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Big Pharma

Big Pharma est un terme employé pour désigner l'industrie pharmaceutique dans son ensemble[1], mais souvent plus précisément les plus gros groupes la composant[2] - [3]. Il est notamment utilisé dans le cadre de la dénonciation du lobbying pharmaceutique[4].

Description

Utilisé par des journalistes pour désigner l'industrie pharmaceutique en général[5] - [6], le terme est également repris par des théories du complot, notamment la théorie du complot de Big Pharma[7] - [8].

Le coût de développement moyen d'une molécule thérapeutique avoisine le milliard de dollars[9], entraînant de grands enjeux économiques pour chaque molécule développé par les laboratoires pharmaceutiques. Le délai entre le dépôt d'un brevet sur une nouvelle molécule et l'autorisations de mise sur le marché(AMM) s'est allongé jusqu'à dix à douze ans quand ledit brevet tombe au bout de vingt ans. Le secteur s'est concentré, pour mieux supporter ces coûts de R&D[10],

Le marchĂ© pharmaceutique reprĂ©sente 920 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2019. Les cinq premiers groupes Ă  l’échelle mondiale par le chiffre d'affaires global(Johnson & Johnson, Roche, Pfizer, Bayer et Novartis) reprĂ©sentent environ un quart du marchĂ©, et seule une vingtaine d’entreprises du secteur dĂ©passe les 10 milliards de chiffre d’affaires. Les dix premières entreprises disposent de 800 000 salariĂ©s. Si l’on retient le chiffre d’affaires global de l’entreprise ou la part consacrĂ©e aux mĂ©dicaments donc le poids du secteur pharmaceutique de l'entreprise, le classement des Big Pharma n’est pas le mĂŞme[3]. Novartis, Roche, Pfizer, Johnson & Johnson, Sanofi ont les plus grands chiffres d'affaires dans le secteur pharmaceutique[4]

La clé de l'innovation de demain, pourrait échapper aux Big Pharma au profit des jeunes pousses créé par la recherche académique des universités. La moitié des AMM de nouvelles thérapies sont aujourd'hui attribuées à ces "biotechs"[10] - [2]. On assiste aussi à des alliances Big Pharma Biotechs. Les grands groupes pharmaceutiques, comme le Français Sanofi, restent malgré tout indispensables pour la production, la logistique et le marketing des médicaments[2](et des vaccins).

En mars 2021, la France n’a pas encore réussi à valider un vaccin contre le SARS-CoV-2. Pour certains analystes, cet échec est le signe du retard pris par la recherche française depuis plus d’une décennie, n'ayant pas pris suffisamment en compte l'évolution de la chimie vers la biotechnologie dans le domaine de la santé[11].

Secteur des antidouleurs

Aux États-Unis, les laboratoires (et distributeurs) pharmaceutiques auraient tirés des dizaines de milliards de dollars de chiffres d'affaires de leurs médicaments antidouleurs[12].

En 2014, les États-Unis font face Ă  une crise de santĂ© publique, 19 000 personnes sont mortes d’une prise non maĂ®trisĂ©e d’antidouleurs puissants dĂ©livrĂ©s lĂ©galement. Au niveau des États, certaines mesures ont Ă©tĂ© prises, notamment sur le suivi des prescriptions, afin qu’un patient ne puisse pas multiplier les ordonnances[13].

En 2017, environ deux millions d’Américains sont dépendants aux opiacés.

Le ministre de la justice de l’Ohio a lancé une procédure judiciaire contre cinq laboratoires pharmaceutiques (Johnson & Johnson, Teva, Allergan, Endo et Purdue Pharma) estimant qu'ils avaient une part de responsabilité dans cette crise de santé publique par dissimulation des risques de dépendance qui peuvent se révéler et conduire à une surconsommation mortelle et par manque d’information des praticiens sur les risques de cette dépendance[14]. Ce n'est pas la seule procédure engagée : Chicago, les comtés d’Orange (Californie) et Santa Clara (Californie) ont déposé plainte contre des laboratoires, la Virginie Occidentale a poursuivi les distributeurs de médicaments. Le Kentucky a négocié un abandon de poursuite contre un laboratoire.

