Bataille du Jarama
La bataille du Jarama est une des batailles de la guerre d'Espagne et s'est déroulée entre le 6 et le , dans le contexte du siège de Madrid. L'offensive fut lancée par le camp franquiste, qui essayait de couper les routes principales de communication entre Madrid et l'est du pays (routes de Valence et de Barcelone) afin de compléter son siège[1].
RĂ©publique espagnole Brigades internationales | Camp nationaliste |
JosĂ© Miaja Sebastián Pozas Perea Enrique LĂster ValentĂn González Robert Hale Merriman | Enrique Varela Francisco GarcĂa-Escámez Carlos Asensio Cabanillas Fernando Barron |
env. 30 000 hommes | entre 19 000 et 40 000 hommes 40 canons |
entre 10 000 et 25 000 morts, blessés et prisonniers dont 2 500 brigadistes | entre 6 000 et 20 000 morts, blessés et prisonniers |
Coordonnées | 40° 13′ 04″ nord, 3° 30′ 15″ ouest |
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Les nationalistes jetèrent dans la bataille leur meilleures unités, comme les légionnaires et les regulares marocains, qui traversèrent le fleuve Jarama à la hauteur de la ville d'Arganda del Rey : la bataille reçut d'ailleurs son nom à partir de ces premières opérations, qui avaient débuté par la conquête en quatre jours de la zone du Jarama. Mais elles furent arrêtées par les forces républicaines sous le commandement du général José Miaja. La victoire républicaine permit de repousser les nationalistes des environs immédiats de Madrid, et la ligne du front, après sa stabilisation, devint une ligne de tranchées jusqu'à la fin de la guerre.
Contexte
Conditions stratégiques
Au début de l'hiver 1936-1937, les troupes nationalistes n'avaient toujours pas réussi à s'emparer de Madrid, malgré des tentatives répétées en novembre 1936. C'est le général Mola, qui assurait le commandement des forces nationalistes tout autour de Madrid, qui planifia l'opération. Il décida d'isoler complètement Madrid en achevant le blocus : le projet était donc une opération de grande envergure dans l'est de Madrid, qui devait commencer par la prise de Arganda del Rey, afin de couper les communications avec Valence, puis de poursuivre jusqu'à Alcalá de Henares afin de bloquer la route de Barcelone. Pour cela, les franquistes ambitionnaient pour commencer de s'emparer de la rive gauche du Jarama et des hauteurs qui la contrôlaient, puis, après avoir brisé les positions républicaines, de prendre pied sur la rive droite pour s'emparer des villes de Vaciamadrid et d'Arganda.
Le général Orgaz reçut le commandement du front, avec le général Varela. L'offensive devait coïncider avec une autre, menée par le général Roatta, soutenu par les alliés italiens, dans la région de Guadalajara. Comme les Italiens n'étaient pas prêts, Mola décida de lancer son offensive sans les attendre.
Forces en présence
Les forces nationalistes Ă©taient dirigĂ©es par l'Ă©tat-major des gĂ©nĂ©raux JosĂ© Enrique Varela, Luis Orgaz Yoldi et Ricardo Rada Peral. Les unitĂ©s Ă©taient composĂ©es des IIe, IIIe, IVe et Ve brigades, dirigĂ©es par les colonels Carlos Asensio Cabanillas, Francisco GarcĂa Escámez, Fernando BarrĂłn Ortiz et Eduardo Sáenz de Buruaga. Elles intĂ©graient quelques unitĂ©s de la LĂ©gion, des Regulares, 55 chars Panzer I, de l'artillerie lourde (obusiers de 155 mm), de l'artillerie anti-aĂ©rienne, des unitĂ©s antichars et des sapeurs. La brigade irlandaise de la LĂ©gion Ă©tait composĂ©e de volontaires irlandais dirigĂ©s par Eoin O'Duffy : ils combattirent sur le front entre Ciempozuelos et Titulcia. Son action fut aussi rocambolesque qu'inefficace. Les forces aĂ©riennes Ă©taient composĂ©es de bombardiers Junkers-52/3 m et d'avions de chasse Fiat CR.32 « Chirri » pilotĂ©s par des Espagnols et des Italiens.
Les unitĂ©s rĂ©publicaines, dispersĂ©es au dĂ©but de l'offensive, se regroupèrent sous le commandement des gĂ©nĂ©raux Sebastián Pozas Perea, JosĂ© Miaja[2] et du commandant Enrique LĂster, formant un groupe de quatre divisions. Les 17e, 18e, 19e, 23e, 24e, 45e et 48e brigades mixtes Ă©taient regroupĂ©es en trois groupes de combat d'infanterie, un groupe de rĂ©serve et un groupe d'artillerie. L'armĂ©e rĂ©publicaine comptait dans ses rangs des combattants des XIe, XIIe, XIVe et XVe divisions des Brigades internationales, dont les bataillons de volontaires anglophones (Bataillon Britannique et Brigade Abraham Lincoln). Ils combattirent principalement entre le Jarama et Morata de Tajuña. Les forces aĂ©riennes comptaient des Polikarpov I-15 « Chato », des Polikarpov I-16 « Mosca », des Polikarpov R-5 SSS « Rasante » et des Tupolev SB-2 « Katiuska ».
