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Al-Imran

Al-'Imran (arabe : ŰąÙ„ ŰčÙ…Ű±Ű§Ù†, français : La famille d'Imran) est le nom traditionnellement donnĂ© Ă  la 3e sourate du Coran, le livre sacrĂ© de l'islam. Elle comporte 200 versets.

3e sourate du Coran
La famille d'Imran
Le Coran, livre sacré de l'islam.
Le Coran, livre sacré de l'islam.
Informations sur cette sourate
Titre original ŰąÙ„ ŰčÙ…Ű±Ű§Ù†, Al-'Imran
Titre français La famille d'Imran
Ordre traditionnel 3e sourate
Ordre chronologique 89e sourate
PĂ©riode de proclamation PĂ©riode medinoise
Nombre de versets (ayat) 200
Ordre traditionnel
Ordre chronologique

Origine du nom

Bien que le titre ne fasse pas directement partie du texte coranique[1], la tradition musulmane a donné comme nom à cette sourate La famille de 'Imran, 'Imrān étant petit-fils de Lévi qui eut de sa tante YokhébÚd deux fils : Moïse et Aaron[2].

Le titre de la sourate est une rĂ©fĂ©rence aux versets 33-37 liĂ©s Ă  la naissance de Marie, 'Imrān Ă©tant le nom donnĂ© Ă  son pĂšre[3]. Cette naissance, ainsi que celle de Jean, prĂ©parent celle de JĂ©sus au verset 42. Si les sources de ces passages semblent ĂȘtre le ProtĂ©vangile de Jacques et les Ă©crits-sources de l’Evangile du Pseudo-Matthieu, la question du nom du pĂšre ('Imrān et non Joachim) interroge[3]. Cette identification n’a pas de parallĂšle et pourrait provenir d’une « confusion scribale » du ou des auteurs coraniques. Ce nom rappelle celui d’Amram, pĂšre d’Aaron dans le texte biblique. Parfois prĂ©sentĂ©e comme fortuite, cette identification pourrait ĂȘtre volontaire et reflĂ©ter la stratĂ©gie de Luc de prĂ©senter l’évolution de la rĂ©vĂ©lation chrĂ©tienne moins centrĂ©e sur la figure d’IsraĂ«l[3].

Historique

Il n'existe Ă  ce jour pas de sources ou documents historiques permettant de s'assurer de l'ordre chronologique des sourates du Coran. NĂ©anmoins selon une chronologie musulmane attribuĂ©e Ă  ÇŠaÊżfar al-áčąÄdiq (VIIIe siĂšcle) et largement diffusĂ©e en 1924 sous l’autoritĂ© d’al-Azhar, cette sourate occupe la 89e place. Elle aurait Ă©tĂ© proclamĂ©e pendant la pĂ©riode mĂ©dinoise, c'est-Ă -dire schĂ©matiquement durant la seconde partie de la vie de Mahomet, aprĂšs avoir quittĂ© La Mecque. ContestĂ©e dĂšs le XIXe par des recherches universitaires, cette chronologie a Ă©tĂ© revue par Nöldeke, pour qui cette sourate est la 97e.

Comme pour la sourate 2, plusieurs variantes textuelles sont connues. Elles concernent plus de 45 versets. Celles-ci ont été étudiées par Jeffery, Sadeghi et Goudarzi[3]. En outre, cette sourate possÚde un contexte palestinien marqué, comme la sourate 2[3].

Pour Imbert, Ă  propos d'un graffito reprenant le v.37, « Il reflĂšte la grande libertĂ© avec laquelle les lapicides anonymes du dĂ©but de l’islam traitaient des versets coraniques: ils Ă©taient librement adaptĂ©s afin de se conformer grammaticalement au texte du graffito alors qu’on se serait attendu au contraire, Ă  savoir que le texte du graffito aurait dĂ» s’adapter au texte coranique. Cette â€œĂ©lasticitĂ©â€ du texte coranique est une donnĂ©e fondamentale de ce que nous appelons le Coran des pierres. »[4].

Interprétations

Cette sourate est composée de sections aux thématiques et aux dimensions variées. Elle est habituellement divisée en quatre parties, une partie introductive (v.1-32), une partie sur la famille de 'Imrān (v.33-63), une autre consacrée au « Gens du Livre » (v. 64-99) et une derniÚre consacrée aux croyants. Droge propose une autre division « bien plus détaillée », avec des péricopes séparées successives[3].

La sourate 3 contient des références aux écrits du Nouveau Testament et des apocryphes autour de la naissance de Jésus. Ils en forment un « réservoir parabiblique »[3].

Versets 1-7 : une autoréférence ?

La sourate commence par les lettres Alif, LĂąm, MĂźm. Dye cite une hypothĂšse de Luxenberg qui y voit une abrĂ©viation syriaque de "Le Seigneur m'a dit"[5]. De nombreuses thĂ©ories tentent d’expliquer ces lettres mystĂ©rieuses. Elles pourraient ĂȘtre des marques de division du texte, des contractions, des sigles... Aucun consensus n’existe Ă  l’heure actuelle[3].

