Bataille des casernes
La bataille des casernes Ă©galement appelĂ©e la guerre pour les casernes est le nom donnĂ© aux combats qui se sont dĂ©roulĂ©s principalement en septembre sur lâensemble du territoire de la Croatie, pendant la guerre dâindĂ©pendance de 1991. Les combats avaient lieu entre les forces croates (constituĂ©es dâun embryon dâarmĂ©e, des forces de police et des volontaires) et lâarmĂ©e populaire yougoslave (JNA).
Ces combats Ă©taient dâune importance capitale pour les forces croates, car chaque prise de caserne permettait de rĂ©cupĂ©rer des armes lourdes (chars de combat, blindĂ©s, et artillerie) qui faisaient jusquâĂ prĂ©sent lors des combats, tant dĂ©faut.
Introduction
La Croatie en tant que membre de la RĂ©publique fĂ©dĂ©rative socialiste de Yougoslavie jusquâen 1991, pour assurer sa dĂ©fense, participe au financement de lâarmĂ©e populaire yougoslave (JNA). Lorsque la Croatie proclame son indĂ©pendance en 1991, un grand nombre dâunitĂ©s de lâarmĂ©e populaire sont stationnĂ©es dans ces casernes sur lâensemble de son territoire.
Cette situation devient problĂ©matique lorsque ces casernes sont situĂ©es loin du front, elle lâest encore plus lorsquâelles sont situĂ©es parfois en plein centre-ville, entraĂźnant un risque important de dommages collatĂ©raux, et destructions dâobjectifs civils lors dâĂ©ventuels affrontements.
FrappĂ©e dâembargo, lâarmĂ©e croate est largement sous- Ă©quipĂ©e en armement lourd, alors que les casernes de lâarmĂ©e yougoslave en regorgeent Ă la suite de la confiscation des armes de sa dĂ©fense territoriale.
La dĂ©gradation de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure au cours de lâannĂ©e 1990 amĂšne les dirigeants croates Ă prĂ©parer le pays en cas de conflit ouvert avec les sĂ©paratistes serbes et lâarmĂ©e yougoslave. Le commandant de lâarmĂ©e croate (lâancien ministre de la dĂ©fense Martin Ć pegelj, un des partisans de la prise en force des casernes) conçoit un plan dâattaque et de prise des armes lourdes de lâensemble des casernes sur le territoire croate.
Avec le dĂ©but de la guerre en SlovĂ©nie (), Martin Ć pegelj (en) propose au prĂ©sident croate Franjo TuÄman une attaque des casernes comme soutien aux SlovĂšnes. Tudjman refuse, effrayĂ© par la puissance de lâarmĂ©e populaire yougoslave.
Ă la suite de lâescalade des affrontements et des violences pendant lâĂ©tĂ© 1991, lâarmĂ©e yougoslave se positionne ouvertement en faveur des sĂ©paratistes serbes.
Face Ă cet engagement, lâembryon de lâarmĂ©e croate engage un blocus des casernes afin de limiter les dĂ©placements de lâarmĂ©e yougoslave sur la partie libre de son territoire. Le problĂšme du sous-effectif de lâarmĂ©e croate impose que le blocus soit rĂ©alisĂ© par des forces de police, la sĂ©curitĂ© civile et des civils faiblement armĂ©s et entraĂźnĂ©s.
Le début de la guerre
Lâaugmentation des tensions se faisait de plus en plus sentir depuis le milieu de lâannĂ©e 1990 et les nĂ©gociations permettaient de rĂ©soudre parfois le problĂšme des casernes. LâarmĂ©e populaire yougoslave et les dirigeants croates ont trouvĂ© un accord pour lâĂ©vacuation de certaines casernes Ă©loignĂ©es des lignes de front comme celles des villes de Pula et Rijeka (13e corps).
Ce compromis fut critiquĂ© par une partie de lâarmĂ©e croate (dont Martin Ć pegelj (en)) qui constata que les dirigeants croates laissaient lâennemi se retirer avec tout son matĂ©riel alors que la guerre Ă©tait imminente.
La guerre qui sâannonçait, et lâindĂ©pendance de la SlovĂ©nie dĂ©clarĂ©e peu de temps auparavant, a entraĂźnĂ© un refus des populations non serbes dâune entrĂ©e en guerre au profit des objectifs serbes et a provoquĂ© des dĂ©sertions massives de personnel, ayant pour consĂ©quence un affaiblissement de lâarmĂ©e yougoslave. Ceci provoqua, en 1991, un manque de personnel pour pouvoir utiliser toutes les armes disponibles.
Le dĂ©but des affrontements guerriers a dĂ©butĂ© en aoĂ»t 1991 dans la Slavonie orientale, avec la bataille de Vukovar et dans lâarriĂšre-pays dalmate appelĂ© Krajina avec les sĂ©paratistes serbes. Lâescalade des affrontements amena les commandants locaux Ă prendre lâinitiative de lâattaque des casernes, souvent Ă lâencontre de la volontĂ© des autoritĂ©s croates, qui souhaitaient une poursuite des nĂ©gociations, mĂȘme lorsquâun tiers de son territoire Ă©tait passĂ© sous le contrĂŽle des sĂ©paratistes serbes soutenus par lâarmĂ©e yougoslave.