Combats
Offensive nationaliste
Le 11 fĂ©vrier, un petit groupe de regulares marocains traversa la rivière sans se faire remarquer et surprit la XIVe brigade internationale rĂ©publicaine près du pont de chemin de fer de Pindoque Ă Vaciamadrid, en se glissant au milieu des unitĂ©s et en coupant la gorge des sentinelles. Plus au sud, Asensio attaqua le village de San MartĂn de la Vega, oĂą l'artillerie rĂ©publicaine fut rĂ©duite au silence. La cavalerie nationaliste suivit, sous la direction de BarrĂłn, et traversa la rivière Ă son tour par le pont ; le gros des troupes menĂ© par Varela suivit.
Cependant, les républicains restaient retranchés sur les hauteurs du Pingarrón, sur la rive orientale du Jarama, tenant les nationalistes sous son feu. La brigade de Barrón fut arrêtée par la brigade internationale « Garibaldi », qui stationnait près d'Arganda. La dureté des combats amplifia dans la journée avec le recours aux chars T-26, à l'artillerie, puis aux Junkers de la légion Condor - mais jusqu'au 13 février, c'est l'aviation républicaine qui garda la maîtrise des airs.
Les nationalistes lancèrent alors une large attaque dans la direction de Morata. Les troupes d'Asensio prirent les collines du Pingarrón et prirent d'assaut les hauteurs de Pajares, plus au nord. C'est cette lutte pour le contrôle des hauteurs orientales du Jarama qui occasionna les combats les plus âpres.
Suicide Hill
La XIe brigade internationale, composĂ©e de volontaires britanniques, yougoslaves, français et belges, dĂ©fendant les Pajares, se retrouva sous le feu de l'artillerie ennemie basĂ©e sur les hauteurs du PingarrĂłn. Le bataillon allemand « Thälmann » infligea de lourdes pertes aux regulares. Mais les Britanniques furent repoussĂ©s au sommet d'une colline qu'ils surnommèrent Suicide Hill : avec l'aide des soldats espagnols de LĂster, ils tinrent leur position toute la journĂ©e, malgrĂ© des pertes Ă©levĂ©es (375 hommes sur 600 furent tuĂ©s).
Le 13 février, alors que les Français étaient repoussés du côté des Britanniques, et que les républicains se trouvaient forcés d'abandonner la colline, intervint le "colonel Gal"[3], qui leur enjoignit de reprendre l'assaut[4]. Voyant que des soldats revenaient, les nationalistes les auraient confondus avec les leurs, ce qui les poussa à abandonner la place aux républicains.
Contre-attaque républicaine
Le 14 fĂ©vrier, les rĂ©publicains lancèrent une contre-attaque avec 50 chars contre les hommes de BarrĂłn, soutenus par l'infanterie, l'artillerie et l'aviation. Ce combat, s'il ne fit pas reculer les nationalistes, les Ă©puisa et stoppa leur avance, au point que la journĂ©e fut commĂ©morĂ©e comme « el dĂa triste del Jarama » (« la triste journĂ©e du Jarama », en Ă©cho Ă la « noche triste » d'Hernán CortĂ©s).
Le 17 fĂ©vrier, le gĂ©nĂ©ral Miaja prit le contrĂ´le du commandement sur l'ensemble du front, alors qu'il avait jusque-lĂ dĂ» le partager avec le gĂ©nĂ©ral Pozas. Mais les attaques inutiles continuèrent, comme celle de LĂster, qui attaqua frontalement le PingarrĂłn et perdit la moitiĂ© de ses hommes, ou Juan Modesto qui fut repoussĂ© après avoir essayĂ© d'approcher de la colline de Marañosa. C'est seulement plus au nord, du cĂ´tĂ© de la route Madrid-Valence, que les franquistes furent vraiment repoussĂ©s.
Les combats continuèrent entre le 23 et le 27 février. Le général Gal ordonna une autre tentative sur le Pingarrón, avec les 450 brigadistes américains de la brigade « Abraham Lincoln », sous les ordres de Robert Hale Merriman : les troupes furent taillées en pièces (120 morts et 175 blessés au total dans cette attaque). Les fronts se stabilisèrent là où ils en étaient.
