Agression de Monica Seles
L'agression de Monica Seles a lieu le , en plein match de tennis à Hambourg. Günter Parche, un ouvrier allemand, poignarde la jeune joueuse professionnelle yougoslave Monica Seles, alors numéro un mondiale au classement WTA.
Les conséquences de cette agression pour l'athlète sont une blessure peu profonde dans le haut du dos et vingt-huit mois de dépression. Monica Seles refuse par la suite de jouer de nouveau en Allemagne.
Résumé des faits
L'agression survint le , pendant le tournoi de Hambourg, à l'occasion du quart de finale opposant Monica Seles, 19 ans, à la Bulgare Magdalena Maleeva. Seles menant la partie (6-4, 4-3), elle s'assit sur sa chaise au changement de côtés. Günter Parche, un ouvrier au chômage de 38 ans, surgit alors des gradins, sauta par-dessus le muret de sécurité et, tandis que la joueuse était penchée en avant, lui enfonça un couteau de cuisine dans le dos[1]. La pointe de la lame se ficha entre les omoplates de Seles. Parche fut immédiatement maîtrisé et la victime transportée à l'hôpital.
Le directeur du tournoi, Peter Wind, indiqua après l'attaque que ni les poumons ni la colonne vertébrale n'avaient été endommagés et que les jours de la championne n'étaient pas menacés[2].
Reléguée au second plan, la compétition suivit son cours et vit s'imposer Arantxa Sánchez Vicario face à Steffi Graf en finale[3]. Puis l'Allemande, en l'absence de Seles[4], s'impose à Roland-Garros en juin[5]. Le surlendemain, au bénéfice de cette victoire, elle lui ravit son fauteuil de numéro un mondiale[6] pour ne quasiment plus le quitter jusqu'en .
Suites judiciaires
Alors en pleines guerres de Yougoslavie, on soupçonna d'abord un attentat politique lié aux origines serbes de Monica Seles. La police écarta toutefois rapidement cette hypothèse[7]. Günter Parche, décrit comme « confus et déséquilibré », s'avéra en fait un admirateur de la championne allemande Steffi Graf, grande rivale de Seles : par son geste, il espérait voir sa compatriote reprendre le premier rang mondial que Seles lui avait ravi deux années plus tôt[8]. Ceci se réalisa dès le , à la faveur de la victoire de Graf à Roland-Garros[9], en l'absence de Seles convalescente.
En [10], devant le tribunal de Hambourg, l'agresseur affirma qu'il n'avait jamais eu l'intention de tuer Monica Seles, seulement de la blesser[11]. Des experts expliquèrent que Günter Parche était déficient mental. Il fut en conséquence acquitté des accusations de tentative de meurtre, mais reconnu coupable des blessures infligées (avec préméditation). Le , Günter Parche fut condamné à deux ans de prison avec sursis, assortis de l'obligation de suivre des soins psychiatriques. La juge motiva notamment sa décision sur le fait que Parche avait exprimé de « sincères remords ».
Monica Seles et sa famille firent appel de ce jugement, trop clément selon eux, qui fut confirmé en [12].
Le journal allemand Bild affirme que Günter Parche est mort en août 2022, à l’âge de 68 ans, dans une maison de retraite située à Nordhausen[13].
Conséquences sportives
Si le coup de couteau ne laissa à Seles qu'une cicatrice superficielle dans le haut du dos, il jeta l'athlète dans vingt-huit mois de dépression[14]. Elle ne revint au jeu qu'en , lors de l'Open du Canada[15], après un travail psychologique sur elle-même et les encouragements de Martina Navrátilová. Redevenue l'une des toutes meilleures mondiales jusqu'à la fin de sa carrière en 2003, elle ne retrouva néanmoins jamais le sommet de sa forme[16] et ne rejoua plus en Allemagne[17].
Cette agression contribua à un accroissement des mesures de sécurité dans les stades[18] et à une plus grande attention portée à la sécurité des joueurs et des joueuses[19]. Micky Lawler, membre de la direction à la WTA, n'hésita pas, quant à elle, en 2008, à établir un parallèle entre l'agression de Monica Seles (pour le monde du tennis) et les attentats du 11 septembre 2001[20].
Dans les arts
En Ă Madrid, le dramaturge espagnol Antonio Rojano (es) prit le fait divers pour point de dĂ©part de sa pièce de théâtre, AscensiĂłn y CaĂda de MĂłnica Seles (« Ascension et chute de Monica Seles »), en guise de mĂ©taphore sur les dĂ©senchantements de la sociĂ©tĂ© contemporaine[21].
En , trente ans après l'agression, l'écrivain français David Rochefort publie Le Prix fort, un roman mêlant faits sportifs, enquête historique et souvenirs personnels.
Références
- (de) Alexander Schuller, « Monica Seles' Ersthelfer spricht zum ersten Mal », Hamburger Abendblatt,‎ (lire en ligne).
