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Autel taurobolique

Un autel taurobolique est un monument de pierre destiné à commémorer un sacrifice nommé taurobole, pratiqué en l’honneur de la déesse Cybèle, qui consiste à sacrifier un taureau, parfois un bélier (le sacrifice s’appelle alors criobole).

Autels tauroboliques, IIe et IIIe siècles, musée gallo-romain de Fourvière à Lyon, France.
Autel de 160, Ă  Lyon.
Autel de Bordeaux.
Autel de Severus, Lectoure.
Autel de Texon, Flavignac.
Copie moderne de l’autel de Tain-l’Hermitage (Drôme).
Bas-relief représentant un archigalle : cymbales, aspergillum, ciste, tympanon, flûtes, œnochoé).
Autel taurobolique offert par les dendrophores de Valence, trouvé à Châteauneuf-d’Isère. Musée des beaux-arts de Valence (Drôme).
Autel taurobolique découvert place des Ormeaux à Valence. Musée des beaux-arts de Valence (Drôme).

Description

L’autel taurobolique est un bloc de pierre parallélépipédique. Il comporte généralement une base moulurée et un couronnement, comportant une corniche et un bandeau d’attique, parfois en forme de fronton. Les dimensions sont variables, la hauteur pouvant atteindre un mètre et demi. La nature de la pierre varie selon les régions, calcaire, marbre blanc (Lectoure), granit (Texon). Sur la face principale est gravé un texte indiquant le bénéficiaire et le donateur du sacrifice, le nom du prêtre, etc. Sur les faces latérales sont sculptés en bas-relief les têtes, presque toujours ornées de bandelettes (infulae), des animaux sacrifiés (taureau, bélier), des objets liturgiques, harpè (sorte de glaive portant une dent recourbée), couteau, glaive, torche, patène. Tronc, branche, pomme de pin, liés au culte d’Attis. Contrairement à certaines affirmations, il ne servait pas d’autel sacrificiel et ne jouait donc aucun rôle dans le sacrifice lui-même, mais il était réalisé après, à titre commémoratif.

Le sacrifice est donnĂ© en faveur de personnes qui en sont les commanditaires, mais ils peuvent ĂŞtre destinĂ©s Ă  l’empereur, pour sa santĂ© : l’autel taurobolique de Lyon est dĂ©diĂ© Ă  l’empereur Antonin le Pieux ; Ă  Lectoure, c’est la rĂ©publique des Lactorates qui en offre un au « salut de la famille impĂ©riale Â».

Inscriptions

Les inscriptions des autels mentionnent, avec plus ou moins de détails, les éléments suivants :

  • l’invocation Ă  la dĂ©esse, gĂ©nĂ©ralement sous forme abrĂ©gĂ©e : M(atri)D(eum) I(daeae), MATRIS DM ID (Ă  la mère des dieux idaĂ©enne), S(acrum) M(ater) D(eum), M(agna) M(ater) D(eum), grande mère des dieux, etc.
  • la mention du sacrifice, taurobolium (parfois tauropolium), Ă©ventuellement criobolium (ou les deux) ; le verbe est soit fecit (X « a fait Â» le taurobole) ou accepit (X « a reçu Â» le taurobole), le changement de verbe impliquant peut-ĂŞtre, selon Robert Turcan[1], une pratique du sacrifice diffĂ©rente ; il est parfois fait mention des vires : on considère gĂ©nĂ©ralement qu’il s’agit des testicules de l’animal sacrifiĂ© ;
  • le ou les rĂ©cipiendaires du sacrifice, personne privĂ©e (gĂ©nĂ©ralement commanditaire pour elle-mĂŞme), personnalitĂ©s (empereur, famille impĂ©riale) ;
  • le ou les commanditaires, personne privĂ©e ou communautĂ© ;
  • le prĂŞtre cĂ©lĂ©brant (sacerdos) ;
  • parfois, le tibicen, joueur de flĂ»te cĂ©rĂ©moniel ;
  • dans les textes longs peuvent apparaĂ®tre d’autres mentions de participants : galles, archigalles, dendrophores ;
  • enfin, le souverain rĂ©gnant, consul, empereur, et la date du sacrifice.

