Zemstvo
Un zemstvo (en russe : Đ·Đ”ĐŒŃŃĐČĐŸ, prononciation : [zÄmst'vĆ], pluriel : zemstva ou zemstvos) est un type dâassemblĂ©e provinciale de lâEmpire russe crĂ©Ă© en 1864. Ces assemblĂ©es furent dissoutes en 1918 par le nouveau pouvoir soviĂ©tique au profit des Soviets locaux[1].
Le terme « zemstvo » vient du russe « zemlia » (Đ·Đ”ĐŒĐ»Ń) qui signifie « terre ».
Histoire
En 1864, lâempereur Alexandre II rĂ©forme lâadministration de l'Empire russe. Les provinces (Grande Russie, Petite Russie, Nouvelle RussieâŠ) sont alors dĂ©coupĂ©es en « gouvernements », eux-mĂȘmes divisĂ©s en arrondissements (ouĂŻezd ou okroug). En Russie europĂ©enne (hors Finlande et Pologne, liĂ©es Ă lâEmpire par une union personnelle sous la dynastie Romanov), les « gouvernements » sont dotĂ©s dâassemblĂ©es dirigeantes appelĂ©es zemstvos. Leurs pouvoirs vont des questions de ravitaillement, dâassistance publique et dâinstruction primaire, Ă lâentretien de la voirie et Ă la santĂ© publique. Il nây a pas eu de telles assemblĂ©es ailleurs que dans les « gouvernements » : en effet, la Finlande et la Pologne avaient leurs propres institutions, tandis que le Caucase, la SibĂ©rie et lâAsie centrale, moins peuplĂ©s et pas entiĂšrement « pacifiĂ©s », Ă©taient administrĂ©s par des oblasts, des kraĂŻs ou des « gouvernements gĂ©nĂ©raux » dirigĂ©s par un natchalnik (commandant) exerçant tous les pouvoirs civils et militaires.
Le cens limitait la participation aux Ă©lections des zemstvos. Le suffrage censitaire nĂ©cessitait dâĂȘtre imposable pour voter, de sorte que la noblesse locale, les fermiers, artisans, commerçants et entrepreneurs les plus aisĂ©s Ă©taient sur-reprĂ©sentĂ©s dans les zemstvos. Les opposants Ă ce systĂšme Ă©taient davantage des organisations politiques que des groupes sociaux : lâintelligentsia locale, des nihilistes, des anarchistes, des sociaux-dĂ©mocrates, des rĂ©volutionnaires radicaux comme les socialistes-rĂ©volutionnaires ou les bolcheviks, ou encore les autonomistes locaux des « gouvernements » dont la population nâĂ©tait pas majoritairement russe, comme dans les pays baltes ou en Bessarabie, qui rĂ©clamaient plus de libertĂ©s et dâautonomie.
Ă la libĂ©ralisation des terres qui suit lâabolition du servage par lâoukase du , la plupart des 50 millions dâanciens serfs, ne pouvant acheter quâune petite part des terres redistribuĂ©es, Ă peine de quoi subsister, durent continuer Ă travailler pour leur ancien seigneur, mais cette fois comme ouvriers agricoles modestement rĂ©munĂ©rĂ©s, afin de complĂ©ter leurs revenus. Pour rendre lâacquisition de terres plus facile, Alexandre II avait instituĂ© une possibilitĂ© de crĂ©dit leur avançant les 4/5 de la valeur du terrain acquis, remboursables en 49 annuitĂ©s. Bien plus favorisĂ©s, en termes de crĂ©dits et dâexemptions dâimpĂŽts, furent les colons ouest-EuropĂ©ens invitĂ©s par lâEmpire Ă mettre en valeur ces « nouvelles terres », comme par exemple les Allemands de la mer Noire et de la Volga, qui reçoivent gratuitement 60 dessiatines (environ 65 hectares) de terre arable par famille, des indemnitĂ©s journaliĂšres pour leur nourriture jusquâĂ la premiĂšre rĂ©colte, un prĂȘt de lâĂtat russe sur dix ans, Ă©tant en outre exemptĂ©s de taxes pendant dix ans, dispensĂ©s du service militaire et civil[2].