Pour Pregill, le terme furqan du verset 4 est un nom propre et désigne un ouvrage apocalyptique connu de la communauté. Pour Donner, ce mot provient du syriaque "Commandement"[5]. Le sens de furqan est encore insaisissable[3].

Le terme al-kitab (verset 7) est souvent interprété comme désignant le Coran. Pour Dye, « Cette lecture ne va pas de soi : normalement, al-kitāb ne désigne pas le Coran »[5]. Le lien entre le terme Kitab et le Coran ne va pas de soi. Il est difficile de bien définir les catégories et termes utilisés dans ces versets[3].

Stefanidis relĂšve que pour Nasr Hamid Abu Zayd, ce verset Ă©voque les polĂ©miques avec les chrĂ©tiens qui auraient perçu l’ambiguĂŻtĂ© du Coran sur le statut de JĂ©sus, prophĂšte nĂ© miraculeusement. « L'Ă©valuation d'Abu Zayd est que, pour rĂ©futer tout incomprĂ©hension chrĂ©tienne: ", les versets dans lesquels le Coran dĂ©crit JĂ©sus comme «la parole» et «l'esprit» de Dieu ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s «ambigus» alors que les versets mettant l'accent sur son humanitĂ© comme seul prophĂšte et messager ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s «clairs». »[5] Pour Zellentin, cette sĂ©paration entre claire et ambigu renvoie vers la classification judĂ©o-chrĂ©tienne entre la loi pure, la loi symbolique (paraboles) et les lois abrogĂ©es par JĂ©sus[5].

L’usage du singulier, l’injil, pour Ă©voquer le Nouveau Testament interroge. Cet Ă©lĂ©ment, caractĂ©ristique du corpus coranique, pourrait ĂȘtre un calque d’une utilisation paulinienne et pseudo-paulinienne. Van Reeth suggĂšre plutĂŽt le Diatessaron comme rĂ©fĂ©rent unique pour ce terme Injil[3].

Selon Azaiez, ces versets sont un exemple de métadiscours ou d'autoréférence, pour utiliser le terme de Boisliveau[5]. Dye se demande si cette metatextualité est contemporaine de Mahomet ou si elle n'est pas, "au moins en partie, un rajout effectué lors de la collecte du Coran. Pour Pregill, cette sourate est l'occasion de marquer une rupture avec le christianisme. « Tout au long de la sourate, l'auteur semble élaborer sa vision particuliÚre d'une religion corrigée, en particulier en revisitant les racines israélites du christianisme et en repensant sa relation avec la Bible. »[5]

Hillali relÚve que ce passage présente trois temporalités, une absolue, le passé et le présent. Une rupture est liée au temps de la "révélation" coranique qui ouvre vers le futur, temps de l'interprétation[5].

Versets 33-63 : la famille d'Imran

Pour Dye, ce texte est un texte de compromis entre positions christologiques, comme celle des nestoriens et s’appuie entre autres sur le proto-Ă©vangile de Jacques alors que Sirry critique cette idĂ©e de compromis et y voit un texte tendant Ă  critiquer le point de vue chrĂ©tien[4].

Le Proto-Ă©vangile de Jacques n’est pas la seule source de ce passage. On voit des influences de l’Évangile selon Luc, et en particulier de l’hymne appelĂ© a posteriori Magnificat, des sources de l’apocryphe Évangile du pseudo-Matthieu. Le V.46 s’inspire, lui, de traditions parallĂšles Ă  l’Évangile arabe de l’Enfance[3]. El-Badawi associe les diffĂ©rents versets de cette sourate Ă  divers Ă©crits chrĂ©tiens : Évangile de Luc, Ă©vangiles de l'enfance, lettre aux Corinthiens[4]... Grodzki relĂšve la traduction du v.54 par B. Bonnet-Eymard : “Alors ils livrĂšrent et le Dieu livra, mais le Dieu dĂ©livre ceux qui sont livrĂ©s”, qu'il associe Ă  l’évangile selon St Jean[4]. Pour Reynolds, « En effet, la nativitĂ© de Marie ici suit de prĂšs les rĂ©cits trouvĂ©s dans ces textes [Ă  propos du proto-Ă©vangile de James et de l’évangile du pseudo-Mathieu] »[4]. Selon Stephen J. Schoemaker, ce «mĂ©lange de deux traditions chrĂ©tiennes [canonique et apocryphe] antĂ©rieures autrement indĂ©pendantes» est liĂ©e Ă  l'Ă©glise «Kathisma de la ThĂ©otokos» situĂ©e entre JĂ©rusalem et BethlĂ©em. Pour lui, cette Ă©glise est Ă  l'origine du "rĂ©cit unique du Coran de la naissance de JĂ©sus"[4].

Ce passage dĂ©bute par deux rĂ©cits, Ă©voquant les naissances de Marie et de Jean le Baptiste, prĂ©parant celui de la naissance de JĂ©sus au verset 42. Ceux-ci prĂ©pare l’annonce de JĂ©sus comme Kalima, comme Verbe de Dieu. Le cadre mariologique du rĂ©cit de la naissance de JĂ©sus correspond bien au contexte palestinien de la sourate 3 (et de la 19)[3].

