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Bois gorgé d'eau

Le bois gorgé d'eau constitue une partie rare et significative des documents archéologiques. Il peut se produire dans de vastes zones humides ou dans de petites zones, telles que des fosses ou des puits, sur des sites autrement secs; environnements intertidaux et sous-marin sont concernés, objets de l'archéologie subaquatique et de archéologie sous-marine[1].

Aspersion du Mary Rose de la période Tudor au chantier naval historique de Portsmouth, au Royaume-Uni.
La carrack Mary Rose en cours de conservation au polyéthylène glycol.

La carbonisation (bois carbonisé), l'immersion dans l'eau (bois gorgé d'eau), la minéralisation et fossilisation (bois pétrifié) sont les trois moyens par lesquels un bois va défier les temps historiques[2].

Études des bois gorgés d'eau

Les sites produisant des bois gorgés d’eau sont également susceptibles de conserver d’autres matières organiques et des restes de paléoenvironnement.

L'étude des vestiges en bois est essentielle car ils constituent souvent la principale matière première utilisée dans les structures, les artefacts et comme combustible. Certains archéologues pensaient qu'un site archéologique sec typique pouvait conserver environ 15% de ce qui était réellement utilisé par les habitants, mais des estimations plus récentes, suggèrent que les matières organiques périssables représentent 90 à 95% des ressources archéologiques potentielles. L'analyse des vestiges en bois fournit des informations uniques et significatives sur la culture matérielle, l'économie, l'industrie et les bâtiments. Le bois peut être analysé en combinaison avec d'autres sources de données paléo-environnementales pour améliorer la compréhension du paysage au sens large. Les vestiges en bois témoignent directement du caractère de la couverture d'arbres locale et de son évolution au fil du temps. Il peut également fournir des informations sur la gestion des terres boisées et sur la sélection des matières premières, et peut être utilisé pour identifier les produits importés[1].

Le bois gorgé d'eau peut fournir des échantillons précieux pour la datation au radiocarbone, à l'instar d'autres matériaux organiques, mais plusieurs espèces peuvent également être utilisées pour la datation par tranchage (dendrochronologie), qui peut produire des dates extrêmement précises. L'utilisation de certaines espèces importées peut également aider à dater des sites plus récents[1].

Les sites gorgés d'eau sont généralement plus complexes et coûteux à étudier que les sites secs, un fait qui peut souvent faire pression sur les conservateurs archéologiques, les entrepreneurs et les consultants[1].

Comportement des bois immergés

Une pile de fondation en chêne du Royal Suspension Chain Pier (en) à Brighton exposée à marée basse. Construit en 1823, détruit lors d'une tempête en 1896, le bois a tendance à pétrifier lentement dans l'eau de mer.
Arbre ancien Centre d'accueil des visiteurs Ceide Fields (en): pin sylvestre, extrait de la tourbière après 4000 ans

Le bois est un matériau biologique susceptible de se dégrader sous l'action de ravageurs, champignons, et en moindre mesures bactéries. Les champignons ont besoin d'oxygène pour leurs opérations.

