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Bleu Guimet

Le bleu Guimet est un pigment de thiosulfate d'aluminosilicate de sodium synthétisé au XIXe siècle par Jean-Baptiste Guimet pour remplacer le bleu outremer obtenu par broyage du lapis-lazuli. Chimiquement identique, il remplaça le bleu outremer véritable qui coûtait entre 100 et 2500 fois plus cher.

Bleu Guimet
Image illustrative de l’article Bleu Guimet
Du Bleu Guimet.
Identification
Synonymes

C.I. 77007
C.I. Pigment Blue 29
Ultramarine

No CAS 57455-37-5
No ECHA 100.118.664
Propriétés chimiques
Formule Al6Na7O24S3Si6
Masse molaire[1] 971,511 ± 0,024 g/mol
Al 16,66 %, Na 16,56 %, O 39,52 %, S 9,9 %, Si 17,35 %,

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Le bleu Guimet est utilisé pour la peinture et pour l'azurage en teinturerie, en blanchisserie et dans l'industrie de la pâte à papier[2]. À la fin du XXe siècle, 55 % de la production était utilisée par l'industrie des détergents (PRV1, p. 388).

Bleu Guimet pour l'azurage du linge

Invention de l'outremer synthétique

En 1806, les chimistes Charles-Bernard Desormes et Nicolas Clément avaient publié dans les Annales de chimie une analyse précise de la composition de l'outremer. On avait remarqué que cette composition était similaire à celle de sous-produits de la fabrication de la soude.

En 1824, la SociĂ©tĂ© d'encouragement pour l'industrie nationale offrit un prix de 6 000 francs Ă  celui qui prĂ©senterait un procĂ©dĂ© industriel viable pour la fabrication d'un outremer artificiel qui puisse ĂŞtre vendu Ă  moins de 300 francs le kilo. En 1828, après le rejet de plusieurs candidats qui avaient prĂ©sentĂ© des variantes du bleu de Prusse, la SociĂ©tĂ© rĂ©compensa le fabricant de couleurs Jean-Baptiste Guimet[3]. Cependant, un mois plus tard, la SociĂ©tĂ© recevait une proposition du chimiste allemand Christian Gmelin, qui affirmait, comme Guimet, avoir mis au point son procĂ©dĂ© un an auparavant. Après plusieurs annĂ©es, la SociĂ©tĂ© trancha en faveur de Guimet[4].

Les deux procédés consistent à faire cuire un mélange de kaolin, de carbonate de soude, de soufre, de sulfate de soude et de charbon de bois utilisé comme réducteur.

Dès 1831, Guimet installe son usine à Fleurieu-sur-Saône dans la région de Lyon[5]. En 1834, Blondin réussit à fixer le pigment sur du tissu[6].

L'outremer (naturel), qui était la plus chère des couleurs pour artistes, devient le bleu le moins cher, réduisant le bleu de cobalt du chimiste Louis Jacques Thénard, inventé vingt ans plus tôt, à des usages où sa résistance aux hautes températures le rend irremplaçable. L'outremer Guimet sert pour l'azurage des papiers et tissus, et se vend à un prix modique aux lavandières, aux peintres décorateurs, aux teinturiers et aux artistes.

Le succès de ce produit permettra la création de la Compagnie des produits chimiques d'Alais et de la Camargue, qui par la suite deviendra le groupe chimique Pechiney, tandis que le fils de Guimet, Émile[7], fera don de sa collection d'art asiatique pour la création des Musées Guimet.

Couleur fine

Pour les artistes, le prix des couleurs a moins d'importance que pour les blanchisseurs, mais ils ont des exigences de stabilité et de neutralité chimique des couleurs qui ne se retrouvent pas chez les autres. L'engouement du début du XIXe siècle pour le bitume avait déjà produit ses effets catastrophiques. La plupart des artistes préféraient s'en tenir, s'il y avait le choix, aux couleurs qui avaient déjà passé l'épreuve des siècles. Des rumeurs exprimaient la méfiance envers les nouveaux produits[8]. Vers la fin du siècle, des marchands de couleur et chimistes comme George Field, Gustave Sennelier ou Jacques Blockx effectuent des essais systématiques des peintures qu'ils vendent.

