AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Yvonne Ntacyobatabara Basebya

Yvonne Ntacyobatabara Basebya, nĂ©e sous le nom de Ntacyobatabara[1] le Ă  Kinoni, dans la prĂ©fecture Ruhengeri au Rwanda et morte le Ă  Reuver aux Pays-Bas, est une criminelle hollandaise et rwandaise condamnĂ©e Ă  6 ans et 8 mois de prison par un tribunal de district de La Haye le pour incitation au gĂ©nocide dans le cadre du GĂ©nocide des Tutsi au Rwanda.

Yvonne Ntacyobatabara Basebya
une illustration sous licence libre serait bienvenue
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  69 ans)
Reuver
Nationalité
Activité
Conjoint
Augustin Basebya (d)
Autres informations
Condamnée pour

Biographie

Basebya est née le 8 février 1947 à Kinoni[2], dans la province de Ruhengeri au Rwanda. Elle est la plus jeune d'une famille hutue de six enfants (trois garçons et trois filles). Son pÚre et ses deux frÚres sont morts quand Basebya était encore jeune[3]. Elle fréquente l'école primaire de Kinoni puis des internats à Nyundo, Rwaza et Muramba. Elle termine un cours de formation des enseignants en 1966[4]. Elle travaille comme enseignante à Kinoni de 1966 à 1968. En 1968, elle rencontre son mari Augustin Basebya[5], qui est également hutu[6] - [7]. AprÚs son travail d'enseignante à Kinoni, elle travaille comme fonctionnaire au ministÚre des Finances et des Affaires économiques. De 1982 à 1994, elle travaille au MinistÚre de l'Agriculture en tant que responsable du point de vente de Kigali pour le projet laitier GBK.126[8]. De 1983 à 1994, son mari est député du Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND) - un parti au pouvoir composé principalement de Hutus. Elle et son mari ont sept enfants, dont l'un est décédé en bas ùge[6].

Kigali

À partir de 1970, Basebya vit avec sa famille dans le secteur Gikondo de la capitale rwandaise Kigali[9]. À l'Ă©poque, Gikondo abritait des Hutus et des Tutsis de diverses classes sociales, dont quelques notables. De nombreuses personnalitĂ©s de la mouvance extrĂ©miste pro-hutu y rĂ©sidaient, dont Martin Bucyana (prĂ©sident de la Coalition pour la DĂ©fense de la RĂ©publique, CDR – un groupe radical anti-tutsi[10], Gaspard Gahigi (vice-prĂ©sident de la CDR), Jean Sefara (rĂ©dacteur en chef de la Radio-TĂ©lĂ©vision Libre des Milles Collines, RTLM - une radio fondĂ©e par des extrĂ©mistes hutus[11] ) et d'autres dirigeants du MRND et de la CDR. Depuis 1992, divers groupes de jeunes extrĂ©mistes de la CDR et du MRND, les Interahamwe («ceux qui se tiennent/attaquent ensemble») et les Impuzamugambi («ceux qui ont le mĂȘme/un but»)[12] sont actifs dans le secteur. Vers la fin de 1993, le quartier devient un centre de l'activisme politique du MRND et de la CDR. La maison de Basebya Ă  Gikondo se trouve dans une zone densĂ©ment peuplĂ©e. La maison a un porche situĂ© quelques marches plus haut que la cour devant elle et le terrain Ă©tait protĂ©gĂ© de la rue par un mur et une haie[13].

Fuite hors du Rwanda

Au milieu de 1994, la famille fuit la capitale et séjourne à Gisenyi, dans le nord-ouest du Rwanda. En juillet 1994, ils s'enfuient vers Goma (République démocratique du Congo) et plus tard vers Uvira. Fin 1994, ils partent pour la Tanzanie puis le Kenya. En décembre 1997, le mari de Basebya se rend aux Pays-Bas et y dépose une demande d'asile, qui est acceptée le 25 mars 1998. Le 6 octobre 1998, Basebya arrive aux Pays-Bas avec deux enfants dans le cadre d'un regroupement familial. La famille vit à Reuver, dans le Limbourg. Plus tard, deux autres enfants du couple arrivent aux Pays-Bas. Le 7 décembre 2004, le couple est naturalisé et a acquiert la nationalité néerlandaise. Basebya travaille comme bénévole à la paroisse de Reuver et comme femme de ménage dans l'église. Jusqu'à son arrestation, elle entretient des contacts avec des extrémistes hutus[14].