  • le bois se conserver pendant de longues pĂ©riodes dans des conditions anoxiques et gorgĂ©es d’eau[3]; l'intĂ©rieur d'une pièce de bois mort immergĂ© est pauvre en oxygène, surtout si le bois est dense; dans les milieux anoxiques les bactĂ©ries dominent, mais leur activitĂ© est limitĂ©e. L'immersion en eau douce ou en eau de mer des bois a donc valeur conservative; elle est par ailleurs pratiquĂ©e de nos jours dans le stockage humide des grumes et des chablis, et les forĂŞts immergĂ©es lors des travaux de barrage par exemple sont depuis le XXe siècle rĂ©cupĂ©rĂ©s par bĂ»cheronnage subaquatique[4]; dans les arsenaux au XIXe siècle, l'enclavation fait sĂ©journer les grumes sous l'eau de mer ou l'eau saumâtre, pendant deux ans au moins; afin qu'elles se « dĂ©pouillent complètement de leur sève »; les bois sont simplement immergĂ©s sous l'eau, soit dans des anses fermĂ©es oĂą l'on peut obtenir un mĂ©lange d'eau douce et d'eau salĂ©e, dans lequel les tarets ne subsistent pas[5];
  • lorsqu'il est plongĂ© dans le milieu marin, le bois tombe essentiellement sous la coupe des teredos; plus les articles en bois sont exposĂ©s Ă  l’eau salĂ©e, plus ils souffrent et plus vite certains d’entre eux disparaissent; souvent, les matĂ©riaux Ă  base de bois, lorsqu'ils sont enfouis profondĂ©ment dans les sĂ©diments, souffrent moins, voire pas du tout, et peuvent parfois ĂŞtre dĂ©couverts dans un excellent Ă©tat de conservation;
  • parfois, le bois est complètement prĂ©servĂ© en Ă©tant saturĂ© par l’oxyde de fer alors qu’il repose près d’objets en fer sous l’eau. Ils ont tendance Ă  se minĂ©raliser et Ă  avoir une texture dure[3].
  • les marais, marĂ©cages et tourbières sont des milieux anoxiques par excellence. On y dĂ©terre quelquefois des troncs Ă©normes lĂ©gèrement noircis et qui peuvent encore ĂŞtre employĂ©s aux usages industriels. On donne Ă  ce matĂ©riau le nom de « morta », « Bog-wood » en anglais;.
  • le froid ralenti toute activitĂ© chimique et biologique;
  • le sel dans une certaine mesure est conservateur.

Traitement des bois excavés

Le but d'un traitement de conservation de bois gorgé d'eau est d'éliminer l'eau, mais aussi de stabiliser et généralement de consolider le bois sans provoquer de modification de forme et d'aspect. Aucun site submergé n'est fouillé sans qu'on ne puissent garantir une méthode de conservation appropriée pour les parties en bois gorgées d'eau[3]. Tous les éléments de matière organique récupérés dans de l'eau salée doivent être baignés dans de l'eau douce pendant deux à quatre semaines, selon leur taille, afin d'éliminer tous les sels marins avant que le traitement de conservation ne puisse être tenté[3]. Les méthodes utilisées par la suite sont: polyéthylène glycol; Arigal-C (résine mélamine-formaldéhyde); alcool-éther-résine; lyophilisation, imprégnation-irradiation γ, etc. La lyophilisation et l'imprégnation-irradiation γ sont des techniques de conservation utilisées à l'Atelier de recherche et de conservation Nucléart (ARC-Nucléart, ancien CETBGE, Centre d'Etudes et de Traitement des Bois Gorgés d'Eau). C'est cette dernière méthode qui a été choisie pour la pirogue monoxyle de Moncey. Le traitement comprend deux étapes: Le remplacement de l'eau imprégnant le bois par une résine, le durcissement de la résine au sein du matériau par irradiation gamma[6].

Exemples notables d'épaves excavées et restaurées

Le navire de guerre suĂ©dois Vasa du XVIIe siècle a Ă©tĂ© retrouvĂ© en bon Ă©tat après 333 ans passĂ©s dans les eaux saumâtres froides du port de Stockholm. L’eau de mer sur le site de l’épave du Vasa s’est fortement polluĂ©e au fil du temps et la dĂ©gradation bactĂ©rienne des dĂ©chets organiques de la ville en expansion a consommĂ© la majeure partie de l’oxygène de l’eau produisant un milieu anoxique. Le sulfure d’hydrogène malodorant produit par des bactĂ©ries, a entraĂ®nĂ© l’accumulation de diffĂ©rents composĂ©s de soufre et de fer dans le bois de l’épave pendant 333 ans sur le fond marin. Le contact avec l'oxygène, associĂ© Ă  la forte humiditĂ© de l'environnement du musĂ©e, provoque la production d'acide sulfurique par ces contaminants, qui aujourd'hui rongent le navire[7]. Les eaux froides de la baltique ont par ailleurs toujours Ă©loignĂ© Teredo navalis, ce qui a contribuĂ© Ă  la survie de l'Ă©pave[8].

