Yapou, bétail humain
Yapou, bĂ©tail humain (柶çäșșă€ăăŒ, Kachikujin yapĆ«) est le roman d'un auteur mystĂ©rieux, ShĆzĆ Numa (æČŒ æŁäž, Numa ShĆzĆ). Le roman est une satire grinçante du Japon de lâaprĂšs-guerre essayant de liquider les dĂ©sillusions engendrĂ©es par la reddition sans condition du pays en 1945.
Ce roman « politique » ou « idĂ©ologique », selon Yukio Mishima, est Ă la fois la reprĂ©sentation dâun « dĂ©senchantement du monde » et de son « rĂ©enchantement » tragicomique sous la forme dâune science-fiction fonctionnant sur le modĂšle de la dystopie (contre-utopie). Le roman cherche Ă montrer que la « culture japonaise » nâest quâun « don » ou une construction (des Occidentaux ?) en vue de « domestiquer » les Japonais. Yapou, bĂ©tail humain opĂšre une dĂ©construction parodique du « fantasme » de lâOccident pour le Japon, de cet « Ă©trange objet de dĂ©sir » que reste le « Japon » pour lâOccident. Ce rapport est dĂ©crit dâun point de vue « japonais », celui de lâauteur mystĂ©rieux de ce roman, hantĂ©, traumatisĂ©, charmĂ© par la dĂ©faite de 1945, qui nâhĂ©site pas Ă pousser lâautodĂ©rision jusquâau masochisme.
Résumé
Contexte général
Yapou, bĂ©tail humain est le rĂ©cit fabuleux des aventures dans le futur de Clara Von Kotwick, une jeune noble allemande, et de son fiancĂ© japonais, Rinichiro Sebe, aprĂšs la chute accidentelle dâun OVNI venu prĂ©cisĂ©ment du futur, qui sâĂ©crase brutalement Ă la surface de la Terre au XXe siĂšcle, non loin de Wiesbaden, en Allemagne de lâOuest, dans les annĂ©es 1960. La jeune pilote de l'OVNI s'appelle Pauline. Elle est la puissante descendante d'une des familles les plus cĂ©lĂšbres de ce futur.
Pauline ne réalise pas tout de suite qu'elle est remontée dans le temps. Elle confond Clara avec une de ses contemporaines, et Rinichiro avec un Yapoo, une sorte d'animal de ferme destiné à obéir aveuglément à sa maßtresse. Clara se laisse progressivement entraßner par Pauline dans sa vision controversée mais fascinante de la relation entre les humains et Yapoo, ce qui finira par changer à jamais la relation entre elle et son fiancé.
Blancs, Jaunes, Noirs
Ce vaisseau spatial vient en effet dâun Empire qui existe quelque 2 000 ans plus tard, appelĂ© EHS, acronyme de « Empire of Hundred Suns », lâempire des cent soleils, parfois Ă©galement dĂ©signĂ© comme « lâEmpire britannique universel ». EHS est un « empire de la sĂ©grĂ©gation » reposant sur la « chaĂźne tricolore » (Blanc, Noir, Jaune). En outre, la sociĂ©tĂ© qui le compose a Ă©rigĂ© la domination des femmes en systĂšme politique. Les rĂŽles y sont inversĂ©s : les hommes (« Blancs ») sâoccupent des enfants et de culture, ils sont coquets et effĂ©minĂ©s, etc. Les « Noirs » sont traitĂ©s comme des esclaves ; bien que vus comme des membres de l'humanitĂ©, ils sont considĂ©rĂ©s seulement comme des « demi-ĂȘtres humains », et disposent donc de « demi-droits de lâhomme ». Les « Jaunes » enfin, autrement dit les Japonais ou Yapou, ne font plus partie du genre humain. Ce sont des piĂšces de bĂ©tail, de bĂ©tail « humain », selon le nĂ©ologisme crĂ©Ă© par Numa : kachikujin (柶çäșș), littĂ©ralement « homme d'Ă©levage ». La race jaune non japonaise, elle, a presque Ă©tĂ© anĂ©antie par les armes nuclĂ©aires et bactĂ©riennes.
Singes intelligents
Les Yapous sont en fait des « singes intelligents » : ils relĂšvent de lâespĂšce « Simius sapiens ». Mais la perte de leur humanitĂ© confĂšre aux Yapous un statut encore plus bas que celui de lâanimal. Avec cela, c'est un dernier verrou dans lâexploitation de lâhomme par lâhomme qui saute : celui qui devrait garantir l'inviolabilitĂ© de tout ĂȘtre humain, en raison de son intelligence, de sa raison.
Dans ces conditions, les Yapous sont des biens meubles, des choses que l'on peut possĂ©der. Ils sont d'ailleurs transformĂ©s en meubles (kagu) au service des Blancs et forment un incroyable bestiaire : settens et vomitoirs qui ont rendu inutile lâusage des toilettes, jouets sexuels que sont les cunnilingers, penilingers, la paire de ski pouky, Ă quoi s'ajoutent toutes sortes de Yapous miniatures : mens-midjets, yapamatron, analer, pygmĂ©es de table, vivistylo, etc.
Clara et Rinichiro
Le fil conducteur du rĂ©cit est constituĂ© par le renversement de la relation entre Clara et Rinichiro. Le roman dĂ©crit le destin ironique de la relation amoureuse de ce couple germano-nippon (lâaxe du mal) qui nâopposera bientĂŽt plus quâune « maĂźtresse » (domina / shujin) Ă son « animal » domestique (Pets / kachikujin). Pour ce faire, le livre adopte la forme dâune relation de voyage, Ă la maniĂšre des Voyages de Gulliver, qui permet au lecteur de prendre la mesure de lâĂ©volution du monde depuis le XXe siĂšcle. Il se termine avec la « reddition sans condition » de Rinichiro au 49e et dernier chapitre, soit aprĂšs quelque mille cinq cents pages (mais Ă peine une trentaine dâheures se sont alors passĂ©es dans le roman), lorsque Rinichiro se rĂ©signe si bien Ă son sort quâil nâhĂ©site pas Ă se faire lâapĂŽtre de la sociĂ©tĂ© « Ă©shienne ».
Le mystĂšre entourant lâidentitĂ© de lâauteur
Yapou, bĂ©tail humain (柶çäșșă€ăăŒ, Kachikujin yapĆ«)[Note 1] est un roman Ă©tonnant et dĂ©tonnant par sa fortune Ă©ditoriale, son contenu et le mystĂšre entourant lâidentitĂ© de son auteur. La revue BungeishunjyĆ« (æèæ„ç§), dans son numĂ©ro de , le classe, avec une critique de Oniroku Dan ćŁéŹŒć [Note 2], dans une liste les « 57 ouvrages qui auront fait trembler le Japon » (æ„æŹăéæŒăăăïŒïŒć, nihon o shinkansaseta 57 satsu), liste qui rassemble aussi bien Daraku-ron[1] (La chute de Sakaguchi AndĆ), Hiroshima notto (« Notes de Hiroshima ») de KenzaburĆ Će [2] que Aoi toki (lâheure bleue ?) de Yamaguchi Momoe.