Son mari a Ă©galement travaillĂ© comme enquĂȘteur pour le Tribunal pĂ©nal international pour le Rwanda[1].

Condamnation par un tribunal gacaca

Le 26 janvier 2001, un systĂšme de justice transitionnelle est mis en place au Rwanda par une loi organique. Ces juridictions traditionnelles, dites juridictions gacaca (prononcer : /ɡɑtʃɑtʃɑ/ )[15] sont chargĂ©es de juger les catĂ©gories moins graves de gĂ©nocidaires. À cĂŽtĂ© du systĂšme des tribunaux gacaca se trouve le systĂšme juridique national des tribunaux d'État qui jugent les catĂ©gories les plus graves de gĂ©nocidaires, tels que les planificateurs et les dirigeants. Les juridictions gacaca se composent d'un collĂšge de laĂŻcs non juristes (Inyangamugayo) Ă©lus au suffrage direct qui reçoivent une courte formation de six jours[16]. Basebya est condamnĂ©e par contumace Ă  la rĂ©clusion Ă  perpĂ©tuitĂ© par un tribunal gacaca en 2007 pour sa participation au gĂ©nocide[2].

Arrestation et inculpation

En mai 2007, Ă  la suite d'un rapport du ministĂšre public rwandais et de l'organisation de dĂ©fense des droits humains « African Rights », le bureau du procureur national lance une enquĂȘte (nom de code Vos) sur l'Ă©ventuelle implication du mari de Basebya sur le gĂ©nocide rwandais de 1994. Le 10 dĂ©cembre 2007, les autoritĂ©s rwandaises sont priĂ©es de fournir plus d'informations sur le mari. Il ressort des documents transmis que Basebya Ă©tait mentionnĂ© par plusieurs tĂ©moins comme le chef de la CDR. Un appui est Ă©galement demandĂ© au Tribunal pĂ©nal international pour le Rwanda. Le tribunal transmet un rapport Ă©tabli en dĂ©cembre 1994 par le Collectif des Ligues et Associations de DĂ©fense des Droits de L'Homme . Ce rapport comprenait une liste de gĂ©nocidaires prĂ©sumĂ©s qui comprenait Ă  la fois Basebya et son mari. Des personnes qui ont tĂ©moignĂ© en rĂ©ponse Ă  une affaire pĂ©nale danoise contre un suspect de gĂ©nocide rwandais ont confirmĂ© le rĂŽle de Basebya dans le gĂ©nocide rwandais. Enfin, le Service national d'enquĂȘtes criminelles se rendu au Rwanda. LĂ , divers tĂ©moins sont entendus et des enquĂȘtes sont menĂ©es auprĂšs des juridictions gacaca chargĂ©es de juger les gĂ©nocidaires. La Direction nationale des enquĂȘtes criminelles a accĂšs, entre autres, au dossier gacaca de Basebya. À la suite de ces faits, Basebya est impliquĂ©e dans l'enquĂȘte Vos[17].

Le 12 mai 2010, un article est publiĂ© dans un journal rwandais au sujet de l'enquĂȘte contre Basebya. En consĂ©quence, l'enquĂȘte est accĂ©lĂ©rĂ©e. Une perquisition est menĂ©e le 11 juin 2010 et Basebya est arrĂȘtĂ©e le 21 juin 2010. Elle est placĂ©e en garde Ă  vue le jour mĂȘme et la garde est demandĂ©e et attribuĂ©e le 24 juin 2010. Dans l'intervalle, l'enquĂȘte de la Direction nationale de la police judiciaire et l' enquĂȘte judiciaire prĂ©liminaire du juge d' instruction se poursuivent et divers tĂ©moins nationaux et Ă©trangers ont Ă©tĂ© entendus[18]. Le 18 juin 2012, la dĂ©tention provisoire de Basebya est suspendue par le tribunal, en partie en raison de circonstances personnelles et de sa longue durĂ©e[19]. Cela signifie qu'elle pouvait attendre son procĂšs en toute libertĂ©.

