Al-Ahzab
Al-Ahzab (arabe : ŰłÙ۱۩ ۧÙŰŁŰŰČۧۚ, français : Les CoalisĂ©s) est le nom traditionnellement donnĂ© Ă la 33e sourate du Coran, le livre sacrĂ© de l'islam. Elle comporte 73 versets. RĂ©digĂ©e en arabe comme l'ensemble de l'Ćuvre religieuse, elle fut proclamĂ©e, selon la tradition musulmane, durant la pĂ©riode mĂ©dinoise.
33e sourate du Coran Les Coalisés | |
Le Coran, livre sacré de l'islam. | |
Informations sur cette sourate | |
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Titre original | ŰłÙ۱۩ ۧÙŰŁŰŰČۧۚ, Al-Ahzab |
Titre français | Les Coalisés |
Ordre traditionnel | 33e sourate |
Ordre chronologique | 90e sourate |
Période de proclamation | Période médinoise |
Nombre de versets (ayat) | 73 |
Ordre traditionnel | |
Ordre chronologique | |
Origine du nom
Bien que le titre ne fasse pas directement partie du texte coranique[1], la tradition musulmane a donné comme nom à cette sourate Les coalisés[2], référence aux versets 20 et 22 :
« 20. Ils pensent que les coalisĂ©s ne sont pas partis. Or si les coalisĂ©s revenaient, [ces gens-lĂ ] souhaiteraient ĂȘtre des nomades parmi les BĂ©douins, et [se contenteraient] de demander de vos nouvelles. Sâils Ă©taient parmi vous, ils nâauraient combattu que trĂšs peu. »
« 22. Et quand les croyants virent les coalisĂ©s, ils dirent : âVoilĂ ce quâAllah et Son messager nous avaient promis ; et Allah et Son messager disaient la vĂ©ritĂ©â. Et cela ne fit que croĂźtre leur foi et leur soumission. »
Le terme al-ahzab est le pluriel de hizb. Ce mot arabe proviendrait de lâĂ©thiopien. Pour Horovitz, il conserve le sens de « paĂŻen » tandis que Jeffery lui fait dĂ©signer un peuple, une faction. Lâintroduction de ce terme pourrait provenir dâune rĂ©flexion thĂ©ologique en lien avec la doctrine quâa voulu introduire le rĂ©dacteur dans le texte[3].
Historique
Il n'existe Ă ce jour pas de sources ou documents historiques permettant de s'assurer de l'ordre chronologique des sourates du Coran. NĂ©anmoins selon une chronologie musulmane attribuĂ©e Ă ÇŠaÊżfar al-áčąÄdiq (VIIIe siĂšcle) et largement diffusĂ©e en 1924 sous lâautoritĂ© dâal-Azhar[4] - [5], cette sourate occupe la 90e place. Elle aurait Ă©tĂ© proclamĂ©e pendant la pĂ©riode mĂ©dinoise, c'est-Ă -dire schĂ©matiquement durant la seconde partie de la vie de Mahomet, aprĂšs avoir quittĂ© La Mecque[6]. ContestĂ©e dĂšs le XIXe par des recherches universitaires[7], cette chronologie a Ă©tĂ© revue par Nöldeke[8] - [9], pour qui cette sourate est la 103e.
Ă premiĂšre vue, les diffĂ©rentes parties de cette sourate suivent la bataille de la TranchĂ©e. Toutefois, la forme de la sourate interroge les chercheurs[3]. En effet, plusieurs auteurs anciens Ă©voque cette sourate et la considĂ©rait comme beaucoup plus longue. S'il est impossible de dâĂ©valuer rĂ©ellement ce raccourcissement, un « remaniement substantiel » a certainement eu lieu aprĂšs la mort de Mahomet, cela afin de changer le discours coranique[3].
LâinterprĂ©tation de cette sourate est complexifiĂ©e par le fait que le contexte auquel la sourate fait allusion a Ă©tĂ© modifiĂ© et manipulĂ©. Cette sourate est unique par le fait quâelle Ă©voque un Ă©vĂ©nement historique et un personnage rĂ©el, non biblique. LâunitĂ© de cette sourate a donc Ă©tĂ© fabriquĂ©e, comme cela a Ă©tĂ© prouvĂ© par Powers, par un ou plusieurs rĂ©dacteurs « qui ont ainsi voulu prouver une thĂšse, en dĂ©veloppant implicitement une doctrine »[3].
Interprétations
Cette sourate appartient au groupe des sourates 27 Ă 36 qui se trouvent presque au milieu du Coran. HĂ©tĂ©rogĂšne, en particulier en raison de leur style concis et allusif, cet ensemble se compose principalement dâhistoire de prophĂštes et de prescription en lien avec les fins derniĂšres. Elles ne sont pourtant quâallusives, ce qui appuie lâhypothĂšse selon laquelle le Coran est construit comme un commentaire midrashiques de textes bibliques connus de la communautĂ© recevant cet enseignement[10].
Versets 9-27 : la bataille de la Tranchée
Si certains Ă©lĂ©ments de la sourate dateraient dâaprĂšs les Ă©vĂ©nements de la bataille de la TranchĂ©e, la rĂ©daction finale de la sourate est bien postĂ©rieure. Le texte possĂšde des ambiguĂŻtĂ©s, en particulier en raison des liens littĂ©raires formĂ©s entre cet Ă©pisode et celui, plus tardif, de la fitna. Cet Ă©lĂ©ment renvoie donc Ă une datation, soit sous les premiers califes (premiĂšre fitna), soit sous Abd al-Malik (seconde fitna)[3].
