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Aircraft Nuclear Propulsion

Le programme Aircraft Nuclear Propulsion (en français : « Propulsion nucléaire aérienne », abrégé ANP) et le projet précédent Nuclear Energy for the Propulsion of Aircraft (en français : « Énergie nucléaire pour la propulsion aérienne », abrégé NEPA) étaient des projets de développement d'un système de propulsion nucléaire pour un avion à très long rayon d'action[1].

Vestiges du projet, le système HTRE-3, Ă  gauche, et HTRE-1, Ă  droite, exposĂ©s au Laboratoire national de l'Idaho, Ă  environ 29 kilomètres au sud-est d'Arco, dans l'Idaho.

Historique

L'United States Army Air Forces (USAAF) initia le projet NEPA le [2] - [3]. Après un apport de fonds de 10 millions de dollars en 1947[4], le NEPA fut opĂ©rationnel jusqu'en , quand le projet fut transfĂ©rĂ© Ă  l'ANP[5], fruit d'une entreprise conjointe entre la Commission de l'Ă©nergie atomique des États-Unis (AEC) et l’US Air Force[6].

L'USAF poursuivit en envisageant deux types différents de moteurs propulsés par une réaction nucléaire : le concept « à cycle d'air direct » (Direct Air Cycle), qui fut développé par General Electric à partir du [5], et le concept « à cycle d'air indirect » (Indirect Air Cycle), qui fut attribué à Pratt & Whitney. Le programme avait pour but de développer et tester le Convair X-6, mais fut abandonné en 1961 avant que cet avion ne soit construit[7].

Cycle d'air direct

Le bâtiment d'expérimentations Aircraft Reactor Experiment, au laboratoire national d'Oak Ridge.
Le système complet HTRE-3. On distingue les deux General Electric J47 modifiés, dont l'air comprimé est envoyé au réacteur nucléaire (au centre), avant de retourner vers les turbines des deux turboréacteurs.

Dans son principe, un propulseur nucléaire à cycle direct (« Direct Air Cycle ») ressemble à un turboréacteur conventionnel, excepté le fait qu'il ne possède aucune chambre de combustion. L'air admis par le compresseur est envoyé vers un plenum qui dirige l'air directement dans le cœur du réacteur nucléaire. Un échange thermique s'opère à l'endroit où le réacteur est refroidi : l'air entrant prélève la chaleur du réacteur, puis est envoyé vers un second plenum. Celui-ci dirige l'air vers une turbine, qui l'envoie enfin vers l'échappement (la tuyère). Le cœur nucléaire remplace ainsi le carburant habituellement consommé par un turboréacteur. Les réactions nucléaires en chaîne permettent de propulser ainsi l'avion sur de longues périodes.

Le programme de General Electric fut proposé le [5] et était basé à Evendale dans l'Ohio. Il fut poursuivi pour les avantages qu'il proposait : simple, fiable, efficace, il pouvait être démarré rapidement. Des sections de compresseur et de turbine de moteurs à réaction classiques étaient utilisés, la seule différence venant de cet air réchauffé par un réacteur nucléaire avant d'être expulsé à travers la turbine.

Aircraft Reactor Experiment

L’Aircraft Reactor Experiment (ARE) Ă©tait une expĂ©rience utilisant un rĂ©acteur nuclĂ©aire P-1 Ă  neutrons thermiques de 2,5 MW, conçu pour atteindre une haute densitĂ© volumique de puissance pour un futur emploi dans un bombardier Ă  propulsion nuclĂ©aire. Il utilisait comme carburant nuclĂ©aire un mĂ©lange de sels fondus NaF-ZrF4-UF4 (53-41-6 %mol), Ă©tait modĂ©rĂ© par de l'oxyde de bĂ©ryllium (BeO), utilisait du sodium liquide comme rĂ©frigĂ©rant secondaire et atteignait une tempĂ©rature maximale de 860 °C. Le dĂ©veloppement fut acceptĂ© en 1952, les tests au sol planifiĂ©s pour 1954 et les premiers vols pour 1957[5]. Il fonctionna pendant un cycle de 1 000 heures en 1954 et fut le premier rĂ©acteur nuclĂ©aire Ă  sels fondus au monde. Les travaux sur ce projet furent arrĂŞtĂ©s en [5], après que l'apparition des missiles balistiques intercontinentaux le rendit obsolète. Les concepts de ces moteurs sont toujours visibles de nos jours au bâtiment mĂ©morial de l’Experimental Breeder Reactor I, au Laboratoire national de l'Idaho.

