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Beeching cuts

La politique des Beeching cuts (ou Axe Beeching) est un programme de réduction et de restructuration du réseau ferroviaire britannique. Il a été adopté sur la base de deux rapports, The Reshaping of British Railways (1963) et The Development of the Major Railway Trunk Routes (1965), du baron Richard Beeching (en) (publiés par le British Railways Board).

Le viaduc à l'abandon de Lobb Ghyll, construit pour la Midland Railway (1888), qui équipait la ligne Skipton-Ilkley dans le Yorkshire, a été désaffecté en 1965.

Le premier rapport identifiait 2 363 gares (soit 55 %) et 8 000 km de voies ferrĂ©es (soit 30 % du rĂ©seau) Ă  fermer, avec l'objectif d'endiguer les Ă©normes coĂ»ts rĂ©sultant de la compĂ©tition croissante avec le transport routier ; Le second rapport indiquait les quelques itinĂ©raires prometteurs, mĂ©ritant un effort d’investissement. Le rapport de 1963 recommandait aussi quelques changements dont on a moins parlĂ©, notamment une conversion du fret ferroviaire vers la conteneurisation.

Le mouvement de protestation contre ces mesures a permis de préserver quelques gares et lignes de chemin de fer, mais les préconisations ont été appliquées pour l’essentiel et le nom de Beeching reste attaché à l’abandon en masse des voies secondaires britanniques, et à la perte de nombreux services publics de proximité qu’il a entraînée. Depuis, quelques anciennes lignes de chemin de fer ont été remises en service, certains tronçons ont été conservés par des mesures patrimoniales, d’autres enfin ont été incorporées au National Cycle Network ou réemployées pour le réseau routier secondaire ; le reste a été rendu à l'agriculture, ou demeure en friche.

Contexte

Après une pĂ©riode de croissance prodigieuse au XIXe siècle, qui s’exprima par la Railway mania, le rĂ©seau ferrĂ© britannique connut son apogĂ©e avec la fin de la Belle Époque : il s’étendait alors sur 37 700 km[1]. Après la Première guerre mondiale, le chemin de fer dut soutenir une compĂ©tition effrĂ©nĂ©e avec le transport routier, ce qui se traduisit entre 1923 et 1939 par un premier abandon de 2 000 km de lignes de passagers[1]. Certaines de ces lignes n’avaient, du reste, jamais Ă©tĂ© rentables, et leur abandon fit Ă  peine baisser le trafic par train. Puis au cours de la Seconde Guerre mondiale, le chemin de fer connut un usage incessant, mais au prix d’un entretien très insuffisant, et l’état du rĂ©seau Ă©tait fortement dĂ©gradĂ© lorsque le gouvernement prit la dĂ©cision de le nationaliser pour en faire British Rail.

En 1949, la Commission britannique des Transports (British Transport Commission, BTC en abrĂ©gĂ©) crĂ©a le Branch Lines Committee, chargĂ© de fermer les lignes les moins rentables ; entre 1948 et 1962, cette sous-commission procĂ©da Ă  la fermeture de 5 350 km de voie ferrĂ©e[1] : parmi ces lignes, il y avait la Charnwood Forest Railway (inexploitĂ©e depuis 1931), la Harborne Line de Birmingham (inexploitĂ©e depuis 1934), et la Midland and Great Northern Joint Railway, fermĂ©e en 1959. Ce fut alors le dĂ©but d’un mouvement contestataire menĂ© par la Railway Development Association, dont l'un des membres les plus cĂ©lèbres Ă©tait le poète John Betjeman[2], et qui mena la vie dure au programme Beeching.

Le redressement économique et la fin du rationnement en pétrole avaient provoqué un bond du taux d'équipement en voitures particulières. Le kilométrage du réseau routier britannique a progressé à un taux soutenu de 10 % par an entre 1948 et 1964[3] ; au contraire, le trafic ferroviaire a stagné tout au long des années 1950[4] mais sa rentabilité s'est nettement détériorée à partir de 1955, à cause de l'accroissement du coût du travail et des charges d'exploitation[2] - [4], conjugués au gel du prix des billets et du coût de la tonne transportée, promulgués par le gouvernement pour contenir l’inflation[2].

