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Canal de l'Eure

Le canal de l'Eure, aussi appelé canal Louis XIV et canal de Maintenon, est un canal non navigable[1] resté inachevé, construit par Vauban pour alimenter en eau le domaine royal de Versailles. Détournée à hauteur de Pontgouin, non loin de Chartres, l'eau de l'Eure devait être acheminée jusqu'à l’étang de la Tour, non loin de Rambouillet, pour alimenter le domaine royal de Versailles. D'une longueur prévue de près de 80 km, sa construction débute en 1685 et sera interrompue trois ans plus tard par la guerre de la Ligue d'Augsbourg. À la fin de celle-ci, malgré les travaux déjà réalisés et l'argent dépensé, le chantier ne sera jamais repris et le canal restera inachevé.

Canal de l'Eure
Canal Louis XIV
Illustration.
Le canal de l'Eure Ă  Maintenon (Aqueduc de Maintenon)
GĂ©ographie
Pays France
CoordonnĂ©es 48° 29′ 16″ N, 1° 07′ 59″ E
Début Pontgouin (département d'Eure-et-Loir)
Fin Étang de la Tour (département des Yvelines)
Traverse Saint-Arnoult-des-Bois, Fontaine-la-Guyon, Pontgouin, Maintenon
Caractéristiques
Statut actuel Radié
Longueur 80 km
Histoire
Année début travaux 1685
Année d'ouverture resté inachevé
Commanditaire Louvois
Concepteur Vauban

Contexte

Depuis que Louis XIV, suivi de sa cour, s'est installĂ© Ă  Versailles, la population de la ville a Ă©tĂ© multipliĂ©e par dix. Mais surtout le parc du château consomme toujours plus d'eau, le roi souhaitant des fontaines et jets toujours plus nombreux et spectaculaires. Le site de Versailles, qui n’est proche d'aucune grande rivière, ne s'y prĂŞte pas. Après avoir fait acheminer l'eau d'Ă©tangs plus ou moins Ă©loignĂ©s du château, la machine de Marly, un monumental ensemble de pompes, est construite entre 1681 et 1682[2] et aqueducs et rĂ©servoir les annĂ©es suivantes[3] pour acheminer l'eau de la Seine jusqu'Ă  Versailles, lui faisant franchir les 132 mètres de dĂ©nivelĂ©. Cependant, souffrant de multiples dĂ©fauts, elle ne pouvait pomper que 3 200 m3 par jour[4] alors qu'elle devait en fournir le double.

Louvois, surintendant des Bâtiments, Arts et Manufactures de France, s'appuyant sur les travaux de La Hire sur la faisabilité d'un canal depuis l'Eure, commande alors à Vauban de réaliser l'ouvrage[5].

Études

Vauban, commissaire général aux fortifications, avait déjà été sollicité sur des travaux pour le réseau hydraulique du parc de Versailles. Il avait ainsi conçu l'endiguement et la canalisation d'une partie de la Seine pour la machine de Marly ou dessiné le remblai et l'aqueduc de Buc. Il se déplaça dans la région en [6]. et rédigea en 5 mois un ouvrage de 40 pages, le « Devis des ouvrages de maçonnerie qu'il convient de faire pour la construction du grand aqueduc que le roi a ordonné de faire pour conduire à Versailles les eaux de la rivière Eure, suivant les plans, élévations et profils pour ce faits de l'ordre de Sa Majesté ». Cet ouvrage extrêmement détaillé donnait tous les détails de l'ouvrage, mais également comment ils devaient être réalisés[6].

Vauban va s'entourer de ses ingénieurs militaires, Isaac Robelin, inspecteur général des travaux qui dirigera le chantier, l'ingénieur général Mesgriny qui sera son adjoint ou l'ingénieur Parisot chargé des écluses[6]. Il va également faire appel à des entrepreneurs de Flandres ou d'Alsace avec lesquels il a déjà travaillé sur les fortifications de ces régions comme Martin Alexandre de Strasbourg pour les écluses ou Germain Leduc de Tournai pour le creusement du canal[6]. Il met aussi en œuvre des techniques qu'il a appliquées pour la construction des fortifications comme le creusement de canaux d'approche pour acheminer les matériaux lourds[6] ou le four à chaux fonctionnant à la houille (appelé à l'époque « charbon de terre »)[6].

La direction du camp militaire — beaucoup des ouvriers du chantier sont des soldats — est confié par Louvois au marquis d'Uxelles[6].