DĂ©cors

Les principaux décors, sculptés en bas-relief, représentent les divers éléments du culte, à l’exclusion de représentations humaines. Ce sont essentiellement :

  • la tĂŞte de l’animal sacrifiĂ©, le plus souvent un taureau (pour un taurobole), les cornes entourĂ©es de bandelettes (vittus) ou d’une sorte de collier de perles (infulaue) qui pendent de chaque cĂ´tĂ©. Ou une tĂŞte de bĂ©lier (pour un criobole), parĂ©e de la mĂŞme façon (les deux peuvent cohabiter sur un mĂŞme autel) ;
  • un pin, symbole d’Attis, ou une pomme de pin ; le pin, coupĂ© et entourĂ© de bandelettes, que transportaient les dendrophores ;
  • bonnet phrygien ;
  • les objets du culte :
    • Ĺ“nochoĂ©, sorte de cruche ou de pichet pour le vin, burette ;
    • urceus, cruche, pot de terre ;
    • patère simple ou Ă  manche (ansĂ©e) ;
    • ciste (sorte de corbeille)
    • pedum (bâton recourbĂ©, sorte de houlette symbole d’autoritĂ© liturgique comme plus tard la crosse de l’évĂŞque) ; peut ĂŞtre confondu avec une flĂ»te recourbĂ©e ;
    • aspergillum ou aspersoir ;
    • couteau du sacrifice (harpè), glaive ; le harpè est caractĂ©risĂ© par un crochet en forme de croissant situĂ© Ă  mi-longueur de la lame, destinĂ© Ă  agrandir la plaie de la victime ;
    • tympanon ;
    • cymbales ;
    • tibia, flĂ»te, (le joueur de flĂ»te, tibicen, semble jouer un rĂ´le important dans la cĂ©rĂ©monie). Les fĂŞtes liĂ©es au culte de Cybèle et d’Attis exigeaient de nombreux et bruyants instruments de musique.

Une grande partie des autels tauroboliques comportent des instruments de musique, et mentions épigraphiques de musiciens (tibicen), à l’exception notable de ceux de Lectoure[2].

Répartition géographique

Les sacrifices d’animaux, taureau ou bélier, ne semblent pas avoir été pratiqués sur les lieux de la naissance (Anatolie) du culte de Cybèle, ils n’ont en tout cas laissé aucun monument spécifique. Tauroboles et crioboles sont apparus avec l’introduction du culte à Rome. La liste qui suit recense les principaux autels conservés, mais n’est pas limitative. Le dénombrement précis est rendu difficile par le fait que de nombreux autels sont incomplets ou non identifiables (notamment ceux qui ne portent pas d’inscription) parmi une grande quantité de monuments liés aux cultes de Cybèle et d’Attis. Le Corpus Cultus Cybelae Attidisque établi entre 1977 et 1989 contient un recensement de ce type d’objets.

Si Franck Delage, se basant sur le Recueil général des bas-reliefs, statues et bustes de la Gaule romaine d’Émile Espérandieu, comptait 25 autels tauroboliques en Gaule — nombre aujourd’hui largement dépassé —, Louis Richard arrive au nombre de 71[3].

Italie

À Rome, le principal centre du culte phrygien (Phrygianum) se trouvait sur la colline du Vatican. Le temple fut détruit au IVe siècle. En 1618, lorsque Paul V fait construire la façade de Saint-Pierre, on découvre une grande quantité d’autels tauroboliques brisés[4]. Les inscriptions se réfèrent pour l’essentiel au règne de Gratien. La quantité d’autels actuellement conservés à Rome est estimée à une quinzaine[5].

Un autel, dĂ©couvert en 1919 non loin de la place Saint-Pierre, portant une inscription en grec, mentionne un sacrifice de taureau et de bĂ©lier qui confère Ă  son destinataire « vingt-huit annĂ©es paisibles Â»[6]. D’abord installĂ© au musĂ©e du Latran, il se trouverait aujourd’hui dans les rĂ©serves des musĂ©es du Vatican[7].

Espagne et Portugal

Des autels sont mentionnés à Cordoue :

  • Autel de 234[8]
  • Autel du [9]

Autels trouvés à Mérida, musée archéologique de Madrid. Les autels trouvés en Espagne utilisent fréquemment la graphie tauribolium.

Au Portugal, les musées archéologiques de Faro et de Belém conservent des autels uniquement crioboliques.

France

Les autels tauroboliques actuellement conservés permettent de situer approximativement les principaux lieux de culte. En France, ils se situent majoritairement dans les zones d’occupation romaine, Provence, Lyon et la vallée du Rhône, Narbonnaise et Aquitaine. La plus importante collection d’autels tauroboliques est celle de Lectoure, l’ancienne Lactora, qui avec vingt autels représente un peu moins de la moitié des autels conservés en France. Avec sept autels, Die (colonia Dea Augusta Vocontiorum) présente la plus importante collection pour la province de Narbonnaise.

