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Affiche rouge (groupe armé)

L'Affiche rouge désigne la cellule terroriste lyonnaise du groupe armé autonome Action directe, à l'origine d'une campagne d'attaques à mains armées et d'attentats à l'explosif meurtriers commis sur le territoire français entre 1979 à 1986[2]. Cette dénomination fait allusion à la célèbre Affiche rouge de propagande allemande éditée pendant la seconde guerre mondiale comparant des faits de résistance française à du terrorisme[3].

Affiche rouge
Action directe-branche lyonnaise, Action directe-branche nationale, L'Affiche rouge
Idéologie Maoïsme
Anti-impérialisme
Objectifs Révolution prolétarienne
Statut Inactif
Fondation
Date de formation 1980-1982
Pays d'origine Drapeau de la France France
Fondé par André Olivier
Actions
Victimes (morts, blessés) 4 (dont trois lors de braquages)[1]
Zone d'opération France
Période d'activité 1980-1986
Organisation
Chefs principaux André Olivier et Maxime Frérot
Membres 5 à 20 malfaiteurs identifiés
Financement braquage

Constitution d'un noyau dur d'individus

L'action directe : la rencontre de deux militants très engagés

André Olivier est un activiste charismatique très engagé dans le milieu de la gauche prolétarienne lyonnaise, tendance maoïste[4]. En 1971, il est professeur de lettres modernes au lycée technique des industries métallurgiques de Lyon, mais ses méthodes pédagogiques « révolutionnaires » inquiètent la direction qui le suspend de ses fonctions après seulement deux ans au service de l'éducation nationale[5]. En 1975, il s'engage dans les comités d'action des prisonniers et radicalise davantage son engagement dans des activités antimilitaristes[4].

Le , la cour de sûreté de l’État le condamne pour "recueil, reproduction et divulgation de renseignements devant être tenus secrets dans l'intérêt de la défense nationale". Un de ses anciens élèves formatés, Émile Ballandras, fait partie des co-accusés. Il aurait dérobé pour le compte d'Olivier les plans d'un terrain militaire stockant des chars d'assaut[6]. L'enquête mettait en évidence une importante documentation sur l'armée.

Incarcéré à la prison de la Santé, Olivier y fait la connaissance de Jean-Marc Rouillan, emprisonné depuis 1974 pour des exactions commises au sein des groupes d'action révolutionnaires internationalistes. Cette rencontre est décisive. À leur sortie de prison, Olivier partage avec Rouillan et sa compagne, Nathalie Ménigon, à la fois un logement à Paris, et des idées révolutionnaires communes : lutter par « l'action directe » contre toute forme de dictature, contre le capitalisme et le commerce néo-colonialiste des marchandises et de la main d’œuvre, contre l’État négrier[7] - [8].

Ainsi, ils participent ensemble à la première manifestation « idéologique » violente du groupe le jour symbolique de la fête du travail de l'année 1979, par le mitraillage de la façade du siège du Conseil National du Patronat Français. Cet attentat est revendiqué pour la première fois sous la dénomination Action Directe[8]. Il s'agit également du premier fait d'armes d'un ancien élève d'Olivier : Maxime Frérot, lequel a achevé une formation d'artificier au 1er RPIMA sur ses conseils. Par la suite, une vingtaine d'attentats sont commis sous l'égide d'Action directe jusqu'à la vague d'arrestations entraînant l'incarcération de Rouillan et de Ménigon en [9].

L'affiche rouge : la branche lyonnaise de l'action directe

Dès l'hiver 1981, malgré l'amnistie présidentielle dont ont bénéficié une vingtaine de membres incarcérés, de nombreux débats internes agitent l'organisation. La dissolution d'Action Directe est prononcée en conseil des ministres le [7] ; si la majeure partie du groupe rentre dans la légalité, les partisans de la lutte armée se divisent en deux groupes.

