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Arthur Travers Harris

Arthur Travers Harris ( - ), 1er baronnet, surnommĂ© « Bomber Harris Â» (« Harris le bombardier ») ou « Butcher Harris » (« Harris le boucher ») par ses subordonnĂ©s, est un militaire britannique, commandant des forces RAF de bombardement sur l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.

Sir Arthur Travers Harris
1er baronnet
Arthur Travers Harris
Arthur Travers Harris le 24 avril 1944.

Surnom Bomber Harris
Butcher Harris
Naissance
Ă  Cheltenham (Royaume-Uni)
Décès
Henley (Royaume-Uni)
Origine Britannique
Allégeance Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni
Arme Royal Air Force
Grade Marshal of the Royal Air Force
Années de service 1914 – 1946
Conflits Première Guerre mondiale
Seconde Guerre mondiale

Biographie

Harris est né le 13 avril 1892, à Cheltenham, dans le Gloucestershire, où ses parents étaient hébergés pendant que son père, George Steel Travers Harris, était en congé de l'Indian Civil Service. Avec son père en Inde la plupart du temps, Harris grandit sans un sentiment de racines solides et d'appartenance. Il passe une grande partie de son enfance avec la famille d'un recteur. Il fait ses études dans le Devon.

En 1910, il part pour la Rhodésie où il travaille comme adjoint dans une ferme. Lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale, il tente de rejoindre le 1er régiment Rhodésie, qui avait été créé par l'administration britannique de la South Africa Company pour aider à mater la rébellion Maritz en Afrique du Sud. En 1915, il rejoint l'aviation dans le cadre du Royal Flying Corps et devient pilote. Il termine la guerre en tant que major.

Durant l'entre deux-guerres, il reste dans la Royal Air Force (RAF) nouvellement formée, où il poursuit sa carrière notamment au Moyen-Orient. Il rejoint l'Angleterre en septembre 1939 pour y prendre le commandement du groupe 5 de la RAF. Gravissant rapidement les échelons, il. est promu Marshal of the Royal Air Force et commandant-en-chef (C-in-C) du Bomber Command le 24 février 1942. Dès lors, les opérations aériennes sur l'Allemagne changent de nature et d'intensité.

« Les Nazis sont entrés dans cette guerre avec l'illusion enfantine qu'ils allaient bombarder tout le monde, mais que personne ne les bombarderait. À Rotterdam, Londres, Varsovie, et dans une cinquantaine d'autres endroits, ils ont mis leur théorie naïve en application. Qui sème le vent récolte la tempête[1]. »

— Arthur Travers Harris, Bomber Offensive[2]

Pénétré de sa mission, Harris était sans état d'âme quant aux très nombreuses victimes civiles de ses raids, pas plus que pour les pilotes perdus au combat, ce qui lui valut son surnom. Jusqu'à la fin de sa vie, il défendit par exemple l'utilité militaire du très controversé bombardement de Dresde en février 1945.

Justification stratégique

Dans un premier temps, les Alliés s'efforçaient de se limiter aux objectifs strictement militaires pour les bombardements aériens. Mais, le manque de résultats sur la production industrielle allemande les firent changer de stratégie. Aussi, Arthur Harris proposa des bombardements massifs dans des secteurs géographiques définis ; le but était de détruite toutes les installations permettant à une usine d'armement de fonctionner : les voies de communication, les routes, ponts, chemins de fer, gares, locomotives, wagons, installations électriques, sources d'énergie, câblages, adduction d'eau, sans lesquelles une usine ne peut pas fonctionner avec, en plus, les logements pour les ouvriers et, bien sûr, les ouvriers eux-mêmes.

le résultat final fut mitigé :

- la production de carburants s'effondra à partir du milieu de l'année 44 et le niveau d'entraînement des pilotes allemands s'en ressentit ainsi que la mobilité de l'armée de terre. Cependant, le Reich réussit à tripler sa production industrielle entre 1940 et 1944, gâce au talent d'organisateur d'Albert Speer, ministre de l'armement, qui réussit à enterrer les usines, les disséminer, les déplacer vers l'est du Reich, etc.

- les bombardements alliés fixaient la plus grande partie de l'armée de l'air allemande pour la protection du Reich et celle-ci manquait sur les théatres d'opération, notamment en Normandie au cours de l'été 44. Ainsi, face au plus de 8.000 avions alliés, les allemands n'opposèrent que quelques centaines d'avions, ce qui facilita la victoire alliée.

Polémique due aux bombardements

Crime de guerre

Arthur Harris est aujourd'hui plongé dans une vive polémique : de nombreux historiens qualifient ses actions de crimes de guerre. En l'occurrence seules les conventions de Havas du 18 octobre 1907 (la Conférence du désarmement de 1932 menée par la Société des Nations a échoué à restreindre les bombardements stratégiques), encadrent les bombardements à l'époque : l'article 25 indique ceci :

"Il est interdit d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus"[3].