Gaule Aquitaine

  • Bordeaux (Gironde), MusĂ©e d’Aquitaine : autel de Valeria Iullina et Iulia Sancta (CIL XIII 573) ; autel de Sulpicia Alba, fille de Sulpicius Tertius
  • PĂ©rigueux (Dordogne), musĂ©e gallo-romain Vesunna, un autel Ă  la Mère des dieux et aux Numma impĂ©riaux par Lucius Pomponius Paternus (CIL XIII 11042)[10].
  • Lectoure (Gers), 20 autels conservĂ©s (sur 22 dĂ©couverts Ă  l’origine), correspondant Ă  trois grandes cĂ©rĂ©monies en 176, 239 et 241 ap. J.-C., dĂ©couverts en 1540 et constituant dès lors une « collection publique Â», musĂ©e Eugène-Camoreyt de Lectoure.

Gaule narbonnaise

  • Narbonne (Aude), musĂ©e archĂ©ologique : neuf autels tauroboliques et fragments ont Ă©tĂ© dĂ©couverts et rĂ©fĂ©rencĂ©s[11], plusieurs sont perdus.
  • Dans la crypte de l’église des Saintes-Maries de la Mer se trouve un autel taurobolique liĂ© au culte de Mithra. Il fait partie, avec deux autres fragments dĂ©diĂ©s aux Junons et liĂ©s au culte des trois Mères, des « oreillers des saintes Maries Â».
  • Lyon (RhĂ´ne), un autel important, musĂ©e gallo-romain de Fourvière de 160 ap. J.-C. Quatre autres autels complets et un fragment se trouvent aussi dans ce musĂ©e.
  • Châteaubourg (Ardèche), autel taurobolique christianisĂ© au XVIIe siècle, dans l’église.
  • Tain-l’Hermitage (DrĂ´me), un autel de 184, copie rĂ©cente place du Taurobole. Sur la face principale, texte de dĂ©dicace au-dessus et au-dessous d’une tĂŞte de taureau en faible relief.
  • Valence (DrĂ´me), autel trouvĂ© Ă  Châteauneuf-sur-Isère en 1786 ; autel (partie supĂ©rieure) dĂ©couvert Ă  Valence, place des Ormeaux, en 1863 (CIL XII, 1745), musĂ©e des beaux-arts de Valence.
  • Die (DrĂ´me), sept autels dĂ©couverts Ă  Die ou ses environs[12]. Trois sont conservĂ©s au musĂ©e de Die[13]. Un autre est encastrĂ© dans la façade du tribunal, deux sont dans des collections privĂ©es et le septième a disparu au XVIIIe siècle. Tous sont de la fin du IIe et du IIIe siècles ; l'autel disparu mentionnait une cĂ©rĂ©monie Ă  Die en l'honneur de l'empereur Philippe l'Arabe et en prĂ©sence de prĂŞtres de Valence, d'Alba et d'Orange[14]. Les six restants ont tous la particularitĂ© de prĂ©senter, accolĂ©s sur la face principale de l'autel, une tĂŞte de taureau et une de bĂ©lier.
  • Le Pouzin (Ardèche), un fragment d’autel (h. : 36 cm) du IIIe siècle[15], dĂ©couvert en 1950. Il porte une tĂŞte de taureau surmontant une inscription.
  • Caveirac (Gard), un autel Ă  l’entrĂ©e de l’hĂ´tel de ville.
  • Avignon (Vaucluse), musĂ©e Calvet : un autel trouvĂ© Ă  Caderousse, près d’Orange.
  • Vence (Alpes-Maritimes), un autel dans la façade de la cathĂ©drale (CIL XII, 1).
  • Riez (Alpes de Haute-Provence), musĂ©e lapidaire : autel dĂ©couvert en 1616, seconde moitiĂ© du IIe siècle. Il fut utilisĂ© comme base d’une fontaine[16] avant de gagner le musĂ©e lapidaire en 1824. Pour Lucius Decimus Pacatus et son Ă©pouse Coelia Secundina. Le couronnement manque. Les faces latĂ©rales sont dĂ©corĂ©es d’une tĂŞte de taureau, d’une tĂŞte de bĂ©lier et d’une pomme de pin (CIL XII, 357). Un second autel (CIL XII, 358) est rĂ©pertoriĂ©.
  • Ă€ Porquerolles, près de Hyères (Var), un autel très dĂ©gradĂ©, portant sur les faces opposĂ©es des tĂŞtes de taureau et de bĂ©lier, a Ă©tĂ© dĂ©couvert en 2004[17].