En 1881, Blockx note que le prix de l'outremer vrai « l'a fait abandonner pour ainsi dire complètement » et que l'Outremer de Guimet de qualité surfine, dont le procédé reste secret, « est le plus propre à la peinture de chevalet. Il est d'une nuance très riche, se marie bien avec le blanc d'argent et possède une fixité à toute épreuve[9] ».

Jean-Auguste-Dominique Ingres est le premier artiste à utiliser ce bleu Guimet dans L'Apothéose d'Homère datée de 1827[10]. Renoir a utilisé l'outremer Guimet dans les ombrelles peintes de 1880 à 1885, et van Gogh dans Les blés jaunes de 1889. Cette couleur dominera les bleus de la peinture jusqu'à l'invention en 1935 du bleu phtalo[11].

Voir aussi

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Jean Petit, Jacques Roire et Henri Valot, EncyclopĂ©die de la peinture : formuler, fabriquer, appliquer, t. 1, Puteaux, EREC, , 429 p. (ISBN 2-905519-28-2, OCLC 300351466), p. 383. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Daisy Bonnard, « Le bleu outremer, inventions d'un pigment », La Revue / Conservatoire National des Arts et MĂ©tiers, nos 46/47,‎ , p. 26–35 (ISSN 1167-4806, OCLC 907862349)
  • François Delamare, « Le Bleu Guimet », dans Bleus en poudres - de l'art Ă  l'industrie - 5000 ans d'innovations, ParisTech Les presses Mines Paris, , 422 p. (ISBN 2911762827, OCLC 494577279, BNF 41210129, prĂ©sentation en ligne), p. 249-316
  • Philip Ball (trad. Jacques Bonnet), Histoire vivante des couleurs : 5000 ans de peinture racontĂ©e par les pigments [« Bright Earth: The Invention of Colour »], Paris, Hazan, , p. 354-359. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Philippe Walter et François Cardinali, L'art-chimie : enquĂŞte dans le laboratoire des artistes, Paris, Michel de Maule, coll. « Le studiolo », , 175 p. (ISBN 978-2-87623-470-3 et 2-87623-470-X, OCLC 855989347, BNF 43607640), p. 127-128. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article

Article connexe

Liens externes

Notes et références

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. Walter et Cardinali 2013, p. 128.
  3. Ministère de la Culture, « Moulin horizontal à fabriquer du bleu outremer artificiel », sur culture.gouv.fr (consulté le ).
  4. Ball 2010, p. 355.
  5. Michel Laferrère, « Les industries chimiques de la région lyonnaise », Revue de géographie de Lyon, vol. 27, nos 27-3,‎ , p. 219-256 (lire en ligne) p. 224.
  6. Eugène Lacroix (ed.), Nouvelle technologie des arts et métiers des manufactures, des mines, de l'agriculture etc. : annales et archives de l'industrie au XIXe siècle description générale, encyclopédique, méthodique et raisonnée de l'état actuel des arts, des sciences, de l'industrie et de l'agriculture chez toutes les Nations...., vol. 1, t. 1, (lire en ligne).
  7. Musée National des arts asiatiques Guimet, « Émile Guimet, fondateur du musée », sur guimet.fr (consulté le ).
  8. Ball 2010, p. 357.
  9. Jacques Blockx, Compendium à l'usage des artistes peintres : Peinture à l'huile -- Matériaux -- Définition des couleurs fixes et conseils pratiques suivis d'une notice sur l'ambre dissous, Gand, L'auteur, (lire en ligne), p. 54-55.
  10. EMILE GUIMET (1836 - 1918) : un novateur et un visionnaire in Rénovation du musée national des Arts asiatiques - Guimet, p. 6
  11. Ball 2010, p. 358.
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