Travaux

Le canal Ă  ciel ouvert est prĂ©vu d'une longueur d'un peu plus de 80 km pour une pente variant entre 14 et 17 cm par kilomètre[7]. L'eau doit ĂŞtre captĂ©e par un petit barrage sur l'Eure Ă  Pontgouin, Ă  l'ouest-nord-ouest de Chartres, et ĂŞtre acheminĂ©e jusqu'Ă  l'Ă©tang de la Tour Ă  Rambouillet et Ă  Vieille-Église-en-Yvelines (aujourd'hui dans le dĂ©partement des Yvelines). Cet Ă©tang est dĂ©jĂ  reliĂ© par un aqueduc souterrain aux Ă©tangs supĂ©rieurs qui alimentent les rĂ©servoirs du parc de Versailles.

La première partie est constituée de 40 km à flanc de coteau. Ensuite se présente la difficulté du franchissement de la vallée de l'Eure. Initialement, Louvois avait imaginé un aqueduc monumental de 17 km de long et culminant à sa plus grande hauteur à 72 mètres avec trois rangées d'arcades[7]. Vauban propose de construire finalement deux aqueducs, l'un à Saint-Germain-la-Gâtine qui mesure 1 000 mètres et l'autre à Maintenon de 5 000 mètres[7].

Les travaux commencent dĂ©but [6], 1 800 hommes procèdent alors Ă  du terrassement Ă  Pontgouin. Au plus fort du chantier, 30 000 hommes participent aux travaux[7]. Plus des deux tiers, 22 000, sont des soldats[6] - [8] (soit 10 % des effectifs de l'armĂ©e de l'Ă©poque[6]). Si les militaires avaient souvent Ă©tĂ© employĂ©s sur les grands travaux, cela atteindra son maximum avec le chantier du canal de l'Eure[6]. Cette main d'Ĺ“uvre est moins chère que la civile[6] et plus facilement mobilisable. Ils sont affectĂ©s aux travaux de force comme le terrassement[6] mais pas uniquement. Le rĂ©giment du Languedoc, qui compte beaucoup de protestants, est lui employĂ© aux travaux les plus durs[6]. Si un besoin se fait sentir, des civils sont enrĂ´lĂ©s. Les bateliers de l'Eure seront ainsi engagĂ©s dans les rĂ©giments d'Anjou et du Lyonnais[6].

Mais en 1687, 6 000 soldats et ouvriers meurent de la fièvre paludéenne[7]. Au printemps suivant, le royaume entre en guerre contre la Ligue de Augsbourg. Le chantier est arrêté. À la fin du conflit, 9 ans plus tard, les finances du royaume sont exsangues[7]. Louvois, l'initiateur du projet est mort lui 6 ans plus tôt en 1691. Les travaux ne reprendront pas et le canal restera inachevé malgré les 9 millions de livres déjà dépensés[7].

GĂ©ographie

Plan de Dallonville et du « Nouveau Canal de la Rivière d'Eure à Maintenon », 1696.

Le captage des eaux de l’Eure s’opère à Boizard par un barrage retenant suffisamment d’eau pour alimenter régulièrement le canal. Il devait traverser les actuels départements d'Eure-et-Loir et des Yvelines par les lieux-dits et communes suivants :

Pontgouin, Landelles, Courville-sur-Eure, Saint-Arnoult-des-Bois, Fontaine-la-Guyon, Saint-Aubin-des-Bois, Dallonville et Senarmont (Bailleau-l'Évêque au nord-ouest de Chartres), Fresnay-le-Gilmert, Saint-Germain-la-Gâtine, Berchères-la-Maingot, Théléville (Bouglainval), Chartainvilliers, Maintenon, Hanches, Houdreville (Épernon), Haute-Maison et Cerqueuse (Orphin), et Craches (Prunay-en-Yvelines).

Sites et ouvrages remarquables

De nombreux ouvrages de ce canal subsistent tout au long de son ancien tracé, qui reste identifiable en plusieurs endroits.

