AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Bible Tyndale

La Bible Tyndale est la premiĂšre traduction en langue anglaise du Nouveau Testament Ă  partir du texte grec et de plusieurs livres de l’Ancien Testament Ă  partir du texte hĂ©breu[1]. ImprimĂ©es et diffusĂ©es clandestinement Ă  partir de 1525, ces traductions valent Ă  leur auteur William Tyndale (1494-1536) de mourir sur le bĂ»cher en 1536 Ă  Vilvorde (Belgique).

PremiĂšre page de l’Évangile selon Saint Jean, Ă©dition de 1526 de la traduction en anglais Nouveau Testament par William Tyndale.

GrĂące Ă  la diffusion des traductions de Tyndale par la technique toute nouvelle de l'imprimerie, les Anglais peuvent, Ă  partir des annĂ©es 1530, lire l’Écriture sainte dans leur propre langue. Son retentissement est considĂ©rable, aussi bien dans la diffusion du protestantisme que pour le dĂ©veloppement de la langue anglaise. Les traductions de Tyndale ont en effet Ă©tĂ© reprises dans les bibles anglaises classiques et modernes, qu'elles influencent donc lourdement[2].

Marque de l'importance de ces traductions : en 1994 la British Library (Londres, Angleterre) achÚte, pour un peu plus d'un million de livres sterling, le Nouveau Testament de 1525 de Tyndale, auquel elle attribue le titre de « livre imprimé le plus important de la langue anglaise. »[3].

Contexte historique

Au dĂ©but du XVIe siĂšcle en Angleterre, aussi bien le roi (Henri VIII) que la population sont catholiques, la messe est dite en latin et pour beaucoup les rituels de l'Ă©glise sont incomprĂ©hensibles. En 1408, l'archevĂȘque Arundel a expressĂ©ment interdit que quiconque traduise en anglais une partie quelle qu'elle soit des Écritures, ou mĂȘme lise une telle traduction sans une autorisation expresse de son Ă©vĂȘque, sous peine d'ĂȘtre condamnĂ© comme hĂ©rĂ©tique[4]. Ainsi, mĂȘme la traduction de Wyclif (vers 1320–1384) en moyen anglais, Ă  partir de la Vulgate et en feuillets manuscrits, est inaccessible.

En 1516, la parution du texte grec du Nouveau Testament par Érasme Ă  BĂąle[5] connaĂźt un grand retentissement. Elle offre en parallĂšle au texte grec une nouvelle traduction en latin qui corrige la traduction en latin de Saint JĂ©rĂŽme (la Vulgate), en usage dans l’Église catholique depuis plus de mille ans. Le texte grec compilĂ© par Érasme deviendra la rĂ©fĂ©rence pour les humanistes et les rĂ©formateurs[6].

En 1522, paraĂźt le Nouveau Testament allemand traduit directement du grec par Luther, premiĂšre Ă©tape de parution de la bible complĂšte en allemand. Cette parution inspire directement Tyndale[7].

Les Ă©tapes

Motivations de William Tyndale

Tyndale, dans la prĂ©face Ă  sa traduction du Pentateuque (1530), indique lui-mĂȘme ce qui l'amĂšne Ă  braver l'interdit pesant sur toute traduction en anglais de la Bible : « C'est lĂ  la seule chose qui m'ait amenĂ© Ă  traduire le Nouveau Testament. L'expĂ©rience m'avait appris combien il Ă©tait impossible d'asseoir fermement les laĂŻcs dans quelque vĂ©ritĂ© que ce soit, Ă  moins que l'Écriture ne soit clairement mise sous leurs yeux dans leur langue maternelle, afin qu'ils puissent voir l'enchaĂźnement, l'ordre et le sens du texte. Sans quoi, quelque vĂ©ritĂ© qu'on leur enseigne, ces ennemis de toute vĂ©ritĂ© [l’Église catholique] l'Ă©touffent Ă  nouveau [
] en manipulant le texte, lui donnant un sens qu'il est impossible de tirer du texte lui-mĂȘme, si l'on en voit l'enchaĂźnement, l'ordre et le sens. »[8].

