte Ă se diviser en phase G2. La division cellulaire est asymĂ©trique et permet de gĂ©nĂ©rer une cellule fixĂ©e qui va de nouveau rĂ©pliquer le chromosome, et une cellule mobile qui va permettre la dissĂ©mination dans l'environnement. L'initiation de la rĂ©plication, la sĂ©grĂ©gation des chromosomes et la cytokinĂšse constituent les trois grandes Ă©tapes du cycle cellulaire[7].
Ătapes du cycle cellulaire
La premiĂšre Ă©tape, l'initiation de la rĂ©plication ne se fait que lorsque la cellule est en phase S quand l'origine de rĂ©plication, ori, est accessible. En plus d'ĂȘtre un rĂ©gulateur transcriptionnel, la protĂ©ine CtrA rĂ©gule le cycle cellulaire : lorsque celle-ci est phosphorylĂ©e, elle se lie au niveau de la rĂ©gion ori et inhibe la rĂ©plication du chromosome. La protĂ©ine CtrA phosphorylĂ©e est fortement prĂ©sente dans les cellules flagellĂ©es, puis est dĂ©phosphorylĂ©e et dĂ©gradĂ©e aprĂšs la diffĂ©renciation en cellule pĂ©donculĂ©e, permettant l'initiation de la rĂ©plication par la protĂ©ine DnaA[10].
AprĂšs la rĂ©plication, le chromosome originel et sa copie doivent ĂȘtre distribuĂ©s aux deux cellules filles. Cette Ă©tape est appelĂ©e sĂ©grĂ©gation des chromosomes et est rĂ©gulĂ©e par le systĂšme de partition ParABS. parS est une sĂ©quence d'ADN situĂ©e prĂšs de l'ori correspondant Ă un centromĂšre oĂč se fixe la protĂ©ine de fixation ParB. La protĂ©ine ParA se fixe au complexe et permet l'hydrolyse de l'ATP entraĂźnant la migration des chromosomes d'une part et d'autre de la cellule bactĂ©rienne[11].
La cytokinĂšse, Ă©tape de division en deux cellules filles, dĂ©bute par l'assemblage de l'anneau Z au centre de la cellule. L'anneau Z est constituĂ© de la protĂ©ine FtsZ qui se polymĂ©rise et permet de gĂ©nĂ©rer les forces constriction essentielles Ă la division de la cellule. Afin que l'assemblage de l'anneau Z soit bien localisĂ©, il est nĂ©cessaire que la polymĂ©risation de FtsZ soit inhibĂ©e dans le reste de la cellule. Cette inhibition est exercĂ©e par la protĂ©ine MipZ recrutĂ©e par la protĂ©ine ParB crĂ©ant un gradient de concentration : MipZ est plus important au niveau des pĂŽles et moins important au centre de la cellule[12]. La sĂ©paration des deux cellules filles est assurĂ©es par plusieurs protĂ©ines : FtsEX, un transporteur de type ABC permet l'ancrage de la protĂ©ine FtsZ dans la membrane, FtsK, une translocase Ă ADN permet de transloquer lâADN qui serait au niveau du septum et le complexe FtsQL permet la stabilitĂ© du divisome. Enfin, les protĂ©ines FtsN, FtsW et FtsI permettent la biosynthĂšse et le remodelage du peptidoglycane induisant ainsi la septation et la sĂ©paration des deux cellules filles[13].
Asymétrie du cycle cellulaire
Le cycle cellulaire chez Caulobacter crescentus permet de générer deux formes cellulaires différentes. Au-delà de la différence structurale, l'assemblage excentré de l'anneau Z permet d'obtenir une cellule fille pédonculée légÚrement plus grande que la cellule fille flagellée[7]. Cette asymétrie du cycle est intrinsÚquement liée à l'accumulation de différentes protéines à chaque pÎle de la cellule : on parle de polarité cellulaire[14].