Accusation

Les accusations portaient sur six infractions différentes commises entre octobre 1990 et juillet 1994 :

  1. implication en tant qu'auteur intellectuel, ou instigateur, dans le génocide à Gikondo, en particulier :
    • le meurtre de deux personnes et le viol d'une autre le 22 fĂ©vrier 1994 ;
    • le meurtre de masse des Tutsis dans l'Ă©glise Pallotti le 22 fĂ©vrier 1994 ;
    • le meurtre d'une personne le 11 avril 1994;
  2. tentative de génocide dans son milieu de vie ;
  3. complicité dans le meurtre d'une personne;
  4. complot en vue de commettre un génocide dans son milieu de vie ;
  5. incitation au génocide dans son milieu de vie immédiat ;
  6. commettre des crimes de guerre conjointement et en association avec d'autres, en particulier les crimes de guerre, l'atteinte à la dignité humaine et la menace[20].

Condamnation

Dans son jugement rendu à La Haye, dans l'ouest des Pays-Bas le , le tribunal acquitte Basebya des chefs de coaction, d'instigation, de collusion et de complicité dans le génocide, de tentative de génocide, de meurtre et de crimes de guerre. D'une maniÚre générale, le tribunal a estimé qu'il était prouvé légalement et de maniÚre convaincante que Basebya « sur une longue période de temps depuis la création de la CDR, a fréquemment agi en tant qu'animatrice lors de réunions de la CDR au cours desquelles la haine contre les Tutsis était agressivement distillée et appelait au massacre des Tutsis »[21] - [1]. De plus, il considÚre avoir prouvé légalement et de maniÚre convaincante que Basebya « était activement impliquée dans le recrutement d'abakarani et de jeunes de la CDR, leur fournissant de l'argent, des uniformes et de la nourriture »[22]. Il n'a pas été prouvé légalement et de maniÚre convaincante que Basebya était 'impliquée dans la préparation des «listes de la mort»[23]. Plus précisément en ce qui concerne la co-perpétration, de (tentative de) génocide et de meurtre, le tribunal a estimé qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves juridiques pour prouver l'implication de Basebya[24]. En ce qui concerne les crimes de guerre, le tribunal a statué que « l'exigence du lien » qui doit exister entre le crime commis et un conflit armé n'avait pas été remplie. Cela a conduit à l'acquittement de Basebya pour ces faits[25] - [26].

Le tribunal a cependant considĂ©rĂ© qu'il Ă©tait lĂ©galement et de maniĂšre convaincante prouvĂ© que Basebya « Ă©tait coupable d'incitation au gĂ©nocide, commis Ă  plusieurs reprises » en marchant du 22 fĂ©vrier 1992 au 6 avril 1994 "dans la rue Ă  proximitĂ© immĂ©diate de son domicile et dans le cour de sa maison et dans un bar adjacent [...], visible et audible de la voie publique' pour inciter au gĂ©nocide en chantant le Tubatsembesembe [27]. Le tribunal a Ă©tabli que Basebya agissait frĂ©quemment comme animatrice lors de rĂ©unions de la CDR, appelant Ă  l'extermination des Tutsi, et que cela se faisait, entre autres, en chantant la chanson Tubatsembesembe sous la direction de Basebya (ce qui signifie « exterminons-les »). De plus, elle a chantĂ© cette chanson dans le but prĂ©cis d'exterminer les Tutsi et l'a fait en public car les rassemblements pouvaient ĂȘtre suivis de la voie publique[28]. Le juge RenĂ© Elkerbout a dĂ©clarĂ© « Elle a appelĂ© au meurtre et Ă  la violence contre les tutsi »[1]. Cela a conduit Ă  la condamnation de Basebya pour incitation au gĂ©nocide[25].

Le tribunal a condamnĂ© Basebya Ă  six ans et huit mois de prison – la peine maximale pour incitation au gĂ©nocide en vertu de l'ancien rĂ©gime de la loi de mise en Ɠuvre de la convention sur le gĂ©nocide (nl) Le tribunal a explicitement considĂ©rĂ© qu'il l'avait fait « en Ă©tant conscient que cette condamnation ne rend pas justice Ă  l'extraordinaire gravitĂ© des infractions pĂ©nales dĂ©clarĂ©es avĂ©rĂ©es »[29].