Le pseudonyme
ShĆzĆ Numa est un pseudonyme et lâidentitĂ© rĂ©elle de lâauteur se cachant sous ce nom reste Ă ce jour inconnue. Le correspondant du journal Le Monde Philippe Pons qui lâa rencontrĂ© Ă lâoccasion de la sortie de la traduction française du roman rapporte[3] que Numa a longtemps travaillĂ© dans le milieu de lâĂ©dition. Numa avoue quant Ă lui[4] avoir choisi ce pseudonyme en hommage Ă Ernest Sumpf, un spĂ©cialiste allemand du sadomasochisme : Sumpf, en allemand, comme Numa, en japonais, signifient « marais » ou « marĂ©cage ». Câest sous ce pseudonyme que lâauteur commence Ă faire paraĂźtre sous le titre de Carnets dâun visionnaire (ăă怹æłćź¶ăźæćžłăă, aru musĆka no techĆ kara) de courts essais dans la revue Kitan Club, et câest dans cette mĂȘme revue que la publication en feuilleton de Kachikujin YapĆ« dĂ©butera en 1956.
HypothĂšses et rumeurs
Plusieurs hypothĂšses (Ă quoi s'ajoute la rumeur de sa mort) circulent au Japon sur son identitĂ© sans que jamais lâune ou lâautre ait pu ĂȘtre confirmĂ©e. La rumeur dĂ©signa mĂȘme un temps Yukio Mishima, qui tenait ce livre comme « probablement le plus grand roman « idĂ©ologique » (kannen shĆsetsu) de lâaprĂšs-guerre Ă©crit par un Japonais »[Note 3]. D'aprĂšs Yoshio KĆ[Note 4], lâagent de ShĆzĆ Numa, Mishima est le vĂ©ritable dĂ©couvreur du texte dont il avait lu les feuilletons parus dans Kitan Club. Et c'est ce mĂȘme Mishima qui lui a apportĂ© les Ă©pisodes quâil avait lui-mĂȘme dĂ©coupĂ©s dans cette revue en lui demandant dâagir pour que ce texte soit publiĂ© sous la forme dâun livre.
Les soutiens que ce roman obtint auprĂšs de Tatsuhiko Shibusawa[Note 5], Yutaka Haniya[Note 6] ou encore Takeo Okuno[Note 7] firent Ă©galement de ceux-ci des « prĂ©tendants » potentiels. Lorsque le bruit courut quâun haut fonctionnaire du ministĂšre de la justice[Note 8] se cachait sous ce pseudonyme, Tetsuo Amano[Note 9] qui se prĂ©sentait jusquâalors comme son reprĂ©sentant dĂ©clara ĂȘtre ShĆzĆ Numa avant de se rĂ©tracter lorsque la rumeur cessa. Selon certains commentateurs, Numa serait un pseudonyme employĂ© par plusieurs auteurs (y compris Amano Tetsuo) pour la rĂ©daction non seulement de Yapou, bĂ©tail humain, mais Ă©galement des Carnets. Haniya Yutaka a avancĂ© quâil aurait pu ĂȘtre Ă©crit par un Ă©tranger voire une femme[5]. Le mystĂšre concernant lâidentitĂ© de ShĆzĆ Numa reste Ă ce jour entier. KĆ Yoshio, annonce quâil la rĂ©vĂšlera dans⊠son testament[6].
Un des aspects les plus intĂ©ressants de ce roman est que son (ou ses) auteur l'a Ă©crit sur une pĂ©riode de plus de 40 ans, tout en rĂ©ussissant son anonymat, qui trouvera sa justification entre autres dans les attaques dont le roman sera lâobjet de la part de groupuscules dâextrĂȘme-droite[7].
PortĂ©e de l'Ćuvre
Yapou, bĂ©tail humain est dâabord le tĂ©moignage dâune algolagnie[Note 10] revendiquĂ©e. Le texte est Ă©crit sous lâimpulsion dâune « excitation masochiste » provoquĂ©e par la dĂ©sillusion quâentraĂźne chez son auteur lâannonce par l'empereur Hirohito de sa nature « humaine » (et non plus divine) lors de son message de nouvel an, le [Note 11], affirmation qui parachĂšve aux yeux de lâauteur lâĆuvre de dĂ©molition du Japon impĂ©rial : « Le caractĂšre divin de l'empereur, qui avait structurĂ© ma psychologie pendant la guerre, Ă©tait soudain dĂ©truit. C'est sans doute cette dĂ©sillusion qui se transforma en moi en excitation masochiste. Je ne pourrais pas dire que la nature de ce mĂ©canisme psychologique me soit Ă prĂ©sent totalement clair[8]. »
On comprend que le mĂ©canisme psychologique Ă©voquĂ© par Numa ne soit pas « totalement clair » si on part de lâhypothĂšse que, d'une part, au-delĂ de la dimension « personnelle » de cette Ćuvre, au-delĂ de la rĂ©action dâun individu, Yapou, bĂ©tail humain illustre Ă sa maniĂšre le bouleversement des valeurs que connaĂźt le Japon aprĂšs la dĂ©faite de 1945, et que d'autre part ce bouleversement engendre ce que lâon pourrait appeler le syndrome de « fĂ©licitĂ© du faible » touchant les Ă©lites intellectuelles de cet « aprĂšs-guerre » qui ne veut pas dire son nom.
C'est ainsi que l'auteur de Yapou Ă©crit : « On considĂšre habituellement le 15 aoĂ»t 1945 comme le jour oĂč la guerre a pris fin au Japon. On parle alors de « fin de la guerre » comme si le phĂ©nomĂšne pouvait ĂȘtre comparable Ă un phĂ©nomĂšne naturel : la guerre aurait pris fin⊠naturellement. Cette expression est trompeuse et mâa toujours exaspĂ©rĂ© que ce soit avant, pendant ou aprĂšs la guerre. Car elle procĂšde de la mĂȘme logique, de la mĂȘme amertume, qui voulait que chaque bataille perdue fut considĂ©rĂ©e comme un repli stratĂ©gique de nos troupes et la dĂ©faite du Japon comme une mort honorable. Lâannonce de la reddition du pays est considĂ©rĂ©e comme la date marquant la fin de la guerre. Pourquoi ne peut-on parler simplement de la dĂ©faite ? »
DĂ©faite personnelle ? DĂ©faite de tout un peuple ? Dâune idĂ©ologie ? La parodie grotesque, la fiction grinçante que reprĂ©sente ce roman « inachevĂ© » de prĂšs de 1 500 pages ne peut se lire hors de ce contexte.
Destin Ă©ditorial
Le mystĂšre de lâidentitĂ© rĂ©elle de lâauteur a contribuĂ© et contribue encore au succĂšs commercial et Ă©ditorial de Yapou, bĂ©tail humain. Le roman a connu de nombreuses rĂ©Ă©ditions et on estime quâil sâest vendu Ă plus dâun million dâexemplaires.
