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Éruption de tornades de juin 1967 en Europe

L’éruption de tornades de en Europe est une série très inhabituelle de tornades qui se produisit dans 4 pays d'Europe entre les 23 et . En France, le village de Palluel fut touché par une tornade de force EF5 dans l'échelle de Fujita améliorée, ce qui est très inhabituel dans ce pays, le dernier événement de ce type s'étant produit antérieurement en 1845. Les tornades, souvent appelées « trombes » à l'époque, étaient mal comprises en France à cause de l'absence de radars météorologiques efficients. La notion d'orage supercellulaire ne fut pas évoquée à l'époque bien que déjà connue aux États-Unis. Des vaches et des voitures furent soulevées, même des humains. Les dommages humains furent relativement limités mais les dommages matériels furent très importants, certains villages furent quasiment détruits comme s'ils avaient été touchés par un bombardement stratégique.

Éruption de tornades de juin 1967 en Europe
Destruction de Tricht
Localisation
Pays
Régions affectées
Caractéristiques
Type
Nombre de tornades
8
Échelle de Fujita
EF5
Vent maximal
inconnu
Pression minimale
1010 hPa
Largeur du corridor
1.5 km
Longueur du corridor
30 km
Diamètre de grêle
8 cm
Températures
20-30 °C
Date de formation
Date de dissipation
Conséquences
Nombre de morts
15
Coût
13,8 millions euros
Destructions notables

Évolution météorologique

Régions touchées et intensité des tornades

L'éruption de tornades débuta le alors que des tornades de faible intensité frappèrent la région de Beauvais. Le des tornades nettement plus violentes frappèrent le nord de la France. Le , les tornades frappèrent la France, le Benelux et la République démocratique allemande (ex-Allemagne de l'Est). L'évaluation de la force des tornades se fit au vu des dégâts observés, sachant cependant qu'un biais pût exister au vu de la meilleure qualité des constructions européennes ; et au vu de la taille des objets soulevés.

Le , la France fut touchée par plusieurs tornades de force EF4 et une tornade de force EF5. Les trois autres pays furent touchés par des tornades de force maximale EF3[1]. Il semblerait que la France fut aussi touchée par des tornades d'intensité EF2[1]. La première tornade frappa Pommereuil[2] - [1] - [3] et est estimée d'intensité EF4. La deuxième tornade encore plus sévère frappa ensuite Palluel et fut de force EF5[4] - [1] - [5].

Le , les tornades frappèrent encore la France à Argoules puis se déplacèrent vers le Benelux. Les dégâts furent conséquents à Oostmalle, Tricht et Chaam. Ces tornades furent de force EF3. Une tornade apparemment indépendante EF0/EF1[6] frappa le même jour Jüterbog en République démocratique allemande[1].

Phénomènes associés

Le phénomène de dépression dans l'œil d'une tornade qui peut atteindre 20 hPa causerait un phénomène de surpression à l'intérieur des maisons et devrait éventrer celles-ci[7]. Les auteurs mentionnent ce concept pour expliquer que beaucoup de maisons furent éventrées avec les vitres éclatant vers l'extérieur[8]. Les toits furent littéralement aspirés vers le haut. Ainsi, à Pommereuil, le toit d'une petite chapelle fut arraché et reposé quasi intact à proximité [8]. Cependant, les études sur le sujet ont démontré que la raison est plus complexe : c'est la différence de pression de part et d'autre de la maison due à la différence des vents qui cause les dégâts[Note 1]. De même la rivière la Selle resta asséchée durant une demi-heure [8].

À Palluel, des grêlons de la taille d'un œuf de poule et de forme étrange comme étant taillés au couteau s'abattirent sur le village[9]. à Écoust-Saint-Mein des grêlons de 8 cm de diamètre s'abattirent[9]. Cela correspond à des grêlons ayant une masse de 700 grammes environ. À Écourt-Saint-Quentin des grêlons de forme irrégulière ayant la taille d'un œuf d'oie s'abattirent[Note 2].