Un parallĂšle est crĂ©Ă© par le Coran entre les factions d « hypocrites » et ceux qui critiquent la vie personnelle de Mahomet, afin de les associer dans la mĂȘme rĂ©ponse qui est dâaffirmer que la volontĂ© de Dieu est avec Mahomet[3].
Cette sourate Ă©voque la soumission complĂšte des opposants de Mahomet et a Ă©tĂ© associĂ©, par la tradition islamique, au massacre de la tribu juive des Banu Qurayza. Si certaines objections ont Ă©tĂ© levĂ©es quant Ă lâhistoricitĂ© de cet Ă©pisode, il semble que celui-ci avant tout une altĂ©ration de lâhistoire. Une partie des captifs ont Ă©tĂ© probablement expulsĂ©s. Cet Ă©pisode semble une rĂ©troprojection du rĂšgne dâUmar dans la vie de Mahomet afin de ratifier sa politique par le texte coranique[3].
Verset 40 : « Muhammad nâa jamais Ă©tĂ© le pĂšre de lâun de vos hommes... »
Pour l'islamologue Guillaume Dye, ce passage sâinscrit dans la volontĂ© de Mahomet de se prĂ©senter comme le dernier des prophĂštes. Or, aprĂšs la mort de Mahomet et la dĂ©ception des espoirs eschatologique, la prophĂ©tie aurait dĂ» revenir aux descendants mĂąles de Mahomet et donc aux alides. « En dâautres termes, ce verset pourrait ĂȘtre, dans son Ă©tat actuel, une addition tardive, destinĂ©e Ă contrer les prĂ©tentions des alides. »[11]. Hawting remarque quâil est compliquĂ© de lire ce passage sans se rĂ©fĂ©rer Ă la Sira[11].
Lâexpression « sceau des prophĂštes » est une expression apparaissant chez Tertullien et dĂ©signant JĂ©sus. LâidĂ©e apparaĂźt dans le Livre de Daniel oĂč lâaspect de fin de la prophĂ©tie est dĂ©veloppĂ©. Dye remarque que Daniel est appelĂ© « « [lâhomme] des prĂ©dilections » (iĆĄ-áž„amudot), ce qui ressemble beaucoup au surnom Muáž„ammad »[11]. Contrairement Ă Stroumsa, Pregill associe lâusage de lâexpression « sceau des prophĂštes » au manichĂ©isme qui lâutilise aussi[11]. Dans ce courant et certaines approches musulmanes, cette expression Ă©voque lâidĂ©e de valider les prophĂ©ties anciennes. Pour Stefanidis, cette expression pourrait ĂȘtre une polĂ©mique anti-juives critiquant leur attente messianique[11]. Winitzer associe plutĂŽt ce terme Ă lâidĂ©e dâempreinte divine[11].
De nombreux rĂ©cits se sont dĂ©veloppĂ©s sur la famille de Mahomet. Pour Dye, « Il me semble Ă peu prĂšs impossible de retrouver la rĂ©alitĂ© historique derriĂšre tous ces rĂ©cits, mais lâidĂ©e traditionnelle selon laquelle le ProphĂšte aurait eu sept enfants (un chiffre qui nâest pas anodin dans la culture biblique) ne paraĂźt pas ĂȘtre une information historique. » De mĂȘme, pour lui, Maria la Copte est une fiction littĂ©raire[11].
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- J. Van Reeth, "Sourate 33", Le Coran des Historiens, t.2b, 2019, 1119 et suiv.
- R. Paret, Der Koran. Kommentar und konkordanz, 1980[Note 1].
Liens externes
- Texte de la sourate 33 en français, d'aprĂšs la traduction de Claude-Ătienne Savary de 1783.
Notes et références
Notes
- En 2019, seuls deux ouvrages peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des commentaires scientifiques et continus du texte coranique. Il s'agit du Commentary on the Qur'an de Richard Bell publiĂ© en 1991 (aujourd'hui datĂ©) et du Coran des historiens publiĂ© en 2019. L'ouvrage de Paret s'inscrit, avec ceux de BlachĂšre, Khoury et Reynolds, dans un ensemble de traduction avec apparat critique. Voir : Sourate
Références
- A. Chouraqui, Le Coran, traduction et commentaires, 1990, p. 15.
- (en) « Le Coran/Sourate 33 : Les coalisÚs (Al-Ahzab) - Bibliowiki », sur biblio.wiki (consulté le )
- J. Van Reeth, "Sourate 33", Le Coran des Historiens, t.2b, 2019, 1119 et suiv.
- G.S. Reynolds, « Le problÚme de la chronologie du Coran », Arabica 58, 2011, p.477-502.
- R. BlachĂšre, Introduction au Coran, p.244.
- R. BlachĂšre, Le Coran, 1966, p. 103.
- M. Azaiez, « Chronologie de la Révélation »
- G. Dye « Le Coran et son contexte Remarques sur un ouvrage récent », Oriens Christianus n°95, 2011, p. 247-270.
- E. Stefanidis, « The Qur'an Made Linear: A Study of the Geschichte des Qorùns' Chronological Reordering », Journal of Qur'anic Studies, X, II, 2008, p.13.
- J. Van Reeth, « Introduction aux sourates 27-36 », Le Coran des historiens, 2019, p.976.
- M. Azaiez (Ed.), G.S. Reynolds (Ed.), T. Tesei (Ed.), et al. (2016). The Qur'an Seminar Commentary / Le Qur'an Seminar. A Collaborative Study of 50 Qur'anic Passages / Commentaire collaboratif de 50 passages coraniques. Berlin, Boston: De Gruyter., passage QS 30 Q 33:40