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Élisabeth Lamouly

Élisabeth Lamouly, veuve Ducourneau, née le à Belin en Gironde et morte guillotinée à Bordeaux, le , est une empoisonneuse condamnée à mort et exécutée pour avoir assassiné sa mère et son mari en leur faisant ingérer de la digitaline. Elle est la première des cinq femmes guillotinées par le régime de Vichy mettant ainsi un terme à un moratoire sur les exécutions de femmes de près d'un demi-siècle durant lequel la grâce présidentielle était systématiquement accordée et les peines commuées en détention à perpétuité.

Élisabeth Lamouly
Elisabeth Lamouly Vve Ducourneau vers 1938.
Cette illustration a été retouchée par une IA (voir l'original).
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  36 ans)
Bordeaux
Nom de naissance
Elisabeth Lamouly
Surnom
L'empoisonneuse de Bordeaux
Nationalité
Conjoint
Jean Ducourneau (mari)
Abdou Hamoud (amant)
Gilbert Édouard Camou (amant)

Éléments biographiques

Élisabeth Lamouly naît à Belin en Gironde, le [1]. Ses parents, Augustin Lamouly et Jeanne Brun y sont cultivateurs dans leur petite propriété viticole. Le , Élisabeth Lamouly, âgée de 18 ans, épouse Jean Ducourneau[Notes 1] - [2] - [3]. En 1924, une première enfant nait de cette union, Élisabeth Ducourneau. La famille habite chez les parents Lamouly et travaille à l'exploitation[4]. Un deuxième enfant naît vers 1929. Le père, Augustin Lamouly, exploitant viticole, meurt en et la mère d'Élisabeth, une année plus tard, le .

En , le couple décide de s'installer à Bordeaux et d'y acheter un bar[Notes 2] - [5]. Le , vers midi, Jean Ducourneau meurt de manière totalement inopinée. Les rumeurs vont bon train. Une lettre anonyme, incriminant Élisabeth Lamouly et Gilbert-Édouard Camou[Notes 3], un docker qui loue une chambre aux époux Ducourneau, est adressée au parquet qui diligente une enquête[5].

L'enquĂŞte

Le responsable de la police bordelaise, M. Lagarrigue[6], charge l'inspecteur Deyts de l'interrogatoire d'Élisabeth Lamouly et de son locataire qui se révèle bien vite être bien davantage qu'un simple pensionnaire étant l'amant de son hébergeuse. Élisabeth Lamouly ne tarde pas à passer aux aveux concernant le meurtre de son mari et, plus encore, reconnait avoir empoisonné sa mère en 1937. Les deux protagonistes sont écroués. Le juge d'instruction d'Uhalt est saisi[7] - [6] - [5].

Le matricide

Elisabeth Ducourneau face au juge d'instruction d'Hualt lors de la reconstitution Ă  Belin en 1938.

Abdou Hamoud[Notes 4] s'est enrolĂ© dans l'ArmĂ©e française en AlgĂ©rie. Originaire de la rĂ©gion de Constantine, il est dĂ©sormais casernĂ© Ă  Bordeaux. Pour amĂ©liorer le quotidien, il prend part aux vendanges. C'est ainsi qu'il fait la connaissance d'Élisabeth Lamouly qui dĂ©cide, avec l'accord de son mari, de l'hĂ©berger lorsqu'il Ă©tait en permission pour travailler Ă  l'exploitation. Jean Ducourneau ignore alors tout de l'idylle qui s'est nouĂ©e entre sa femme et ce jeune algĂ©rien[6] - [8]. Un jour, le couple illĂ©gitime qu'ils forment est surpris par sa mère, Mme Lamouly et sa demi-sĹ“ur. La mère somme sa fille de renoncer Ă  cette relation ou de tout dire Ă  son mari. Elle tente de lui ouvrir les yeux, ce gourgandin n'en veut qu'Ă  son argent. De l'aveu d'Élisabeth Lamouly, c'est son amant qui lui imposa de lui donner un « bouillon de onze heures »[8] - [9]. Toujours selon ses dires, ils se rendent dans une pharmacie de Bordeaux pour y acheter de la digitaline. Tergiversations. Puis, sous la menace de son amant, Élisabeth Lamouly se rĂ©sout Ă  empoissonner sa mère, patiemment, quotidiennement. Au bout de huit[8]-dix[6] jours, la mère reste alitĂ©e. Elle meurt le . L'acte de dĂ©cès et le permis d'inhumer sont dĂ©livrĂ©s sans sourciller[9]. Voici, Élisabeth, dĂ©sormais orpheline de père et de mère, hĂ©ritière de l'exploitation familiale et libĂ©rĂ©e des pressions maternelles. Abdou Hamoud, apparemment fort affectĂ© par le dĂ©cès, se rapproche encore plus de la famille dont il devient le commensal[8]. C'est lui qui, ventant les mĂ©rites et avantages de la mĂ©tropole aurait convaincu Jean Ducourneau de se porter acquĂ©reur d'un commerce Ă  remettre, un bar, Ă  Bordeaux. La transaction se passe et le couple et leurs deux enfants s'y installent en . Tout naturellement, Abdou Hamoud y occupe une chambre au premier Ă©tage[5] - [8]. Le couple est victime d'un vol. 46 000 francs en espèce leur ont Ă©tĂ© dĂ©robĂ©s. Jean Ducourneau porte plainte contre x. L'enquĂŞte suit son cours. Abdou Hamoud est finalement arrĂŞtĂ© puis, après quelque temps passĂ© en prison, est renvoyĂ© en AlgĂ©rie au 25e rĂ©giment du train[9]. L'enquĂŞte concernant le vol ayant ouvert les yeux de Jean Ducourneau quant au caractère volage de son Ă©pouse, le couple devient un enfer[7] - [9]. Ă€ la suite des aveux d'Élisabeth Lamouly concernant l'empoisonnement de sa mère, un mandat d'amener est lancĂ© contre Abdou Hamoud.

