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Agellid

Agellid (au pluriel igelliden ou igeldan), parfois françisé aguellid[1], est un nom masculin berbÚre qui signifie « roi ». L'équivalent féminin « reine » se dit tagellidt ou tagellitt (au pluriel tigellidin)[2].

Il s'agit d'un terme pan-berbĂšre attestĂ© dans tous les dialectes amazighs exceptĂ© le touareg, qui pourrait cependant en avoir conservĂ© des traces, car AgellĂźd/Igellad est le nom d’une tribu touarĂšgue et gelled signifie en touareg « ĂȘtre en extase »[3].

La signification est partout celle de « roi », avec des connotations de puissance marquĂ©es : il s’agit souvent d’un « monarque trĂšs puissant », parfois mĂȘme de « Dieu » (sens trĂšs courant dans la poĂ©sie religieuse). Dans l’échelle de la puissance, agellid se situe gĂ©nĂ©ralement au-dessus de son concurrent d’origine arabe áčŁeláč­an, introduit dans la plupart des dialectes Nord[3].

Ce terme est connu depuis l’AntiquitĂ© puisqu’on le relĂšve Ă  plusieurs reprises dans des inscriptions libyques (RIL, 2 Ă  11 et Chaker, 1977) sous la forme GLD. Son sens paraĂźt avoir Ă©tĂ© Ă  l’époque plus large car il dĂ©signait alors aussi bien des « rois » vĂ©ritables (Massinissa...) que des magistrats municipaux. On le trouve d’ailleurs aussi dans des complexes divers avec le sens de « responsable de/maĂźtre de... » (GLDMáčąK...)[3].

Cette signification se retrouve du reste de nos jours dans la toponymie : Geldaman, « maĂźtre des eaux », nom d’un massif de Petite Kabylie. Ce terme a d’ailleurs toujours Ă©tĂ© trĂšs frĂ©quent dans l’onomastique berbĂšre, notamment l’ethnonymie (ĆŸellidasen, geldin[4])[3].

Agellid apparaßt aussi dans des composés désignant diverses réalités : agellid n tzizwa : « reine des abeilles ».

Les auteurs arabes mĂ©diĂ©vaux ont reliĂ© agellid (ou, plus probablement sa variante aĆŸellid) au nom de Goliath dont la forme arabe est ĆŸÄlĆ«t. Ibn KhaldĂ»n utilise mĂȘme cet argument pour Ă©tayer la thĂšse de l’origine cananĂ©enne des BerbĂšres « Le roi, chez eux, portait le titre de Goliath » (I, p. 184). Il ne s'agit cependant qu’une des innombrable Ă©tymologies fantaisistes qui ont pour fondement une ressemblance fortuite et plus ou moins vague entre les formes de deux langues en contact[3].

Titre royal numide

Dans l’inscription bilingue de Dougga appelĂ©e Ă  tort « dĂ©dicace Ă  Massinissa » (R.I.L., 2), le titre libyque GLD s’applique aussi bien aux souverains numides, Massinissa, son pĂšre GaĂŻa, son fils Micipsa, qu’à des magistrats municipaux annuels qui, comme l’archonte-roi Ă  AthĂšnes, donnaient leur nom Ă  l’annĂ©e durant laquelle ils exerçaient leurs fonctions (R.I.L., 2, 3, 4, 5, 10, 11)[5].

Il semble normal de traduire GLD, agellid, par « roi », qui offre le sens le plus prĂ©cis et le plus conforme Ă  la signification qu’ont retenue les diffĂ©rents parlers berbĂšres du Nord. Toutefois, comme le dit S. Chaker, ce mot entre, en libyque et souvent dans les mĂȘmes inscriptions, dans diffĂ©rents titres qui s’appliquent Ă  des chefs de mĂ©tiers, Ă  des responsables divers ou fonctionnaires municipaux de Dougga, et sans doute d’ailleurs[5].