En 2019, en Oklahoma, l’entreprise pharmaceutique Johnson & Johnson accusĂ©e d’avoir favorisĂ©e la dĂ©pendance Ă  des mĂ©dicaments antidouleurs au moyen de campagnes de promotion trompeuses reçoit une amende de 572 millions de dollars[15].

Plusieurs laboratoires Ă©taient poursuivis par cet État, Purdue Pharma a rĂ©glĂ© 270 millions de dollars avant le procès. Teva a rĂ©glĂ© 85 millions de dollars[15].

En 2019, la responsabilitĂ© de l’industrie pharmaceutique est engagĂ©e dans cette crise de santĂ© publique qui a fait plus de 400 000 morts en 20 ans, selon les chiffres des centres amĂ©ricains de prĂ©vention des maladies (CDC)[12].

En septembre 2019, Purdue Pharma se dĂ©clare en faillite. L'entreprise amĂ©ricaine veut en obtenir 10 milliards de dollars, qui serviront dans le cadre d'un accord Ă  l'amiable pour rĂ©gler la crise des opiacĂ©s en soldant 2 000 plaintes auxquelles le fabricant de l'OxyContin est confrontĂ© et ainsi Ă©viter le procès[16]. L'OxyContin, puissant analgĂ©sique opioĂŻde, 35 milliards de dollars de chiffre d'affaires, grâce Ă  des techniques de vente très agressives. Le laboratoire pharmaceutique amĂ©ricain Purdue et le ministère amĂ©ricain de la Justice ont trouvĂ© un accord Ă  8,3 milliards de dollars afin de solder les poursuites fĂ©dĂ©rales. L'accord doit ĂŞtre approuvĂ© par un tribunal fĂ©dĂ©ral des faillites[17]. En septembre 2021, la justice amĂ©ricaine valide le plan de faillite du laboratoire Purdue. La famille Sackler, accusĂ©e d’avoir alimentĂ© la crise des opiacĂ©s aux États-Unis, propose 4,3 milliards de dollars pour solder les poursuites, le plan prĂ©voit d’accorder l’immunitĂ© aux membres de la famille Sackler[18]. Le 17 dĂ©cembre 2021, un tribunal remet en cause l’immunitĂ© de la famille Sackler. Le ministre amĂ©ricain de la justice, Merrick Garland, estime dans un communiquĂ© que le tribunal des faillites « n’avait pas le droit de priver les victimes de la crise des opiacĂ©s du droit de poursuivre la famille Sackler »[19].

En juin 2021, Ă  la suite d'un accord avec l’État de New York, lui Ă©vitant un procès, Johnson & Johnson va cesser de vendre des opiacĂ©s aux États-Unis et devra rĂ©gler 230 millions de dollars afin de financer les efforts de prĂ©vention, de traitement et d’éducation aux dangers que prĂ©sentent ces substances dans l’État de New York[20].

En juillet 2021, accusĂ©es d’avoir contribuĂ© Ă  la crise des opiacĂ©s qui ravage les États-Unis, quatre sociĂ©tĂ©s pharmaceutiques amĂ©ricaines sont prĂŞtes Ă  payer 26 milliards de dollars pour solder des milliers d’actions en justice intentĂ©es contre elles par de nombreux États amĂ©ricains. Le laboratoire Johnson & Johnson a acceptĂ© de payer 5 milliards sur neuf ans, et les distributeurs McKesson, Cardinal Health et AmerisourceBergen, 21 milliards sur dix-huit ans, avec l’espoir de solder près de 4 000 actions en justice intentĂ©es par des dizaines d’États amĂ©ricains et collectivitĂ©s locales[21].  

Secteur des vaccins

Dans l’industrie pharmaceutique, le secteur des vaccins est très concentré en raison de la spécificité de sa production et nécessite des investissements considérables (la recherche et développement monte à 20% du chiffre d’affaires) : cinq laboratoires se partagent 80 % du marché : Johnson & Johnson, Pfizer, Merck, GSK et Sanofi. Ce marché représente 27 milliards d’euros en 2019, soit 3 % du marché du médicament[3].