Les tornades furent violentes et déplacèrent des objets lourds. C'est ainsi que l'évaluation de leur intensité put être effectuée car basée sur la taille des objets déplacés[7]. Elles furent suffisamment violentes pour soulever et déplacer des voitures de 200 mètres[11]. Ainsi, une voiture Dyna Panhard réussit à sauter une maison et s'écraser 10 mètres plus loin.

À Davenescourt, 24 vaches furent soulevées ou a minima traînées sur une distance de 300 à 600 mètres. On retrouva même une vache accrochée à un arbre à 2 mètres de hauteur[12] - [13] - [14] - [15].

Les cumulonimbus percèrent la tropopause et pénétrèrent dans la stratosphère[16]. Leur hauteur évaluée par radar dépassa 12 km. L'épaisseur optique de ces nuages était donc importante. Ainsi, à Palluel, lorsque la tornade était prête à frapper, le ciel prit une couleur d'encre où tout devint noir[17] - [18]. Quelques minutes après, le ciel redevint clair. De même à Valloires, à 12 h 45 locale, le ciel prit une couleur « noire d'encre »[19] - [20]. Lors du passage de la tornade, le bruit fut aussi épouvantable et fut comparé au passage d'une escadrille d'avions à réaction volant à basse altitude[18].

Situation météorologique

Analyse d'époque

En 1967, le modèle de l'orage supercellulaire avait déjà été développé par Keith Browning et Frank Ludlam en 1962 et aurait dû être connu en Europe[21]. Cependant cela ne fut pas le cas, les météorologistes de l'époque parlaient de trombes et de cumulonimbus puissants.

En outre, il n'était pas clair que les tornades étaient un sous-phénomène local associé à des supercellules[Note 3]. Les météorologistes de l'époque notèrent que le , les vents dans les stations voisines n'étaient pas violents[11], ce qui ajoutait à la confusion à l'époque. Cependant, il semblerait qu'une tornade eût frappé Boulogne où une pointe de « vent » de 120 nœuds fut mesurée. Les dégâts enregistrés sont cohérents avec le passage d'une tornade avec une caravane soulevée à 10 mètres du sol[22].

Ces météorologistes[23] identifièrent des petites dépression locales associées à ces supercellules et aussi remarquèrent que l'indice de soulèvement (Lifted Index) fut assez négatif (de l'ordre de -5 à -6 K) ce qui aurait dû engendrer du mauvais temps et cela fut le cas[24]. Un front froid s'était formé au-dessus de l'Océan Atlantique et à l'avant dudit front, une advection d'air tropical se produisit et recouvrit pratiquement toute l'Europe le avant l'arrivée du front froid lui-même. Les tornades du étaient donc antérieures au passage du front froid[25].

Les cumulonimbus furent évalués au radar et la supercellule qui frappa Oostmalle le fut parfaitement identifiée par le radar du Bourget qui localisa un écho fort à 160 milles marins (296 km) à l’azimut 30°. Cela correspondait exactement à la localisation du village. En outre, il fut remarqué que le sommet des cumulonimbus dépassait 12 km aux environs de Beauvais[26].

Analyse ultérieure

À la lumière des progrès effectués ultérieurement, les « trombes » ayant frappé la région furent identifiées comme étant des tornades associées à des cumulonimbus supercellulaires et en outre l'intensité de ces tornades fut déterminée à partir du type d'objets soulevés[7]. Le phénomène d'explosion des habitations fut aussi interprété à la lumière des découvertes récentes. qui décrivent la baisse de pression au centre du vortex.

Le site web Météo Belgique[18] effectua une reconstruction précise des événements et démontra que l'on était en présence de 3 masses d'air :

  • Une masse d'air polaire maritime à l'Ouest ;
  • Une masse d'air tropical maritime au nord de la Belgique ;
  • Une masse d'air tropical « saharien » au sud et à l'est de la Belgique.

En outre, ces masses d'air étaient imbriquées : l'advection d'air froid en altitude se produisit en avance du front froid proprement dit ce qui augmenta l'instabilité latente en altitude. En outre, l'advection d'air « saharien » (spanish plume) se produisit aux niveaux moyens de l'atmosphère[27].