Depuis la région parisienne, Rouillan et Ménigon constituent une « branche internationale » se réclamant clairement d'une « idéologie communiste libertaire » anti-impérialiste[10] ; tandis que depuis la région lyonnaise, le groupe Olivier constitue une tendance « marxiste-léniniste-maoïste », profondément antisioniste[10]. Bien que se défendant d'être antisémite, Olivier tenait un discours explicite : « la lutte contre le judaïsme précède la lutte contre le capitalisme »[11] et lors de son procès « Je tiens à signaler que le keffieh est interdit dans les tribunaux français ! Je suppose que la calotte juive doit être autorisée... »[1]. De même, Maxime Frérot a déclaré, pendant le procès de 1992 : « Depuis que le lobby juif est arrivé au pouvoir en 1981, les bavures n'ont fait que s'intensifier ! Il faudra des dizaines de Los Angeles, des centaines de Vaulx-en-Velin et de nombreuses bombes dans les palais de justice pour que cessent enfin les bavures policières[12] ».

Cette cellule signe ses actions par l'Affiche Rouge pour se donner une légitimité historique[4]. Elle utilise également différents noms pour ses exactions : Commando Hienghène, Commando Ahmed-Moulay, Commando B. Moloïse, Commando Loïc Lefèvre, Commando Clarence Payi-Sipho Xulu, Unité combattante Sana Mheidli[13]. Toutefois en 1982, les membres de L'Affiche rouge interviennent directement en région parisienne et utilisent la signature Action directe[14].

Plus que leur éloignement idéologique, c'est leur éloignement géographique qui vaudra au groupe Olivier les appellations AD-branche lyonnaise et AD-branche nationale[14]

Principales attaques imputées à l'Affiche rouge

Selon les "confessions écrites" de Maxime Frérot, retrouvées lors d'une perquisition en (voir section suivante). L'Affiche Rouge aurait commis vingt-sept attentats à l’explosif en régions lyonnaise et parisienne entre le et le , contre des sièges sociaux symboliques, des organes de presse, des partis politiques et des ministères. Des indices révélaient qu'une centaine d'agences bancaires étaient surveillées, se soldant par des attaques à main armée ayant pour objectifs de financer des attentats, sous couvert de « réappropriation prolétarienne »[5].

Durant sa période d'activité, l'Affiche rouge est responsable de quatre homicides volontaires : l'inspecteur divisionnaire Marcel Basdevant (tué lors de l'attentat à l'explosif du )[19], le convoyeur de fonds Henri Delrieux (lors du braquage du ), le brigadier de police Guy Hubert (lors du braquage du )[20] et le général de gendarmerie Delfosse (lors du braquage du )[21].

La fin de la branche lyonnaise d'Action Directe

Une perquisition décisive menée à Saint-Etienne

Le , Émile Ballandras est arrêté au cours d'un braquage avec prise d'otages qu'il effectue pour son propre compte. Se déclarant « révolutionnaire professionnel », il est condamné à douze ans de réclusion criminelle. Son lien avec l'Affiche Rouge sera mis en évidence par la suite. Le , André Olivier et Bernard Blanc sont arrêtés au terme d'une filature de policiers membres des renseignements généraux, lesquels remontent alors une filière d'Action Directe depuis Paris[4].

La perquisition effectuée le lendemain par le service régional de la police judiciaire de Lyon dans un appartement de la Résidence des Pinèdes à Saint-Étienne est décisive : Joëlle Crépet y est surprise en train de tenter d'effacer des preuves. Les enquêteurs découvrent quatre armes de poing, un fusil, plus de six cents clés, des cagoules, mais aussi des monceaux de papiers : coupures de journaux, une centaine de plans d'agences bancaires, relevés d'écoutes téléphoniques, textes de revendication d'une vingtaine d'attentats. Surtout, ils retrouvent un petit carnet d'une trentaine de pages correspondant au journal intime Frérot[5] - [22]. Ces confessions écrites permettent de confondre Ballandras comme un membre très actif.