Les principales batailles se sont déroulées entre le 14 et le . Durant ces 6 jours, 36 casernes et entrepÎts et 26 cantonnements militaires ont été placées sous contrÎle croate à la suite d'affrontements ou de redditions.
Le l'opĂ©ration Bilogora est engagĂ©e avec la prise de la caserne militaire de Bjelovar et Koprivnica. AprĂšs leur chute, certaines casernes furent bombardĂ©es par l'aviation militaire de lâarmĂ©e yougoslave, mais globalement l'organisation des forces locales croates a permis dans de nombreux cas une extraction rapide du matĂ©riel nouvellement appropriĂ©.
Les recensements feront apparaĂźtre que 5 casernes furent bombardĂ©es par lâaviation de la JNA Ă la suite de leur chute.
La guerre des casernes
Zagreb et le centre de la Croatie
La caserne de Zagreb appelĂ©e MarĂ©chal Tito Ă©tait une des plus importantes en Croatie, car câĂ©tait le centre rĂ©gional de la 5e rĂ©gion militaire, du 10e corps dâarmĂ©e de Zagreb et dâun petit nombre dâunitĂ©s de soutien.
Les forces croates nâengagĂšrent pas dâattaques frontales, conscientes de la puissance de la JNA et des possibles dĂ©gĂąts sur la capitale. Les combats Ă©taient sporadiques, constituĂ©s dâĂ©change de tirs venant et en direction de la caserne. Un cessez-le-feu fut Ă©tabli et les combats cessĂšrent jusquâĂ la signature du dernier accord de cessez-le-feu en fin dâannĂ©e. Ă la suite de cet accord, la JNA Ă©vacua la caserne et quitta dĂ©finitivement la Croatie courant .
La caserne de Jastrebarsko Ă©tait le lieu d'implantation de la 4e brigade de blindĂ©s, une unitĂ© d'Ă©lite de blindĂ©s de la JNA. Cette unitĂ© a rĂ©ussi Ă percer le siĂšge de la caserne et sâest enfuie vers le sud pour rejoindre le restant des forces de la JNA dans la rĂ©gion de Banovina dans le centre de la Croatie.
La caserne de Sisak et ses dépendances se sont rendues le .
La caserne de Samobor sâest rendue aux forces croates le .
Au nord
La caserne de VaraĆŸdin Ă©tait avec Zagreb, une des plus grandes de Croatie. Elle abritait le 32e corps d'armĂ©e de la JNA et tout particuliĂšrement une unitĂ© dâĂ©lite constituĂ©e dâune brigade de blindĂ©s motorisĂ©s, ainsi quâun rĂ©giment dâartillerie.
Le siĂšge des casernes de VaraĆŸdin dĂ©buta dans la nuit du 13 au , avec la coupure de lâalimentation Ă©lectrique et de lâapprovisionnement en eau et vivres de la caserne. Les combats dĂ©butĂšrent le par le bombardement de la part de lâaviation militaire de la JNA de lâaĂ©rodrome de VaraĆŸdin. Lâintensification des combats entraĂźna d'importantes dĂ©sertions de soldats de la JNA, ainsi que des affrontements dans lâenceinte de la caserne. AprĂšs ces Ă©vĂ©nements, lâartillerie et les chars de combat dĂ©butĂšrent des bombardements sur des cibles civiles de la ville ce qui entraĂźna une escalade des affrontements.
AprĂšs une semaine dâaffrontements sporadiques et afin de prĂ©server ses soldats, le commandant de la caserne, le gĂ©nĂ©ral Vladimir TrifunoviÄ se rendit le . Pour ces actes, le gĂ©nĂ©ral TrifunoviÄ fut mĂ©prisĂ© par les deux parties, les tribunaux croates le condamnĂšrent par contumace Ă 15 ans de prison pour la destruction de la ville de VaraĆŸdin, et la justice militaire serbe Ă 11 ans pour trahison.
Le rĂ©sultat de la prise de la caserne de VaraĆŸdin fut impressionnant pour les forces croates :
- 74 chars de combat T-55.
- 88 engins blindés.
- 36 canons automoteurs anti-aériens.
- 24 canons antichars de 100 mm.
- 72 mortiers de 120 mm.
Le bilan des combats fut de 6 morts (3 civils, 2 soldats de la JNA et un soldat croate) et 37 blessés.
La caserne de Bjelovar au nom de "VojnoviÄ" et ses dĂ©pendances Ă©taient le siĂšge de la 265e brigade mĂ©canisĂ©e dâengins blindĂ©s. Dans le cadre de lâopĂ©ration Bilogora, elle fut prise par les forces croates le .
Un des officiers de le JNA le commandant Milan TepiÄ de la caserne "BoĆŸidar AdĆŸija" refusa la reddition dâun dĂ©pĂŽt isolĂ© de munitions situĂ© dans le village de Bedenik.