Publication en revue
Yapou, bĂ©tail humain paraĂźt pour la premiĂšre fois en feuilletons dans la revue Kitan Club (ç¶șèăŻă©ă) dans la livraison de . Kitan Club est une revue qui a paru entre et , connaissant une interruption en 1955 Ă la suite d'une interdiction. Elle aura tour Ă tour Ă©tĂ© publiĂ©e par les Ă©ditions Akebono (æćșç), Tenno (怩çćșç) et finalement Kawade shobo shinsha (æČłćșæžæżæ°ç€Ÿ). Kitan Club, spĂ©cialisĂ©e dans les Ćuvres littĂ©raires traitant de comportements sexuels « dĂ©viants » (abnormal zasshi ăąăăăŒăă«éèȘ), publiera aussi le cĂ©lĂšbre Hana to Hebi (è±ăšè Flower and Snake) de Oniroku Dan (en). Le musĂ©e de lâAnormal (éąšäżèłæ通 Abnormal Museum) Ă Shinjuku (TĆkyĆ), abrite la collection complĂšte des numĂ©ros de Kitan Club et dâautres revues traitant des mĂȘmes matiĂšres[9].
ShĆzĆ Numa avait commencĂ© Ă Ă©crire dans cette revue de « petits essais », publiĂ©s sous le titre Aru musoka no techo kara (« Carnets dâun visionnaire »), dans lesquels il dĂ©taillait ses « dĂ©sirs dâhumiliation ». Les parutions de Yapou se succĂšdent jusquâen soit une vingtaine dâĂ©pisodes avant que Numa soit contraint dâarrĂȘter sa collaboration. On lui renvoie en effet son manuscrit en lui demandant de « reprendre son texte et dâen assouplir certaines formules afin de rĂ©pondre aux exigences de la censure » (Numa, postface de 1970).
Publication sous forme de roman
La revue dirigĂ©e par ShĂŽmei Hiraoka, Chi to Bara (Le Sang et la Rose) republie ensuite dans son numĂ©ro 4, la totalitĂ© des Ă©pisodes dĂ©jĂ parus Ă la fin des annĂ©es 1960. Il faut cependant attendre 1970 pour que les Ă©ditions Toshi (éœćžćșç) fassent paraĂźtre en un volume (28 chapitres) ce qui va sâappeler la « premiĂšre partie » ou la « version originale ». Lors de sa parution, le livre est vendu 1 000 yens, un prix relativement Ă©levĂ© Ă lâĂ©poque. Il sâen vend nĂ©anmoins 300 000 exemplaires. L'ouvrage est rĂ©Ă©ditĂ© en poche en 1972, et les Ă©ditions Kadogawa bunko (è§ć·æćș«) en Ă©coulent 200 000 exemplaires. Entre-temps, le texte a connu et connaĂźtra de nouvelles Ă©ditions chez diffĂ©rents Ă©diteurs.
Adaptations dans divers arts
Le livre a connu deux adaptations en manga, celle de Egawa Tetsuya actuellement en cours de publication et celle de ShĆtarĆ Ishinomori. Yapou a Ă©galement Ă©tĂ© lâobjet dâadaptations pour le thĂ©Ăątre et le music-hall. Le livre a donnĂ© son nom Ă un fameux club sadomasochiste de Tokyo. En 2006, KĆ Yoshio, lâagent de ShĆzĆ Numa, avait lancĂ© une souscription pour une adaptation cinĂ©matographique de l'Ćuvre.
Traductions
Ce roman reste peu traduit, Ă part une traduction chinoise parue Ă TaĂŻwan en 2002. La traduction de Sylvain Cardonnel proposĂ©e aux Ă©ditions DĂ©sordres-Laurence Viallet en trois volumes reste Ă ce jour l'une des seules en langue occidentale, avec celle italienne d'une version en manga, bien que celle soit, par contre, interrompue. Des traductions en russe et en turc seraient en cours. Il nâexiste pas de traduction en anglais de ce texte.
VĂ©ritable phĂ©nomĂšne au Japon, cet ouvrage nâest pourtant mentionnĂ© en France dans aucune histoire de la littĂ©rature japonaise contemporaine. Câest sur les conseils dâun contact japonais que lâĂ©ditrice Laurence Viallet en a appris lâexistence et en a commandĂ© la traduction[10].
RĂ©ception au Japon
Dans les dictionnaires de littérature japonaise
On trouve dâabord une premiĂšre mention du roman Ă lâentrĂ©e « ShĆzĆ Numa » dans le Nihon kindai bungaku daijiten (Le Grand Dictionnaire de la littĂ©rature moderne, 1978)[12]. Lâarticle est signĂ© Takeo Okuno.
« ShĆzĆ Numa : Ă©crivain et essayiste. LâidentitĂ© rĂ©elle de lâauteur est inconnue bien quâil soit devenu un centre dâintĂ©rĂȘt des mĂ©dias. Le roman Kachikujin yapĂ» paraĂźtra en vingt livraisons dans la revue Kitan Club Ă partir du mois de dĂ©cembre de lâannĂ©e shĂŽwa 31. Ce roman-fleuve est une Ćuvre fantastique poussant le masochisme jusquâĂ son comble, dans laquelle lâauteur, servi par une impressionnante Ă©rudition dans le domaine de la SF et de lâHistoire, et douĂ© d'une riche imagination, dĂ©crit les kachiku-jin (Yapous) apprenant Ă se rĂ©jouir de leur transformation en objets sexuels (machines sexuels/godemichet), pygmĂ©es, chaussures, chiottes au service de belles femmes blanches. RemarquĂ© et encensĂ© par Yukio Mishima, Yutaka Haniya, Tatsuhiko Shibusawa, Takeo Okuno, ce livre finit par ĂȘtre publiĂ© entre louanges et critiques en janvier de lâannĂ©e ShĂŽwa 45 (1970) aux Ă©ditions Toshi et devient un best-seller. »
Le Nihon gendai bungaku daijiten (Le Grand Dictionnaire de la littĂ©rature japonaise contemporaine, 1994)[13] offre deux entrĂ©es rĂ©digĂ©es par Yokoi Tsukasa, Ă©crivain et spĂ©cialiste de science-fiction. La premiĂšre est consacrĂ©e au roman et reprend les informations du Nihon gendai shosetsu daijiten figurant ci-dessus, quâil complĂšte en prĂ©cisant que la parution de lâĆuvre dans la revue SM Sniper donna lieu Ă 38 livraisons entre et . Lâarticle se poursuit avec un rĂ©sumĂ© plus fourni du roman se terminant par le commentaire suivant :
« Ce roman nâest pas un simple roman sensuel (kannĆ shosetsu) dĂ©crivant sadisme et masochisme, mais dĂ©nonce au travers de la relation "discrimination-victime de la discrimination", la structure du pouvoir de lâĂtat et sâefforce de dĂ©construire la culture traditionnelle du Japon dans une parodie du Kojiki et du Nihonshoki reposant sur des jeux de mots et des calembours. Cette Ćuvre doit Ă©galement retenir l'attention en tant quâĆuvre de SF prenant pour thĂšme un autre monde (un monde Ă©tranger). »
LâentrĂ©e « ShĆzĆ Numa » apporte les informations suivantes :
« Date de naissance inconnue. Ăcrivain et essayiste. Auteur de Kachikujin YapĆ« (shĆwa 45, 59 et heisei 3). Auteur dont le nom est cachĂ© depuis les premiers textes quâil a fait paraĂźtre en revues. Câest Ă partir de la premiĂšre publication de son livre que plusieurs hypothĂšses ont commencĂ© Ă circuler sur son identitĂ©. Les noms de plusieurs Ă©crivains tels Yukio Mishima, Tatsuhiko Shibusawa, RyĆ«ichi Tamura, entre autres ont Ă©tĂ© avancĂ©s. Le nom dâun juge du tribunal de grande instance de Tokyo ayant Ă©tĂ© dĂ©voilĂ© par un magazine, son reprĂ©sentant auprĂšs de lâĂ©diteur, Amano Tetsuo (nĂ© en taishĂŽ 15, 1926) prĂ©tendit quâil Ă©tait ShĆzĆ Numa, puis se rĂ©tracta : la vĂ©ritable identitĂ© de lâauteur reste un mystĂšre. Sous le pseudonyme de ShĆzĆ Numa, sont Ă©galement parus les Carnets dâun visionnaire ("aru musĂŽka no techo kara") en cinq volumes de shĆwa 45 Ă shĆwa 51. »
Dans le Nihon gendai shosetsu daijiten, (le Grand Dictionnaire des romans japonais contemporains, 2004)[14], on trouve un article plus long sur ce roman, donnant la chronologie des Ă©ditions et rĂ©Ă©ditions successives de lâĆuvre de Numa ainsi quâun rĂ©sumĂ© consĂ©quent de lâargument du roman, signĂ© Suekuni Yoshimi.