Cela créa une inversion de température en altitude qui bloqua temporairement la convection profonde et donc provoqua un réchauffement conséquent des basses couches de l'atmosphère. Ce panache d'air « saharien » agissait à la manière d'un couvercle de cocotte minute prêt à sauter[28]. Dès qu'un forçage se produisait et qu'un courant ascendant réussissait à forcer cette inversion, alors toute l'énergie potentielle de convection disponible était libérée brutalement, ceci expliquant alors le caractère extrême des supercellules et des tornades[18] - [Note 4].

En outre, le site Météo Belgique[18] a identifié un « pseudo front » entre les deux masses d'air tropical sec et d'air tropical humide que l'on pourrait peut-être associer à un front de point de rosée. Les points de ressemblance sont nombreux avec les tornades meurtrières dans la Tornado Alley aux États-Unis qui sont souvent associées audit front de point de rosée. Ce phénomène fut aussi identifié par Dessens[29] qui nota que la présence d'une masse d'air ensoleillé au contact d'une masse d'air plus fraîche liée à un temps couvert peut engendrer des tornades de faible intensité au contact de ces masses d'air.


Impact humain et matériel

Cette éruption de tornades a blessé au total 232 personnes[30] et a tué 15 personnes[30] - [1]. Des troupeaux de vaches ont aussi été décimés ; lors de la tornade de Davenescourt 24 vaches furent touchées. Une des vaches fut retrouvée pendue à un arbre, son corps étant entortillé dans sa clôture électrique[12] - [13] - [14] - [15]. Des humains furent aussi touchés de manière similaire. à Palluel, un couple qui crut se protéger d'une tornade s'était réfugié sur leur lit tout habillés. Cependant, la tornade aspira le toit de leur maison et eux avec. L'homme se retrouva nu et indemne à 10 mètres de la maison. Ce dernier retrouva sa femme déshabillée elle-aussi et blessée à 25 mètres de leur habitation[11].

La tornade qui frappa Tricht fit de lourds dommages au village et où de nombreuses maisons furent détruites ou sévèrement endommagées. Le coût total des dommages est estimé à 13,8 millions euros. Cette seule tornade blessa 32 personnes et tua 5 autres personnes[31]. Le météorologue néerlandais Joop den Tonkelaar avait prévu le matin même de l'événement la possibilité de tornades frappant les Pays-Bas[31] basée sur les tornades de la veille en France. Cependant, pour éviter toute panique, l'Institut royal météorologique des Pays-Bas censura partiellement ses prévisions et préféra utiliser la novlangue en parlant simplement de « vents tourbillonnants »[31]. Cela fut la première occurrence de prévision de tornades en Europe[Note 5].


Notes et références

Notes

  1. Cette explication est réfutée aux États-Unis. L'argument principal est que si sur-pression il y avait à l'intérieur des maisons, les vitres devraient exploser en premier en une fraction de seconde et égaliser la pression en une fraction de seconde. L'aspect est plutôt dynamique en sachant que la pression dynamique négative au niveau du toit est où ρ est la masse volumique de l'air et v la vitesse verticale du courant ascendant. Une simple ascendance de 60 m/s engendrera une pression dynamique négative de 20 hPa environ. Ceci explique donc l'aspiration des toitures. Cela est discuté plus en détail dans l'article Mythes à propos des tornades#Ouvrir les fenêtres pour limiter les dégâts.
  2. La taille d'un œuf d'oie est de 8 cm × 6 cm[10] en moyenne et est comparable aux grêlons susmentionnés.
  3. Bordes affirma que[2] « La trombe qui se termine à Pommereuil semble avoir pris naissance à l'est de la forêt de Gisors (SW de Beauvais) sous la forme de gros orages de grêle. » Cette phrase est ambiguë et peut laisser à penser qu'une trombe est un phénomène étendu associé à des orages de grêle.
  4. La citation exacte est la suivante : « Cette inversion agit comme un couvercle… sauf là où un mouvement vertical plus puissant (thermique et/ou dynamique) parvient à percer ladite inversion. Alors, la situation devient aussitôt explosive, avec toute l’énergie disponible qui se concentre en ce seul point de percée. C’est là que réside l’une des principales raisons de la formation des terribles tornades susmentionnées. Les discontinuités du flux de sud-ouest et les importantes wind-shears ont fait le reste. »
  5. Météo-France affirme très correctement qu'il est difficile de prévoir la localisation exacte de la tornade[32]. Ils affirment que « En France, les tornades ayant une taille et une durée de vie bien moindres, leur prévision est quasiment impossible. Pour l'instant, on ne peut que définir si le contexte météorologique est favorable ou non au développement d'une tornade. Cependant, même lorsque les conditions de formation sont réunies, leur apparition reste incertaine ».
    Ainsi, il est possible de prévoir la possibilité de temps violent, comme Joop den Tonkelaar fut capable de le faire en 1967, basée sur l'indice de soulèvement (en anglais LI pourLifted Index), l'énergie potentielle de convection disponible (EPCD, en anglais CAPE pour Convective Available Potential Energy), le cisaillement des vents (en anglais wind-shear) et la configuration météorologique. Cependant, les tornades majeures, comme celles mentionnées dans cet article, peuvent être suivies par radar météorologique dès le développement de l'orage violent qui va les provoquer plus tard et avertir les populations.

