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Taurobole

Le taurobole Ă©tait un sacrifice propitiatoire au cours duquel on sacrifiait un taureau en lui transperçant le cƓur avec un glaive, d'une estocade Ă  travers la poitrine, attestĂ© au moins depuis le Ier siĂšcle[1]. À l’origine il Ă©tait associĂ© au culte de Mithra. Vers le milieu du IIe siĂšcle ce rituel Ă©tait propre au culte « mĂ©troaque », c’est-Ă -dire de CybĂšle ou la Magna Mater.

Vision « traditionnelle » du Taurobole

Étymologie

Le terme provient du grec ancien Ï„Î±Ï…ÏÎżÎČÏŒÎ»ÎżÏ‚/taurobĂłlos, de Ï„Î±áżŠÏÎżÏ‚, « taureau », et ÎČÎŹÎ»Î»Ï‰/bĂĄllĂŽ, « lancer ». Ce suffixe grec -bole, qui Ă©voque plutĂŽt une arme de jet, semble incompatible avec la pratique rĂ©elle du sacrifice. Ceci laisse penser que le taurobole pouvait d’abord dĂ©signer la chasse de l’animal sauvage, en vue du sacrifice ultĂ©rieur. Franz Cumont[2] se base sur la graphie ancienne tauropolium (« constante dans la sĂ©rie des inscriptions de Lectoure ») pour dire qu’il s’agit Ă  l’origine des sacrifices Ă  ArtĂ©mis taurique (c’est-Ă -dire honorĂ©e en Tauride), largement honorĂ©e dans le monde hellĂ©nique.

Rituel

La description du sacrifice communĂ©ment admise, et qui a prĂ©valu jusqu’aux Ă©tudes rĂ©centes, est celle qu’en donna le poĂšte chrĂ©tien Prudence, qui s’opposait Ă  cette pratique et qui en donna une image certainement excessive et dĂ©formĂ©e.

On creuse une fosse dans la terre, et le grand prĂȘtre s'enfonce dans ses profondeurs pour y recevoir cette consĂ©cration. Sa tĂȘte porte des rubans merveilleux ; Ă  ses tempes sont nouĂ©es des bandelettes de fĂȘte, une couronne d'or retient ses cheveux (...). Avec des planches disposĂ©es au-dessus de la fosse, on amĂ©nage une plate-forme Ă  claire-voie, (...). Puis on pratique des fentes ou des trous dans ce plancher, on perfore le bois de petites ouvertures. C'est lĂ  qu'on amĂšne un taureau Ă©norme, au front farouche et hĂ©rissĂ©; une guirlande de fleurs forme un lien autour de ses Ă©paules ou de ses cornes enchaĂźnĂ©es; de l'or brille sur le front de la victime; son poil est recouvert de l'Ă©clat d'un placage dorĂ©. C'est lĂ  qu'on place l'animal Ă  immoler; puis on lui dĂ©chire la poitrine Ă  coups d'Ă©pieu sacrĂ©. La vaste blessure vomit un flot de sang brĂ»lant; sur les planches assemblĂ©es du pont oĂč gĂźt le taureau, elle dĂ©verse un torrent chaud et se rĂ©pand en bouillonnant. Alors, Ă  travers les mille fentes du bois, la rosĂ©e sanglante coule dans la fosse; le prĂȘtre enfermĂ© dans la fosse la reçoit; il prĂ©sente la tĂȘte Ă  toutes les gouttes qui tombent ; il y expose ses vĂȘtements et tout son corps, qu'elles souillent. Il se penche en arriĂšre pour que les gouttes touchent ses joues, ses oreilles, ses lĂšvres, son nez,il humidifie ses yeux avec le liquide, il ne protĂšge pas une seule fois son palais (sa bouche), mais au contraire rĂ©cupĂšre le sang noir avec sa langue et le boit avec aviditĂ©.(...). Une fois que les flamines ont retirĂ© du plancher le cadavre exsangue et rigide, le pontife sort et s'avance, horrible Ă  voir; il Ă©tale aux regards sa tĂȘte humide, sa barbe alourdie, ses bandelettes mouillĂ©es, ses habits saturĂ©s...[3].

Les tauroboles se pratiquaient assez rarement et donnaient lieu Ă  de grandes cĂ©rĂ©monies « de masse » au cours desquelles de nombreux sacrifices Ă©taient pratiquĂ©s. L’objet du sacrifice Ă©tait d’abord d’assurer la prospĂ©ritĂ© de l’empereur. Par la suite il fut pratiquĂ© pour des individus, qui fournissaient eux-mĂȘmes leurs victimes, pour leur propre bĂ©nĂ©fice et celui de leur famille. Il n’y avait pas de privilĂšge de sexe ni de classe sociale. Le but Ă©tait la purification et l’origine Ă©tait soit un vƓu, soit une demande expresse de la dĂ©esse. Le sacrifice Ă©tait rĂ©putĂ© assurer Ă  son rĂ©cipiendaire une vie paisible pendant une vingtaine d’annĂ©es. À l'issue de la cĂ©rĂ©monie, les fidĂšles faisaient sculpter des autels commĂ©moratifs mentionnant leur nom, le nom du prĂȘtre officiant, la date. Ces autels tauroboliques (improprement appelĂ©s eux-mĂȘmes tauroboles) Ă©taient sculptĂ©s avec une reprĂ©sentation de l'animal sacrifiĂ© : taureau, bĂ©lier, mouton, et parfois des objets rituels, dont la harpĂš, sorte de dague munie sur un cĂŽtĂ© d’un crochet arrondi, qui Ă©tait utilisĂ©e pour le sacrifice. Le taurobole dĂ©signe uniquement le sacrifice d'un taureau. S'il s'agit d'un bĂ©lier, on parle alors de criobole. Mais le terme de taurobole est devenu gĂ©nĂ©rique. Plus d’une quarantaine d'autels tauroboliques sont conservĂ©s en France, dont vingt au musĂ©e EugĂšne Camoreyt de Lectoure (Gers), ce qui constitue la collection d’autels entiers (ceux dĂ©couverts au Vatican Ă©tant nombreux mais brisĂ©s et martelĂ©s) la plus importante.