Au niveau protĂ©ique, une des diffĂ©rences entre la cellule mobile et la cellule fixĂ©e est la concentration en CtrA phosphorylĂ©e, protĂ©ine rĂ©gulant la rĂ©plication cellulaire. La phosphorylation de la protĂ©ine CtrA est contrĂŽlĂ©e par un complexe de phosphorelais, dont une unitĂ© diverge entre la future cellule flagellĂ©e et la future cellule pĂ©donculĂ©e. Basiquement, la phosphorylation de CtrA est initiĂ©e par la protĂ©ine rĂ©gulatrice Ccka et passe par l'intermĂ©diaire d'une protĂ©ine ChpT. L'activation de Ccka dĂ©pend de son interaction avec la protĂ©ine DivL, complexe qui peut ĂȘtre inhibĂ©e par la protĂ©ine DivK. Enfin, la phosphorylation de DivK est contrĂŽlĂ©e par la phosphatase PleC au pĂŽle de la future cellule mobile et par la kinase DivJ au pĂŽle de la future cellule fixĂ©e. La protĂ©ine PleC dĂ©sactive DivK, DivK n'inhibe plus Ccka-DivL, Ccka en tant que kinase est activĂ©e et permet la phosphorylation de CtrA, ce qui empĂȘche l'initiation de la rĂ©plication dans la future cellule mobile. La protĂ©ine DivJ active DivK, DivK peut inhiber Ccka-DivL, Ccka permet la dĂ©phosphorylation de CtrA, ce qui permet l'initiation de la rĂ©plication dans la future cellule fixĂ©e[15].
La combinaison des protéines ZitP, PopZ et CpaM permet la distinction majeure entre les deux cellules : la présence d'un flagelle ou d'un pédoncule. La protéine doigt de zinc ZitP possÚde deux fonctions, dépendant du pÎle de la cellule[14]. Au pÎle de la future cellule mobile, ZitP recrute la protéine effectrice CpaM et permet l'assemblage du flagelle alors qu'au pÎle de la future cellule fixée, ZitP s'associe à la protéine PopZ afin de contrÎler sa position lors du cycle cellulaire. PopZ est une protéine présente dans les deux pÎles de la cellule en division qui interagit directement avec le systÚme ParABS[16]. L'association des protéines ZitP et CpaM au pÎle de la future cellule mobile et non au pÎle fixée est influencée par le systÚme régulant la réplication cellulaire, DivJ-PleC-DivK[17].
Notes et références
- (en) « Species: Caulobacter vibrioides », sur lpsn.dsmz.de (consulté le )
- Catalogue of Life Checklist, consulté le 14 juin 2021
- Brands, S.J. (ed.), 1989-present. The Taxonomicon. Universal Taxonomic Services, Zwaag, The Netherlands. [http://taxonomicon.taxonomy.nl/], consulté le 14 juin 2021
- Integrated Taxonomic Information System (ITIS), www.itis.gov, CC0 https://doi.org/10.5066/F7KH0KBK, consulté le 14 juin 2021
- (en) « Caulobacter vibrioides (strain NA1000 / CB15N) (Caulobacter crescentus) », sur www.uniprot.org (consulté le )
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Liens externes
- (en) Référence Catalogue of Life : Caulobacter vibrioides Henrici & Johnson, 1935 (consulté le )
- (fr+en) Référence EOL : Caulobacter vibrioides (consulté le )
- (fr+en) Référence GBIF : Caulobacter vibrioides A (consulté le )
- (en) Référence IRMNG : Caulobacter vibrioides Henrici & Johnson, 1935 (consulté le )
- (fr+en) Référence ITIS : Caulobacter vibrioides Henrici and Johnson, 1935 (consulté le )
- (en) Référence NCBI : Caulobacter vibrioides Henrici and Johnson 1935 (taxons inclus) (consulté le )
- (en) Référence The Taxonomicon : Caulobacter vibrioides Henrici and Johnson 1935 (Approved Lists 1980) (consulté le )
- (en) Séquence du génome