En traduisant la Bible, Tyndale suit le grand humaniste de l'Ă©poque, Érasme, Ă  qui il devra Ă©galement le texte grec sur lequel il s’appuiera[7]. Dans son Enchiridion, Érasme Ă©crit en effet que « les meilleures armes du chrĂ©tien sont la priĂšre et la connaissance des Écritures, en particulier du Nouveau Testament, et en prioritĂ© les Évangiles et les Lettres de Saint Paul aux Romains et aux Corinthiens ». (Tyndale traduit ce texte d’Érasme en 1522 pour convaincre son employeur Sir John Walsh et sa femme du bien-fondĂ© de ses idĂ©es[9]). Érasme souhaite mĂȘme que l' Évangile et les Lettres de Saint Paul soient traduites dans toutes les langues imaginables[10].

Tyndale dĂ©clare Ă©galement agir pour suivre les commandements du Christ lui-mĂȘme : « Le Christ nous commande de scruter les Écritures (Jean 5). MĂȘme si les miracles portent tĂ©moignage Ă  son enseignement, cependant il dĂ©sirait qu'aucune foi ne soit accordĂ©e Ă  son enseignement ni Ă  ses miracles, sans rĂ©fĂ©rence Ă  l'Écriture. Quand Paul prĂȘchait (Actes 17), les autres scrutaient les Écritures quotidiennement, afin de vĂ©rifier si elles Ă©taient bien conformes Ă  ses allĂ©gations. Pourquoi ne ferais-je pas de mĂȘme, afin de vĂ©rifier que ce sont bien les Écritures auxquelles vous [l’Église catholique] vous rĂ©fĂ©rez ? Pourquoi donc n'irais-je pas regarder l'Écriture et son contexte, ce qu'il y a avant et aprĂšs, de façon Ă  vĂ©rifier si votre interprĂ©tation en est le sens vĂ©ritable, ou si vous manipulez et dĂ©formez violemment l'Écriture pour la plier Ă  vos buts charnels ?  » in The Obedience of a Christian Man (1528)[11].

Les traductions

En 1523, Tyndale cherche Ă  obtenir la protection de l'archevĂȘque de Londres, Cuthbert Tunstall, qui la lui refusa. Il s'exile alors sur le continent pour pouvoir poursuivre son projet : « [Je] compris enfin non seulement qu'il n'y avait pas de place pour moi au palais de Monseigneur [Tunstall] Ă  Londres, pour traduire le Nouveau Testament mais aussi qu'il n'y avait nul endroit pour le faire dans toute l'Angleterre. »[8].

Le Nouveau Testament de Cologne (1525)

Dans les pays oĂč la RĂ©forme a rĂ©ussi Ă  s'Ă©tablir, bien des imprimeurs sont tout prĂȘts Ă  imprimer une traduction de la Bible. Aux environs de mai 1524, Tyndale s'embarque pour Hambourg (Allemagne), puis il se rend vraisemblablement Ă  Wittemberg oĂč il aurait rencontrĂ© Luther. C'est sans doute lĂ  qu'il travaille Ă  la traduction du Nouveau Testament pendant un an[12].

Tyndale n'a accĂšs qu'au Nouveau Testament en grec d’Érasme, au texte latin de la Vulgate et Ă  la version en allemand de Luther. Un moine dĂ©froquĂ©, William Roye, l'assiste. Tyndale sait que sa traduction ne sera pas autorisĂ©e en Angleterre, que tout livre imprimĂ© Ă  Wittemberg sera soupçonnĂ© d'hĂ©rĂ©sie et immanquablement dĂ©truit. Il choisit de se rendre Ă  Cologne (bien qu'elle soit encore catholique) et y prĂ©pare l'impression d'un in-quarto avec l'imprimeur Peter Quentell. Ils dĂ©cident d'en imprimer trois mille exemplaires avec prologue, notes marginales et rĂ©fĂ©rences. Une partie (jusqu'Ă  Matthieu 22, verset 12) est dĂ©jĂ  imprimĂ©e quand, dĂ©noncĂ©s par Jean Cochlaeus, Tyndale et Roye doivent s'enfuir prĂ©cipitamment, emportant avec eux le plus grand nombre possible de feuillets dĂ©jĂ  imprimĂ©s. Cochlaeus a mĂȘme Ă©crit au roi Henri VIII, au cardinal Wolsey et Ă  l'archevĂȘque de Rochester en leur recommandant de faire surveiller les ports pour « prĂ©venir l'importation de la plus pernicieuse des marchandises »[12].