Selon Prudence, c’est le prĂȘtre qui entre dans la fosse et reçoit le sang de la victime ; les tauroboles Ă©tant souvent multiples, il est difficile d’envisager une telle opĂ©ration rĂ©pĂ©tĂ©e Ă  de nombreuses reprises. D’autres interprĂ©tations disent que c’est le bĂ©nĂ©ficiaire du taurobole qui reçoit le sang de l’animal, ce qui est plus proche de l’idĂ©e, avancĂ©e par Prudence, que ce cĂ©rĂ©monial serait un pastiche du baptĂȘme chrĂ©tien, mais ne rĂ©pond pas Ă  la question lors d’un taurobole pratiquĂ© en l’honneur d’une personnalitĂ© abstraite (une citĂ©) ou absente (empereur ou famille impĂ©riale).

Il est possible que le taurobole, loin d’ĂȘtre ce baptĂȘme sanglant, ait consistĂ© en une castration de l’animal, rappelant l’émasculation d’Attis. Les vires (littĂ©ralement les « forces » (ce nom a Ă©tĂ© attribuĂ© aux cornes de l’animal, mais il s’agit plus probablement des testicules) Ă©taient ensuite enterrĂ©s[4], peut-ĂȘtre sous l’autel. Il est dĂšs lors possible que l’autel ne se trouve pas nĂ©cessairement sur le lieu du sacrifice (l’autel taurobolique de Tain-l’Hermitage mentionne un sacrifice Ă  Lyon).

Les personnes liĂ©es au rituel, prĂ©sentes ou non, telles qu’elles peuvent ĂȘtre identifiĂ©es par les inscriptions Ă©pigraphiques, sont :

  • le ou les rĂ©cipiendaires du sacrifice, personne privĂ©e (gĂ©nĂ©ralement commanditaire pour elle-mĂȘme), personnalitĂ©s (empereur, famille impĂ©riale) ;
  • le ou les commanditaires, personne privĂ©e ou communautĂ© ;
  • le prĂȘtre cĂ©lĂ©brant (sacerdos) ;
  • parfois, le tibicen, joueur de flĂ»te cĂ©rĂ©moniel ;
  • dans les textes longs peuvent apparaĂźtre d’autres mentions de participants : galles, archigalles, dendrophores ;
  • enfin, le souverain rĂ©gnant, consul, empereur

Ce rite fut étendu aux pratiques cultuelles de CybÚle, comme en témoigne la dédicace de l'Autel taurobolique, dédié à Lugdunum en l'an 160 pour la santé de l'empereur Antonin le Pieux, ainsi que ceux de l'ancienne Lactora (aujourd'hui Lectoure).

Criobole

Lorsque l’animal sacrifiĂ© est un bĂ©lier, on parle de criobole. Le rituel semble ĂȘtre le mĂȘme et un criobole est souvent rĂ©alisĂ© conjointement avec un taurobole. Si les inscriptions des autels mentionnent parfois les deux, trĂšs souvent seul le taurobole est citĂ©, mais une reprĂ©sentation de tĂȘte de bĂ©lier indique le criobole associĂ©. Les autels spĂ©cifiquement crioboliques, avec la mention criobolium, sont conservĂ©s dans des zones oĂč cette pratique Ă©tait plus courante qu’en Gaule (Tunisie, Portugal
).

Répartition géographique

L’autel de Texon
Un des 20 autels de Lectoure

Les autels tauroboliques actuellement conservĂ©s identifient approximativement les principaux lieux de culte. En France, ils se situent majoritairement dans les zones d’occupation romaine, Provence, vallĂ©e du RhĂŽne, Aquitaine :

Notes et références

  1. Michel Meslin in Article de Michel Meslin, in: Archives des sciences sociales des religions 32 (1971), p. 227.
  2. Franz Cumont, Le Taurobole et le culte de Bellone, in Revue d’Histoire et de LittĂ©rature religieuses, annĂ©e et tome VI, 1901. Wikisource
  3. Prudence, Livre des couronnes, X, 1016-1050
  4. Université Jean Moulin, Lyon

Annexes

Bibliographie

  • Émile EspĂ©randieu, Inscriptions antiques de Lectoure, Auch : G. Foix ; Paris, Thorin, 1892
  • Franz Cumont, Le Taurobole et le culte de Bellone, 1901
  • R. Duthoy, The Taurobolium. Its Terminology and Evolution, Leyde, 1969
  • J. Alvar, Romanising Oriental Gods. Myth, Salvation and Ethics in the Cults of Cybele, Isis and Mithras, Brill, Leyde, 2008 Compte rendu par L. Bricault.
  • Giulia Sfameni Gasparro, Soteriology and mystic aspects in the cult of Cybele and Attis, Leyde, 1985

Articles connexes

Lien externe

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