En 2020, les entreprises pharmaceutiques se livrent à une course de vitesse, dans la mise au point de vaccins contre la Covid-19 et leurs productions industrielles à l'échelle planétaire, à l'issue de laquelle le chiffre d'affaires pour le Big Pharma sera très important. Les grands groupes pharmaceutiques s'allient aux start-ups tels BioNTech ou Moderna qui se sont montrés plus rapides[2]. En 2021, Sanofi qui a été distancé dans la course au développement d’un vaccin contre le Covid-19, rachète le spécialiste américain de l’ARN messager Translate mais renonce à poursuivre la mise en œuvre de la phase 3 de son vaccin à ARN messager contre la Covid-19 malgré des résultats positifs[22] - [23].

Face à l’urgence sanitaire due à la pandémie de Covid-19, la question, « faut-il libérer les brevets des vaccins pour en produire plus ? », se pose. Cette idée se heurte aux contraintes de la propriété intellectuelle protégée par les brevets déposés par les entreprises[24] - [25].

La Commission européenne a cédé aux exigences de l’industrie pharmaceutique qui lui a demandé une confidentialité quasi totale sur les aides accordées pour la recherche et sur le coût des achats de vaccins contre la Covid-19. Par ailleurs, selon la presse belge, un des sept super négociateurs choisi par la Suède n’était autre que Richard Bergström, ancien directeur de la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques, le principal lobby de Big Pharma en Europe[26].

En mai 2021, emmenés par l’Inde et l’Afrique du Sud, une centaine d’États demandent à l'Organisation mondiale du commerce la levée des droits de propriété intellectuelle, mais Big Pharma défend son monopole. Ainsi, les États pourraient octroyer à des acteurs locaux des licences, sans que les détenteurs des brevets puissent s'y opposer. Cela permettrait de multiplier les sites de production, et par conséquent de réduire l’écart qui se creuse entre les pays riches et vaccinés et les nations les plus pauvres[27]. Les États-Unis soutiennent la suspension des brevets pour les vaccins contre le Covid-19 et l'Union Européenne est prête à en discuter, pour accélérer la production mondiale[28] - [29].

Selon Maurice Cassier, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), « les fabricants ont bénéficié de milliards d’euros d’aides publiques pour développer leurs vaccins, aucun n’est purement le fruit des recherches industrielles, tous ont profité de décennies de recherches académiques »[28].

En juin 2022, l’OMC entérine un accord à minima sur la levée des brevets sur les vaccins contre la Covid-19. Il donne le droit aux pays en développement d'accorder des licences de production pour les vaccins à des fabricants locaux en se passant de l’autorisation des titulaires des brevets[30].