Il ne reste qu'une seule copie de cette premiÚre traduction conservée dans la Collection Grenville à la British Library[3]. L'ouvrage s'ouvre sur une gravure en pleine page représentant saint Matthieu trempant sa plume dans un encrier que lui tend un ange. Chaque chapitre commence par une importante lettre enluminée. Dans la liste des livres du Nouveau Testament, ceux-ci sont numérotés de 1 à 23 (soit de Matthieu à Jean 3) ; puis non numérotés, à part, on trouve Hébreux, Jacques, Jude et Révélation[13].

On a souvent appelĂ© cette Ɠuvre « Le Nouveau Testament de Luther en anglais Â»[4]. En effet, l'apparence mĂȘme de la page, la disposition du texte, les marges intĂ©rieures rĂ©servĂ©es aux rĂ©fĂ©rences ainsi que les marges extĂ©rieures dĂ©diĂ©es aux commentaires et Ă  ce que Henri VIII qualifiera de « pestilent glosses » (« gloses pestilentielles »), tout cela est semblable au Nouveau Testament de Luther. De plus, ces « gloses pestilentielles » sont dans l'ensemble tirĂ©es de Luther. La traduction elle-mĂȘme, bien que tirĂ©e du grec original, fait un usage systĂ©matique de la traduction en allemand de Luther et mĂȘme dans le Prologue de nombreux passages sont empruntĂ©s directement Ă  Luther[4].

Nouveau Testament de Worms (1526)

Au moment oĂč Tyndale arrive Ă  Worms, les autoritĂ©s de la ville viennent de faire allĂ©geance Ă  Luther et Ă  la RĂ©forme. Il fait appel Ă  l'imprimeur Peter Schöffer (fils). ImprimĂ©e Ă  trois ou six mille exemplaires in-octavo, cette Ă©dition du Nouveau Testament de Tyndale est beaucoup plus petite que celle, incomplĂšte, de Cologne. En l’occurrence, petit est prĂ©fĂ©rable : les nĂ©gociants anglais peuvent plus facilement cacher ce livre compact au milieu des balles de tissu ou autre marchandise pour le faire entrer clandestinement sur le territoire britannique.

Dans le Nouveau Testament de 1526, Tyndale s'efforce d'ĂȘtre le plus clair possible. La parole de Dieu doit parler directement d'une façon comprĂ©hensible par un lecteur isolĂ©, Ă  peine lettrĂ©. Tyndale y emploie un vocabulaire simple, termes monosyllabiques tirĂ©s de la vie de tous les jours en 1520, tout en restant au plus prĂšs du grec original. Pour Tyndale, le texte, laissĂ© Ă  lui-mĂȘme, parle de lui-mĂȘme[13].

Non seulement cette Ă©dition ne comporte ni prologue, ni aucune note ou commentaire mais mĂȘme dans l’Épilogue il n'apparaĂźt nulle rĂ©fĂ©rence Ă  l’Église, Ă  ce que le pape, les Ă©vĂȘques ou les prĂȘtres enseignent ; pas plus aux cĂ©rĂ©monies et rites de l’Église comme nĂ©cessaires au salut, ni aux Ɠuvres de charitĂ© enseignĂ©es comme essentielles. Pour Tyndale, tout ce dont le chrĂ©tien a besoin rĂ©side dans ce Nouveau Testament et la foi d'un cƓur pur[13].

Tyndale est conscient des imperfections de son travail. À propos de ce Nouveau Testament, il Ă©crit dans l’Épilogue : « ConsidĂ©rez-le comme n'ayant pas atteint sa forme finale, mais comme s'il Ă©tait nĂ© avant-terme, plutĂŽt comme un commencement que comme une fin. » (voir facsimilĂ© du N.T. de Worms, p.732, l.1sq).

De cette édition de Worms, petite, simple, aucune gravure en pleine page, il ne survit plus que trois exemplaires (un seul, découvert récemment à Stuttgart est complet)[9].