Le Plan de Modernisation de 1955, qui prĂ©voyait un programme d’investissements de 1 240 000 ÂŁ, consistait Ă  remplacer les locomotives Ă  vapeur par des motrices diesel et Ă©lectriques, avec un retour envisagĂ© vers les profits pour 1962[5] ; toutefois, les rĂ©sultats furent presque opposĂ©s : la dette se creusa de 68 000 000 ÂŁ en 1960 Ă  87 000 000 ÂŁ en 1961 et 104 000 000 ÂŁ en 1962[6]. Le BTC Ă©tait dĂ©sormais incapable de rembourser l'intĂ©rĂŞt de la dette : poussĂ© Ă  bout, le gouvernement se mit Ă  envisager des mesures draconiennes.

Pour la seule annĂ©e 1961, les pertes financières se creusaient au rythme de 300 000 ÂŁ par jour[7] ; depuis la nationalisation de 1948, on avait abandonnĂ© 5 000 km de voie ferrĂ©e[8], l'effectif du personnel avait diminuĂ© de 26 % (648 000 employĂ©s Ă  474 000[note 1]) et le nombre de wagons de 29 % (passant de 1 200 000 Ă  848 000[note 2]).

Les rapports Beeching

La restructuration du réseau ferré britannique (rapport Beeching I)

Exemplaire du rapport The Reshaping of British Railways, et le mémoire en réponse du syndicat des cheminots National Union of Railwaymen.

Le rapport « The Reshaping of British Railways »[9] (ou « rapport Beeching I ») a été publié le 27 mars 1963.

Approche du problème

Une citation liminaire de la lettre de mission de 1960 du Premier Ministre, Harold Macmillan donne le ton : « Tout d'abord, notre industrie doit être d’une taille et d’une structure conformes aux conditions et perspectives actuelles. En particulier, le réseau ferré doit être réformé pour répondre aux nouveaux besoins, et le plan de modernisation doit répondre à ce nouveau schéma[note 3], en ayant en vue que les chemins de fer doivent fonctionner comme une entreprise rentable[note 4]. »

Beeching étudia d'abord les flux de trafic de toutes les lignes afin d’identifier « les bonnes, les mauvaises et les neutres[note 5]. » Il conclut de son analyse

  • que les 1 762 gares les moins frĂ©quentĂ©es rapportaient moins de 2 500 ÂŁ chacune par an,
  • que plus de la moitiĂ© des 4 300 gares Ă  passagers de 1960 rapportaient moins de 10 000 ÂŁ chacune[note 6],
  • que la moitiĂ© des gares les moins frĂ©quentĂ©es ne contribuaient que pour 2 % du flux de voyageurs[note 7],
  • et qu'un tiers du rĂ©seau (en km) n'Ă©tait empruntĂ© que par 1 % des voyageurs[note 8].

Il releva par exemple que la ligne reliant Thetford à Swaffham était desservie par cinq trains par jour dans les deux directions, en ne transportant en moyenne que neuf voyageurs, de sorte que les coûts d'exploitation n'étaient couvert qu'à 10% par le prix des billets; sur la Caledonian Railway, il y avait dix trains par jour pour cinq passagers en moyenne, dont les billets ne couvraient que 25 % des coûts d'exploitation. Enfin, la desserte entre Hull et York via Beverley (qui partageait une partie du réseau de la Yorkshire Coast Line, était toujours ouverte, alors que la ligne de York à Beverley était abandonnée : elle couvrait 80 % de ses coûts d'exploitation mais faisait double emploi, même si l'autre ligne était un peu moins directe[note 9].

Les recommandations

En conclusion de son rapport, Beeching proposait de supprimer 8 000 km des 29 000 km de chemin de fer (principalement ruraux et industriels), et de ne conserver certains tronçons que pour le fret. Cela entraĂ®nait la suppression de 2 363 gares, dont 435 avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© identifiĂ©es auparavant[note 10].

Il recommandait en outre de limiter le fret de marchandises au transport de minerais en vrac et de charbon, et de promouvoir le transport conteneurisé au détriment des anciens wagons de marchandises, plus lents à charger et à décharger[note 11] : ce sera finalement la stratégie adoptée par Freightliner. Enfin Beeching appelait à l'électrification de la West Coast Main Line entre Crewe et Glasgow avec pour objectif l'année 1974.

