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Armand Jean Le Bouthillier de Rancé

Armand Jean Bouthillier de Rancé, de l'ordre cistercien, né le à Paris et mort le à l'abbaye de la Trappe (Soligny-la-Trappe, France), est un des précurseurs de l'ordre cistercien de la Stricte Observance (« Trappistes », fondé en 1892). C'est une figure marquante de la spiritualité du Grand Siècle. Chateaubriand lui consacrera son dernier ouvrage, la Vie de Rancé.

Armand Jean Le Bouthillier
de Rancé
Image illustrative de l’article Armand Jean Le Bouthillier de Rancé
Armand Jean Le Bouthillier de Rancé,
peint de mémoire par Hyacinthe Rigaud,
abbaye de la Grande Trappe.
Biographie
Naissance
Paris
Ordre religieux Cistercien
Ordination sacerdotale
Décès
Abbaye de La Trappe
Abbé de l'Église catholique
Abbé de La Trappe
–
Autres fonctions
Fonction laĂŻque

Biographie

Un abbé mondain

Armand Jean Bouthillier de Rancé[1] était issu d'une famille de la noblesse de robe, bien introduite à la cour. Né le 9 janvier 1626, le prénom d'Armand lui est donné par son parrain, Armand Jean cardinal de Richelieu. Il est le deuxième fils de Denis (II) Le Bouthillier de Rancé (4e fils de Denis (I) Bouthillier), et de son épouse Charlotte Joly, qui est secrétaire privée de la reine Marie de Médicis. Comme le remarque son biographe A.J. Krailsheimer, la forme "Le Bouthillier", parfois employée, est erronée. Elle n'est attestée que chez son jeune frère, Henri (1629-1726).

Alors qu'il est destiné à une carrière militaire, sa famille engage Armand Jean dans une carrière ecclésiastique à la place de son frère aîné Denis-François, décédé, pour conserver à la famille les bénéfices ecclésiastiques promis à ce dernier. Dès l'âge de onze ans, en 1637, il est chanoine de la cathédrale Notre-Dame de Paris et abbé commendataire de cinq monastères, dont celui de la Trappe, dans le Perche. En 1638, sa mère meurt et sa sœur entre au couvent. Il est diplômé maître ès arts en 1643. En 1650, son père meurt à son tour.

Cette année-là, il fait connaissance de Marie d'Avaugour, duchesse de Montbazon, plus âgée que lui de quatorze ans, qui l'introduit dans le grand monde.

Il est ordonné prêtre en 1651 après de brillantes études à Paris, où il a notamment comme condisciple Bossuet.

En 1652 il est reçu premier à la licence, et passe son doctorat en 1654 à la Sorbonne et prit le bonnet de docteur le 10 février 1654. La même année, il est mis à la tête d'un des archidiaconés de son oncle, Victor Le Bouthillier (1596-1670), archevêque de Tours. Il fut aumônier du duc d'Orléans.

En 1655, il est délégué à l'Assemblée du clergé, en qualité de député du second ordre.

En 1657, son oncle veut le nommer coadjuteur avec droit de succession, mais Mazarin s'y refuse, décision relativement normale vu l'âge du candidat; mais surtout Rancé est un partisan du cardinal de Retz, ennemi de Mazarin.

Le 28 avril de la même année meurt la duchesse de Montbazon. La douleur d’avoir perdu celle qu’il aimait marque un tournant dans sa vie. Suivent trois années de quasi-retraite et de réflexion dans la propriété familiale de Véretz, près de Tours. Il en profite pour étudier et traduire certains Pères de l'Église ou docteurs de la vie monastique, tels Basile de Césarée et Evagre le Pontique, qui marquent durablement sa pensée. Il envisage désormais de s'orienter vers la vie religieuse.

La réforme cistercienne

En 1660, il visite La Trappe qui tombe en ruine, aussi bien intérieurement qu’extérieurement. Il comprend qu'en tant qu'abbé commendataire, il a sa part de responsabilité dans cette déchéance.

Il renonce à trois abbayes et deux prieurés, qu'il possédait en commende : après quoi, il se prépare à quitter le monde. On veut l'y retenir en lui offrant de devenir évêque coadjuteur de Tours, mais il refuse.

