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An-Nisa

An-Nisa (en arabe : ŰłÙˆŰ±Ű© Ű§Ù„Ù†ŰłŰ§ŰĄ, an-Nisā), en français : « Les Femmes », est le nom traditionnellement donnĂ© Ă  la 4e sourate du Coran, le texte sacrĂ© de l'islam. Elle comporte 176 versets. RĂ©digĂ©e en arabe comme l'ensemble de l'Ɠuvre religieuse, elle fut proclamĂ©e, selon la tradition musulmane, durant la pĂ©riode mĂ©dinoise.

4e sourate du Coran
Les Femmes
Le Coran, livre sacré de l'islam.
Le Coran, livre sacré de l'islam.
Informations sur cette sourate
Titre original ŰłÙˆŰ±Ű© Ű§Ù„Ù†ŰłŰ§ŰĄ, An-Nisa
Titre français Les Femmes
Ordre traditionnel 4e sourate
Ordre chronologique 92e sourate
Période de proclamation Période médinoise
Nombre de versets (ayat) 176
Ordre traditionnel
Ordre chronologique

Origine du nom

Bien que le titre ne fasse pas directement partie du texte coranique[1], la tradition musulmane a donné comme nom à cette sourate « Les Femmes », en référence au contenu du verset 3[2].

Résumé

Pour RĂ©gis BlachĂšre, « en son Ă©tat actuel, cette sourate est caractĂ©risĂ©e par l'hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des Ă©lĂ©ments qui la composent[2]. » Elle a Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e par l'auteur comme la rĂ©union d’élĂ©ments datant d’époques diffĂ©rentes de la vie de Mahomet. Cette lecture de la sourate basĂ©e sur une vie de Mahomet ne va pourtant pas de soi[3].

Manuscrit maghrébin du XIIIe ou XIVe siÚcle de la sourate An-Nisa.

Les 28 premiers versets de la sourate dressent un code éthique de la vie sociale et familiale. Il s'inscrit dans la tradition antique judéo-chrétienne. Le Coran a cherché à correspondre aux doctrines de ces religions, tout en offrant la possibilité aux hommes surtout de satisfaire, sans enfreindre la loi, leurs désirs « à la fois sexuels et matériels »[4].

Historique

Il n'existe Ă  ce jour pas de sources ou documents historiques permettant de s'assurer de l'ordre chronologique des sourates du Coran. NĂ©anmoins selon une chronologie musulmane attribuĂ©e Ă  ÇŠaÊżfar al-áčąÄdiq (VIIIe siĂšcle) et largement diffusĂ©e en 1924 sous l’autoritĂ© d’al-Azhar[5] - [6], cette sourate occupe la 92e place. Elle aurait Ă©tĂ© proclamĂ©e pendant la pĂ©riode mĂ©dinoise, c'est-Ă -dire schĂ©matiquement durant la seconde partie de la vie de Mahomet, aprĂšs avoir quittĂ© La Mecque[7]. ContestĂ©e dĂšs le XIXe siĂšcle par des recherches universitaires[8], cette chronologie a Ă©tĂ© revue par Nöldeke[9] - [10], pour qui cette sourate est la 100e.

Reynolds voit dans l'hétérogénéité de cette sourate « des matériaux provenant de différentes source ou différents auteurs ». Un travail rédactionnel est ainsi visible dans cette sourate, le texte manquant de transitions entre ces différentes parties[3].

Plusieurs plans ont Ă©tĂ© proposĂ©s. Pour Mir, elle est divisĂ©e en trois et elle est construite autour de l’idĂ©e de cohĂ©sion de la communautĂ© musulmane[3]. Zahniser la divise en cinq parties. Reynolds souligne nĂ©anmoins que l’observation du processus rĂ©dactionnel ne permet pas de montrer une telle cohĂ©rence sur de larges sections, et encore moins sur la sourate entiĂšre[3].

À plusieurs reprises, la question des interpolations est posĂ©e dans cette sourate. Ainsi, le verset 176 est considĂ©rĂ©, par un certain nombre de savants, comme un ajout tardif. Cet avis pourrait ne pas ĂȘtre contraire Ă  la tradition musulmane, ce verset Ă©tant considĂ©rĂ© comme le dernier rĂ©vĂ©lĂ©[3].