"Bien que l'article premier de la présente Convention confirme le principe selon lequel les ports, villes, villages, habitations ou bâtiments non défendus ne peuvent être bombardés, l'article 2 permet le bombardement par les forces navales des objectifs militaires qui se trouvent dans des villes non défendues. Par la suite, cette règle est également devenue applicable dans la guerre aérienne."[4].

La question juridique est donc de savoir si le area bombing cible des objectifs militaires (usine, route, gare, chemin de fer) et surtout de savoir si les villes allemandes sont défendues militairement. En effet et même si les Britanniques ont eu du mal à cacher leurs joies mauvaises devant les décombres des villes allemandes, les bombardements visent toujours de grandes villes abritant de grandes usines indispensables à l'effort de guerre ou des nœuds de communications vitales. Il faut néanmoins reconnaître que les bombardements frappent aussi des zones fortement peuplées, même si bombarder une usine depuis un avion en mouvement de nuit à 8 000m d'altitude est une tâche impossible à réaliser sans causer des dommages collatéraux (des efforts furent accomplis pour augmenter la précision des raids au fur et à mesure de la guerre) ! Il est important de noter que les villes allemandes sont protégées et défendues à la fois par une très forte DCA, les flaktürmes, mais aussi une chasse de nuit puissante aidée par une impressionnante couverture radar.

La tactique du bombardement stratégique profite donc d'une faille dans la législation de l'époque pour mener une politique de bombardement stratégique inégalée encore aujourd'hui (au total, les Britanniques largueront l'équivalent de 25 bombes d'Hiroshima en 4 ans sur l'Allemagne nazie).

"Je suppose que le point de vue à l'étude est quelque chose comme ceci : aucun doute dans le passé nous étions justifiés d'attaquer des villes allemandes. Mais cela a toujours été répugnant et maintenant que les Allemands sont de toute façon battus, nous pouvons légitimement nous abstenir de procéder à ces attaques. C'est une doctrine à laquelle je ne pourrai jamais souscrire. Les attaques contre les villes comme tout autre acte de guerre sont intolérables à moins qu'elles ne soient stratégiquement justifiées. Mais elles sont stratégiquement justifiées dans la mesure où elles tendent à abréger la guerre et à préserver la vie des soldats alliés. À mon sens, nous n'avons absolument pas le droit d'y renoncer à moins d'être certains qu'ils n'auront pas cet effet. Je ne considère personnellement que l'ensemble des villes restantes d'Allemagne valent les os d'un seul grenadier britannique"

— Arthur Travers Harris,

Humanité

L'autre polĂ©mique porte sur l'intĂ©rĂŞt des bombardements. Pour l'historien britannique David Irving les bombardements sont du racisme antiallemand grossièrement camouflĂ© sous le titre de "bombardement stratĂ©gique". Il est important de noter que la rĂ©putation d’historien d’Irving a pâti depuis de la comparaison Ă  laquelle il a jugĂ© bon de se livrer entre la campagne de bombardements de zone et la Shoah[5], qui l’a conduite Ă  juxtaposer des chiffres exagĂ©rĂ©s du nombre de morts de Dresde (l’estimation actuelle la plus prĂ©cise se situe entre 18 000 et 25 000)[6],  Ă  des sous-estimations grossières de nombre de victimes de la Shoah. Cependant, les nombreuses rĂ©impressions du livre d’Irving durant plus de trente ans lui ont assurĂ© une influence durable, en Allemagne plus qu’en Grande-Bretagne nĂ©anmoins la critique morale la plus constante, cependant, a Ă©tĂ© le fait d’un philosophe, Anthony Grayling. Celui-ci fait reposer l’essentiel de sa thèse sur la thĂ©orie de la guerre juste : aussi juste en soi que puisse ĂŞtre une guerre, la mener exige que chaque acte soit indispensable et proportionnĂ©, et que l’on ait Ă©puisĂ© tous les autres moyens, moins destructeurs, permettant d’obtenir le rĂ©sultat souhaitĂ©[7].

Or dans le contexte des revers subis en Afrique du Nord et dans l’Atlantique en 1941-1942, les bombardements étaient la seule opération aux résultats plus ou moins positifs dont les Britanniques pouvaient se targuer. Les arguments de Grayling sont faciles à réfuter. Affirmer que le conflit était presque « terminé » dès septembre 1944, c’est ignorer que la défaite de l’Allemagne n’a été assurée que parce que les Alliés ont poursuivi la guerre avec détermination. Grayling exagère également la précision réelle des bombardements américains ; plusieurs raids américains sur la France, menés par ciel dégagé contre des défenses antiaériennes faibles, ont tué plus de 1 000 civils français ; les conséquences des attaques aveugles au-dessus de la Ruhr ont été encore plus dramatiques.