L'homicide conjugal

La chambre qu'il occupait ne reste pas longtemps vide. Un jeune docker, Gilbert-Édouard[6] Camou, l'occupe bientôt et ne tarde pas également à endosser les rôles assumés par son prédécesseur auprès de la tenancière, Élisabeth Lamouly[7]. Une fois encore, selon les dires d'Élisabeth Lamouly, c'est son amant, volontiers violent et avide d'argent, qui lui aurait imposé l'idée de supprimer son mari et, dit-elle, c'est ensemble qu'ils se sont rendus, Rue Sainte-Catherine dans une pharmacie pour y acheter de la digitaline en granulés. Une première tentative d'empoisonnement est menée le [6]. En l'absence de réaction notable, la dose est triplée, le matin du [6], de quoi « faire calancher un gaille »[Notes 5] - [8]. L'effet est immédiat. Jean Ducourneau meurt sans reprendre connaissance[6], le jour même vers midi[7] - [5] - [9]. Abdou Hamoud est retrouvé et arrêté à Casablanca[5] en possession de documents compromettant relatifs tant au décès de la mère Lamouly que de celui de Jean Ducourneau. Il est écroué[7]. Le , un légiste procède à l'autopsie du cadavre de Jean Ducourneau. Plus tard, le corps de la mère d'Élisabeth Lamouly, veuve Ducourneau, sera exhumé à des fins d'analyse[7]. Le juge d'instruction d'Hualt se rendra même sur place à Belin pour une reconstitution. La ligne de défense d'Élisabeth Lamouly se dessine, c'est chaque fois sous l'influence de ses amants qu'elle s'est livrée à des actes criminels tout d'abord envers sa mère et ensuite son conjoint. Les enquêteurs n'en croient rien[6]. Par la suite, elle se rétracte de ses aveux tout comme Gilbert-Édouard Camou.

La condamnation

Un expert psychiatre, est désigné, Molin de Teyssieu. Il remet ses conclusions : Élisabeth Lamouly dispose de toutes ses facultés mentales[9]. Rien ne s'oppose à son procès. Elle est représentée par deux avocats dont Odette Angelmann[10] du barreau de Paris. Ses avocats souhaitent l'acquittement sur base du « manque de preuves flagrantes » établissant les faits. Malgré un brillant plaidoyer devant le jury girondin, Élisabeth Lamouly est condamnée à mort le [9]. Ses deux complices, Abdou Hamoud et Gilbert-Édouard Camou sont, quant à eux, condamnés à vingt années de réclusion[11] - [12].

Contexte historique

Une des entrées de la Prison du Hâ photographiée vers 1930.

Muni des pleins pouvoirs, Philippe Pétain entend doter la France d'un appareil judiciaire fort, rapide et efficace. À cette fin, il met en place différents tribunaux d'exception comme la « cour criminelle spéciale ». Les assises voient leur nombre de membres du jury passer de douze à six[13]. La peine de mort est étendue à un large éventail de forfaits dont certains vols qualifiés. Quant au sort réservé aux meurtrières, Pétain s'interroge « Pourquoi pas les femmes ? »[14]. Il est vrai que depuis 1893[Notes 6], les peines de mort prononcées à l'encontre de femmes bénéficiaient automatiquement de la grâce présidentielle mais Philippe Pétain n'entend pas souscrire à ce clément usage[14] - [15].

Élisabeth Lamouly sera la première des cinq femmes guillotinées par le régime de Vichy[14] - [Notes 7].

L'exécution

Le matin du , une guillotine est installée dans la cour intérieure de la Prison du Hâ. À l'annonce de son imminente exécution, Élisabeth Lamouly se débat, griffe et frappe. En hurlant, elle s'aggrippe à tout ce qu'elle peut trouver pour ne pas être emmenée de force si bien que ses geôliers sont contraints de la ligoter. Le bourreau, Jules-Henri Desfourneaux reste impassible, ce qui n'est pas le cas de son assistant, André Obrecht, marqué par la scène qui prend fin à 9 h 3 lorsque le couperet s'abat sur la condamnée[16] - [9].