Les rapports Beeching mettaient en garde le gouvernement contre la tentation de rendre les lignes déficitaires, rentables. La conversion de ces lignes en lignes train-tram était jugée particulièrement pernicieuse : « La troisième suggestion, à savoir substituer des tramways aux trains, ne tient pas compte du coût d'entretien élevé des voies, ni du fait que les tramways sont d'un entretien plus coûteux que les autobus. »

Le développement d'un réseau magistral (rapport Beeching II)

Le réseau magistral (en traits gras) esquissé par le rapport Beeching II.

Le 16 fĂ©vrier 1965, Beeching rendait publique la deuxième phase de son programme de rĂ©organisation des chemins de fer. IntitulĂ© « The Development of the Major Railway Trunk Routes », ce rapport concluait que, sur les 12 000 km du rĂ©seau britannique, seuls 4 800 km valaient la peine qu'on continue d'y investir.

Cette politique se traduisait par le maintien de neuf grandes lignes uniquement. Le trafic entre Coventry, Birmingham, Manchester, Liverpool et l’Écosse serait détourné sur la West Coast Main Line par Carlisle et Glasgow ; le trafic du réseau nord-est serait capté par l’East Coast Main Line, condamnée au nord de Newcastle ; et le trafic vers le Pays de Galles et les Cornouailles serait regroupé sur la Great Western Main Line, reliant Swansea à Plymouth.

La conviction de Beeching était que les redondances du réseau expliquaient son coût prohibitif.

Les fermetures de ligne

La gare de Wednesbury et la South Staffordshire Railway, fermées dans le cadre du programme Beeching, étaient toujours en ruines en 2003.

Le premier rapport avait été repris à son compte par le Gouvernement, mais les fermetures de ligne annoncées se heurtèrent aux protestations des populations rurales, qui ne disposaient d'aucune autre desserte par transports en commun[10]. Le gouvernement répliqua qu'on pouvait effectuer les mêmes voyages, à un prix plus modique, par le bus.

Les fermetures de lignes, qui s'Ă©taient opĂ©rĂ©es Ă  un rythme de 250–500 km de voies par an entre 1950 et 1961, culminèrent Ă  1 600 km en 1964 et ne connurent une pause qu'au dĂ©but des annĂ©es 1970[11]. La principale fermeture a Ă©tĂ© celle de la Waverley Route (158 km) reliant Carlisle, Hawick et Édimbourg, en 1969 ; la rĂ©ouverture d'un tronçon de 56 km de cet itinĂ©raire, connu comme la ligne des Borders, a Ă©tĂ© approuvĂ©e par le Parlement Ă©cossais et le service passagers a repris le 9 septembre 2015[12].

Toutes les recommandations n'ont pas été appliquées.

Le rapport Beeching I était censé proposer un choix de lignes ferroviaires à abandonner[13], mais il a finalement entraîné la fermeture d'autres lignes comme celle de Woodhead entre Manchester et Sheffield (1981), qui avait perdu l'essentiel de son trafic de fret (essentiellement du charbon) ; de même, la Varsity Line Oxford–Cambridge malgré la desserte stratégique de Milton Keynes, la plus grosse ville nouvelle de Grande-Bretagne. Le Kinross-shire et la région côtière de Fife ont été particulièrement touchés par des fermetures non prévues, notamment la ligne entre Édimbourg et Perth. King's Lynn aurait dû demeurer au carrefour des lignes vers Norwich, Hunstanton et Wisbech, mais toutes ont dû fermer.

À quelques exceptions près, les annonces faites au début des années 1970 de nouveaux itinéraires à fermer n'ont pas été suivies d'effet par suite d'une protestation publique de plus en plus forte : la dégradation du service voyageur depuis le milieu et la fin des années 1960 avait exaspéré les usagers.