Heat Transfer Reactor Experiment

En 1955, ce programme produisit avec succès le moteur X-39, constituĂ© de deux General Electric J47 modifiĂ©s, la chaleur Ă©tant fournie par le Heat Transfer Reactor Experiment-1 (HTRE-1). Le premier essai Ă  pleine puissance du HTRE-1 uniquement sur puissance nuclĂ©aire prit place en . Un total de 5 004 MWh de fonctionnement furent effectuĂ©es pendant le programme de tests[8]. Le HTRE-1 fut remplacĂ© par le HTRE-2, puis finalement par le HTRE-3, fournissant de la puissance aux deux turborĂ©acteurs J47. Le HTRE-3 utilisait un système de bouclier « de type aĂ©ronautique » et aurait probablement Ă©tĂ© utilisĂ© pour propulser le X-6, si le programme avait Ă©tĂ© menĂ© Ă  son terme.

Pratt and Whitney Aircraft Reactor-1

Le , un autre rĂ©acteur atteignit la criticitĂ© au Critical Experiments Facility du laboratoire national d'Oak Ridge (ORNL), dans le cadre du programme de rĂ©acteur Ă  circulation de carburant de Pratt and Whitney Aircraft Company (PWAC). Il fut dĂ©signĂ© PWAR-1, pour « Pratt and Whitney Aircraft Reactor-1 ». Le but de l'expĂ©rience Ă©tait de vĂ©rifier expĂ©rimentalement les propriĂ©tĂ©s thĂ©oriquement prĂ©dites d'un rĂ©acteur PWAC. L'expĂ©rience ne dura que peu de temps : Ă  la fin du mois de , toutes les donnĂ©es avaient Ă©tĂ© collectĂ©es et le dĂ©mantèlement avait commencĂ©. L'expĂ©rience avait Ă©tĂ© menĂ©e essentiellement Ă  zĂ©ro puissance nuclĂ©aire. La tempĂ©rature de fonctionnement fut maintenue constante Ă  approximativement 677 °C, ce qui correspondait de près Ă  la tempĂ©rature de fonctionnement de conception du modĂ©rateur du PWAR-l. Cette tempĂ©rature Ă©tait maintenue par des chauffages externes. Comme l'ARE de 2,5 MWt, le PWAR-1 utilisait le mĂ©lange NaF-ZrF4-UF4 comme carburant et rĂ©frigĂ©rant principal[9].

Cycle d'air indirect

Le cycle indirect (« Indirect Air Cycle ») implique des échanges thermiques ayant lieu hors du cœur nucléaire. Au lieu d'entrer directement au contact du matériau radioactif, l'air arrivant du compresseur du moteur est envoyé vers un échangeur de chaleur[1], qui reçoit également l'eau chaude pressurisée ou du métal liquide en provenance du cœur du réacteur. Ce liquide chaud est ainsi refroidi par l'air, qui est ensuite redirigé vers la turbine d'échappement, produisant de la poussée en sortant de la tuyère[1].

Le programme à cycle d'air indirect fut attribué à Pratt & Whitney, à une usine située près de Middletown (Connecticut). Par sa conception, qui favorise un net cloisonnement entre les diverses parties principales du réacteur, ce projet aurait produit beaucoup moins de pollution radioactive que le précédent. Une ou deux boucles de métal liquide auraient fourni la chaleur du réacteur vers les éléments du moteur[1]. Ce programme nécessitait cependant un gros travail de recherche et le développement de nombreux systèmes légers utilisables dans un avion, comme des échangeurs de chaleur, des turbopompes à métal liquide et des radiateurs[1].

Finalement, le programme Indirect Cycle n'atteignit jamais le stade de production d'un quelconque élément adapté à l'aéronautique.

MX-1589 Project

le Convair NB-36H, banc d'essais volant pour le programme X-6.

Le , l'armée de l'air américaine attribua à Convair un contrat pour faire voler un réacteur nucléaire à bord d'un B-36 Peacemaker modifié[10], faisant partie du programme ANP, mais sous le nom de code MX-1589 Project.

L'avion de tests nuclĂ©aires (Nuclear Test Aircraft, NTA), le NB-36H, devait permettre d'Ă©tudier les besoins de boucliers anti-radiations pour un rĂ©acteur aĂ©roportĂ©, afin de dĂ©terminer si un avion Ă  propulsion nuclĂ©aire Ă©tait faisable. Il s'agit lĂ  du seul programme connu d'expĂ©rimentations de rĂ©acteurs nuclĂ©aires aĂ©roportĂ©s entrepris par les AmĂ©ricains avec un vrai rĂ©acteur opĂ©rationnel Ă  bord. Le NTA effectua un total de 47 vols de tests du rĂ©acteur au-dessus de l'ouest du Texas et du sud du Nouveau-Mexique. Le rĂ©acteur, dĂ©signĂ© « Aircraft Shield Test Reactor » (ASTR), Ă©tait opĂ©rationnel mais ne propulsait pas l'avion, Ă©tant donnĂ© que le but principal de ces vols Ă©tait le test de boucliers.

À la suite des résultats des expériences menées avec le NTA, le X-6 et le programme Aircraft Nuclear Propulsion entier furent abandonnés en 1961.