Isolé et dépourvu de moyens logistiques, la cavale de Frérot prend fin le dans les sous sols de la gare de la Part-Dieu. En tout, dix-huit membres de l'Affiche rouge seront arrêtés[23].

Les cinq irréductibles

Le , la Cour d'assises spéciale du Rhône, composée de sept magistrats, condamne André Olivier et Maxime Frérot à la réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté de dix-huit ans. Emile Ballandras écope de cette même peine assortie d'une période de sûreté de seize ans. Bernard Blanc est condamné vingt ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté de quatorze ans. Joëlle Crépet est condamnée à dix-huit ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté de dix ans[24].

Le deuxième cercle d'accusés

Compte tenu des détentions préventives, huit des dix-neuf accusés étaient aussitôt libérables[24].

  • Gilbert Vecchi, ouvrier couvreur originaire de Vanves, proche de FrĂ©rot a participĂ© Ă  plusieurs campagnes de braquages jusqu'en 1984 avec son cousin Christian Dubray. Il a fourni les plans d'accès des nouveaux locaux de la Brigade de rĂ©pression du banditisme, se rendant complice de l'attentat par explosif commis par FrĂ©rot le . Il est condamnĂ© le par la cour d'assises spĂ©ciale Ă  Paris Ă  dix ans de rĂ©clusion criminelle.
  • Renaud Laigle, sans profession, a assurĂ© la logistique, l'hĂ©bergement du noyau dur et la cache de matĂ©riels et d'armes au domicile de ses parents. Il a participĂ© Ă  plusieurs vols Ă  main armĂ©e et deux attentats avec le groupe. Il est condamnĂ© Ă  cinq ans de rĂ©clusion criminelle.
  • Josette Augay, proche de Maxime FrĂ©rot Ă©tait chargĂ©e de l'intendance du groupe, de l'Ă©coute des frĂ©quences radio de la police et de prĂ©parer les faux documents. Elle est condamnĂ©e Ă  cinq ans de rĂ©clusion criminelle.
  • Danièle Clairet Ă©pouse Lahy, secrĂ©taire, est recrutĂ©e par CrĂ©pet. Elle est soupçonnĂ©e d'avoir participĂ© Ă  cinq attaques de banque en tenant en respect les clients.
  • Daniel Reynaud, tapissier, a fourni des armes au groupe. Il est condamnĂ© Ă  cinq ans de rĂ©clusion criminelle par la cour d'assises spĂ©ciale.
  • Mouloud Aissou, plombier, soupçonnĂ© d'avoir participĂ© Ă  deux attaques de banque en 1980 et 1981, est acquittĂ© en Ă  l'issue du procès.
  • Henri Cachau-Hereillat, animateur MJC, a assurĂ© l'hĂ©bergement du noyau dur et la cache d'armes au domicile de ses parents oĂą avaient lieu des sĂ©ances de tirs.
  • Nicole Faure Ă©pouse Charvolis, agent de service. - De 1979 Ă  1983, cette proche de Bernard Blanc gĂ©rait la logistique.
  • Pascale Turin, proche de FrĂ©rot, participe Ă  l'hĂ©bergement et Ă  la cache de matĂ©riels et d'armes pour le compte d'Action Directe. Elle recrute Succab.
  • Jean-Charles Laporal, Alain Eket et Jean-Pierre Succab, activistes communistes en Outre-Mer recrutĂ©s dans le cadre des attentats Ă  l'explosif perpĂ©trĂ©s en 1982 ont Ă©tĂ© condamnĂ©s respectivement Ă  sept ans et trois ans de rĂ©clusion criminelle. Leur participation symbolise le caractère internationaliste du groupe.