Critiques

La revente des terrains et de l'infrastructure

Les rapports Beeching ne donnaient aucune préconisation sur la libération des emprises foncières résultant de l'abandon des lignes non-rentables. Aussi British Rail mit-elle en œuvre une politique de revente des terrains qui allait au-delà des préconisations gouvernementales. Plusieurs ponts, fossés et remblais furent rasés en vue de la revente sur le marché immobilier. Les gares désaffectées ont été soit démolies, soit vendues aux enchères. La pression immobilière en Grande-Bretagne était telle qu'il n'a pas paru judicieux de geler certaines emprises comme l'avaient fait certains pays (sur le modèle du Rail Bank américain, qui envisageait des possibilités de redéploiement futur du réseau). Il subsiste par endroits des superstructures (ponts, aqueducs) devenues inutiles, qu'il faut entretenir à perte en tant qu'éléments de l'infrastructure : les critiques du programme Beeching en tirent argument pour montrer l'absence de vision à moyen terme des experts. Cela dit, comme la demande pour le transport ferroviaire a repris depuis la privatisation des années 1980, le maintien de ces emprises (par exemple entre Bedford et Cambridge[14]) n'a pas été entièrement négatif.

Des lignes subventionnées par la Couronne

En 1968, les chemins de fer restaient financièrement dans le rouge et beaucoup considĂ©raient dĂ©jĂ  que le programme Beeching Ă©tait un Ă©chec : on estimait qu'en ayant fermĂ© un tiers des lignes, Beeching n'avait Ă©conomisĂ© que 30 000 000 ÂŁ sur un dĂ©ficit 100 000 000 ÂŁ par an[2] ; mais Ă  vrai dire, il Ă©tait très difficile d'Ă©valuer les Ă©conomies rĂ©alisĂ©es[11] et le ministère des Transports, se fondant sur l'approche analytique de Beeching, Ă©valuait pour sa part les Ă©conomies rĂ©alisĂ©es en coĂ»t d'exploitation Ă  plus de 100 000 000 ÂŁ, les deux-tiers de ces Ă©conomies ayant toutefois Ă©tĂ© absorbĂ©e par la hausse des salaires. Dans certains cas, les grandes lignes de fret Ă©taient alimentĂ©es par les chargements d'une multitude de lignes secondaires, et l'abandon de ces petites lignes a fait pĂ©ricliter les grandes lignes ; toutefois, les consĂ©quences financières de cet effet induit sont discutables puisque plus de 90 % du trafic ferroviaire de 1960 passait par des lignes encore exploitĂ©es dix ans plus tard[13].

Quoi qu'il en soit, vers la fin des années 1960, il devint manifeste que l'optimisation du réseau ne permettait pas de sortir les chemins de fer britanniques du déficit[1]. La ministre des Transports, Barbara Castle, posa en principe qu'il fallait subventionner certaines lignes non-rentables, en raison de leur rôle dans le désenclavement de la province. Cette disposition a été intégrée dans le 1968 Transport Act (article 39 : le Trésor provisionnera les subventions pour un cycle de trois ans). Son influence sur la taille du réseau est discutable : les critères de maintien de lignes déficitaires restaient inchangés, seul le bilan comptable était affecté (leur contribution était auparavant noyée dans le déficit des chemins de fer[13]).

Les dessertes par bus et autres alternatives

La politique de « bustitution » n'a pas donné satisfaction : dans bien des cas, les lignes de bus, qui desservaient les anciennes gares, se sont avérées plus lentes et moins pratiques que le train[2]. Faute de repreneur privé, il a fallu en fermer la plupart moins de deux ans après leur inauguration[15], privant les campagnes de tout service de transport en commun.

On ne trouve guère, dans le rapport Beeching, de mesures d’optimisation de l'exploitation (frais de gestion, horaires, etc.) ; or plusieurs des gares qui ont été fermées employaient des salariés 18 heures par jour, car elles étaient desservies par des lignes équipées de nombreux postes d'aiguillage de l’Époque victorienne. Les coûts d'exploitation auraient pu être réduit simplement en diminuant le personnel et en supprimant les postes redondants de ces lignes, ce qui aurait permis de conserver les gares. Cette approche a été mise en œuvre depuis par British Rail et ses repreneurs pour les lignes à petit trafic, comme l’East Suffolk Line reliant Ipswich à Lowestoft, conservée en tant que basic railway[2].

  • Le quai dĂ©saffectĂ© de la gare de Rugby sur l'ancienne ligne Great Central Railway
    Le quai désaffecté de la gare de Rugby sur l'ancienne ligne Great Central Railway
  • Un pont en pierre Ă  l'abandon franchissant la ligne Otley and Ilkley Joint Railway, fermĂ©e en 1965.
    Un pont en pierre à l'abandon franchissant la ligne Otley and Ilkley Joint Railway, fermée en 1965.
  • Ce tunnel inachevĂ© se trouvait sur ligne de Harrogate Ă  Church Fenton, qui fut l'une des premières victimes du rapport Beeching.
    Ce tunnel inachevé se trouvait sur ligne de Harrogate à Church Fenton, qui fut l'une des premières victimes du rapport Beeching.