Pentateuque (1530)

Anvers est Ă  l'Ă©poque un des centres de l'humanisme chrĂ©tien et de l'imprimerie d'ouvrages « hĂ©rĂ©tiques Â». C'est un bon endroit pour passer inaperçu.

Au début de 1530, Tyndale publie le Pentateuque, imprimé à Anvers par Hoochstraten (sous la fausse identité de Hans Luft à Marbourg), en format de poche[13]. Peu aprÚs, des exemplaires contenant l'inscription « W. T. to the Reader, [W.T. au Lecteur] », parviennent en Angleterre.

C'est la premiÚre traduction anglaise à partir de l'hébreu. Tyndale s'appuie encore une fois sur la traduction allemande de Luther, ce dont on retrouve des traces dans certaines notes marginales.

Quelques-uns des commentaires marginaux sont trĂšs critiques du pape ; par exemple en marge de Exode 34:34 (MoĂŻse « disait aux enfants d’IsraĂ«l ce qui lui avait Ă©tĂ© ordonnĂ©. ») figure le commentaire suivant : « Le pape dit ce qui ne lui a pas Ă©tĂ© ordonnĂ© »[14].

Chacun des cinq livres est précédé d'un prologue qui contient un avertissement au lecteur, des explications de texte, de cours sermons et des listes de mots difficiles avec leur sens.

Une douzaine d'exemplaires du Pentateuque a survécu[13].

Nouveau Testament (1534)

Une demande accrue de Nouveau Testament en anglais incite des imprimeurs européens à pirater le Nouveau Testament (de Cologne) de Tyndale. Ces textes piratés contenant de nombreuses erreurs typographiques et des changements volontaires de sa traduction amÚnent Tyndale à reporter la traduction de l'Ancien Testament pour reprendre sa traduction de 1526, comme il l'avait d'ailleurs laissé entendre.

Tyndale effectue plus de quatre mille changements par rapport à sa traduction de 1526 : la moitié de ces révisions ont pour but une encore plus grande fidélité au grec original.

Cette édition, imprimée à Anvers en novembre 1534, se vend alors par milliers dans toute l'Angleterre[9].

Impact sur l'Église catholique

Un défi doctrinal

L'historien David Daniell rĂ©sume ainsi ce que l’Église catholique, par la voix de Thomas More, reproche Ă  Tyndale : avoir offert Saint Paul en anglais et traduit quatre mots-clĂ©s du Nouveau Testament - "presbuteros", "ekklesia", "agape", "metanoeo" - par "senior", "congregation", "love", "repent" au lieu des termes usuels de "priests" (prĂȘtres), "church" (Ă©glise), "charity" (charitĂ©) et "do penance" (faire pĂ©nitence)[13].

La signification théologique de ces reproches est la suivante :

  • traduire la Bible en anglais est une marque d'indĂ©pendance nationale par rapport Ă  Rome. En outre, la mise Ă  disposition du texte en langue vulgaire offre Ă  chacun la possibilitĂ© de lire les textes bibliques et de les comprendre par lui-mĂȘme, ce qui retire Ă  Rome son exclusivitĂ© en matiĂšre d'interprĂ©tation des Écritures[15].
  • la traduction de « presbuteros Â» (en grec ancien : πρΔσÎČÏÏ„Î”ÏÎżÏ‚ − l'ancien) par « senior Â» (et plus tard « elder) Â» au lieu de « prĂȘtre Â» ouvre la porte Ă  la doctrine protestante du sacerdoce universel ;
  • de mĂȘme le rendu de « ekklesia Â»(en grec ancien : ጐÎșÎșÎ»Î·ÏƒÎŻÎ± − l'assemblĂ©e) par « congregation Â» et non par « church Â», contredit la doctrine catholique qui sĂ©pare les laĂŻcs et les ecclĂ©siastiques en insistant sur la communautĂ© qui les rĂ©unit tous ;
  • quant Ă  elle, la traduction du verbe grec metanoein (en grec ancien : ÎŒÎ”Ï„Î±ÎœÎżÎ”áż–Îœ − changer d'idĂ©e, changer de conduite) par « repent Â» (se repentir) au lieu de « do penance Â» (faire pĂ©nitence) Ă©tait une attaque trĂšs claire du sacrement catholique de pĂ©nitence, auquel les RĂ©formateurs n'adhĂ©raient pas pour de multiples raisons thĂ©ologiques ;
  • la traduction de agapĂš (en grec ancien : áŒ€ÎłÎŹÏ€Î· - l'amour dĂ©sintĂ©ressĂ©) par « love » au lieu de « charity Â» s'Ă©loignait de la vertu thĂ©ologale catholique de charitĂ©.