En bornant ces faits aux seuls sens politiques (souverain et « roi » annuel), on peut retenir que le terme GLD est dans toutes les inscriptions bilingues, traduit en punique par HMMLKT et non par MLK (roi), qui semblait devoir s’imposer. Ce choix n’est pas une particularitĂ© de Dougga, le titre de HMMLKT qui est gĂ©nĂ©ralement traduit par « prince » se retrouve sur toutes les inscriptions puniques d’El Hoffra, Ă  Constantine, qui mentionnent Massinissa ou ses fils (stĂšles n.° 58 Ă  63), sur les monnaies de Syphax (Mazard n.° 1 Ă  12), de Verminad (n.° 13 Ă  16) et sur les trĂšs nombreux types monĂ©taires des souverains massyles sous la forme abrĂ©gĂ©e HT[5].

En revanche, l’inscription dite funĂ©raire de Micipsa trouvĂ©e Ă  Cherchel, qui est en punique, lui donne bien le titre de MLK (M)SLYYM qui ne peut ĂȘtre traduit autrement que « roi des Massyles », ce roi est aussi qualifiĂ© de RBT HMMLKT (chef des princes). ParallĂšlement, une stĂšle de Thigibba, en libyque, mentionne ce mĂȘme roi, Ă  moins que ce ne soit un inconnu homonyme, en lui donnant le titre de MNKD, terme qui, Ă  l’époque romaine, sert Ă  traduire imperator[5].

On dispose donc, pour les rois numides, de quatre titres qui semblent se rĂ©pondre deux Ă  deux : au libyque agellid (GLD) rĂ©pond le punique hammaleket (HMMLKT), et au libyque MNKD rĂ©pond le punique MLK (et le latin Imperator). Il serait tentant d’imaginer que le titre GLD = HMMLKT, portĂ© indiffĂ©remment par les chefs du royaume et les chefs des grandes tribus ou clans, tomba en dĂ©suĂ©tude dans la dynastie numide aprĂšs le rĂšgne de Micipsa au profit de celui de MNKD et MLK. Mais les documents sont trop rares pour qu’il soit possible d’étayer une telle hypothĂšse. Il est possible aussi que ces titres aient aussi rĂ©pondu Ă  des aspects diffĂ©rents de la fonction royale, que GLD ait eu par exemple un sens plus « civil » ou religieux, comme le laissent penser les inscriptions de Dougga, alors que MNKD (comme l’amenukal touareg) et MLK aient mis en relief le caractĂšre guerrier de la royautĂ©. Il n’empĂȘche que si Agellid a disparu de la titulature des rois numides, il s’est maintenu en berbĂšre, sauf chez les Touaregs qui emploient le terme Amenukal, et a participĂ© Ă  l’onomastique Ă  diffĂ©rentes Ă©poques : Gildo, prince maure du ive siĂšcle, Gildan Ă  Taucheira en CyrĂ©naĂŻque.

Notes et références

  1. « Lexique », dans : , L'Afrique du Nord au fĂ©minin. HĂ©roĂŻnes du Mahgreb et du Sahara', sous la direction de Camps Gabriel. Paris, Éditions Perrin, « Hors collection », 1992, p. 321-334. URL : https://www.cairn.info/l-afrique-du-nord-au-feminin--9782262007409-page-321.htm
  2. Mohand Akli Haddadou, Dictionnaire des racines berbÚres communes, Tizi-Ouzou, Haut commissariat à l'amazighité, 2006-2007, 314 p. (ISBN 978-9961-789-98-8, lire en ligne), p. 162.
  3. Alojaly, 1980, p. 51-52.
  4. Chaker, 1983
  5. S. Chaker et G. Camps, « Agellid. "roi" », EncyclopĂ©die berbĂšre, no 2,‎ , p. 248–250 (ISSN 1015-7344, lire en ligne, consultĂ© le )
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