AprĂšs avoir libĂ©rĂ© ses troupes, il sâenferma dans le dĂ©pĂŽt et Ă 10h17, Ă lâarrivĂ©e de lâarmĂ©e croate, il activa les 170 tonnes dâexplosifs stockĂ©s. Cette explosion provoqua sa mort et celle de 11 soldats croates, la destruction intĂ©grale du dĂ©pĂŽt de munitions ainsi que la forĂȘt environnante et toute trace de vie sur plusieurs centaines de mĂštres. Les traces de cette explosion sont toujours visibles de nos jours.
Les casernes de la région de Bjelovar permirent aux forces croates de récupérer :
- 78 chars de combat T-55
- 80 engins blindés
La caserne de Koprivnica fut prise de dans le cadre de lâopĂ©ration Bilogora. Elle fut bombardĂ©e par lâaviation militaire de la JNA le ce qui provoqua la mort dâun soldat croate.
La caserne de Virovitica Ă©tait le siĂšge de la 288e brigade mixte dâartillerie et de lutte antichar de la JNA. Elle fut prise par les forces croates le ce qui entraĂźna la mort dâun soldat croate.
La caserne de Äakovec se rendit sans combats le .
Slavonie
Les casernes dâOsijek ont globalement Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©es par un accord en , avant lâescalade guerriĂšre. Une cĂ©lĂšbre vidĂ©o montre lâĂ©vacuation de ces casernes et la destruction dâune Zastava 600 Ă©crasĂ©e sous les chenilles dâun char T-55 yougoslave.
Des combats eurent lieu autour du « Polygone C », une base de lâarmĂ©e yougoslave qui servit de place force pour les combats et les bombardements de la ville dâOsijek et ses environs. Cette caserne fut prise le .
Äakovo Ă©tait le lieu de rĂ©sidence de la 158e brigade mixte dâartillerie anti-chars, Ă©quipĂ©e de canons et de blindĂ©s de lutte anti-chars. La caserne fut conquise aprĂšs des combats dont le bilan sâest Ă©levĂ© par la perte de 4 soldats croates et dâun civil. 54 canons anti-chars de 100 mm et 48 canons anti-aĂ©riens furent capturĂ©s par lâarmĂ©e croate.
La caserne de Vukovar nâa jamais Ă©tĂ© prise par les forces croates. Durant la bataille de Vukovar, les forces croates devaient faire face Ă l'armĂ©e yougoslave et aux paramilitaires serbes bien plus nombreux et mieux Ă©quipĂ©s. Ceux-ci utilisĂšrent les casernes des environs comme bases dâattaque sur la ville qui fut presque entiĂšrement rasĂ©e aprĂšs un siĂšge de 87 jours.
La caserne Äuro Salaj situĂ©e Ă Vinkovci fut impliquĂ©e dans les bombardements de la ville en .
Istrie et Dalmatie
La caserne de Rijeka et le secteur militaire maritime de Pula ont été transférés avant le début des affrontements. Rijeka était le siÚge du 13e corps d'armée de la JNA, il sera évacué par voie maritime au Monténégro, puis transféré en 1992 en Bosnie-Herzégovine pour y participer aux combats.
Le secteur militaire maritime de Pula sera transfĂ©rĂ© dans les bouches de Kotor, lâunique base navale de lâarmĂ©e yougoslave aprĂšs lâindĂ©pendance de la Croatie.
La caserne de Zadar a été évacuée avant le début de la guerre. Ses unités se sont installées en périphérie de la ville, en renfort des séparatistes serbes et participé aux nombreux bombardements de la ville.
Lika
GospiÄ fut au mois de un lieu intense dâaffrontement et sa caserne fut prise par les forces croates le .
Les Ăźles Dalmates
Les Ăźles de Lastovo et Vis Ă©taient deux importantes bases navales de la marine de guerre de la JNA. Durant le conflit, ces bases ont participĂ© au blocus des ports croates avec plus ou moins de succĂšs car les navires de la marine de guerre yougoslave Ă©taient souvent les victimes des tirs des canons de la dĂ©fense cĂŽtiĂšre alors sous contrĂŽle croate. La JNA quittera dĂ©finitivement ces deux Ăźles pour sâinstaller dans la base navale des bouches de Kotor en .
Conséquences
Le dĂ©but de la guerre pour les forces croates Ă©tait marquĂ© par un manque chronique dâarmement. Une estimation au dĂ©but du conflit faisait apparaĂźtre cĂŽtĂ© croate, environ 15 chars (des M4 Sherman amĂ©ricains et des T-34 soviĂ©tiques), contre environ 2000 chars cĂŽtĂ© JNA.
La prise des casernes fut le moyen le moins onĂ©reux et le plus rapide pour complĂ©ter lâĂ©quipement de cette armĂ©e naissante Ă la suite de lâinstauration de lâembargo sur lâimportation des armes de la part de la communautĂ© internationale.
La prise des casernes de Bjelovar et de VaraĆŸdin a amenĂ© 140 chars Ă lâarmĂ©e croate, soit environ 7 % des forces blindĂ©s de la JNA, ce qui permit la crĂ©ation du premier bataillon de char T-55 dĂšs le mois dâoctobre et un ralentissement des attaques et de la progression de la JNA et des paramilitaires serbes.