  • Saint-Arnoult-des-Bois : deux arches marquant le chemin suivi par le canal sont visibles sur la commune.
    • Une petite arche se trouve au lieu-dit le Brosseron, sous la route D139 qui suit ici exactement l'emplacement du canal (48° 28′ 38″ N, 1° 15′ 14″ E).
    • Une arche plus importante appelĂ©e l'arche Ă  Mulet (panneau sur place) est situĂ©e Ă  l'est du Brosseron. Elle devait permettre au canal d'enjamber la rivière le Coisnon (48° 28′ 55″ N, 1° 16′ 07″ E). De lĂ , les vestiges du remblai de terre se dirigent vers La Genetière, puis vers le chemin du Bois Biquet.
  • Fontaine-la-Guyon : une partie du canal a Ă©tĂ© restaurĂ©e dans le parc du château qui abrite la mairie.
  • Bailleau-l'ÉvĂŞque : subsiste, au sud-sud-ouest du hameau de Dallonville, une portion du canal toujours en eau sur 250 mètres environ, maintenu en Ă©tat depuis son origine au XVIIe siècle (48° 28′ 34″ N, 1° 23′ 12″ E).
  • Chartainvilliers : deux tunnels construits en 1680, « La Petite VoĂ»te » et « La Grande VoĂ»te», Logo monument historique Inscrit MH (1934)[11] (48° 33′ 42″ N, 1° 32′ 43″ E).
  • Maintenon
L'aqueduc de Maintenon, inachevĂ©, culmine Ă  28,50 m et comporte un rang de 47 arcades[12]. La construction de l'ouvrage dĂ©bute en 1686. En raison de la reprise de la guerre, les travaux sont arrĂŞtĂ©s en 1688 pour ne jamais reprendre. L'aqueduc est classĂ© au titre des monuments historiques en 1875 et deux entonnoirs inscrits en 1934[13].

Galerie de photographies

Voir aussi

Bibliographie

  • Histoire de Madame de Maintenon, duc de Noailles, 1849.
  • Travaux hydrauliques de Versailles sous Louis XIV, J.-A. Le Roi, SociĂ©tĂ© des sciences morales, des lettres et des arts de Seine-et-Oise, Versailles, 1866.
  • F. Evrard, Les travaux du canal de l'Eure sous Louis XIV, 1933.
  • Gabriel Despots et Jacques Galland, Histoire du canal Louis XIV de Pontgouin Ă  Maintenon, Ă©d. Cael, .
  • Sous la direction de Michèle Virole, Vauban et les voies d'eau, Paris, huitième jour, coll. « Les Ă©toiles de Vauban », , 180 p. (ISBN 978-2-914119-91-7 et 2-914119-91-7)
  • Thierry Sarmant et RaphaĂ«l Masson (dir.), Architecture et Beaux-arts Ă  l'apogĂ©e du règne de Louis XIV : Ă©dition critique de la correspondance du marquis de Louvois, surintendant des Bâtiments du roi, arts et manufactures de France, 1683-1691. Tome 1 : 1683-1684, Paris, ComitĂ© des travaux historiques et scientifiques, 2007 ; Tome 2 : 1685, Paris, CTHS, 2009.
  • Barbet L.-A. Les grandes eaux de Versailles. 1907. Consultable sur BNF Gallica.

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

    Références

    1. Bernard Pujo, Vauban, Paris, Albin Michel, , 374 p. (ISBN 2-226-05250-X), p. 125
      Disponible à la bibliothèque
    2. Mémoires de la Société des sciences morales, des lettres et des arts de Seine-et-Oise - 1866 - p.65
    3. Sous la direction de Michèle Virole, Vauban et les voies d'eau, Paris, huitième jour, coll. « Les étoiles de Vauban », , 180 p. (ISBN 978-2-914119-91-7 et 2-914119-91-7), p. 40
    4. Les Ă©toiles de Vauban - Vauban et les voies d'eau op. cit. p. 40
    5. Collectif. Sous la direction de Jacques Garnier., Dictionnaire Perrin des guerres et des batailles de l'histoire de France, Paris, Perrin, , 906 p. (ISBN 2-262-00829-9), p. 938
      notice rédigée par Simone Hoog
    6. Frédéric Tiberghien, Versailles : le chantier de Louis XIV 1662-1715, Paris, Perrin, , 378 p. (ISBN 2-262-01926-6), p. 119-120
    7. Philippe Testard-Vaillant, « Des grands travaux en cascade », Les Cahiers de Science & Vie, no hors-série Les Sciences au château de Versailles,‎ , p. 64-71
    8. dont le régiment de Picardie
    9. « Écluse de Boizard », notice no PA00097185, base Mérimée, ministère français de la Culture
    10. « Entonnoir et tunnel dit l'Arche de la Vallée », notice no PA00096969, base Mérimée, ministère français de la Culture
    11. « Tunnel de Chartainvilliers », notice no PA00096990, base Mérimée, ministère français de la Culture
    12. Les aménagements de l'Eure et de ses affluents par Vauban et Louvois au XVIIe siècle sur le site du Projet Babel
    13. « Aqueduc de Maintenon et deux entonnoirs », notice no PA00097145, base Mérimée, ministère français de la Culture
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