Aussi commence-t-il à relever l'abbaye. Aux moines, il donne le choix entre rester et suivre la réforme, ou partir avec une pension. Il fait venir des moines du monastère réformé de Perseigne pour les remplacer. À Perseigne, de la filiation de Cîteaux, la réforme de l'Étroite Observance avait déjà commencé : il s'agissait de revenir à la fidélité à la règle de saint Benoît, celle des fondateurs de Cîteaux, qui incluait notamment l'abstinence de viande (d'où le nom d'« abstinents ») et le travail manuel quotidien. L'Étroite Observance regroupait une soixantaine d'abbayes (comme Perseigne, mais aussi Sept-Fons, Tamié, le Val-Richer, Orval, Clairmarais, le Val-des-Choux, etc.) qui souhaitaient revenir à la spiritualité et à l'observance des premiers cisterciens, sans toutefois quitter l'ordre de Cîteaux ni même constituer une congrégation à part.

Pendant la période de reconstruction de l'Abbaye Notre-Dame de La Trappe, Rancé vit et travaille au milieu de ses moines. Le , on peut rétablir la prière en chœur. Puis, en mai 1663, il se rend à l'abbaye de Perseigne pour y accomplir son noviciat, c'est-à-dire recevoir la formation monastique dont il était jusque-là dépourvu, comme la quasi-totalité des abbés commendataires de son temps. Le 6 juin 1664, son noviciat achevé, il fait profession monastique selon la règle de saint Benoît. En juillet 1664, Rancé reçoit la bénédiction abbatiale de l'évêque de Sées, dont dépendait La Trappe. Devenant ainsi abbé régulier de La Trappe, c'est là qu'il résidera désormais ; il a vendu ses biens et renoncé à ses autres bénéfices ecclésiastiques.

Rancé va rapidement devenir un des principaux champions de l'Étroite observance. Il la présente dans ses Declarationes in regulam beati Benedicti ad usum Domus Dei Beatae Mariae de Trappa (qui ne furent toutefois jamais imprimées et ne sont connues que par un manuscrit en latin, une traduction française et quelques citations) et surtout dans le fameux ouvrage De la sainteté et des devoirs de la vie monastique (1683), qui connaîtra une large diffusion et entraînera des controverses avec d'autres grands Ordres qui ne passaient pas pour relâchés, tels les Chartreux et les Mauristes.

La réforme de La Trappe est approuvée par le Saint-Siège par deux brefs des 2 août 1677 et 23 mai 1678 : La Trappe reste soumise à Cîteaux mais avec des règlements particuliers. Ce qui marquait Rancé dans ses efforts de réforme, c’était un sentiment profond de la continuité de la vie monastique depuis les Pères du Désert jusqu'aux cisterciens: d'où son insistance sur les thèmes monastiques classiques de la nécessité du repentir, du renoncement à soi-même, de l’humilité et de l’ascèse ; d'où la remise en valeur du silence, du travail manuel pénible, en particulier dans l'agriculture, et de l'abstinence. C’est ce désir d’humilité qui lui fit repousser toute étude scientifique dans le monastère : Rancé avait été un théologien brillant et admiré, il voulut épargner la tentation de l'orgueil intellectuel à ses moines, mais tomba du même coup dans un anti-intellectualisme qui lui sera reproché, notamment par le bénédictin Mabillon. La réforme rancéenne connut cependant un grand succès en cette époque où tous les monastères ne brillaient pas par leur ferveur : La Trappe accueillit des postulants par dizaines et même par centaines, qui étaient parfois déjà prêtres ou religieux.

Un héritier de Rancé, dom Augustin de Lestrange, permit à la communauté de La Trappe de ne pas être détruite par la Révolution française : exilée en Suisse, elle donna naissance en 1892 à l’ordre des cisterciens réformés de Notre-Dame de la Trappe, qui devint peu après l'Ordre cistercien de la stricte observance.

Famille

Ĺ’uvres

Ouvrages
  • Conduite chrĂ©tienne adressĂ©e Ă  Son Altesse Royale Madame de Guise, Paris, Delaulne, 1703
  • Constitutions de l'abbaye de La Trappe, avec des rĂ©flexions, Bruxelles, Lambert Marchant, 1702
  • De la saintetĂ© et des devoirs de la vie monastique, Paris, François Muguet, 1683
  • Maximes chrĂ©tiennes et morales, Delft, Henri van Rhyn, 1699
  • Vie et mort des moines de la Trappe. SĂ©lection de 13 Relations de la mort de quelques religieux de l'abbaye de la Trappe de l'abbĂ© de RancĂ©. Textes prĂ©sentĂ©s et annotĂ©s par Jean-Maurice de Montremy. Le Mercure de France, coll. "Le Temps retrouvĂ©", Paris 2012.
Correspondance
  • Lettres de Armand-Jean Le Bouthillier de RancĂ©, abbĂ© et rĂ©formateur de la Trappe, Éd. BenoĂ®t Gonod, Paris, d’Amyot, 1846
  • Lettres de piĂ©tĂ© ; Ă©crites Ă  diffĂ©rentes personnes, Paris, Muguet, 1704.
  • Florilège de lettres. Choix et prĂ©sentation par Alban John Krailsheimer. Cerf, 1999.
  • Correspondance, 1642-1700, 4 volumes. PrĂ©sentation par A. J. Krailsheimer. Cerf, 1993.