Outils aborigènes dans le Wyrie Swamp en Australie

Un certain nombre d'outils aborigènes en bois ont Ă©tĂ© trouvĂ©s dans le Wyrie Swamp. Le site d’occupation couvert par des marĂ©cages en expansion a produit une gamme d’outils en bois absents de la plupart des autres sites, tout simplement parce que le bois avait besoin des conditions adĂ©quates pour survivre pendant des milliers d’annĂ©es. Parmi les outils, il y avait 3 boomerangs complets fabriquĂ©s Ă  partir de Casuarina stricta[9]; les plus anciens exemples connus de boomerangs dans tout le pays. Roger Luebbers pense que le marais les a conservĂ© intact entre 9 000 ans, et 10 200 ans.

Villages de pĂŞche en Finlande

Les structures en bois fixes associées à la pêche constituent actuellement le type le plus courant de site archéologique de zones humides en Finlande. Sur la base d'échantillons bien datés, des structures de pêche similaires ont été utilisées pendant des millénaires, de l'âge de la pierre jusqu'au début de la période moderne, à partir du 4000 avant notre ère jusqu'au début du XXe siècle de notre ère[10].

Sweet Track en Angleterre

Le Sweet Track est une piste ancienne, chaussée, ou chemin de rondins située dans les Somerset Levels, en Angleterre, du nom de son découvreur, Ray Sweet. Construit en 3807 av. J.-C., il s’agit de la deuxième plus ancienne piste en bois découverte dans les îles britanniques, datant du néolithique. On sait maintenant que la Sweet Track a été construite principalement au cours d’une structure antérieure, la Post Track (en).

La Tène

Captures vidéo. Site « Vers l'Église » à Morges–Stations de Morges sur le Léman, classé à au patrimoine mondiale de l'UNESCO

Le lac de Neuchâtel conserve les vestiges des pieux d'une agglomération celte appelée La Tène. Les structures sur pilotis, construites sur la terre ferme était une manière de se préserver de l’humidité et des crues[11]. Les palafittes sont actuellement immergés sous plusieurs mètres d’eau[12]. La culture de La Tène est une culture archéologique qui se développe en Europe entre environ 450 et 25 av. J.-C., considérée comme l'apogée de la culture celtique.

Les sites palafittiques préhistoriques autour des Alpes sont un ensemble de vestiges d'habitations lacustres préhistoriques présents autour des lacs et des marais des Alpes et aux abords de l'arc alpin.

Notes et références

  1. waterlogged-wood. Guidelines on the recording, sampling, conservation and curation of waterlogged wood; sur historicengland.org.uk
  2. Jacqui Huntley. Northern England A review of wood and charcoal recovered from archaeological excavations in northern England. Research Department Report Series 68-2010. English Heritage. Lire en ligne
  3. David N.-S. Hon, Nobuo Shiraishi - Wood and Cellulosic Chemistry, Second Edition, Revised, and Expanded. CRC Press. 2000
  4. Fédération des industries du bois d'aquitaine. Plan d'intervention
  5. Antoine Joseph de Fréminville. Traité pratique de construction navale. A. Bertrand, 1864 - 661 pages lire en ligne
  6. Ginier-Gillet André, Urlacher Jean- Pierre, PASSARD Françoise, Lambert Georges, Lavier Catherine. La pirogue monoxyle de Moncey (Doubs). In: Archaeonautica, 7, 1987. pp. 37-54. Lire en ligne
  7. (en) Swedish Research Council. Sulfur in marine archaeological shipwrecks -- the 'hull story' gives a sour aftertaste sur phys.org
  8. Office des publications de l'UE. Sauver des Ă©paves historiques de la mer Baltique 2011-02-28
  9. Australia: The Land Where Time Began sur austhrutime.com
  10. University of Helsinky. Finland’s wetlands are an internationally significant archaeological repository
  11. Un mythe suisse tenace : les villages lacustres. Janvier 2009. Sur aqueduc.info
  12. Read more at Archéologie subaquatique : 4514 ans plus tard Par Fabien Langenegger. Le 20/03/2014. Dans Palafittes

Voir aussi

Articles connexes

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