« Roman fleuve publiĂ© pour la premiĂšre fois en feuilletons dans la revue Kitan Club (de dĂ©cembre de lâannĂ©e shĂŽwa 31 (1956) Ă juillet de lâannĂ©e shĂŽwa 33 (1958), ceux-ci sont rĂ©unis, complĂ©tĂ©s, sous la forme dâun livre publiĂ© chez Bessatsu Toshi puis dans les revues Erochika ("Erotica") et Parodi ("Parodie") avant que sa publication ne sâinterrompe. Une version complĂšte paraĂźt dans la revue SM Sniper entre fĂ©vrier de lâannĂ©e shĂŽwa 63 (1988) et mars de lâannĂ©e heisei 3 (1991). La premiĂšre Ă©dition en livre remonte Ă fĂ©vrier shĂŽwa 45 (1970) aux Ă©ditions Toshi. La suite du roman Ă©crite aprĂšs lâinterruption ainsi que le dĂ©but paraissent en mai de shĂŽwa 59 (1984) chez Kadogawa Shoten. Une nouvelle version complĂ©tĂ©e paraĂźt en dĂ©cembre de lâannĂ©e heisei 3 (1991) aux Ă©ditions Million. Enfin une Ă©dition rĂ©capitulative depuis les dĂ©buts paraĂźt en trois volumes aux Ă©ditions Ota entre janvier et mars de lâannĂ©e heisei 5 (1993).
Grande Ćuvre reprĂ©sentative de la littĂ©rature masochiste du Japon. On peut dire quâelle est fort reprĂ©sentative de lâaprĂšs-guerre au sens oĂč elle est une parodie de lâinterprĂ©tation qui veut voir dans le masochisme lâorigine de lâesprit de sacrifice (gisei seishin) et de fidĂ©litĂ© (loyautĂ©, chĂ»gi) du BushidĂŽ, de cet esprit BushidĂŽ qui envoya toute une gĂ©nĂ©ration Ă la mort. Le parti-pris du roman est de montrer que la culture japonaise nâest quâun don des Blancs en vue de "domestiquer" les Japonais, il offre un Ă©clairage intĂ©ressant sur le fait que personne ne remette en question et prenne pour argent comptant la "tradition" et la "culture" japonaises ou que ces interrogations quand elles existent restent superficielles. En sâappuyant sur une conception masochiste de lâHistoire et de la thĂ©orie sociale, cette Ćuvre a Ă©galement un rĂŽle important en tant que "roman intellectuel" (shisĂŽ shosetsu). Proposant une relecture de lâHistoire et de la structure sociale, il soulĂšve les problĂšmes concernant la diffĂ©rence sexuelle (gender) et le pouvoir de lâĂtat. »
Miyoko Tanaka
Si Yapou, bĂ©tail humain est le rĂ©cit dâune algolagnie revendiquĂ©e, sa portĂ©e dĂ©passe de loin lâĂ©ventuelle « pathologie » de son auteur. Dans un article, RĂ©flexions sadiques sur le masochisme, Miyoko Tanaka sâinterroge sur lâintention de ShĆzĆ Numa :
« Pour lâauteur, le hĂ©ros de cette aventure fantasmagorique, Rinichiro Sebe, jeune homme du xxe siĂšcle qui se retrouve plongĂ© dans cet empire des femmes blanches du xle siĂšcle, doit briller du lyrisme Ă©lĂ©giaque des garçons japonais dont le front est ceint dâun bandeau marquĂ© du soleil rouge. Ne peut-on pas alors voir en ce jeune homme dressĂ© comme un animal par cet Ătat fĂ©ministe, la douleur de lâimage hĂ©roĂŻque du Japon humiliĂ© et outragĂ© ? Ne peut-on pas voir dans lâexpĂ©rience masochiste de Sebe Rinichiro, lâimage exacte de lâĂ©vanouissement de lâesprit japonais qui a suivi la dĂ©faite, et de la farce de lâautojustification sans limites qui lui a immĂ©diatement succĂ©dĂ© ? Sâagenouillant devant les femmes blanches, recevant leur baptĂȘme dâurine, ce quâil fait revivre par cet hymne masochiste, câest prĂ©cisĂ©ment le rituel de la rĂ©demption de tous les hommes japonais : il en est le reprĂ©sentant. (Traduit par Sylvain Samson in Cahier critique, Ă©ditions DĂ©sordres / Laurence Viallet. »
Miyoko Tanaka avance la thĂšse que ce roman est une tentative de rĂ©demption dans le masochisme du Japon humilĂ© par la guerre. DerriĂšre lâanonymat de lâauteur, et au travers du personnage de Sebe Rinichiro, se voile et se dĂ©voile la figure du masochiste. Numa avoue lui-mĂȘme que le nom de Sebe est une rĂ©fĂ©rence au prĂ©nom, SĂ©verin, du hĂ©ros de VĂ©nus Ă la fourrure de Leopold von Sacher-Masoch.
Yukio Mishima
Yukio Mishima sâest exprimĂ© Ă plusieurs reprises sur le roman de ShĆzĆ Numa. Rares sont cependant les traces Ă©crites de la critique quâil fait de Yapou. Outre lâentretien dĂ©jĂ citĂ© avec Terayama ShĂ»ji, câest dans la treiziĂšme livraison (1970) dâun essai sur le roman, intitulĂ© ShĂŽsetsu towa nani ka ? (ć°èȘŹăšăŻäœăQuâest-ce que le roman ?) que lâon trouve le commentaire suivant.