NĂ©anmoins, Powers considĂšre qu’il a dĂ» ĂȘtre rajoutĂ© aprĂšs la mort de Mahomet. En effet, le manuscrit 328a de la BNF a vu la page contenant la fin de la sourate enlevĂ©e. Une estimation du nombre de lignes permet de suggĂ©rer que ce verset en Ă©tait absent[3]. Cette approche semble corroborĂ©e par l’usage du terme kalala, n’apparaissant qu’à deux reprises dans le Coran et dont l’autre apparition, au verset 12, a fait l’objet d’une modification tardive dans le BNF 328a[3].

Interprétations

Statut des femmes

SchĂ©matiquement, certains courants traditionalistes musulmans estiment que ces versets peuvent ĂȘtre lus et compris sans contextualisation particuliĂšre et revendiquent un statut diffĂ©rent, souvent non Ă©galitaire, de l'homme et de la femme dans l'islam.

En revanche, les courants qualifiés de progressistes portant un islam libéral ainsi que les mouvements féministes musulmans[11], insistent sur la nécessité de contextualiser les textes dont cette sourate et de la considérer comme l'une des briques des rapports entre hommes et femmes qui, prises dans leur ensemble, ramÚnent à une égalité entre les deux sexes dans l'islam[12].

Les femmes sont évoquées aux versets 1 à 35 et 127 à 130. Ainsi, le verset 3 évoque la possibilité de se marier à « deux, trois, quatre » femmes, ce qui a été surinterprété par la tradition musulmane comme un maximum[3].

Statut des orphelins

Dans cette sourate, Rippin remarque un intĂ©rĂȘt tout particulier pour la question des orphelins qu'il associe au thĂšme important dans le Coran de la paternitĂ©[13] et que Zellentin associe au courant de pensĂ©e nĂ© du judaĂŻsme et aussi prĂ©sent dans le christianisme se souciant du sort des orphelins. L'auteur compare en particulier la sourate au texte syriaque du IIIe siĂšcle, la Didascalie des apĂŽtres, tout en relevant quelques diffĂ©rences[Note 1] - [14].

Les versets 11-14 évoquent, en particulier, la question des héritages, avec le principe que l'homme reçoit le double de la femme. Néanmoins, plusieurs incohérences apparaissent dans les exemples qui suivent[3].

Mort de JĂ©sus

Concernant la mort de Jésus, certains exégÚtes[15] rapprochent la vision donnée dans An-Nisa à celle du docétisme qui prÎne que le corps de Jésus est resté intact, sans crucifixion. Le docétisme a été déclaré hérétique dans la période proto-chrétienne. D'autres chercheurs qui ont suivi la tradition du sosie se demandent si le Coran n'a pas été influencé par une tradition attribuée à Basilide[3].

Pour Reynolds, le verset 157 de la sourate est particuliÚrement « ambigu », ce qui explique les contradictions entre les différentes traductions[16]. Tandis que le Coran évoque à plusieurs reprises la mort de Jésus (Q 19.33, Q 5.17), les traducteurs, pour faire coïncider les traductions avec la doctrine musulmane, ont souvent essayé de trouver d'autres sens aux termes coraniques. Ainsi, si le verset 158 de la sourate An-Nisa présente traditionnellement l'« élévation » de Jésus, la comparaison de ce terme avec d'autres séquences coraniques, permet de comprendre que ce verset évoque sa mort[16].

Ce verset s’inscrit dans le contexte du rappel des crimes imputĂ©s aux Juifs envers Dieu et les prophĂštes. Les versets 155 Ă  157 sont ainsi une liste des offenses qu’ils auraient faites Ă  Dieu (rompre l’Alliance, tuer des prophĂštes, dĂ©clarer avoir tuĂ© JĂ©sus...)[3]. Cette idĂ©e d’avoir tuĂ© des prophĂštes n’est pas une Ă©vocation de l’Ancien Testament mais renvoie Ă  des Ă©crits chrĂ©tiens (Évangile selon Matthieu, textes byzantins, sermons d’Éphrem le Syriaque...)[3]. Cette interprĂ©tation est davantage conforme aux passages coraniques selon lesquels Dieu a pris la vie de JĂ©sus. Celle-ci est donc prĂ©fĂ©rable et prĂ©sente les Juifs « se vantant Ă  tort d’avoir tuĂ© un prophĂšte [...] alors qu’en rĂ©alitĂ©, c’est Dieu qui est responsable de la mort de JĂ©sus[3]. »