En 1917, avec la dissolution de lâEmpire russe et la proclamation de la RĂ©publique russe, les rĂ©gions non-russes commencent Ă sâen dĂ©tacher (Finlande, pays baltes, Pologne, Ukraine, Bessarabie, pays du Caucase) et proclamant leurs propres assemblĂ©es nationales Ă la place des zemstvos ; dans le reste de lâex-Empire, les zemstvos sont dissous par le nouveau gouvernement bolchevik qui transfĂšre le pouvoir local aux soviets (« conseils ») sans distinction de fortune, mais aussi sans les aristocrates, les bourgeois et les propriĂ©taires terriens, exclus en tant quâ« accapareurs des moyens de production et exploiteurs du peuple »[1].
Philatélie
Origines
Ă la crĂ©ation des zemstvos, les relations postales rĂ©guliĂšres ne sont assurĂ©es que dans les grandes villes : les habitants des campagnes et des petites villes devaient se dĂ©placer parfois dâune centaine de kilomĂštres pour rĂ©cupĂ©rer leur courrier (ce qui, dans lâimmensitĂ© de lâEmpire, Ătat le plus Ă©tendu du monde, paraissait relativement « prĂšs »). Les zemstvos ressentent alors le besoin de dĂ©velopper le service postal dans leur « gouvernement » au-delĂ du service de la poste impĂ©riale. Ainsi naissent les postes des zemstvos. La premiĂšre est celle de Vetluga (gouvernement de Kostroma en Grande Russie), qui nâutilise pas de timbres poste Ă ses dĂ©buts. Le premier timbre-poste est Ă©mis Ă Chlisselbourg (gouvernement de Saint-PĂ©tersbourg) en 1865. Dans les annĂ©es qui suivent, trente districts utilisent des timbres pour leur poste locale, tandis que dâautres assurent ce service gratuitement.
Officialisation
Le gouvernement impĂ©rial reconnaĂźt lâimportance des services postaux locaux et, le , le prince Labanov Rostovski et le directeur des postes Velhio signent un dĂ©cret officialisant les postes locales et rurales :
« Vu les moyens restreints dont dispose lâadministration de la poste impĂ©riale, vu leur insuffisance pour assurer la remise rĂ©guliĂšre Ă tous les habitants de l'Empire de leur correspondance, principalement dans les localitĂ©s, qui par leur situation sont presque totalement privĂ©s de communications postales, ou bien se trouvent Ă une grande distance des bureaux organisĂ©s, afin de faciliter aux habitants de ces contrĂ©es la possibilitĂ© dâĂ©changer leur correspondance dâune façon plus commode et moins coĂ»teuse, mâappuyant sur la loi du SĂ©nat du 24 aoĂ»t 1870, jâautorise lâĂ©tablissement dâune poste locale particuliĂšrement dans les localitĂ©s oĂč besoin sera. (âŠ) La poste locale est autorisĂ©e (âŠ) Ă transmettre la correspondance ordinaire ainsi que les journaux, annonces, envois d'argent, lettres assurĂ©es et autres expĂ©ditions dans toutes les parties les plus Ă©loignĂ©es du district. (âŠ) La poste locale nâest autorisĂ©e Ă avoir ses timbres quâĂ condition expresse que leur dessin sera totalement diffĂ©rent de celui de la poste impĂ©riale. »
Les districts prennent alors trois types de positions :
- rester sous le régime de la poste impériale ;
- assurer un service postal sans timbres (en général gratuit) ;
- émettre des timbres-poste pour compenser les dépenses résultant de ce service.
Câest cette derniĂšre solution quâadopte la majoritĂ© des zemstvos. Sur les 371 zemstvos rĂ©partis dans 36 gouvernements, seuls 162 Ă©mettent et utilisent des timbres-poste locaux dont les gouvernements de Perm et de Kherson qui dĂ©veloppent ce concept. Environ 70 zemstvos Ă©mettent des timbres entre 1870 et 1875. La grande pĂ©riode des Ă©missions Ă usage purement postal se situe entre 1871 et 1895. Il faut aussi remarquer que les postes locales ne concernent que la partie europĂ©enne de l'Empire russe : les provinces d'Asie (SibĂ©rie, Turkestan) et le Caucase ne sont pas concernĂ©es.
DĂ©clin des Ă©missions
Une période de déclin due à la faiblesse des échanges postaux et à l'extension de la poste impériale commence à partir de 1895. Les émissions se poursuivent jusqu'en 1915 mais certaines ne le sont que dans un but purement spéculatif à destination des philatélistes. En 1892, il n'y a plus que 150 postes locales dont 89 utilisent encore des timbres.
Le , les émissions philatéliques et les prestations postales des zemstvos cessent à la suite de leur dissolution. La poste soviétique prendra le relais à la fin de la guerre civile russe.