RĂ©action de l’Église

Tyndale sait parfaitement que son initiative sera condamnĂ©e par l’Église. En 1530, dans sa prĂ©face au Pentateuque, il Ă©crit : « D'aucuns disent qu'il est impossible de traduire l’Écriture en anglais. D'autres qu'il n'est pas autorisĂ© que les laĂŻcs l'aient dans leur langue maternelle. D'autres, que cela ferait de tous des hĂ©rĂ©tiques, ce qui se passerait certainement vu le nombre de choses que depuis des temps immĂ©moriaux ils [l’Église catholique] enseignent Ă  tort, et c'est lĂ  toute la raison pour laquelle ils l'interdisent, bien qu'ils en prĂ©textent d'autres. Et d'autres encore, ou plutĂŽt tous, disent que cela amĂšnerait les laĂŻcs Ă  se lever contre le roi, auquel eux-mĂȘmes (pour leur damnation) n'ont encore jamais obĂ©i »[8].

DĂšs le 2 dĂ©cembre 1525, Edward Lee, aumĂŽnier du roi, Ă©crit Ă  Henri VIII au sujet de la traduction de Tyndale, pour l'inciter Ă  prendre des mesures pour prĂ©venir l'« infection » et le « danger » qu'elle reprĂ©sente. « Tous nos ancĂȘtres, les gouverneurs de l’Église d'Angleterre, ont toujours luttĂ© pour interdire des bibles en anglais [...] L'intĂ©gritĂ© de la foi chrĂ©tienne dans votre royaume ne saurait perdurer longtemps si de tels livres venaient Ă  pĂ©nĂ©trer dans le pays. »[4].

En 1526, le cardinal Wolsey convoque une assemblĂ©e d'Ă©vĂȘques pour contrer le danger que prĂ©sente la circulation clandestine de la traduction de Tyndale. Ils concluent qu'il faut brĂ»ler cette traduction « remplie d'erreurs ». Ils ordonnent aux libraires d'arrĂȘter la vente de l’Ɠuvre, et de leur remettre les exemplaires en leur possession. Le 26 octobre 1526, alors que le Nouveau Testament en anglais de Tyndale est brĂ»lĂ© en place publique, l’évĂȘque Tunstall prononce un sermon dĂ©nonçant une traduction qui comporte plus de deux mille erreurs. Par l'intermĂ©diaire d'un nĂ©gociant du nom de Packington, Tunstall va mĂȘme jusqu'Ă  acheter les livres, donnant ainsi ironiquement Ă  Tyndale les moyens Ă  la fois de payer ses dettes et de financer la rĂ©vision du Nouveau Testament[16].

En novembre 1527, l'arrestation et l'emprisonnement de Thomas Bilney (pendant un an dans la tour de Londres bien qu'il se rétracte), sont le prélude à une sévÚre répression. En mars 1528, Tunstall se plaint que ses prisons sont déjà surpeuplées.

En avril 1529, un certain John Tewkesbury est soumis par deux fois Ă  un interrogatoire par Tunstall, puis transfĂ©rĂ© chez Thomas More (alors Chancelier du Royaume), oĂč il est tellement torturĂ© qu'il est pratiquement incapable de marcher. Il se rĂ©tracte, puis abjure Ă  nouveau la foi catholique et est brĂ»lĂ© vif[16].

En aoĂ»t 1536 Ă  Anvers, Tyndale est arrĂȘtĂ© par la marĂ©chaussĂ©e de Charles Quint, jugĂ© et condamnĂ© au bĂ»cher comme hĂ©rĂ©tique par un tribunal religieux catholique. Deux mois plus tard, dĂ©but octobre, peut-ĂȘtre le 6 octobre, il est exĂ©cutĂ© Ă  Vilvorde, par Ă©tranglement, avant que son corps ne soit livrĂ© aux flammes[13].