Bibliographie

  • FrĂ©dĂ©ric Armand, Les bourreaux en France: Du Moyen Age Ă  l'abolition de la peine de mort, Place des Ă©diteurs, (ISBN 978-2-262-04061-1, lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Jacques Delarue, Le MĂ©tier de bourreau: Du Moyen Age Ă  aujourd'hui, Fayard, (ISBN 978-2-213-65911-4, lire en ligne)
  • Michel Gonod, La deuxième porte, Jean Picollec, , 188 p. (ISBN 978-2-86477-507-2, lire en ligne).
  • Sylvain Larue, Crimes passionnels de France, De BorĂ©e, , 400 p. (ISBN 978-2-8129-3651-7, lire en ligne), « CafĂ© bordelais ». Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Jean-Yves Le Naour, Histoire de l'abolition de la peine de mort, Éditions Perrin, (ISBN 978-2-262-03689-8, DOI 10.3917/perri.naour.2011.01, lire en ligne), « Se laver de la guerre (1914-1962) », p. 247-288. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Nicolas Picard in, La femme devant ses juges: De la fin du Moyen Ă‚ge au XXe siècle (collectif), Artois Presses UniversitĂ©, (ISBN 978-2-84832-526-2, lire en ligne), chap. IV (« Des exĂ©cutions liĂ©es au contexte de la guerre »), p. 241-243.

Presse d'Ă©poque

  • Le journal, « Émule bordelaise de Marie Becker : Une femme a empoisonnĂ© sa mère et son mari. », Le Journal, Paris, no 16818,‎ (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • [PDF] Geo Guasco, « L'empoisonneuse de Bordeaux », Police magazine, no 416,‎ , p. 2 (lire en ligne, consultĂ© le ). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • [PDF] Jean Palauqui, « Les 2 meurtres de Mme Bovary », DĂ©tective, no 525,‎ , p. 10-11 (lire en ligne, consultĂ© le ). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • n. c., « Les empoisonneurs de Bordeaux », DĂ©tective, no 596,‎ , p. 12 (lire en ligne, consultĂ© le ). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • P. A., « Une femme guillotinĂ©e Ă  Bordeaux », Paris-Soir,‎ , p. 1-3 (lire en ligne, consultĂ© le ).
  • LPP, « La femme Ducourneau a Ă©tĂ© guillotinĂ©e », Le Petit Parisien,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).

Notes et références

Notes

  1. Jean Ducourneau pour l'état-civil dont le prénom usuel était Roger. Il signe d'ailleurs son acte de mariage "Roger" et précise ensuite "Jean".
  2. Au 85 de la rue des Faures Ă  Bordeaux.
  3. Parfois Camon.
  4. On lit Ă©galement Abdous, Abdou(s) Amar, Amour.
  5. argotique : faire mourir un cheval.
  6. Georgette Thomas est la dernière femme à avoir été exécutée en public. Une certaine Bouillon aurait été guillotinée à Poitiers en 1893 (Armand 2012, p. non numérotées).
  7. Les « guillotinées de Vichy » :
    1. Élisabeth Lamouly †8 janvier 1941
    2. Georgette List épouse Monneron †6 février 1942
    3. Germaine Besse épouse Legrand †8 juin 1943
    4. Czeslawa Sinska veuve Bilicki †29 juin 1943
    5. Marie-Louise Lamperière épouse Giraud †30 juillet 1943.

Références

  1. Le Petit Journal, 9 janvier 1941, « Une femme a été guillotinée », p.1 (lire en ligne).
  2. Archives départementales de la Gironde - Registre de l'état-civil, actes de naissance, Belin, années 1901-1910, cote : 4 E 19187, 1904, vue 51/170, acte no 26, voir en ligne.
  3. Archives départementales de la Gironde - Registre de l'état-civil, actes de mariage, Belin, année 1922, cote : 4 E 23880/2, vue 8/17, acte no 6, voir en ligne.
  4. Archives départementales de la Gironde - Recensements, 1926, Belin, cote : 6M 127/3/8, vue 15/33, voir en ligne.
  5. Le Journal 1938, p. 1.
  6. Guasco 1938, p. 2.
  7. Palauqui 1938, p. 11.
  8. Palauqui 1938, p. 10.
  9. Larue 2021, p. non numérotées.
  10. LPP 1941, p. 1.
  11. n. c. 1940, p. 12.
  12. P. A. 1941, p. 1.
  13. Le Naour 2011, p. 257.
  14. Le Naour 2011, p. 256.
  15. Picard 2021, p. 241.
  16. Gonod 1981, p. non numérotées.

Voir aussi

Articles connexes

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