La majoritĂ© des dĂ©fenseurs des bombardements de zone arguent du caractère exceptionnellement odieux de l’ennemi et de l’épreuve singulière qu’avaient subie les Britanniques en 1940. Ainsi, pour Frankland, « La vraie immoralitĂ© que nous risquions en 1940 et 1941 Ă©tait de perdre la guerre contre l’Allemagne d’Hitler. Renoncer Ă  la seule arme d’attaque directe dont nous disposions nous aurait conduits Ă  faire un grand pas en ce sens »[8]. Pour un pilote britannique citĂ© par Overy : « La moralitĂ© est un luxe qu’on peut se permettre dans un environnement de paix et de sĂ©curitĂ©, mais il est impossible de porter des jugements moraux en temps de guerre, quand il y va de la survie nationale ». Enfin aux yeux du pilote de bombardier LĂ©onard Cheshire, as de l’aviation, la campagne de bombardements se justifiait par le fait que « chaque jour de guerre supplĂ©mentaire entraĂ®nait l’extermination de dix mille personnes de plus dans les camps de concentration »  – et qu’il fallait donc l’abrĂ©ger par tous les moyens possibles[9].

Pour Harris

"Donc, ce n'est donc pas du tout une question d'éthique ! La guerre n'est pas le contraire de la paix ni un corollaire de celle-ci ! La guerre est un effondrement complet de la civilisation, elle ne devrait donc pas être soumise à une « éthique ». Parce que c'est là que réside le danger ; ainsi, la guerre devient acceptable ! Les moyens de mort et de destruction sont immatériels, la guerre a toujours été la guerre, la seule différence aujourd'hui est l'échelle de celle-ci ! Ainsi, lorsque cette guerre sera enfin terminée, le monde devrait accepter qu'il n'y ait pas de limite ; il n'y a plu de "Règles de Combat de La Haye" ! Plus la guerre est mauvaise, plus elle devient sauvage ! Quand les gens comprennent cela et arrêtent d'essayer de le limiter, alors peut-être que nous atteindrons une paix durable !

Principaux bombardements aériens exécutés sous ses ordres

Wesel après les bombardements.
Amas de cadavres après le bombardement de Dresde. La plupart des corps furent regroupés ainsi afin d'être incinérés sur place, sans même avoir été identifiés, afin d'éviter les épidémies.

Anecdotes

Le marshal Harris, se rendant à son quartier général en voiture, fit une fausse manœuvre en se garant.

– « Maréchal ! Attention » lui dit le portier, « vous auriez pu tuer quelqu'un ! »
– « Hélas, mon ami, répondit-il, c'est ce que je passe mon temps à faire, toutes les nuits[10] ! »

Culture

  • Dans le film Les Briseurs de barrages (The Dam Busters), de Michael Anderson (1955), l'Air Chief Marshal Sir Arthur Harris est interprĂ©tĂ© par Basil Sydney[11].

Notes et références

  1. Phrase issue de l'Ancien Testament.
  2. Arthur Harris, Bomber Offensive, (première édition Collins 1947) Pen & Sword military classics, 2005, p. 52 (ISBN 1-84415-210-3). Harris écrit avoir fait cette remarque alors qu'il contemplait le Blitz à Londres.
  3. « Traités, États parties et Commentaires - Convention (IV) de la Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, 1907 - Règlement: Art. 25 - », sur ihl-databases.icrc.org (consulté le )
  4. « Traités, États parties et Commentaires - Convention (IX) de la Haye sur le bombardement par les forces navales, 1907 », sur ihl-databases.icrc.org (consulté le )
  5. Krikor Beledian, « « J’ai vu l’Europe ». Daniel Varoujan : le temps de la destruction des images », Revue belge de philologie et d'histoire, vol. 97, no 3,‎ , p. 887–918 (ISSN 0035-0818, DOI 10.3406/rbph.2019.9324, lire en ligne, consulté le )
  6. Adam Claasen, « Death from the Skies: How the British and Germans Survived Bombing in World War II Dietmar Süss, Oxford: OUP, 2014. », Britain and the World, vol. 8, no 1,‎ , p. 107–109 (ISSN 2043-8567 et 2043-8575, DOI 10.3366/brw.2015.0170, lire en ligne, consulté le )
  7. (en) A.C. Grayling, Among the Dead Cities, Londres, Bloomsbury, , p. 210-214
  8. (en) Noble Frankland, Bomber Boys
  9. Interview de Leonard Cheshire, citée dans RAF Historical Society, Reaping the Whirlwind, p. 85.
  10. Der Spiegel Special No 1 (2003) Als Feuer vom Himmel fiel: Der Bombenkrieg gegen die Deutschen, p. 64
  11. https://www.imdb.com/title/tt0046889/?ref_=sr_1

Voir aussi

Bibliographie

  • Sir Arthur Travis, Les bombardiers attaquent, Ă©ditions Plon, Paris, 1949
  • Henry Probert, Bomber Harris. His Life and Times, Greenhill Press, 2001

Articles connexes

Liens externes

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