- (en) Tamara Jones, « Spectator Stabs Tennis Star Seles During Match », Los Angeles Times (LA Times),‎ (lire en ligne).
- (en) « Sanchez Vicario Beats Graf While Both Think of Seles », LA Times,‎ (lire en ligne).
- O. Breisacher, « L'ombre de Monica Seles plane », J. de Genève,‎ , p. 17 (lire en ligne).
- (en) R. Finn, « Graf Battles Back to Win French Final », NYT,‎ (lire en ligne).
- « L'agresseur de Monica Seles a gagné », Le Nouveau Quotidien,‎ , p. 26 (lire en ligne).
- (es) « Apuñalan a Seles », Mundo Deportivo,‎ , p. 1-4 (lire en ligne [PDF]),
Paolo Leonardi, « L'agression de Monica Seles (à Hambourg) suscite bien des interrogations », Le Soir,‎ , p. 25 (lire en ligne),
(en) Sally Jenkins, « Savage Assault », Sports Illustrated,‎ (attack-by-a-knife-wielding-fan). - Le .
- (en) Robin Finn, « Graf Battles Back to Win French Final », New York Times (NYT),‎ (lire en ligne),
« L'agresseur de Monica Seles a gagné », Le Nouveau Quotidien,‎ , p. 26 (lire en ligne). - « Deux ans de prison avec sursis pour l'agresseur de Seles », L'Humanité,‎ (lire en ligne),
(en) « Seles's Attacker Gets Suspended Two-Year Sentence », NYT,‎ (lire en ligne),
(en) Johnette Howard, « For Monica Seles, It Is Injustice as Usual », LA Times,‎ (lire en ligne),
(de) Gisela Friedrichsen, « Prozesse : Fast wie der liebe Gott », Der Spiegel, no 42,‎ , p. 230-236 (lire en ligne [PDF]). - (de) Gernot Kramper, « „Ich wollte nicht töten“ », Die Zeit,‎ (lire en ligne [PDF]).
- (de) Gisela Friedrichsen, « Prozesse : Hätten Sie gern eine Frau ? », Der Spiegel, no 13,‎ , p. 259-260 (lire en ligne [PDF]),
« L'agresseur de Seles voit sa peine avec sursis confirmée », L'Humanité,‎ (lire en ligne),
(en) Stephen Kinzer, « Seles's Assailant Gets Suspended Sentence », NYT,‎ (lire en ligne),
(en) Johnette Howard, « Home Alone Her Attacker Walks Free… », Sports Illustrated,‎ (lire en ligne). - (de) S. Jörgensen et K. Keim, « Seles-Attentäter Parche (68) tot », sur bild.de, .
- Paolo Leonardi, « Monica Seles, dépressive, a du mal à oublier le passé », Le Soir,‎ , p. 29 (lire en ligne).
- AFP, « Seles : premier tournoi, première victoire », Le Soir,‎ , p. 26 (lire en ligne),
(en) Robin Finn, « No Contest : Seles Roars Down Comeback Trail », NYT,‎ (lire en ligne). - (en) Monica Seles, « “I ballooned from size 8 to 18 after I was stabbed by a fan” Says Tennis Ace Monica Seles », sur dailymail.co.uk, .
- (en) « WTA Under Fire From Seles », sur bbc.com, .
- (en) Courtney Nguyen, « Monica Seles' Stabbing Reminds Us How Close Fans Can Get to Players », Sports Illustrated,‎ (lire en ligne).
- (en) Ben Rothenberg, « Concerns Over Personal Safety Haunt Women on Tennis Tour », NYT,‎ (lire en ligne).
- (en) Ravi Ubha, « Tours Still Feeling the Effect of Seles Stabbing 15 Years Later », sur espn.com, .
- (es) Julio Castro, « De la crisis y el desahucio entre la AscensiĂłn y CaĂda de MĂłnica Seles », sur larepublicacultural.es, .
Voir aussi
Bibliographie
- Ouvrages de Monica Seles (autobiographies) :
- (en) Monica Seles et Nancy Ann Richardson, From Fear to Victory, New York, HarperCollins, , 256 p. (ISBN 9780060186456)
- (en) Monica Seles, Getting a Grip : On My Body, My Mind, My Self, New York, Avery Publishing, , 304 p. (ISBN 9781583333303, présentation en ligne)
- Autres ouvrages et articles :
- (en) Cindy Shmerler, « Love Means No Score : Monica Seles Betrayed », On the Issues, vol. 3, no 2,‎ , p. 17-21 (ISSN 0895-6014)
- (en) Christopher Clarey, « A Bubbling Career Pierced With a Knife », New York Times,‎ (lire en ligne)
- David Rochefort, Le Prix fort, Paris, En exergue, coll. « La nuit d'avant », , 174 p. (ISBN 9791097469283, présentation en ligne)
Articles connexes
Lien externe
- « Journal de 20 heures » [vidéo], sur ina.fr, France 2, (début du sujet à 24 min 40 s)