Références

  1. Keraunos, « Tornade EF5 à Palluel (Pas-de-Calais) le 24 juin 1967 » (consulté le )
  2. Trombes exceptionnelles, p. 376
  3. Gérard Lempereur, « Le 24 juin 1967, Pommereuil était ravagé avec huit autres villages par une tornade », La Voix du Nord, ??
  4. « La tornade de 1967, une des plus violentes jamais observées en France (2) », La Voix du Nord, (lire en ligne)
  5. Thibaut Montmerle et Olivier Bousquet, « Anatomie d'une tornade », Pour la science, , p. 111 (lire en ligne)
  6. Tornado Outbreak, p. 4
  7. Effet des trombes, p. 50
  8. Trombes exceptionnelles, p. 381
  9. Trombes exceptionnelles, p. 382
  10. Lawrence Wiland, « L'Œuf d'Oie », (consulté le )
  11. Trombes exceptionnelles, p. 383
  12. Trombes exceptionnelles, p. 378
  13. Keraunos, « Tornade EF3 à Davenescourt (Somme) le 24 juin 1967 » (consulté le )
  14. « Tornade EF3 à Davenescourt (Somme) le 24 juin 1967 », Le Courrier picard, (lire en ligne)
  15. Effets des tornades, p. 49
  16. Trombes exceptionnelles, p. 394
  17. belorage, « Les orages » (consulté le )
  18. Robert Vilmos, « 23-24-25 juin 1967 : un épisode tornadique d'ampleur en Belgique » (consulté le )
  19. Trombes exceptionnelles, p. 385
  20. Keraunos, « Tornade EF2 à Argoules (Somme) le 25 juin 1967 » (consulté le )
  21. (en) K.A. Browning, « Airflow in Convective Storms », Quarterly Journal of the Royal Meteorological Society, vol. 88, no 376, , p. 117–135 (DOI 10.1002/qj.49708837602, lire en ligne [PDF])
  22. Trombes exceptionnelles, p. 384
  23. Trombes exceptionnelles, p. 389
  24. Trombes exceptionnelles, p. 396
  25. Trombes exceptionnelles, p. 390-393
  26. Trombes exceptionnelles, p. 393
  27. wetterzentrale, « NOAA Reanalysis »
  28. (en) Tom Bradbury, Meteorology and Flight : Pilot's Guide to Weather (Flying and Gliding), Londres, A & C Black Publishers Limited, , 2e éd., 186 p. (ISBN 978-0-7136-4446-3), p. 151
  29. (en) Jean Dessens et John T Snow, « Tornadoes in France », Weather and Forecasting, vol. 4, , p. 129 (DOI 10.1175/1520-0434(1989)004<0110:TIF>2.0.CO;2, lire en ligne [PDF])
  30. Tornado Outbreak, p. 2
  31. Tornado Outbreak, p. 9
  32. Météo-France, « Trombes et tornades » (consulté le )

Bibliographie

Articles connexes

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