Timbres
Les timbres locaux sont utilisĂ©s en complĂ©ment des timbres de la poste impĂ©riale. En effet, cette derniĂšre achemine le courrier jusqu'aux villes principales oĂč la poste locale prend le relais pour la distribution et la collecte dans le zemstvo. Ces timbres sont fabriquĂ©s dans les imprimeries des chefs-lieux des zemstvos soit par lithographie, soit par typographie. Un seul est gravĂ© Ă Iegorievsk en 1872. Pour la plupart, ils reprennent les armoiries du zemstvo ou du chef-lieu, voire une reprĂ©sentation des activitĂ©s de la rĂ©gion.
Quelques rares districts Ă©mettent aussi des entiers postaux. Il est Ă remarquer que ce sont les zemstvos qui ont Ă©mis les premiers timbres Ă thĂšme animalier.
Tableau récapitulatif des émissions :
PĂ©riode | Nombre de zemstvos Ă©metteurs | Nombre de timbres Ă©mis |
---|---|---|
1865 Ă 1869 | 30 | 53 |
1870 Ă 1879 | 102 | 433 |
1880 Ă 1889 | 92 | 469 |
1890 Ă 1899 | 70 | 331 |
1900 Ă 1915 | 48 | 348 |
Districts ayant Ă©mis des timbres
Voici la liste des 162 districts qui ont Ă©mis des timbres, le chiffre indique le nombre de timbres Ă©mis :
Littérature et catalogue
Des catalogues philatĂ©liques sont Ă©mis dĂšs 1888 sur ces postes locales notamment au Royaume-Uni par Stanley Gibbons en 1889, en Allemagne et bien sĂ»r en Russie, prouvant un intĂ©rĂȘt certain pour cette collection au dĂ©but du XXe siĂšcle. AprĂšs lâarrĂȘt des Ă©missions, un groupe de philatĂ©listes de Leningrad tente de rĂ©aliser en 1918 un catalogue de ces timbres mais ne peut mener Ă bien lâopĂ©ration, la TchĂ©ka (police politique) se mĂ©fiant de ce qui risquerait dâentretenir une « nostalgie du rĂ©gime tsariste ». Le jeune Ătat soviĂ©tique entend contrĂŽler aussi la philatĂ©lie et crĂ©e le poste de « commissaire dâĂtat Ă la philatĂ©lie ». Le commissaire Tchaouchine, nommĂ© Ă ce poste, fait Ă©tablir le seul catalogue existant sur les timbres des zemstvos, en russe et en anglais. Jusque vers 1990, il Ă©tait disponible sous forme de fac-similĂ© de lâĂ©dition originale auprĂšs du Cercle philatĂ©lique France-URSS. Les cotes y sont donnĂ©es en franc-or de 1925.
Il existe quelques sites internet sur ce sujet, notamment en Allemagne et aux Ătats-Unis, oĂč des marchands proposent des timbres des zemstvos[3].
En 2005, un nouveau catalogue est paru en Russie (uniquement en russe) montrant un regain dâintĂ©rĂȘt des Russes pour leur propre histoire postale.
Notes
- Soviet (ŃĐŸĐČĐ”Ń) singnifie « conseil » en russe.
- György Dalos, (de) Geschichte der Russlanddeutschen von Katharina der GroĂen bis zur Gegenwart, C.H. Beck, Munich 2014, (ISBN 978-3-406-67017-6).
- Cercle Philatélique France-Russie et pays de l'ex URSS et Union Philatélique Internationale
Sources
- Ludovic Debono (d) , « La mĂ©decine des Zemstvos (d) », SantĂ© publique, no 4,â , p. 457-469
- Ludovic Debono (d) , « Les Zemstvos », dans La médecine en Russie de 1801 à 1917 (d) , (lire en ligne)
- Philatélie Populaire - Russie/URSS : Les timbres de Zemstvos par Alain Legrand (N°445)
- Rubrique Zemstvos du Cercle philatélique France-Russie et pays de l'ex URSS
- Zemstvo Timbres de la Russie
- Catalogue Yvert et Tellier, Timbres d'Europe de l'Ouest, Tome 4, 2e partie, 2003 (ISBN 2-86814-132-3)
- (en) The free dictionnary
Référence
Article rédigé à partir d'articles des revues "Philatélie Populaire" et "La Gazette du Cercle France-Russie".
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Zemstvo » (voir la liste des auteurs).