L'hypothĂšse d'une confusion coranique entre Marie, mĂšre de JĂ©sus et Myriam, sƓur d'Aaron a parfois Ă©tĂ© avancĂ©e. Pour Dye, il s'agit d'une "identification typologique", association dĂ©jĂ  prĂ©sente dans les traditions de l’église du Kathisma et un apocryphe du IVe siĂšcle, le transitus grec. A la diffĂ©rence des Ă©vangiles et du lignage davidique, le Coran insiste sur le lignage de JĂ©sus Ă  Abraham et sur l'universalitĂ© de Isa[4].

Le passage fait une comparaison entre Adam et JĂ©sus (voir la typologie paulinienne de JĂ©sus, nouvel Adam). Elle est couramment interprĂ©tĂ©e comme une clarification du fait que JĂ©sus est une crĂ©ature. Ces versets pourraient s’inscrire dans le cadre d’une tentative de convergence avec un groupe juif. NĂ©anmoins, certains versets de ce passage contiennent une dimension clairement anti-juive[3].

Pour Dye, « La nature de l’argumentation, le profil de l’auteur, la maniĂšre dont est conduite la polĂ©mique, indiquent que le contexte le plus plausible pour la composition de cette pĂ©ricope est la Syrie-Palestine des annĂ©es 650 »[4].

Versets 189-191

Les versets 100 Ă  199 de la sourate 3 sont principalement composĂ©s d'Ă©lĂ©ments liĂ©s aux croyants et organisĂ©s sans toujours un ordre apparent. C'est ainsi, qu'aprĂšs un passage caractĂ©risĂ© par une polĂ©mique antijuive, les versets 189 Ă  191 sont de type sapentiaux. Ce passage exprime l'idĂ©e que l'observation de la CrĂ©ation est pour les croyants et ceux qui raisonnent, "des signes du rĂšgne suprĂȘme de Dieu sur toutes choses"[6] : « Dans la crĂ©ation des cieux et de la terre, dans l'alternation des nuits et des jours, il y a sans doute des signes pour les hommes douĂ©s d'intelligence qui, debout, assis, couchĂ©s, pensent Ă  Dieu et mĂ©ditent sur la crĂ©ation des cieux et de la terre » traduction Kasimirski[Note 1]). Cette interprĂ©tation de ce passage rejoint celle d'AverroĂšs dans son Discours dĂ©cisif[7]

Galerie

  • Texte de la sourate (Coran datant de 1874)

Voir aussi

Bibliographie

  • C.A. Segovia, "Sourate 3", Le Coran des Historiens, t.2a, 2019, p. 131 et suiv.
  • Boisliveau, Le Coran par lui-mĂȘme. Vocabulaire et argumentation du discours coranique autorĂ©fĂ©rentiel, 2014.
  • R. Paret, Der Koran. Kommentar und konkordanz, 1980[Note 2].

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Ce verset porte le numéro 187 dans cette traduction mais le numéro 190 dans la plupart des traductions.
  2. En 2019, seuls deux ouvrages peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des commentaires scientifiques et continus du texte coranique. Il s'agit du Commentary on the Qur'an de Richard Bell publiĂ© en 1991 (aujourd'hui datĂ©) et du Coran des historiens publiĂ© en 2019. L'ouvrage de Paret s'inscrit, avec ceux de BlachĂšre, Khoury et Reynolds, dans un ensemble de traduction avec apparat critique. Voir : Sourate

Références

  1. A. Chouraqui, Le Coran, traduction et commentaires, 1990, p. 15.
  2. A. Chouraqui, Le Coran : L'appel, France, Robert Laffont, , 625 p. (ISBN 2221069641), Sourate 3 La Gent de Imran
  3. C.A. Segovia, "Sourate 3", Le Coran des Historiens, t.2a, 2019, p. 131 et suiv.
  4. M. Azaiez (Ed.), G.S. Reynolds (Ed.), T. Tesei (Ed.), et al. (2016). The Qur'an Seminar Commentary / Le Qur'an Seminar. A Collaborative Study of 50 Qur'anic Passages / Commentaire collaboratif de 50 passages coraniques. Berlin, Boston: De Gruyter. partie QS 6 Q 3:33–63
  5. M. Azaiez (Ed.), G.S. Reynolds (Ed.), T. Tesei (Ed.), et al. (2016). The Qur'an Seminar Commentary / Le Qur'an Seminar. A Collaborative Study of 50 Qur'anic Passages / Commentaire collaboratif de 50 passages coraniques. Berlin, Boston: De Gruyter. partie. QS 5 Q3:1-7
  6. C. Segovia, "Sourate 3", Le Coran des Historiens, 2019, Paris, p. 131 et suiv.
  7. AverroĂšs (Ibn Rushd), Discours dĂ©cisf (FaáčŁl al-maqĂąl), Flammarion, (ISBN 2-08-070871-6), §3
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