Annexes

Liens externes

Bibliographie

  • Michel Dartnell, Action Directe : ultra-left terrorism in France, 1979-1987, Ă©ditions BrochĂ©, Paris, 1995, 224 pages, (ISBN 0714645664)
  • Roland Jacquard, La longue traque D'Action Directe, Ă©ditions Albin Michel, Paris, 1987, 235 pages, (ISBN 2226031464)
  • Alain Hamon, Jean-Charles Marchand, Action Directe : du terrorisme français Ă  l'euroterrorisme, Ă©ditions Seuil, Paris, 1983, (ISBN 2020091291)
  • Georges MorĂ©as, Dans les coulisses de la lutte antiterroriste, Ă©ditions EDI8, Paris, 2016, 258 pages, (ISBN 9782754087995)

Notes et références

  1. (en) Michael Dartnell, Action directe: ultra-left terrorism in France, 1979-1987, Paris, , 224 p. (ISBN 0714645664), p. 177 et 178
  2. (en) Michael York Dartnell, Action Directe : ultra left terrorisme in France 1979-1987, Broché,
  3. Georges Morés, Dans les coulisses de la lutte antiterroriste, Paris, EDI8, , 258 p. (ISBN 9782754087995)
  4. Roland Jacquard, la longue traque d'Action Directe, Paris, Albin Michel,
  5. « Le dossier de la branche lyonnaise d'action directe devant la chambre d'accusation », Le Monde,‎
  6. « Quatre personnes sont écrouées après la divulgation de renseignements secrets », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  7. Alain Hamon, Jean-Charles Marchand, Action Directe : du terrorisme français à l'internationalisme, Paris, Seuil, , 251 p.
  8. « Le groupe Action Directe », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  9. « Une vingtaine d'attentats en un an », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  10. Heinz Duthel, Jacques Vergès : l'avocat mystérieux très à l'est de la France, Books on demand, , 592 p.
  11. Jacques Leclercq, Dictionnaire de la mouvance droitiste et nationale de 1945 Ă  nos jours, L'Harmattan, Paris, 2008 (ISBN 978-2-296-06476-8)
  12. « Devant la cour d'assises spéciale de Paris — Les vapeurs antisémites de Max Frérot », Le Monde, 14 octobre 1992.
  13. (en) Michael York Dartnell, Action Directe: Ultra-left Terrorism in France, 1979-1987, Psychology Press, (ISBN 9780714645667, lire en ligne)
  14. Christophe Bourseiller Les maoĂŻstes La folle histoire des gardes rouges français, « En 1982, la situation se complique singulièrement : sortant de son « territoire », la branche lyonnaise entame une sĂ©rie d'attentats en rĂ©gion parisienne et rĂ©utilise la signature Action directe. Il semble donc qu'AndrĂ© Olivier ait voulu s'approprier la seule paternitĂ© du nom » »
  15. l'inscription est obligatoire Base de données sur les actes terroristes
  16. « L'explosion dans les locaux de Shell-France est peut-être d'origine criminelle », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  17. « Les principaux membres de la branche lyonnaise d'Action directe condamnés à 30 ans de réclusion criminelle », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  18. (en) Michael York Dartnell, Action directe : ultra-left terrorism in France, 1979-1987, Routledge, , 209 p. (ISBN 0-7146-4566-4, lire en ligne), p. 84
  19. Page dédiée sur la base nominative et circonstanciée des policiers français morts en service commandé: http://policehommage.blogspot.fr/1986/07/inspecteur-marcel-basdevant-brb.html
  20. Page dédiée sur la base nominative et circonstanciée des policiers français morts en service commandé: http://policehommage.blogspot.fr/1981/11/guy-hubert-csp-lyon-69.html
  21. http://referentiel.nouvelobs.com/archives_pdf/OBS1121_19860502/OBS1121_19860502_032.pdf
  22. http://referentiel.nouvelobs.com/archives_pdf/OBS1118_19860411/OBS1118_19860411_049.pdf
  23. « tempsreel.nouvelobs.com/actual… »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
  24. « JUSTICE Devant les assises du Rhône Réclusion à perpétuité pour les chefs lyonnais d'Action directe », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
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