Références

  1. « Big Pharma », dans Oxford English Dictionary.
  2. François Lenglet, « Vaccins anti-Covid : quand Big Pharma se fait doubler par des start-ups », sur RTL.fr, (consulté le )
  3. Mathilde Damgé, « Derrière l’expression « Big Pharma », des milliards de dollars mais une réalité plus complexe », Le Monde, (consulté le )
  4. Catherine Pacary, « « Big Pharma, labos tout-puissants » : big profits, big scandales », Le Monde, (consulté le )
  5. Philippe Rivière, « « Big Pharma », ou la corruption ordinaire », Le Monde diplomatique, (consulté le )
  6. Philippe Askenazy, « Big Pharma, héroïne du vaccin contre le Covid-19 ? », Le Monde, (consulté le )
  7. Tatiana Chadenat, « Les laboratoires pharmaceutiques sont-ils aux mains du "Big Pharma" ? », sur France Culture, (consulté le )
  8. Yann Lagarde, « Covid-19 : le "Big Pharma" fait-il main basse sur les remèdes ? », sur France Culture, (consulté le )
  9. « Le saviez-vous ? Le coût de développement moyen d’un médicament est évalué à 1 milliard d’euros » (consulté le )
  10. Antoine Reverchon, « Aux Etats-Unis, les Big Pharma testent de nouvelles stratégies », Le Monde, (consulté le )
  11. Philippe Escande, Marc Bettinelli, Solène Bureau, « Vaccins contre le Covid-19 : pourquoi la France accuse-t-elle un tel retard ? », sur Le Monde,, (consulté le )
  12. « Crise des opiacĂ©s : 4 gĂ©ants pharmaceutiques Ă©vitent un procès historique », Le Monde avec AFP, (consultĂ© le )
  13. Stéphanie Le Bars, « Aux États-Unis, les surdoses d’antidouleurs tuent plus que l’héroïne », Le Monde, (consulté le )
  14. StĂ©phane Lauer, « États-Unis : cinq laboratoires poursuivis pour avoir dissimulĂ© des effets secondaires des antidouleurs », Le Monde, (consultĂ© le )
  15. « États-Unis : une première amende de 572 millions de dollars dans la crise des opiacĂ©s », Le Monde avec AFP, (consultĂ© le )
  16. Gabriel Nedelec, « Crise des opiacĂ©s : Purdue Pharma se dĂ©clare en faillite pour solder plus de 2 000 plaintes », Les Échos, (consultĂ© le )
  17. VĂ©ronique Le Billon, « Crise des opioĂŻdes : accord entre Purdue et la justice amĂ©ricaine », Les Échos, (consultĂ© le )
  18. « Crise des opiacĂ©s : la justice amĂ©ricaine valide le plan de faillite du laboratoire Purdue », sur LeMonde.fr avec AFP, (consultĂ© le )
  19. « Crise des opiacĂ©s aux Etats-Unis : un tribunal remet en cause l’immunitĂ© de la famille Sackler », sur LeMonde.fr avec AFP, (consultĂ© le )
  20. « Johnson & Johnson va cesser de vendre des opiacĂ©s aux États-Unis », sur LeMonde.fr avec AFP, (consultĂ© le )
  21. « États-Unis : quatre laboratoires, accusĂ©s d’avoir alimentĂ© la crise des opiacĂ©s, prĂŞts Ă  payer 26 milliards de dollars pour solder les litiges », sur LeMonde.fr avec AFP, (consultĂ© le )
  22. « Sanofi rachète le spĂ©cialiste de l’ARN messager Translate, pour 3,2 milliards de dollars », Le Monde avec AFP, (consultĂ© le )
  23. « Covid-19 : Sanofi arrête le développement de son vaccin à ARN messager, mais poursuit son projet le plus avancé », Le Monde avec AFP, (consulté le )
  24. Adrien SĂ©nĂ©cat, « Covid-19 : faut-il libĂ©rer les brevets des vaccins pour en produire plus ? », Le Monde, (consultĂ© le )
  25. « Tout comprendre au débat sur la levée des brevets sur les vaccins contre le Covid-19 », Le Monde avec AFP, (consulté le )
  26. Elodie Guéguen , Cellule investigation de Radio France, « Achats européens des vaccins : un secret très bien gardé », sur France Inter, (consulté le )
  27. Zeliha Chaffin, « Vaccins contre le Covid-19 : comment Big Pharma défend son monopole », Le Monde, (consulté le ).
  28. Arnaud Leparmentier, « L’administration Biden soutient la suspension des brevets pour les vaccins contre le Covid-19 », Le Monde, (consulté le )
  29. « Covid-19 : l’UE se dit prĂŞte Ă  discuter d’une levĂ©e des brevets sur les vaccins », Le Monde avec AFP, (consultĂ© le )
  30. Zeliha Chaffin, « Covid-19 : accord timide sur la levĂ©e des brevets Ă  l’OMC », Le Monde, (consultĂ© le ).

Voir aussi

Articles connexes

Documentaires

  • Claire Lasko, Luc Hermann "Big Pharma, labos tout-puissants", Arte.tv, 2018 France, 88 min
  • Pierre MonĂ©gier, Brice Baubit et Emmanuel Lejeune, envoye-special: Antidouleurs : l’AmĂ©rique dĂ©vastĂ©e, Francetvinfo.fr, 2019 France, 55 min

Émission de radio

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