Soupçons de corruption

Les Conservateurs, menés par le Premier ministre Harold Macmillan, avaient renforcé leur majorité à la Chambre des Communes aux Élections générales de 1959. C'est à ce moment qu'Ernest Marples, ex-Secrétaire d’État aux Postes, devint ministre des Transports du nouveau cabinet ; on a dépeint Marples comme un magnat de la construction orgueilleux (cocky), pétulant (flash) et intrigant (slick), et Macmillan a pu écrire que ce jeune homme des classes laborieuses, boursier d'une grammar school, était l'un des deux seuls self-made men de son cabinet[16].

Un journaliste du New Scientist, Mick Hamer, laisse entendre que la politique des transports publics avait alors pris un virage affairiste, puisqu'Ă  l’époque de sa nomination, le ministre Marples dĂ©tenait 64 000 des 80 000 actions de la sociĂ©tĂ© de travaux publics Marples Ridgeway, spĂ©cialisĂ©e dans les grands travaux routiers[17].

Marples, en effet, avait fait fortune en montant sa compagnie de travaux publics. Lors de l’inauguration de l’autoroute M1, il avait dĂ©clarĂ© : « Cette autoroute ouvre une ère nouvelle dans le transport routier. Elle est en rĂ©sonance avec la science dynamique de notre temps. C'est une arme puissante dont il faut doter notre infrastructure de transport. » Ses accointances avec la sociĂ©tĂ© Marples Ridgway ont suscitĂ© l'indignation publique Ă  l'Ă©poque, bien qu'il eĂ»t, Ă©videmment, dĂ©missionnĂ© de ses fonctions de directeur de la compagnie Ă  son entrĂ©e dans le cabinet, en 1951 ; car il ne revendit ses actions dans la sociĂ©tĂ© qu'en 1960, après que celle-ci eut obtenu l’adjudication du chantier de l’autopont de Hammersmith, et après une sĂ©ance houleuse Ă  la Chambre des Communes[18], le 28 janvier 1960 ; il dĂ©clara solennellement devant les dĂ©putĂ©s que la revente de ses actions Ă©tait en cours et serait conclue « très prochainement », prĂ©cisant que l’acte de vente stipulait qu’il pourrait racheter ces titres Ă  leur cours actuel Ă  la fin de son mandat[19]. Au mois de juillet 1964, Marples Ridgway & partners remportait un marchĂ© de 4 100 000 ÂŁ pour le prolongement de la M1 par le contournement de Hendon[20], l'annĂ©e mĂŞme oĂą cette sociĂ©tĂ© Ă©tait rachetĂ©e par Bath and Portland Group[21]. Si aucune preuve de collusion n’a pu ĂŞtre apportĂ©e pour les contrats accordĂ©s Ă  cette sociĂ©tĂ© sous le mandat de Marples[22], la situation a crĂ©Ă© un rĂ©el malaise dans l’opinion publique, surtout en ce qui concerne les chemins de fer.

Au mois d'avril 1960, le Premier Ministre Harold Macmillan chargea l'industriel Ivan Stedeford, membre du directoire de la Banque d'Angleterre, de présider une commission (Stedeford Committee) pour réformer la British Transport Commission[23]. Le Secrétaire d'Etat aux Transports, E. Marples, avait demandé à Frank Smith, un ingénieur en retraite d'Imperial Chemical Industries, de participer à cette commission ; mais Smith avait refusé et proposé de nommer à sa place un jeune collègue, le Dr. Beeching[24], un physicien de 43 ans qui venait d'être nommé au conseil de surveillance d'ICI. Quant aux autres membres de la commission, c'étaient des hommes d'affaires âgés qui n'avaient jamais travaillé dans les chemins de fer[23]. Bientôt, Stedeford et Beeching se déchirèrent sur une multitude de sujets[25], hormis la réduction du réseau ferré britannique. Malgré les suspicions, en effet, la commission n'y avait pas son mot à dire et le gouvernement était déjà acquis à l'idée d'optimiser la taille de ce réseau[13].