« Ce qui donne Ă sentir que ce roman a une puissance de sĂ©duction aussi forte que les Cent vingt-journĂ©es de Sodome du marquis de Sade nâest pas sa ressemblance sur la scatologie, mais pour le dire en un mot la logique de sa construction. Le monde de Kachikujin yapĆ« nâest pas un monde de folie. Il est dâune cruditĂ© Ă vous en rendre malade tant sa logique est imparable, pour ainsi dire sociologique. LâĂ©criture de ce roman nâest pas spĂ©cialement intĂ©ressante sur le plan littĂ©raire, lâĂ©motion ne tient pas particuliĂšrement dans le dĂ©tail de la phrase. Et sur ce point, il ressemble beaucoup au Cent-vingt journĂ©es. Ce qui est ahurissant est tout simplement le libre-arbitre (la volontĂ©) Ă lâĆuvre dans cette gigantesque construction. Ce monde quâil dĂ©crit repose en rĂ©alitĂ© sur la mĂȘme logique dominants/dominĂ©s Ă lâĆuvre dans notre sociĂ©tĂ©. Et ce monde est si grotesque que cette Ćuvre ne doit pas ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e comme la simple analogie ou la satire du nĂŽtre. Le masochisme est une perversion, mais lorsque la volontĂ© (le libre arbitre) et la puissance dâune imagination sont poussĂ©es jusquâĂ cet extrĂȘme, on peut dire quâils sont lâexpression de la tentative dâopĂ©rer une expĂ©rience radicale dâoĂč quelque chose peut surgir. En prenant une perversion comme base de dĂ©part, le frisson qui sâempare du lecteur, soudain convaincu quâil faudra aller jusquâĂ de telles extrĂ©mitĂ©s, manifeste pleinement le ressort sur lequel ce roman est construit. Alors nâimporte quelle immondice (horreur) pourra se changer en beautĂ©, car cette beautĂ©-lĂ , nonobstant des diffĂ©rences de degrĂ© appartient Ă notre sensibilitĂ© abritant notre catĂ©gorie du beau. »
Takeo Okuno
Le tĂ©moignage de Takeo Okuno, lâauteur de la notice consacrĂ©e Ă ShĆzĆ Numa dans le Nihon kindai bungaku daijiten (Le Grand Dictionnaire de la littĂ©rature moderne) est Ă©clairant Ă plus dâun titre sur les circonstances et la rĂ©ception de roman. Dans une postface quâOkuno rĂ©dige lors de la publication de la premiĂšre Ă©dition complĂšte de Yapou en 1970 (Ă©dition Million), il Ă©crit :
« Câest Yukio Mishima qui a prononcĂ© les paroles les plus dithyrambiques sur lâintĂ©rĂȘt exceptionnel de Yapou, bĂ©tail humain de ce ShĆzĆ Numa, son parfum sulfureux (gimi no warusa), lâexceptionnelle inspiration de ce roman et la forte imagination de son auteur. Nous nous retrouvions quatre ou cinq fois lâan Ă cette pĂ©riode (1957) Ă deux ou trois pour discuter et Mishima : "Toi qui lis Kitan Club, as-tu lu Yapou, bĂ©tail humain, cette histoire incroyable que publie cette revue ?" Ăvidemment, je la lisais. Mais ce qui mâintĂ©ressait le plus dans ce roman Ă©tait la partie concernant la machine Ă remonter le temps (time machine) de cette sociĂ©tĂ© du futur dĂ©crit dans ce roman de science-fiction et jâai Ă©tĂ© trĂšs intriguĂ© (surpris) par la façon dont Mishima nâhĂ©sitait pas Ă recommander ce livre, car je nourrissais malgrĂ© tout certains doutes sur cette Ćuvre. Autrement dit, je nâĂ©tais prĂȘt Ă reconnaĂźtre la valeur de ce roman quâĂ lâintĂ©rieur de cet univers que reprĂ©sentait de Kitan Club. Câest pour cela que je suis au regret de dire que Yukio Mishima fut le premier Ă dĂ©couvrir (percevoir) la valeur universelle et littĂ©raire de Yapou, bĂ©tail humain[15]. »
Okuno sâexplique ensuite sur les raisons des rĂ©serves quâil avait dâabord eues concernant le livre contrairement Ă lâenthousiasme de Mishima.
« En dix ans, entre le moment oĂč jâai lu ce roman lors de ses premiĂšres publications en 1957 (shĂŽwa 32) et aujourdâhui, mon impression sâest profondĂ©ment modifiĂ©e, non pas que le roman ait changĂ© : câest moi qui ai changĂ©. Ă lâĂ©poque, je mâĂ©tais innocemment rĂ©joui de texte reprĂ©sentant le comble du masochisme et plusieurs obstacles mâavaient empĂȘchĂ© dâapprĂ©cier pleinement lâexistence heureuse des Yapous. Le premier de ces obstacles tient Ă ce nationalisme qui avait pris forme inconsciemment en moi et qui Ă©tait partagĂ© par lâensemble des Japonais durant ces dix derniĂšres annĂ©es. La fiertĂ© dâĂȘtre Japonais. Lâorgueil des Japonais dont le pays Ă©tait devenu inopinĂ©ment la seconde puissance du monde, un gĂ©ant Ă©conomique. Ce qui autrement dit correspondait Ă la dissolution du complexe dâinfĂ©rioritĂ© (inferiority complex) que nous avions envers les Blancs issus des pays dĂ©veloppĂ©s de lâOccident. Ce nationalisme prenait chez la plupart la forme de lâillusion dâun retournement de ce complexe, lâillusion que seuls les Japonais se distinguaient au sein de la race jaune. Ce qui Ă©tait dâailleurs une rĂ©alitĂ© indubitable. Jadis, je veux dire il y a plus de dix ans, jâavais acceptĂ© sans douleur aucune â je lâavais compris du point de vue du rapport homme/femme â le parti-pris du roman dĂ©crivant lâempire universel dâEHS deux mille ans plus tard comme un Ătat aristocratique composĂ© de Blancs qui plus est des descendants sĂ©lectionnĂ©s par la reine dâAngleterre oĂč les Yapous, en vĂ©ritĂ© la race jaune comprenant les barbares (Yaban) ont Ă©tĂ© dĂ©chus de leurs droits humains et sont tenus pour une tribu des singes dont le statut est infĂ©rieur Ă celui des Noirs et rĂ©duits Ă lâĂ©tat de bĂ©tail (kachikujin) au service des Blancs. Il Ă©tait Ă©vident que les Japonais avaient Ă©tĂ© un peuple infĂ©rieur. Nous avions persĂ©vĂ©rĂ© naturellement dans un complexe racial envers les anglo-saxons. VoilĂ la raison pour laquelle je ne lâavais pas ressenti il y a dix ans. Or, en relisant ce texte aujourdâhui, dix ans plus tard, sur cette question, je sens que cette fiertĂ© des Japonais nâest pas sans liens [avec ce complexe]. »
Masao Abe
Masao Abe[Note 12] analyse ce phĂ©nomĂšne en revenant sur l'insistance des Japonais Ă mettre en avant leur particularitĂ©, et sur lâimpossibilitĂ© supposĂ©e pour un non-Japonais de les comprendre[16]. Le Japon pense sa « modernitĂ© » dans le cadre de lâopposition Japonais/Occidental ,souvent reformulĂ©e sur le mode de lâopposition particulier/universel, tout en semblant refuser que lâintelligence occidentale puisse avoir une efficacitĂ© universelle qui la rende Ă mĂȘme de comprendre la singularitĂ© japonaise. La Raison serait incapable de tout rationaliser. Si cette attitude (japonaise) peut apparaĂźtre comme une tentative de sauvegarder une « identitĂ© culturelle » face au systĂšme rationaliste dâOccident que le Japon a largement adoptĂ© (administration, techniques, sciences, philosophie, voire religion), elle nâen a pas moins un effet secondaire et pervers.