Notes et références

  1. Rancé serait une terre lorraine au NO de Briey, selon Bouillet (Dictionnaire universel, t. III, p. 2018, 1854), repris par l'abbé Louis Dubois (1810-1875 ; Histoire de l'abbé de Rancé, p. 4, 1866) et Ivan Gobry (Rancé, p. 14, à L'Age d'Homme, 1991).

Annexes

Bibliographie

Ouvrages anciens
  • Dom Armand-Jean Le Bouthilier de RancĂ©, abbĂ© rĂ©gulier et rĂ©formateur du monastère de la Trappe, dans Louis Ellies Dupin, Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclĂ©siastiques, chez Pierre Humbert, Amsterdam, 1711, tome XVII, p. 210-223 (lire en ligne)
  • François RenĂ© de Chateaubriand, Vie de RancĂ©, 1844
  • Louis Dubois, Histoire de l'abbĂ© de RancĂ© et de sa rĂ©forme, Paris, A. Bray, 1866
  • B. d’Exauvillez, Histoire de l'abbĂ© de RancĂ©, rĂ©formateur de La Trappe, Paris, J. Delsol, 1868
  • J M Gassier, Histoire de l'abbĂ© de RancĂ© et de sa rĂ©forme, composĂ©e avec ses Ă©crits, ses lettres, ses règlements et un grand nombre de documents contemporains inĂ©dits ou peu connus, Paris, Bray, 1866
  • Daniel de Larroque, Les vĂ©ritables motifs de la conversion de l'abbĂ© de La Trappe, Cologne, Pierre Marteau, 1685
  • LĂ©on de La Sicotière, « La Conversion de RancĂ© », Bulletin de la SociĂ©tĂ© historique et archĂ©ologique de l’Orne, Alençon, vol. 4,‎ , p. 197-218 (lire en ligne). — TirĂ© Ă  part : Alençon, E. Renaut-De Broise, [1885].
  • Pierre Le Nain, La vie de dom Armand-Jean le Bouthillier de RancĂ©, abbĂ© & rĂ©formateur de l'Abbaye de la Malson-Dieu-Notre-Dame de la Trappe, Paris, Florentin Delaulne, 1719
  • Jacques Marsollier, La vie de Dom Armand Jean le Bouthillier de RancĂ©, Paris, Jean de Nully, 1703
  • Marie LĂ©on Serrant, L'AbbĂ© de RancĂ© et Bossuet : ou, Le grand moine et le grand Ă©vĂŞque du grand siècle, Paris, Ch. Douniol, 1903
  • Henri BrĂ©mond, « L'abbĂ© TempĂŞte », Armand de RancĂ©, rĂ©formateur de la Trappe, Paris, Hachette 1929
Travaux contemporains
  • Dom Marie-Gabriel Petitcolin, « Armand Le Bouthillier de RancĂ©, abbĂ© de la Trappe (1626-1700) », dans Revue Mabillon, avril-septembre 1961, p. 157-163 (lire en ligne)
  • Fr. Aurel Bela Mensáros, L'abbĂ© de RancĂ© et la règle bĂ©nĂ©dictine, Rome, Pontificium Athenaeum Anselmianum, 1967.
  • Jean TĂ©treau, Le RĂ©formateur, pièce en cinq actes, MontrĂ©al, 1973.
  • Armand-Jean de RancĂ©, Abbot of La Trappe : his influence in the cloister and the world, Oxford, Clarendon Press, 1974
  • Blandine Barret-Kriegel, La Querelle Mabillon-RancĂ©, Paris, Quai Voltaire, 1992 (ISBN 9782876531574)
  • A. J. Krailsheimer, Armand-Jean de RancĂ©, abbĂ© de la Trappe, 1626-1700, Cerf, 2000, (ISBN 9782204063272) trad de (en) A. J. Krailsheimer,
  • Jean-Maurice de Montremy, RancĂ©, le soleil noir, Paris, Nuvis 2022, (ISBN 978-2-36367-185-1)

Liens externes

L'abbé de Rancé sur le site de l'Ordre cistercien de la stricte observance.

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