Gaule celtique

  • Poitiers (Vienne), fragments d’un autel, musĂ©e Sainte-Croix[18].
  • Flavignac (Haute-Vienne), un autel en granit devant l’église de Texon. CouchĂ© sur une de ses faces, il servait de pierre des morts devant l’entrĂ©e de l’église : on y dĂ©posait le cercueil avant la cĂ©rĂ©monie funèbre. Sa face principale porte plusieurs symboles, mais aucune inscription visible.
  • Metz (Divodurum Mediomatricorum), lieu de culte de Cybèle, un autel dĂ©couvert en 1886 (CIL XIII 11352), musĂ©e archĂ©ologique.
  • Vesoul (Haute-SaĂ´ne): un autel (CIL XIII, 5451)

Grèce

Algérie

  • Zana, un autel (taurobole et criobole)[20]

Notes

    • Robert Turcan, Les cultes orientaux dans le monde romain, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Histoire », , 2e Ă©d., 397 p. (ISBN 978-2-251-38001-8).
  1. Christophe Vendries, Pour les oreilles de Cybèle : images plurielles de la musique sur les autels tauroboliques de la Gaule romaine, in Pierre Brulé et Christophe Vendries (dir.), Chanter les dieux, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2001, (ISBN 9782868475985) .
  2. Louis Richard, L’autel taurobolique de Texon (Haute-Vienne), in Revue archéologique du Centre, année 1967, vol. 4, N° 2,p. 101-118 (note n°50, p. 115) Persée.
  3. « On trouva, dans une fosse profonde, un amas considĂ©rable de dĂ©bris qu’on y avait jetĂ©s après les avoir soigneusement brisĂ©s et martelĂ©s. Ils provenaient d’autels Ă©rigĂ©s en cet endroit pour conserver le souvenir de sacrifices tauroboliques Â», Gaston Boissier, La fin du paganisme, livre 6 chapitre 1, Paris, Hachette, 1891.
  4. Margherita Guarducci, Phrygianum del Vaticano, in La soteriologia dei culte orientale nell’imperio romano, colloque international, Rome, 1979, Leiden, E. J. Brill, 1982.
  5. Persée.
  6. Margherita Guarducci, L’interruzione dei culti nel Phrygianum del Vaticano durante il IV secolo d.Cr.
  7. M. J. Vermaseren, Corpus Cultus Cibelae Attidisque, V, 176.
  8. M. J. Vermaseren, Corpus Cultus Cibelae Attidisque, V, 177.
  9. Vesunna, musée de Périgueux.
  10. Robert Duthoy, The Taurobolium : its evolution and terminology.
  11. Jacques Planchon et alii, Carte archéologique de la Gaule, 26 (Drôme), AIBL / MSH, Paris, 2010, p. 303, 309-310 et 491.
  12. musee de Die et du Diois.
  13. Bernard Rémy, Henri Desaye et alii, Inscriptions Latines de Narbonnaise, VII, Les Voconces, 1, Die, Gallia, XLIVe suppl. (ILN), CNRS Editions, Paris, 2012, n° 10 p. 105-108.
  14. Louis Richard, L’Autel taurobolique du Pouzin (Ardèche), Revue des Études anciennes, 1967, 3-4, p. 255-265, ill.
  15. Aubin-Louis Millin, Voyage dans les départemens du Midi de la France, T. III, Paris, Imprimerie impériale, 1808 .
  16. Academia.
  17. Alienor.org.
  18. Musée national archéologique, Athènes.
  19. Stéphane Gsell, Autel romain de Zana (Algérie).

Bibliographie

  • (en) Robert Duthoy, The Taurobolium : its evolution and terminology, E. J. Brill, Leiden, 1969
  • J. Alvar, Romanising Oriental Gods. Myth, Salvation and Ethics in the Cults of Cybele, Isis and Mithras, Brill, Leyde, 2008 Compte rendu par L. Bricault.
  • (en) Maarten Jozef Vermaseren, Corpus Cultus Cybelae Attidisque, Brill, 1997 ;
  • Robert Turcan, Les cultes orientaux dans le monde romain, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Histoire », , 2e Ă©d., 397 p. (ISBN 978-2-251-38001-8)

Voir aussi

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