Si cette « modernisation du Japon » est vĂ©cue ou prĂ©sentĂ©e comme un progrĂšs, cette attitude contribue Ă dĂ©velopper le schĂ©ma « Japonais/Occidental ou particulier/universel » en posant dâun cĂŽtĂ© « lâOccidental â lâuniversel â lâavancĂ© » et de l'autre « le Japonais â le particulier â lâattardĂ© ». Câest ce schĂ©ma, ajoute Abe, qui a sous-tendu plus ou moins tout choix culturel lorsquâil sâest agi de remplacer un Ă©lĂ©ment jugĂ© indigne (indigĂšne) par un Ă©lĂ©ment occidental (par exemple le kimono par la redingote). La consĂ©quence de cette attitude est la formation dâun « complexe dâinfĂ©rioritĂ© que lâon contracte souvent vis-Ă âvis du modĂšle » explique Masao Abe en 1970.
« Les annĂ©es dâimmĂ©diat aprĂšs-guerre offraient lâimage saisissante dâune colonisation pour ainsi dire esthĂ©tico-Ă©rotico-culturelle aboutissant, dans ses formes extrĂȘmes au cas typique du mĂąle japonais physiquement complexĂ©, en situation dâidolĂątrie aux pieds de lâorgueilleuse blonde. Cette vision que lâon rencontrait dans des magazines destinĂ©s Ă une clientĂšle spĂ©ciale (les « sado-masochistes ») et qui se retrouve sublimĂ©e dans le monumental roman de science-fiction du mystĂ©rieux auteur Shozo Numa, Kachikujin Yapoo ("Yapoo lâhomme domestiquĂ©", 1968), reprĂ©sente un cas limite de cette image, masochiste et narcissique, que le Japonais se complaĂźt parfois Ă se faire renvoyer par le miroir de lâuniversalitĂ© occidentale devant lequel il se place volontiers pour voir combien il est loin de dĂ©passer sa particularitĂ© et de se transformer selon le modĂšle occidental[17]. »
ShĆzĆ Numa va encore plus loin. Car câest prĂ©cisĂ©ment Ă une critique de la supercherie dissimulĂ©e par ce « nationalisme japonais » quâil se livre en paraissant dĂ©montrer (au-delĂ de son cas personnel) que ce nationalisme est en rĂ©alitĂ© lâexpression dâun masochisme de masse que la dĂ©faite nâa fait que rĂ©vĂ©ler, masochisme de masse qui peut se lire dans le phĂ©nomĂšne de la repentance (le pacifisme) ou dans les mouvements nĂ©gationnistes de lâHistoire. Pour ShĆzĆ Numa, la dĂ©faite de 1945 est un Ă©chec non pas seulement militaire et idĂ©ologique, mais aussi psychologique, dont les effets se font sentir dans le Japon de lâaprĂšs-guerre (« rejet du Japon » par les Japonais, fĂ©minisation des hommes japonais, libĂ©ration de la femme, culte du Blanc, sentiment dâinfĂ©rioritĂ©, dĂ©sir de reconnaissance). Selon ShĆzĆ Numa, lâavĂšnement de ce Japon « moderne », incarnĂ© dans le roman par la figure de Rinichiro, est une construction idĂ©ologique qui aura manquĂ© son objectif, mais en aura pourtant atteint un autre : lâaliĂ©nation totale du Japon Ă lâOccident (aux Blancs).
Il sâagit dâen tirer les consĂ©quences. Lâauteur utilise pour ce faire le procĂ©dĂ© de la science-fiction pour mieux dĂ©noncer ce masochisme (compris comme dĂ©sir de soumission, mais Ă©galement comme inaugurant la seule attitude pouvant servir Ă dĂ©noncer le fort) Ă la source de lâesprit de sacrifice et de loyautĂ© du Japonais « moderne » (Ă©thique du bushidĂŽ) qui survit Ă la dĂ©faite. Cette Ă©thique du bushidĂŽ (pĂ©trie de confucianisme) nâaura en dĂ©finitive rĂ©ussi quâĂ conduire toute une gĂ©nĂ©ration Ă la mort. Le parti pris du roman de « dĂ©montrer » que cette « culture » ou « cette identitĂ© » japonaises ne sont en rĂ©alitĂ© quâun « don » ou une construction (des Occidentaux) en vue de « domestiquer » les Japonais devient ainsi la consĂ©quence directe de la soi-disant « lutte des races »[Note 13] qui caractĂ©rise la marche du monde depuis la fin du XIXe siĂšcle.
Notes et références
Notes
- Le titre kachikujin yapĆ« renferme un nĂ©ologisme formĂ© de kachiku 柶ç bĂȘte, animal et de jin äșș homme, Yapou, bĂ©tail humain ou domestic yapoo comme le propose Ă©galement une traduction anglaise de lâexpression proposĂ©e par lâadaptation manga de Ishinomori. Le nĂ©ologisme yapĆ« est une allusion aux Yahoos de Jonathan Swift dans Les Voyages de Gulliver
- Oniroku Dan ćŁéŹŒć (nĂ© en 1931), Ă©crivain, scĂ©nariste, il est lâauteur trĂšs populaire de romans sadomasochistes. adaptĂ©s au cinĂ©ma entre autres par la firme Nikkatsu dans sa sĂ©rie « Roman porno ». Son roman le plus cĂ©lĂšbre est Hana to hebi (la fleur et le serpent) qui paraĂźt dans la revue Kitan Club en 1961.