En dépit des questions de la Chambre, le rapport de la Commission Stedeford ne fut pas publié sur le moment[7] - [26]. Au mois de décembre 1960, la Chambre des lords s'interrogea publiquement sur les raisons de ce secret et de ces réflexions « sous le comptoir[27]. » D. Henshaw suppose que Stedeford y recommandait la nomination par le gouvernement d'une autre commission chargée de « déterminer la taille et le maillage d'un réseau ferroviaire répondant aux besoins actuels et prévisibles, à la lumière des développements et des tendances des autres modes de transport… et d'examiner toute autre question pertinente à ce sujet[28]. »

C'est alors, au mois de mars 1961, que Marples nomma Beeching prĂ©sident de la British Transport Commission[7], moyennant une clause controversĂ©e de maintien de ses Ă©moluments Ă  I.C.I. (24 000 ÂŁ par an, soit 367 000 ÂŁ au cours de 2010). Ce traitement, Ă©quivalent Ă  35 fois celui de la plupart de cheminots, a Ă©tĂ© dĂ©criĂ© trente ans plus tard comme un « dĂ©sastre politique[29]. »

La Commission des Transports (BTC) fut dissoute par décret (Transport Act 1962), et remplacée le 1er janvier 1963 pour les chemins de fer par le British Railways Board, présidé par le Dr Beeching. La loi instituait des mesures allégeant le processus de fermeture de lignes, en supprimant la nécessité des enquêtes publiques. L'analyste O. Kahn-Freund a qualifié cette loi de « mesure légale la plus révolutionnaire pour les chemins de fer depuis l'adoption du Railway and Canal Traffic Act 1854[30]. »

Le premier rapport Beeching a Ă©tĂ© publiĂ© en mars 1963 et a Ă©tĂ© adoptĂ© par le Gouvernement ; il a entraĂ®nĂ© la fermeture d'un tiers du rĂ©seau ferrĂ© britannique et la destruction de plus de 300 000 wagons.

Écho dans les œuvres de fiction

Le duo de chansonniers Flanders et Swann ont composé une complainte : Slow Train, sur les lignes frappées par le programme Beeching. The Beeching Report est une chanson du groupe ILiKETRAiNS.

Le film The Titfield Thunderbolt (Tortillard pour Titfield en V.F.) , une des meilleures et des plus échevelées des Comedies d'Ealing narre les réactions d'un village anglais archétypique, vent debout contre la fermeture de sa ligne locale. Les villageois, aux prises avec un autocariste sans scrupule nommé Crump vont jusqu'à voler ...une locomotive (qui plus est dans un musée !) pour inaugurer leur compagnie en temps et en heure, en présence des inspecteurs du Ministère des transports.

Dans le roman de Peter May, Runaway (Les Fugueurs de Glasgow, Babel Noir), un chapitre prend place (en 1965) dans une gare récemment désaffectée à cause du plan Beeching. L'un des fugueurs explique les grandes lignes de ce démantèlement et ce qu'en a dit leur professeur d'Histoire.

Références, sources et notes

Notes

  1. RB(1963a), page 50
  2. RB(1963a), page 46
  3. RB(1963a), page 1 : First, the industry must be of a size and pattern suited to modern conditions and prospects. In particular, the railway system must be modelled to meet current needs, and the modernisation plan must be adapted to this new shape.
  4. RB(1963a), page 2. " and with the premise that the railways should be run as a profitable business. It is, of course the responsibility of the British Railways Board so to shape and operate the railways as to make them pay."
  5. RB(1963a), page 3. "Ever since major amalgamations started, the business of railways has been, from a financial point of view, a mixture of good, bad, and indifferent."
  6. RB(1963a), page 65.
  7. RB(1963a), page 66.
  8. RB(1963a), page 64.
  9. RB(1963a), page 96-99 Appendix 2.
  10. RB(1963a), page 97.
  11. RB(1963a), page 141-148. "Appendix 4 The Liner Train"

