Valeur d'adhérence
En topologie, si (un)nââ est une suite Ă valeurs dans un ensemble E, une valeur d'adhĂ©rence de la suite (un) est un point de E prĂšs duquel s'accumulent une infinitĂ© de termes de la suite. Pour donner un sens mathĂ©matique Ă cela, il faut pouvoir mesurer la proximitĂ©, ce qui nĂ©cessite de munir E d'une topologie. La notion de valeur d'adhĂ©rence dĂ©pend alors de la topologie choisie. Dans un espace oĂč tout point admet une base dĂ©nombrable de voisinages (c'est le cas notamment dans un espace mĂ©trique, comme â ou â) les valeurs d'adhĂ©rence d'une suite sont les limites de ses suites extraites. Cette derniĂšre propriĂ©tĂ© est souvent prise comme dĂ©finition d'une valeur d'adhĂ©rence, mais n'est cependant pas Ă©quivalente Ă la dĂ©finition la plus gĂ©nĂ©rale.
Cas des suites réelles
Définition et caractérisation
Soient (un)nââ une suite rĂ©elle et y un nombre rĂ©el, on dit que y est une valeur d'adhĂ©rence de (un) si
- pour tout réel , l'ensemble est infini
ou, ce qui est Ă©quivalent, si
- pour tout réel , .
Le fait que â est un espace mĂ©trique permet de caractĂ©riser plus simplement les valeurs d'adhĂ©rence d'une suite rĂ©elle (voir infra) : y est une valeur d'adhĂ©rence de (un) si et seulement si
- il existe une sous-suite de (un) qui converge vers y.
Exemples
- La suite ((â1)n) admet 1 et â1 comme valeurs d'adhĂ©rence. En effet, les termes pairs sont constants Ă 1 et les termes impairs constants Ă â1.
- La suite (sin(n)) admet l'intervalle [â1, 1] comme ensemble de valeurs d'adhĂ©rence. Ceci rĂ©sulte du fait que †+ 2φest dense dans â.
- La suite ((â1)nn) n'admet pas de valeur d'adhĂ©rence dans â. Mais dans la droite rĂ©elle achevĂ©e, la mĂȘme suite admet +â et ââ comme valeurs d'adhĂ©rence.
- La suite ((â1)nn + n) admet 0 comme unique valeur d'adhĂ©rence mais ne converge pas. Dans la droite rĂ©elle achevĂ©e, la mĂȘme suite admet +â et 0 comme valeurs d'adhĂ©rence.
Cas général
La notion de valeur d'adhĂ©rence d'une suite dans un espace topologique gĂ©nĂ©ralise celle de valeur d'adhĂ©rence d'une suite rĂ©elle sous sa formulation propriĂ©tĂ© 2, laquelle signifiait, dit informellement, que chaque intervalle ]y â Δ, y + Δ[ contient « une infinitĂ© de termes » de la suite.
DĂ©finitions
DĂ©finition â Soient E un espace topologique, (un)nââ une suite d'Ă©lĂ©ments de E et y un Ă©lĂ©ment de E.
On dit que y est une valeur d'adhérence de la suite (un) si, pour tout voisinage V de y, il existe une infinité d'indices n tels que un appartienne à V.
Ceci équivaut à dire que y est dans l'adhérence de chacun des ensembles {un, n ℠N}.
Intuitivement, la suite repasse aussi prÚs que l'on veut de la valeur d'adhérence pour des indices arbitrairement grands. (C'est une condition plus forte que de demander que y soit adhérent à l'image de la suite, i.e. à {un, n ℠0}.)
Une condition évidemment suffisante mais non nécessaire est que tout voisinage de y contienne une infinité[1] de valeurs de la suite, c'est-à -dire que y soit un point d'accumulation de l'image.
Une autre condition suffisante est l'existence d'une sous-suite de (un) qui converge vers y[2]. Cette derniÚre condition est également nécessaire si l'espace E est métrisable[3] ou plus généralement à bases dénombrables de voisinages[4].
Plus gĂ©nĂ©ralement[5], si f est une application d'un ensemble A dans un espace topologique E et si â± est un filtre sur A, on dit qu'un Ă©lĂ©ment y de E est une valeur d'adhĂ©rence de f suivant â± s'il est adhĂ©rent au filtre image, c'est-Ă -dire si y est adhĂ©rent aux images par f de tous les Ă©lĂ©ments de â±. Le cas des suites correspond au filtre de FrĂ©chet sur â. Un autre cas important[6] est celui du filtre des voisinages d'un point a de A, si A est muni d'une topologie : on dit alors que y est une valeur d'adhĂ©rence de f au point a (si a est seulement un point adhĂ©rent Ă A dans un espace topologique ambiant, on remplace les voisinages de a par leur trace sur A[7]).
Exemples
- Les valeurs d'adhĂ©rence au point 0 de la fonction numĂ©rique x ⊠sin(1/x) sont tous les rĂ©els compris entre â1 et 1 (voir Courbe sinus du topologue).
- Dans l'espace d'Arens-Fort â qui est l'ensemble â2 muni d'une topologie particuliĂšre â le point (0, 0) est valeur d'adhĂ©rence de toute suite exhaustive d'Ă©lĂ©ments de â2\{(0, 0)} mais n'est limite d'aucune sous-suite.
Ensemble des valeurs d'adhérence
Les exemples montrent que l'ensemble des valeurs d'adhĂ©rence d'une suite peut ĂȘtre vide ou avoir un ou plusieurs Ă©lĂ©ments, voire une infinitĂ©.
Cet ensemble F est toujours fermé. En effet, la formulation ensembliste de la définition ci-dessus est
(oĂč A dĂ©signe l'adhĂ©rence de A), ce qui montre que F est fermĂ©, comme intersection de fermĂ©s.
Dans un espace dénombrablement compact, cet ensemble est toujours non vide et s'il est réduit à un élément y alors la suite converge vers y. Dans un espace quasi-compact, cette non-vacuité et cette condition suffisante de convergence s'étendent à un filtre quelconque.
Dans le cas d'une suite Ă valeurs dans â, le plus petit et le plus grand Ă©lĂ©ment de ce fermĂ© sont respectivement les limites infĂ©rieure et supĂ©rieure de la suite.
Notes et références
- Lorsque E est un espace T1, en particulier lorsque c'est un espace séparé (comme la plupart des espaces topologiques usuels), il suffit pour cela que tout voisinage de y contienne au moins un un distinct de y. La définition peut donc, dans un tel espace, se reformuler en : les valeurs d'adhérence d'une suite sont les points limites de son image, ainsi que les valeurs qu'elle prend une infinité de fois.
- Pour une dĂ©monstration, suivre le lien (voir infra) vers WikiversitĂ© ou voir Pierre Colmez, ĂlĂ©ments d'analyse et d'algĂšbre (et de thĂ©orie des nombres), Palaiseau, Ăditions de l'Ăcole polytechnique, , 469 p. (ISBN 978-2-7302-1563-3, lire en ligne), p. 63.
- Pour une démonstration, voir Colmez 2009, p. 63 ou « Valeurs d'adhérence d'une suite » dans .
- Cette condition est aussi nécessaire dans un espace T1 de Fréchet-Urysohn. Elle ne l'est pas dans l'espace d'Arens, qui est normal mais seulement séquentiel.
- N. Bourbaki, ĂlĂ©ments de mathĂ©matique, livre III : Topologie gĂ©nĂ©rale [dĂ©tail des Ă©ditions], p. TG I.48 sur Google Livres.
- Bourbaki, p. TG I.49.
- Bourbaki, p. TG I.50.