- ăæŠćŸăźæ„æŹäșșăæžăăèŠłćż”ć°èȘŹăšăăŠăŻç”¶é ă ăăă. Dialogue entre Yukio Mishima äžćł¶ç±è”·ć€« et ShĆ«ji Terayama ćŻșć±±äżźćž paru dans la revue Shio (æœź), en juillet de lâannĂ©e shĂŽwa 45. (1970) Erosu ha teiko no kyoten ni naieru ka (« Eros peut-il devenir un point de rĂ©sistance ? ») p 671-688, in Ketteiban Mishima Yukio zenshĂ» <40> (Ćuvres complĂštes de Yukio Mishima), volume 40, Ă©dition Shishosha, 2004. Mishima : Ă ce propos, avez-vous lu « Yapou, bĂ©tail humain » ? Terayama : Oui, câest trĂšs intĂ©ressant. Mishima : Ce qui mâa vraiment exaspĂ©rĂ©, câest que Takeo Okuno a Ă©crit dans sa postface que je mâĂ©tais mis Ă dĂ©tester ce roman depuis que jâavais fondĂ© la « sociĂ©tĂ© du bouclier ». Je ne suis pas aussi stupide. Ce que je dĂ©teste, câest ce rapport familier quâont les Japonais dâaujourdâhui avec ce roman. Câest probablement le plus grand roman idĂ©ologique quâun Japonais ait jamais Ă©crit aprĂšs-guerre. Terayama : Oui, dâailleurs ça mâĂ©cĆure quâavec cette prĂ©sentation, ce soit devenu un best-seller. Mishima : Les illustrations devraient ĂȘtre beaucoup plus rĂ©alistes. Ce cĂŽtĂ© abstrait ne colle pas du tout au projet. Mais si elles Ă©taient plus rĂ©alistes, il y aurait sans doute des problĂšmes avec la censure. Terayama : MĂȘme si ce nâest pas dessinĂ© trĂšs habilement, ce cĂŽtĂ© Ă la fois rĂ©aliste et maladroit nâest finalement pas plus mal. Le fait que toutes les illustrations de cette revue Ă©rotique Ă©ditĂ©e clandestinement soient plutĂŽt rĂ©alistes et assez mĂ©diocres les rendent encore plus Ă©rotiques. Mishima : Un rĂ©alisme digne de magazines pour adolescent est important pour un roman tel que Yapou, bĂ©tail humain. Ce qui retient mon intĂ©rĂȘt dans ce roman, le prĂ©supposĂ© sur lequel il repose, est quâil prouve que le monde va changer. Ce que lâon dit en gĂ©nĂ©ral du masochisme et qui repose sur le prĂ©supposĂ© que lâhumiliation est une jouissance, et Ă partir de lĂ quelque chose peut commencer. Et quand ça commencera, cela prendra la forme dâun systĂšme recouvrant le monde entier. Plus personne ne pourra alors rĂ©sister Ă ce systĂšme thĂ©orique. Tout finira par y ĂȘtre englobĂ©, la politique, lâĂ©conomie, la littĂ©rature, la morale. Ce roman dĂ©crit cette terreur. Terayama : Câest vraiment rare de constater qu'un tel texte, malgrĂ© son inspiration (idĂ©e de dĂ©part), rĂ©ussisse Ă rester un roman sensuel et Ă ne jamais prendre la forme dâune allĂ©gorie. Normalement, avec un tel point de dĂ©part, le roman aurait dĂ» virer Ă la SF. Jâai dâailleurs fini par le lire en oubliant les « yahoo » de Swift. (Traduction - en partie modifiĂ©e - du japonais par Sylvain Samson)
- Yoshio KĆ (ćș·èłć€«) nĂ© en 1937 Ă Tokyo est un producteur d'Ă©vĂ©nements de toute sorte. On lui doit au Japon, aussi bien la venue du boxeur Mohamed Ali que celles de musiciens de jazz comme Sonny Rollins ou Miles Davis, ou encore la tournĂ©e d'Oliver, un chimpanzĂ© prĂ©sentĂ© comme le chaĂźnon manquant entre l'homme et le singe. KĆ est Ă©galement l'organisateur d'une expĂ©dition partie Ă la recherche du monstre du loch Ness
- Tatsuhiko Shibusawa (æŸæŸ€éŸćœŠ 1928-1988), Ă©crivain et critique dâart. Traducteur et introducteur de littĂ©rature française au Japon. Il traduit Jean Cocteau (Le Grand Ăcart) mais câest surtout sa traduction de LâHistoire de Juliette ou les prospĂ©ritĂ©s du vice (Akutoku no sakae, 1959) qui lui vaut en 1960 un procĂšs pour « obscĂ©nitĂ© publique » qui sera appelĂ© au Japon Sado saiban (le « procĂšs Sade » dont semble sâĂȘtre inspirĂ© ShĆzĆ Numa dans le volume III de Yapou, bĂ©tail humain avec le procĂšs Rick). Durant le procĂšs, des auteurs tels que OĂ© KenzaburĂŽ, ShĆ«saku EndĆ, Ooka Shohei, tĂ©moignĂšrent en sa faveur. En 1969 au bout de neuf annĂ©es dâinstruction, il est condamnĂ© Ă une amende dont le montant dĂ©risoire (70 000 yens) provoque la colĂšre de lâintĂ©ressĂ©. Shibusawa Ă©tait un ami de Yukio Mishima. Sa biographie du marquis de Sade servit de base Ă la piĂšce de thĂ©Ăątre Madame de Sade de Mishima. Shibusawa est Ă©galement lâintroducteur de Georges Bataille au Japon dont il traduit et prĂ©sente LâĂrotisme.
- Yutaka Haniya ćŽè°·éé«(1909-1997), Ă©crivain prolifique, rĂ©compensĂ© par le prix Tanizaki en 1970 pour son recueil de nouvelles intitulĂ© Yami no naka no kuroi uma, (Chevaux noirs dans les tĂ©nĂšbres). Il est le fondateur de la revue Kindai bungaku (littĂ©rature moderne) qui dĂ©couvrit et publia Abe KĂŽbĂŽ. Il faisait partie dâun groupe dâavant-garde appelĂ© Yoru no kai (le groupe de la nuit).
- Takeo Okuno ć„„éć„ç· (1926-1997), universitaire et critique littĂ©raire, auteur de nombreux essais dont un Daizai Osamu, un Sakaguchi AndĆ, Topologie de la littĂ©rature (bungaku no topoloji), La LĂ©gende de Yukio Mishima (Mishima Yukio no densetsu), La Structure du ma (ma no kĂŽzĂŽ), Les « Paysages originaux » dans la littĂ©rature (bungaku ni okeru genfĂ»kei).
- Il sâagirait de Takuji Kurata ćç°ćæŹĄ (1922-2011), magistrat jusquâen 1982, avocat depuis, spĂ©cialisĂ© dans les affaires concernant des accidents de la route. Il est lâauteur de plusieurs ouvrages sur ces matiĂšres mais aussi en 1972, dâun Rosenberugu shyĂŽmei sekininron (Discours sur les preuves de la responsabilitĂ© de Rosenberg) et une sĂ©rie de livres intitulĂ©e Saibankan no shosai (Le bureau du juge) entendu comme « le lieu oĂč on lit des livres », sĂ©rie dans laquelle il prĂ©sente et commente ses lectures prĂ©fĂ©rĂ©es.
- Tetsuo Amano 怩éćČ怫(1926-2008 ), Ă©crivain et critique littĂ©raire.
- « Plaisir sexuel lié à une douleur ressentie ou suscitée » (Larousse) [lire en ligne (page consultée le 31 janvier 2021)]
- æăçŸçćœæ°ăăéăçŽćžŻ(ăĄă ăăă)ăăç”ć§çžäșăäżĄé ŒăæŹæ>ăăäŸăȘăç”ăăŹăćăă«ç„話ăäŒèȘŹăăäŸăȘăçăŒă«ăąăăé(ăă)ășăLes liens Nous unissant Ă Notre peuple ont toujours reposĂ© sur une confiance et une affection respectueuse mutuelles : ils nâont jamais dĂ©pendu de mythes ou de lĂ©gendes. 怩çăČ仄ăçŸćŸĄç„(ăăă€ăżăăż)ăă·ăäž(ăă€)æ„æŹćœæ°ăČ仄ăä»ăæ°æăćȘè¶ă»ă«æ°æăă·ăă滶(ăČă)ăäžçăČæŻé ăčăăéćœăČæăčăăæ¶ç©șăă«èŠłćż”ăćșăŻăąăăăąéășăAucune idĂ©ologie ne permet dâaffirmer que lâempereur est un dieu vivant en ce monde et que le peuple japonais est supĂ©rieur aux autres et quâil a pour destin de les gouverner. (Extrait du Rescrit impĂ©rial sur la construction du nouveau Japon. .)
- Yoshio Abe, nĂ© en 1932, professeur adjoint de littĂ©rature française Ă lâuniversitĂ© de Tokyo. AttachĂ© au CNRS (1966-1970), Ă©tudes sur Baudelaire publiĂ©es dans la Revue de lâArt, French Studies, etc.