Appel

D'une part, le ministÚre public était satisfait du verdict, car il était clair que les auteurs ne resteraient pas impunis, d'autre part, le ministÚre public n'a pas estimé que la peine rendait suffisamment justice aux infractions commises. Basebya n'était pas d'accord avec le verdict, car la jurisprudence du Tribunal pour le Rwanda avait été appliquée de maniÚre incorrecte et parce que le tribunal aurait ignoré diverses déclarations de témoins à décharge. Le ministÚre public et Basebya ont fait appel du verdict du tribunal[30] - [31]. Plus tard, le ministÚre public et Basebya ont retiré leurs appels[32]. Selon le ministÚre public, il y avait des motifs suffisants pour justifier un appel, mais compte tenu de la capacité requise par un tel cas, il a néanmoins été décidé de retirer l'appel. Alors que Basebya n'était toujours pas d'accord avec le verdict, elle a retiré son appel en raison de circonstances personnelles[33]. Cela a rendu le verdict du tribunal, et donc la peine prononcée, définitifs.

Vie privée

Elle meurt Ă  Reuver, Pays-Bas, le [34].

Bibliographie

  • (en) District court of La Haye, Prosecutor v. Yvonne N., The Hague District Court, Case No. 09/748004-09, Judgment (Trial), March 1, 2013,, Tribunal Interrnational de La Haye, (lire en ligne)

Articles connexes

Références

  1. « Une Rwandaise des Pays-Bas a été condamnée pour incitation au génocide », sur Une Rwandaise des Pays-Bas a été condamnée pour incitation au génocide (consulté le )
  2. Website TRIAL international, dossier Yvonne Ntacyobatabara Basebya.
  3. Ibid., r.o. 6.1.
  4. Ibid., r.o. 6.2.
  5. Florent Piton, « Tueurs, ibitero et notabilitĂ©s gĂ©nocidaires au Rwanda (Kigali, avril 1994) », VingtiĂšme SiĂšcle. Revue d'histoire, no 138,‎ , p. 127–142 (ISSN 0294-1759, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. Ibid, r.o. 6.4.
  7. « Yvonne Ntacyobatabara Basebya – TRIAL International », sur web.archive.org, (consultĂ© le )
  8. Ibid., r.o. 6.3.
  9. Ibid., r.o. 6.5.
  10. Ibid., r.o. 5.12.
  11. Ibid., r.o. 5.11.
  12. Ibid., r.o. 5.14.
  13. Ibid., r.o. 7.1-7.9.
  14. Ibid., r.o. 6.8-6.11.
  15. Gacaca betekent zoveel als 'gerechtigheid op het gras'.
  16. C. Aptel, in: A. Cassese (red.), The Oxford Companion to International Criminal Justice, Oxford: OUP, p. 329-330.
  17. Rb Den Haag 1 maart 2013, ECLI:NL:RBDHA:2013:BZ4292, r.o. 4.1-4.6.
  18. Ibid, r.o. 4.7-4.10.
  19. Ibid., r.o. 4.44.
  20. Ibid, hoofdstuk 1.
  21. Ibid, r.o. 11.56.
  22. Ibid., r.o. 11.58.
  23. Ibid., r.o. 11.69.
  24. Ibid., r.o. 14.25, 14.29, 14.35, 14.37, 14.38-14.51, 15.11-15.13, 16.28-16.29, 17.17-17.18 en 18.6-18.7.
  25. Ibid., r.o. 23.
  26. (nl) ECLI:NL:RBDHA:2013:BZ4292, voorheen LJN BZ4292, Rechtbank Den Haag, 09/748004-09, (lire en ligne)
  27. Ibid., r.o. 12.32-12.33.
  28. Ibid., r.o. 12.8-12.33.
  29. Ibid., r.o. 22.12.
  30. 'OM in beroep in genocidezaak Basebya', ANP 13 maart 2013.
  31. Website Prakken d'Oliveira, 'Basebya in hoger beroep'.
  32. 'OM en genocideverdachte staken hoger beroep', ANP 28 juni 2013.
  33. Website Prakken d'Oliveira, 'Hoger beroep Rwandese genocidezaak ingetrokken'.
  34. 't Klökske, Parochiecluster Beesel, Reuver, Offenbeek, 23 maart 2016.(pdf)
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.