Références

  1. D’après H.P. White, Forgotten Railways, (ISBN 0-946537-13-5)
  2. D’après David Henshaw, The Great Railway Conspiracy : The Fall and Rise of Britain's Railways Since the 1950s, , 288 p. (ISBN 0-948135-48-4)
  3. Cf. « TRA0101 (also TSGB0701) Road traffic (vehicle miles) by vehicle type in Great Britain, annual from 1949 », sur Department for Transport
  4. « The Great Vanishing Railway », sur timmonet.co.uk
  5. D'après Wolmar, Christian, On the wrong Line, (ISBN 1-85410-998-7)
  6. « British Railways Board history », sur The National Archives (consulté le )
  7. « BRITISH TRANSPORT COMMISSION (CHAIRMAN) », sur Hansard
  8. G. Daniels et L.A. Dench, Passengers No More, Shepperton: Ian Allan, (ISBN 0-7110-0438-2)
  9. Garry Keenor, « The Reshaping of British Railways – Part 1: Report », The Railways Archive (consulté le )
  10. « All stations on the Stour Line are Doomed – Councils to lead massive protest », Suffolk Free Press,‎ (lire en ligne)
  11. Cf. T. R. Gourvish, British Rail 1948 – 1973 : A Business History, Cambridge University Press, (1re éd. 1986), 844 p. (ISBN 0-521-26480-4)
  12. D'après « Borders to Edinburgh railway: Track laying gets under way », sur BBC News, (consulté le )
  13. D'après Charles Loft,, Last Trains – Dr Beeching and the Death of Rural England, Biteback Publishing, , 330 p. (ISBN 978-1-84954-500-6)
  14. D'après « Route Selection », sur East West Rail Consortium,
  15. Garry Keenor, « Railway Finances – Report of a Committee chaired by Sir David Serpell KCB CMG OBE », sur The Railways Archive (consulté le )
  16. D'après Peter Merriman, Driving Spaces : A Cultural-Historical Geography of England's M1 Motorway, , 320 p. (ISBN 978-1-4443-5547-5, présentation en ligne), p. 153
  17. D'après Mick Hamer, Wheels within Wheels : A study of the road lobby, Londres, Routledge and Kegan Paul, , p. 49.
  18. « Ministers of the Crown (private interests) », sur Hansard, the Official Report of debates in Parliament., .
  19. « Personal Statement », sur Hansard,
  20. « M1 », sur Hansard,
  21. « Obituary: Reginald Ridgway », The Telegraph,‎ (lire en ligne)
  22. « Marples, Ridgway & Partners Limited »,
  23. « BRITISH TRANSPORT COMMISSION (ADVISORY GROUP) », sur Hansard, .
  24. R.H.N. Hardy, Beeching : Champion of the Railway?, Londres, Ian Allan Ltd, , 44–48 p. (ISBN 978-0-7110-1855-6, lire en ligne)
  25. D'après (en) Geoff Dudley, Why Does Policy Change : Lessons from British Transport Policy 1945–95, Londres, Routledge, , 262 p. (ISBN 0-415-16918-6), p. 48–9
  26. « Railways », sur Hansard,
  27. « Problems of Transportation », sur Hansard
  28. D'après Great Railway Conspiracy, op. cit. p. 128.
  29. Martin Celmins, « REAR WINDOW: FAT CATS The man who was paid pounds 24,000 a year », The Independent,‎ (lire en ligne)
  30. Cf. Otto Kahn-Freund, « Transport Act, 1962 », Modern Law Review, vol. 26, no 2,‎ , p. 174 (DOI 10.1111/j.1468-2230.1963.tb00706.x, JSTOR 1093306)

Sources

Bibliographie complémentaire

  • G. Freeman Allen, British Railways after Beeching (1966). Shepperton: Ian Allan.
  • T. R. Gourvish, British Rail 1948 – 1973: A Business History (1986). Cambridge.
  • David Henshaw, The Great Railway Conspiracy (1994) (ISBN 0-948135-48-4).
  • Stewart Joy, The Train That Ran Away: A Business History of British Railways 1948–1968 (1973). Shepperton: Ian Allan. (ISBN 0-7110-0428-5)
  • Charles Loft, Last Trains: Dr Beeching and the Death of Rural England (2013). (ISBN 9781849545006)
  • H. P.White, Forgotten Railways (1986). (ISBN 0-946537-13-5).
  • Richard Faulkner and Chris Austin, Holding the line: How Britain's Railways were saved (2012). Oxford Publishing Co (ISBN 0-860936-47-3)

Voir aussi

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