- Illustrée par la rhétorique du « péril jaune » en Occident au tournant du XXe siÚcle.
Références
- La Chute, traduction française par Yves-Marie Allioux et Yamada Minoru, in Cent ans de pensée au Japon, tome I, Arles, éditions Philippe Picquier, 1996.
- Oé KenzaburÎ, Notes de Hiroshima, traduit par Dominique Palmé, Paris, édition Gallimard, 1996.
- Philippe Pons, « Le cauchemar de Shozo Numa », sur lemonde.fr, (consulté le )
- ShĆzĆ Numa, postface Ă lâĂ©dition Toshi (1970), in Yapou, bĂ©tail humain, volume 1, p 433, Ă©ditions DĂ©sordres- Laurence Viallet, 2005.
- Takeo Okuno, postface Ă lâĂ©dition Toshi, 1970.
- Revue Shinshio æ°æœź, fĂ©vrier 2009, p. 254.
- ShĆzĆ Numa, postface Ă lâĂ©dition Ota, in kachikujin yapĂ», volume I, Ă©ditions Gentosha Outlaw, p 350, ou Yapou bĂ©tail humain, volume III Ă©dition DĂ©sordres, Laurence Viallet, 2007, p 537. Voir aussi Takeo Okuno, kachikujin yapĂ» dentetsu (la lĂ©gende de Yapou, bĂ©tail humain), Ă©dition Toshi, fĂ©vrier 1970, reprise dans lâĂ©dition dĂ©finitive parue aux Ă©ditions gentosha outlaw, 1999, volume I, page 353. cf la revue Shinshio æ°æœź, fĂ©vrier 2009, p 254
- ShĆzĆ Numa, Postface au volume 1 de lâadaptation manga de Egawa Tatsuya, Yapou, bĂ©tail humain, 2007 ([Postface de lâĂ©dition Toshi, 1970]).
- Le site en japonais de la bibliothĂšque propose la consultation en ligne des sommaires de la revue.
- « Ăa se passe comme Sade », sur LibĂ©ration, (consultĂ© le )
- Nihon kindai bungaku daijiten (Le Grand Dictionnaire de la littĂ©rature moderne (æ„æŹèżä»ŁæćŠć€§èŸć ž) ShĆwa 53 (1978) Ă©ditions Kodansha (èŹè«ç€Ÿćșç) 3e tome (ni-wa), p 23,24
- Nihon gendai bungaku daijiten (Le Grand Dictionnaire de la littĂ©rature japonaise contemporaine (æ„æŹçŸä»ŁæćŠć€§äșć ž) Ă©ditions Meiji ShobĂŽ (ææČ»æžæż), 1994. Article Kachikujin yapĂ», p 171 dans le rĂ©pertoire des Ćuvres (äœćçŻ). Article ShĆzĆ Numa, p 265 du rĂ©pertoire des auteurs (>äșșćă»äșé ç·š).
- Nihon gendai shosetsu daijiten, (Le grand dictionnaire des romans japonais contemporain), sous la direction de Asai Kiyoshi et SatĂŽ Masaru, Ă©ditions Meiji ShobĂŽ. p 222-223ăæ„æŹçŸä»Łć°èȘŹć€§èŸć žăææČ»æžæżïŒćčłæïŒïŒïŒïŒïŒïŒïŒ ç·šé æ” äșæž ïŒäœè€ć.
- Takeo Okuno, kachikujin yapĂ» dentetsu (la lĂ©gende de Yapou, bĂ©tail humain), Ă©dition Toshi, fĂ©vrier 1970, reprise dans lâĂ©dition dĂ©finitive parue chez aux Ă©ditions Gentosha Outlaw, 1999, volume I, page 353.
- Masao Abe, « La culture japonaise Ă la recherche de son identitĂ© », Esprit, no 421,â , p. 295-314 (lire en ligne)
- Masao Abe, « La culture japonaise Ă la recherche de son identitĂ© », Esprit, no 421,â , p. 302.
Bibliographie
Les diverses Ă©ditions
- 1956 Ă 1959 : parution en feuilletons dans la revue Kitan Club
- 1970 : premiĂšre publication aux Ă©ditions Toshi (éœćžćșç)
- 1972 : rĂ©Ă©dition dâune version corrigĂ©e et augmentĂ©e aux Ă©ditions Toshi (éœćžćșç)
- 1975 : Ă©dition Shubbansha (ćșćžç€Ÿ)
- 1984 : Ă©dition limitĂ©e chez Kadogawa (è§ć·æžćș)
- 1988-1991 : parution dans la revue SM-Sniper
- 1991 : nouvelle Ă©dition corrigĂ©e et augmentĂ©e aux Ă©ditions Sukola (ăčăłă©ç€Ÿ)
- 1991 : une Ă©dition complĂšte aux Ă©ditions Million (ăăȘăȘăłćșç)
- 1993 : Ă©dition en trois volumes aux Ă©ditions OTA (ć€Șç°ćșç)
- 1999 : Ă©dition complĂšte et dĂ©finitive aux Ă©ditions gentosha outlaw (ćč»ćŹèăąăŠăăăŒæćș«) en poches et cinq volumes
Adaptations sous forme de manga
- 1971 : Gekiga Kachikujin YapĂ», par ShĆtarĆ Ishinomori, aux Ă©ditions Toshi (éœćžćșç)
- 1983 : reprise aux Ă©ditions Tatsumi (èŸ°ć·łćșç)
- 1984 : Kachikujin yapĂ», akumu no nihon-shi (« Yapou, bĂ©tail humain, le cauchemar de lâhistoire du Japon »), par Sugar Sato aux Ă©ditions Tatsumi (èŸ°ć·łćșç)
- 1993 : Kachikujin yapĂ», kairaku no cho SM Bunmei (« Yapou, bĂ©tail humain, la super civilisation SM du plaisir ») aux Ă©ditions Tatsumi (èŸ°ć·łćșç)
- 1994 : Kachikujin yapĂ», mujyoken no kĂŽfuku (« Yapou, bĂ©tail humain, une reddition sans condition ») aux Ă©ditions Tatsumi (èŸ°ć·łćșç)
- 2003 : Kachikujin yapĂ», nouvelle adaptation par Tatsuya Egawa aux Ă©ditions GentĂŽsha (ćč»ćŹè) Neuf tomes, dont un traduit en français aux Ă©ditions Kami : commentaire biblio SRL
Adaptations théùtrales
- 18- et par la troupe Gesshokukageikidan (æéŁæććŁ Â« lâopĂ©ra de lâĂ©clipse lunaire »)
Traduction en français
- Yapou, bĂ©tail humain : roman (trad. du japonais par du japonais par Sylvain Cardonnel), Paris, Ăditions DĂ©sordres / Laurence Viallet, t. 1 : 2005 / t. 2 et 3 : 2007, T. 1: 445 / T. 2: 376 / T. 3: 540 (ISBN 978-2-268-05566-4, 978-2-268-05986-0 et 978-2-268-06280-8)
- RĂ©Ă©dition en un seul volume, avec annexes inĂ©dites de l'auteur et du traducteur, Ăditions Laurence Viallet, 2022 (ISBN 978-2-918034-00-1).
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Ressource relative à la littérature :
- Site sur la littérature japonaise
- Site de l'Ă©diteur