Postérité

La philosophie et l'ambition de Tyndale sont rĂ©sumĂ©es dans cette formule : « If God spare my life many years, I will cause a boy that driveth the plough to know more of Scripture than you do. » (Si Dieu me prĂȘte vie, je ferai qu'un garçon qui pousse la charrue connaisse mieux l’Écriture que vous[17] - [18].)

Cette phrase de Tyndale fait Ă©cho Ă  la cĂ©lĂšbre dĂ©dicace d’Érasme dans la prĂ©face de son Nouveau Testament grec : « Je prie Dieu que le laboureur Ă  sa charrue chante un texte de l’Écriture, et que le tisserand les fredonne au son de sa navette. Â»[19]

Bibles qui suivent

L'historien David Daniell a montré que « toutes les versions anglaises du Nouveau Testament sont les héritiÚres directes de la traduction de Tyndale. »(p.289)[13].

Coverdale Bible (1535)

La Bible de Coverdale est la premiÚre traduction complÚte de la Bible en anglais moderne. Parue en 1535, elle reprend l'intégralité des traductions de Tyndale et les complÚte. Son imprimeur est Merten de Keyser, aussi connu sous le nom de Martin Lempereur, un imprimeur huguenot établi à Anvers. Elle sera aussi, en 1539, la premiÚre bible anglaise imprimée en Angleterre[20].

Matthew Bible (1537)

En 1535, Thomas Cromwell et Cranmer rĂ©ussissent Ă  obtenir du roi Henri VIII -qui a dĂ©finitivement rompu avec Rome- l'autorisation officielle (license) pour une Bible traduite par “Thomas Matthew.” Il n'existe pas de traducteur de ce nom. En rĂ©alitĂ© cette Matthew Bible (en) est essentiellement l’Ɠuvre de Tyndale, elle a Ă©tĂ© assemblĂ©e par John Rogers, alors exilĂ© Ă  Anvers. Ce Nouveau Testament est celui de Tyndale ainsi que le Pentateuque et les neuf livres historiques de l'Ancien Testament jusqu'Ă  Chroniques 2.11. Pour le reste de l'Ancien Testament, Rogers se sert d'une traduction de Miles Coverdale datant de 1534.

Great Bible (1539)

En 1539, Cromwell rĂ©ussit Ă  faire nommer Miles Coverdale pour superviser ce qui deviendra la "Great Bible" (la Grande Bible), une traduction en anglais autorisĂ©e par le roi d'Angleterre. Coverdale se sert essentiellement du mĂȘme texte que celui de la Bible de Matthieu, donc de la traduction de Tyndale[16].

Geneva Bible (1560)

La Geneva Bible a été traduite en 1560 à GenÚve par des érudits protestants exilés d'Angleterre sous le rÚgne de Marie Tudor[21]. Quoiqu'étant la premiÚre bible anglaise entiÚrement traduite à partir des textes originaux hébreu et grec, le rendu anglais était essentiellement basé sur les traductions antérieures de William Tyndale et Myles Coverdale (plus de 80 % de la langue de la Bible genevoise provient de Tyndale)[22]. Elle se distingue des précédentes par la présence d'un important appareil de notes, de parallÚles et d'introductions à chaque livre de la Bible. D'orientation nettement calviniste, et massivement diffusée, c'est la principale version de la Bible utilisée par les protestants anglais au XVIe siÚcle[23]. Sa langue énergique et vigoureuse la fit préférer à la Grande Bible par de nombreux lecteurs. C'est cette Bible qui a été emportée en Amérique par les pÚres pÚlerins du Mayflower.

Bible du roi Jacques (1611)

Il ressort de l'Ă©tude comparĂ©e de la Bible du roi Jacques - King James Bible ou King James Version - avec les traductions de Tyndale que « presque 84 % du Nouveau Testament et prĂšs de 76 % des parties de l'Ancien Testament traduites par Tyndale ont Ă©tĂ© repris tels quels dans la Bible du roi Jacques »[13].

Langue anglaise

« Nous devons une reconnaissance Ă©ternelle au gĂ©nie de Tyndale pour la langue anglaise. » David Daniell, p.136[13]. La Bible Tyndale promeut la langue anglaise Ă  une Ă©poque oĂč toute science est exposĂ©e et dĂ©battue en latin.