  • Texte de la sourate (Coran datant de 1874)

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • G.S. Reynolds, "Sourate 4", Le Coran des Historiens, t.2a, 2019, p. 169 et suiv.
  • G.S. Reynolds, "The muslim Jesus : Dead or Alive ?", Bulletin of the School of Oriental and African Studies 72, p. 237-258.
  • R. Paret, Der Koran. Kommentar und konkordanz, 1980[Note 2].

Lien externe

Notes et références

Notes

  1. L'auteur cite en particulier l'absence de prise du nom de l'adoptant par l'adopté ou le cas du mariage d'une fille adoptée avec le fils de l'adoptant.
  2. En 2019, seuls deux ouvrages peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des commentaires scientifiques et continus du texte coranique. Il s'agit du Commentary on the Qur'an de Richard Bell publiĂ© en 1991 (aujourd'hui datĂ©) et du Coran des historiens publiĂ© en 2019. L'ouvrage de Paret s'inscrit, avec ceux de BlachĂšre, Khoury et Reynolds, dans un ensemble de traductions avec apparat critique. Voir : Sourate

Références

  1. A. Chouraqui, Le Coran, traduction et commentaires, 1990, p. 15.
  2. R. BlachĂšre, Le Coran, 1966, p. 103.
  3. G.S. Reynolds, "Sourate 4", Le Coran des Historiens, t.2a, 2019, p. 169 et suiv.
  4. M. Azaiez (Ed.), G.S. Reynolds (Ed.), T. Tesei (Ed.), et al. (2016). The Qur'an Seminar Commentary / Le Qur'an Seminar. A Collaborative Study of 50 Qur'anic Passages / Commentaire collaboratif de 50 passages coraniques. Berlin, Boston: De Gruyter. p. 104.
  5. G.S. Reynolds, « Le problÚme de la chronologie du Coran », Arabica 58, 2011, p. 477-502.
  6. R. BlachĂšre, Introduction au Coran, p. 244.
  7. R. BlachĂšre, Le Coran, 1966, p. 103.
  8. M. Azaiez, « Chronologie de la Révélation ».
  9. G. Dye « Le Coran et son contexte Remarques sur un ouvrage récent », Oriens Christianus n° 95, 2011, p. 247-270.
  10. E. Stefanidis, « The Qur'an Made Linear: A Study of the Geschichte des Qorùns' Chronological Reordering », Journal of Qur'anic Studies, X, II, 2008, p. 13.
  11. Constance Desloire, « Féminisme islamique : le Coran au féminin », sur Slate, .
  12. Existe-t-il un féminisme musulman?, livre issu d'un colloque à Paris, septembre 2006, organisé par la Commission Islam et laïcité de la Ligue des droits de l'homme (LDH), en collaboration avec l'UNESCO. En-ligne, p. 7 (fr).
  13. M. Azaiez (Ed.), G.S. Reynolds (Ed.), T. Tesei (Ed.), et al. (2016). The Qur'an Seminar Commentary / Le Qur'an Seminar. A Collaborative Study of 50 Qur'anic Passages / Commentaire collaboratif de 50 passages coraniques. Berlin, Boston: De Gruyter.
  14. M. Azaiez (Ed.), G.S. Reynolds (Ed.), T. Tesei (Ed.), et al. (2016). The Qur'an Seminar Commentary / Le Qur'an Seminar. A Collaborative Study of 50 Qur'anic Passages / Commentaire collaboratif de 50 passages coraniques. Berlin, Boston: De Gruyter. p. 106.
  15. Documentaire Jésus et l'Islam, épisode 1 sur 7, diffusé sur la chaßne télévisé française Arte le 8 décembre 2015.
  16. G.S. Reynolds, « The Muslim Jesus: Dead or alive? », Bulletin of SOAS, 72, 2 (2009), Cambridge University Press, p. 237–258.


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