Conséquences
À la fin du mois de février, les lignes de front étaient stabilisées. Les deux camps avaient fortifié leur position, de telle manière que tout assaut devenait impossible. Les deux camps en présence entrèrent dans la vie monotone des tranchées infestées de poux, au milieu des oliveraies détrempées et de fusillades aussi occasionnelles que meurtrières.
Les nationalistes et les républicains avaient subi de très fortes pertes, leurs troupes étaient épuisées, à court de munitions et de nourriture. La route de Madrid à Valence resta définitivement hors de portée des nationalistes (sauf au niveau de Rivas, où elle était exposée aux tirs nationalistes : une déviation dut être installée), malgré tous leurs efforts pour déloger les républicains. La zone perdit donc finalement de son intérêt stratégique.
L'échec du corps expéditionnaire italien à la bataille de Guadalajara mit définitivement fin aux espoirs de Franco d'isoler Madrid.
Chansons de guerre
La Jarama Valley
Les membres de la Brigade Abraham Lincoln composèrent, à l'occasion de la bataille, une chanson qui aida à forger leur légende, la Jarama Valley ou There's a Valley in Spain Called Jarama. Composée à l'origine en anglais, elle fut également adaptée en espagnol. La chanson connut de très nombreuses versions dont en voici une :
Jarama Valley
« There's a valley in Spain called Jarama
It's a place that we all know so well
It was there that we gave of our manhood
And so many of our brave comrades fell.
We are proud of the Lincoln Battalion[5]
And the fight for Madrid that it made
There we fought like true sons of the people
As part of the Fifteenth Brigade.
Now we're far from that valley of sorrow
But its memory we ne'er will forget
So before we conclude this reunion
Let us stand to our glorious dead. »
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La vallée du Jarama
« Il y a en Espagne une vallée appelée Jarama
C'est un endroit que nous connaissons bien.
C'est là que nous avons montré notre virilité
Et où tant de nos courageux camarades sont tombés.
Nous sommes fiers du bataillon Lincoln
Et du combat que nous avons mené pour Madrid.
LĂ nous avons combattu comme de vrais enfants du peuple
Comme partie de la Quinzième Brigade.
Maintenant nous sommes loin de cette vallée de douleur
Mais sa mémoire jamais nous n'oublierons.
Aussi avant de conclure cette réunion
Levons-nous pour nos morts glorieux. »
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Viva la Quince Brigada
Sur l'air d'une vieille chanson espagnole, largement reprise durant la Guerre d'Espagne par les combattants républicains, El paso del Ebro, fut composée une chanson à la gloire de la XVe Brigade internationale.
Viva la Quince Brigada « Viva la Quince Brigada, Que se ha cubierto de gloria, Luchamos contra los moros, Mercenarios y fascistas, Solo es nuestro deseo, Acabar con el fascismo, En el frente de Jarama, No tenemos ni aviones, ni tanques ni cañones. Ya salimos de España, Por luchar en otros frentes, |
Vive la Quinzième Brigade « Vive la Quinzième Brigade, Qui s'est couverte de gloire, Nous luttons contre les Maures, Les mercenaires et les fascistes, Notre seul désir, Est d'en finir avec le fascisme, Sur le front de Jarama, Nous n'avons ni avions, ni tanks, ni canons. Puis nous quittons l'Espagne, Pour nous battre sur d'autres fronts, |
Notes et références
- Les opérations de la bataille du Jarama sont d'ailleurs parfois incluses dans l'étude de la bataille de Madrid.
- Les rivalités entre Pozas Perea et Miaja eurent de fâcheuses répercussions sur le déroulement des opérations.
- L'identité de ce colonel n'a en fait jamais été clairement établie. Il s'agit sans doute de János Gálicz, dont les ordres ont été jugés suicidaires (voir le § "Controverses" de l'article János Gálicz).
- Thomas, p. 489.
- Ou, selon les différentes versions possibles, Bataillon Britannique ou Bataillon Dimitrov.
Voir aussi
Bibliographie
- Antony Beevor (trad. Jean-François Sené), La Guerre d'Espagne, Paris, Le Livre de poche, coll. « Littérature & Documents », , 893 p. (ISBN 2-253-12092-8 et 978-2-253-12092-6).
- Hugh Thomas (trad. de l'anglais par Jacques Brousse, Lucien Hess et Christian Bounay), La guerre d'Espagne juillet 1936-mars 1939, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », (réimpr. 2003 2009), 1026 p. (ISBN 978-2-221-08559-2 et 978-2-221-04844-3)
- (es) PERMUY LOPEZ, Rafael et MORTERA PEREZ, Artemio, La Batalla del Jarama, Ed. QuirĂłn, Madrid, 2003.
Liens externes
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Site des archives municipales d'Arganda del Rey, avec des documents relatifs Ă la bataille du Jarama.
- La Batalla del Jarama sur le site El Gran Capitan.