Certains spĂ©cialistes estiment que Tyndale a dĂ©libĂ©rĂ©ment Ă©vitĂ© de s'appuyer sur les textes de la Bible dite de Wyclif afin que son anglais soit pas contaminĂ© par la langue du Moyen Âge[24].

Nous lui devons des expressions devenues courantes encore aujourd'hui comme "the salt of the earth [le sel de la terre]" (Matthieu 5:13) et " no man can serve two masters  [nul ne peut servir deux maĂźtres]" (Matthieu 6:24). Il a Ă©galement introduit des mots comme Jehovah (Yahweh), Passover (la PĂąque juive), et scapegoat (bouc Ă©missaire). Dans l'introduction de son livre William Tyndale: a biography, David Daniell Ă©crit de Tyndale : « Son art sans Ă©gal de jouer sur les sons et les rythmes aussi bien que les sens de l'anglais, pour crĂ©er des mots, des expressions, des paragraphes ou des chapitres entiers inoubliables et de le faire d'une façon [...] qui, aujourd'hui encore, reste directe et vivante : les titres des journaux citent encore Tyndale, sans toutefois s'en rendre compte, et il a touchĂ© plus de monde que Shakespeare lui-mĂȘme. »[13] et David Norton renchĂ©rit : « ... davantage de notre langue anglaise est finalement appris de Tyndale que de n'importe quel autre Ă©crivain de prose anglaise, et bien des gens illettrĂ©s jusqu'alors ont eu Tyndale et ses successeurs pour maĂźtres »[25]. Enfin, Vivienne Westbrook Ă  propos de Tyndale emploie l'expression : « that unsung hero of the English language William Tyndale. [Ce hĂ©ros trop peu cĂ©lĂ©brĂ© de la langue anglaise] »[15].

Jugement

La Bible de Tyndale : « England's greatest contribution to the world for nearly five hundred years. »

(« La plus importante contribution de l'Angleterre au monde depuis prÚs de cinq cents ans. »)

David Daniell, William Tyndale, a Biography, p. 280[13].

Sources primaires

  • Reproduction litho-photographiĂ©e du Nouveau Testament de Cologne : William Tyndale, Ă©d. Edward Arber, The first printed English New Testament, Londres, 1871, lire en ligne.
  • Facsimile du Nouveau Testament de Worms : Francis Fry, The first New Testament printed in the English language, 1525 or 1526, 1862, 741 p., lire en ligne.
  • Pentateuque (1530), voir en ligne
  • (en) A.C. Partridge, English Biblical Translation, AndrĂš Deutsch Limited, Londres,
  • (en) Paul Arblaster, Gergely JuhĂĄsz et Guido LatrĂ©, Tyndale's Testament, Turnhout, Brepols, , 195 p. (ISBN 978-2-503-51411-6, lire en ligne)