Abandon

Après de nombreux problèmes, le projet fut mis en sommeil en , pour n'ĂŞtre rouvert qu'un an après. La compĂ©tition technologique avec l'Union soviĂ©tique, reprĂ©sentĂ©e par exemple par le lancement de Spoutnik 1, et le soutien en continu apportĂ© par l'US Air Force avaient permis au programme de tenir un temps, malgrĂ© des divisions assez importantes entre le DĂ©partement de la DĂ©fense (DoD) et la Commission de l'Ă©nergie atomique (AEC). L'entrĂ©e en service des missiles balistiques intercontinentaux en rendait toutefois obsolètes ces projets. L'Ă©lection de John F. Kennedy comme prĂ©sident changea la donne. DĂ©nonçant le coĂ»t exorbitant du programme, il Ă©crivit : « 15 ans et près d'un milliard de dollars ont Ă©tĂ© allouĂ©s Ă  la tentative de dĂ©veloppement d'un avion Ă  propulsion nuclĂ©aire, mais la possibilitĂ© de crĂ©er un appareil militaire utilisable dans un futur proche est toujours très Ă©loignĂ©e »[Note 1] - [11] dans son discours clĂ´turant le programme ANP le [6] - [12].

NĂ©anmoins, les rĂ©sultats du projet ARE incitèrent les scientifiques et ingĂ©nieurs du ORNL Ă  soumettre Ă  la Commission de l'Ă©nergie atomique une proposition de conception prĂ©liminaire d'un rĂ©acteur nuclĂ©aire Ă  sels fondus expĂ©rimental de 30 MWth Ă  destination de la production d'Ă©lectricitĂ© civile[13]. Le rĂ©sultat fut la conception, la construction et l'exploitation du RĂ©acteur expĂ©rimental Ă  sels fondus (Molten-salt Reactor Experiment, MSRE)[14].

Notes et références

Notes

  1. « 15 years and about $1 billion have been devoted to the attempted development of a nuclear-powered aircraft; but the possibility of achieving a militarily useful aircraft in the foreseeable future is still very remote. »

Références

  1. (en) Gerald Wendt, « A Scientist Preview: The First Atomic Airplane », Popular Science, Volta Torrey, vol. 159, no 4,‎ , p. 98 à 102 (ISSN 0161-7370, lire en ligne).
  2. Emme 1961, p. 49 à 63, chapitre : « Aeronautics and Astronautics Chronology, 1945-1949 ».
  3. Stoffel 2000, p. 2.
  4. (en) Raul Colon, « Flying on Nuclear, The American Effort to Built a Nuclear Powered Bomber », (consulté le ).
  5. Stoffel 2000, p. 3.
  6. (en) Worcester Polytechnic Institute, « The Decay of the Atomic Powered Aircraft Program », Megazone, (consulté le ).
  7. (en) « Nuclear Powered Aircraft », Brookings Institution, (consulté le ).
  8. (en) Gunnar Thornton, Introduction to nuclear propulsion- introduction and background - lecture #1, NASA Technical Reports Server, 26, 27 et 28 février 1963, 80 p. (lire en ligne [PDF]), p. 30.
  9. AEC Research & Development Report 1963, p. 3.
  10. Emme 1961, p. 3, chapitre : « Aeronautics and Astronautics Chronology, 1950-1954 ».
  11. (en) « Aircraft Nuclear Propulsion – Politics », The Decay of the Atomic Powered Aircraft Program, (consulté le ).
  12. Martin 2012, p. 109 Ă  112.
  13. (en) L.G. Alexander et al., Laboratoire national d'Oak Ridge, Experimental molten-salt-fueled 30-Mw power reactor (no ORNL-2796), , 40 p. (lire en ligne [PDF]).
  14. (en) R.C. Robertson, Laboratoire national d'Oak Ridge, MSRE Design and Operations Report (no ORNL-TM-728), , 575 p. (lire en ligne [PDF]), partie I, « Description of reactor design », p. 3–6.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Eugene M. Emme, Aeronautics and Astronautics: An American Chronology of Science and Technology in the Exploration of Space, 1915–1960, Washington DC (USA), NASA, (lire en ligne). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) D. Scott, G.W. Alwang, E.F. Demski, W.J. Fader, E.V. Sandin et R.E. Malenfant, AEC Research & Develelopment Report : A Zero Power Reflector-Moderated Reactor at Elevated Temperature, Laboratoire national d'Oak Ridge (ORNL), , 101 p. (lire en ligne [PDF]). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Eugene M. Emme, Aeronautics and Astronautics: An American Chronology of Science and Technology in the Exploration of Space, 1915–1960, Washington DC (USA), NASA, (lire en ligne). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Jesse Stoffel, Dreams of Nuclear Flight — The NEPA and ANP programs, University of Wisconsin-Madison, , 23 p. (lire en ligne [PDF]). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Richard Martin, SuperFuel: Thorium, the Green Energy Source for the Future, MacMillan, , 272 p. (ISBN 0230341918 et 9780230341913, lire en ligne), « ANP ». Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article

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