Notes et références

  1. Le terme Bible Tyndale est donc impropre, puisque Tyndale n'a eu le temps de traduire que le Nouveau Testament et environ la moitié de l'Ancien Testament. Voir à ce sujet l'ouvrage de Sir Frederic G. Kenyon, The story of the Bible, éditeur : Butler & Tanner Ltd., Londres, 1936, pp. 47-49
  2. Partridge 1973, p. 38, 39, 52.
  3. (en) « Tyndale's New Testament », sur http://www.bl.uk
  4. (en) William Dallmann, William Tyndale : the translator of the English Bible, Saint Louis, Mo, USA, Concordia Publishing House, 1905 ?, 92 p. (lire en ligne)
  5. Voir Novum Instrumentum omne.
  6. Notice sur Érasme, Site du musĂ©e virtuel du protestantisme
  7. Partridge 1973, p. 38.
  8. (en) Tyndale, William, d. 1536; Mombert, J. I. (Jacob Isidor), 1829-1913, William Tyndale's five books of Moses called the Pentateuch, (lire en ligne)
  9. (en) Brian Moynahan, Book of Fire: William Tyndale, Thomas More and the Bloody Birth of the English Bible, Abacus Software Paperback, , 492 p. (ISBN 978-0-349-12322-6 et 0-349-12322-5)
  10. (la) Érasme, Paraclesis (lire en ligne), Traduction personnelle : « [...] Christ dĂ©sire que ses mystĂšres soient rĂ©pandus aussi largement que possible. Je souhaiterais que toutes les femmes lisent l’Évangile, qu'elles lisent les ÉpĂźtres de Saint Paul. Et fasse le ciel qu'elles soient traduites dans la langue de chacun, de sorte qu'elles puissent ĂȘtre lues et connues non seulement des Écossais et des Irlandais, mais Ă©galement des Turcs et des Sarrasins [...] PlĂ»t au ciel que le laboureur Ă  sa charrue en chante quelque morceau, que le tisserand Ă  ses navettes ne sifflote rien d'autre, que de la mĂȘme façon le voyageur soulage la langueur du trajet par ces rĂ©cits. »
  11. (en) William Tyndale, The Obedience of a Christen Man, (lire en ligne), « Christ commandeth to search the scriptures. John 5. Though that miracles bare record unto his doctrine, yet desired he no faith to be given either to his doctrine, or to his miracles, without record of the scripture. When Paul preached, Acts 17 the other searched the scriptures daily, whether they were as he alleged them. Why shall not I likewise see, whether it be the scripture that thou allegest? Yea, why shall I not see the scripture, and the circumstances, and what goeth before and after; that I may know whether thine interpretation be the right sense, or whether thou jugglest, and drawest the scripture violently unto thy carnal and fleshly purpose; or whether thou be about to teach me, or to deceive me? »
  12. (en) Rev. R. Demaus, William Tyndale. A Biography. A contribution to the history of the English Bible., (lire en ligne)
  13. (en) David Daniell, William Tyndale : a biography, New Haven et Londres, Yale University Press, , 429 p. (ISBN 978-0-300-06132-1, présentation en ligne)
  14. « The Pentateuch », sur archive.org (consulté le )
  15. (en) Vivienne Westbrook, Long Travail and Paynes : A Politics of Reformation Revision, Dordrecht, Springer Science+Business Media, (ISBN 978-90-481-5699-3)
  16. (en) Michael Farris, From Tyndale to Madison : How the Death of an English Martyr Led to the American Bill of Rights, Nashville, Tennessee, USA, B&H Publishing Group, , 491 p. (ISBN 978-0-8054-2611-3, présentation en ligne)
  17. William Tyndale apostrophe ainsi les « docteurs de l’Église Â», Ă  savoir les thĂ©ologiens et hiĂ©rarques catholiques de son Ă©poque.
  18. « Fox's Book of Martyrs; Or, The Acts and Monuments of the Christian Church ... », sur archive.org (consulté le )
  19. Dr Tony Lane, A Man for All People: Introducing William Tyndale, in revue Christian History, n° 16, 1987 texte accessible sur le site du Christian History Institute, consulté le 2 décembre 2016
  20. Guido Latré, The 1535 Coverdale Bible and its Antwerp Origins, in : The Bible as Book: The Reformation, sous la direction de Orlait O'Sullivan, éditeur : The British Library & Oak Knoll Press en association avec The Scriptorium: Center for Christian Antiquities Londres et New Castle, Delaware, 2000, pp. 89-102. (ISBN 9781584560258)
  21. Bruce Metzger, « The Geneva Bible of 1560 », Theology Today, vol. 17, no 3,‎ , p. 339 (DOI 10.1177/004057366001700308)
  22. (en) David Daniell, The Bible in English: history and influence, New Haven and London, Yale University Press, , 899 p. (ISBN 0-300-09930-4), p. 448("La Bible en anglais : histoire et influence")
  23. Page historique du site dédié à la Geneva Bible.
  24. Arblaster, Juhåsz et Latré 2002, p. 38.
  25. (en) David Norton, A History of the English Bible as Literature, Cambridge, Cambridge University Press, , 484 p. (ISBN 0-521-77807-7, présentation en ligne)

Liens externes

  • Rev. R. Demaus, William Tyndale. A Biography. A contribution to the history of the English Bible, 1871, lire en ligne.
  • William Dallmann, William Tyndale: the translator of the English Bible, Saint Louis, Mo, USA, Concordia Publishing House, [1905 ?], 92 p.,lire en ligne.
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.