Un dewezh 'barzh 'gêr : Journée à la maison
Un dewezh 'barzh 'gêr - Journée à la maison est le dixième album original d'Alan Stivell et son huitième album studio, paru en 1978. En Espagne, il est sorti sous le nom Una jornada en casa et en CD sous le nom anglais A home-coming en 1988 par Disques Dreyfus. Sur le plan musical, c'est un album plus acoustique par l'utilisation d'instruments occidentaux, orientaux et celtiques, qui s'expriment bien souvent librement, dans un esprit convivial.
Journée à la maison
Sortie | 1978 |
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Enregistré | Studio Aquarium (Paris) |
Durée | 34 minutes (approx.) |
Genre | chanson bretonne, musique bretonne, musique celtique |
Format | 33 tours |
Label | Keltia III / CBS |
Albums de Alan Stivell
Démarche artistique
Enregistré chez lui à Langonnet et à Paris, en compagnie de quelques amis, Alan Stivell chante sur ce disque avec l'accent de Langonnet[1]. Journée à la maison semble ainsi être une suite logique à E Langonned, et pourtant, Alan Stivell n'était pas dans le même esprit : « C'est le plus violent de tous mes disques ; il renferme beaucoup d'harmonies dissonantes, un côté très électrique. J'étais d'ailleurs moi-même très électrique, car je voulais répondre à une partie du public qui avait saboté certains de mes concerts, et qui avait sali tout ce que j'avais essayé de faire. Ce qui avait eu pour conséquence de décevoir certaines personnes qui commençaient à prendre conscience de l'intérêt de toute la culture bretonne. À cela s'ajoutait la défaite de la gauche en 1977, donc une certaine déception et une grande tristesse. Mais aussi une volonté de continuer dans la voie que je m'étais tracée. »[2]
Il s'agit là d'une petite pause acoustique ; un album méconnu mais très réussi, intéressant d'une part pour le côté improvisé inédit de presque la moitié de ses titres, mais pas seulement. Une journée reposante pour se ressourcer, parmi des airs traditionnels et un air familier, avant les grands événements qui l'attendent (tournées internationales, œuvre magistrale intitulée Symphonie celtique : Tír na nÓg). Dans Racines interdites, le musicien déclara, à propos de ce disque, qu'il était « une sorte de parenthèse. Le besoin s'exprime de manière plus détendue, plus spontanée, sans rien avoir à prouver [...] Il correspond à l'une des phases introspectives de la spirale[3]. » N'ayant jusque-là jamais utilisé l'accordéon dans ses musiques, qui se basent principalement sur les gammes non tempérées, il l'utilise sur un titre en duo avec un violoncelle, « car je n'aime aucun ostracisme (rires) »[4].
Parutions et réception
Le disque sort en 1978 chez CBS (futur Sony Music). En 1978, il sort également en Australie sous le nom A Day at Home par le label Philips, en Espagne (Una jornada en casa) par Guimbarda Zafiro, en Allemagne par Métronome (Warner), en Italie par PDU[5]. En 1988, il est édité en supports CD et cassette par son nouveau label Dreyfus, avec une nouvelle pochette et le nom A Home-coming, sous-titré Journée à la maison[6].
Jacques Vassal dans Rock & Folk | |
« Éviter de se répéter tout en restant fidèle à un enracinement, n'est-ce pas là un but à atteindre pour un musicien populaire ? » [1] |
En 1978, dans la revue Rock & Folk, le journaliste Jacques Vassal en parle ainsi : « Pour son premier disque chez CBS, Alan Stivell s'offre une sorte de récréation. [...] L'artiste évoque le partage des plaisirs simples et vrais, amour, amitié, rire, boisson, mais aussi certaines luttes récentes de leur peuple, qui font déjà partie de la tradition d'aujourd'hui. Alan chante ici avec l'accent de Langonnet, et non plus en breton « officiel ». [...] "Dewezh'barzh'gêr" est l'un des plus beaux disques de Stivell, mais aussi l'un des plus intéressants en musique populaire. Cet artiste confirme qu'il est un vrai créateur, explorant inlassablement d'autres rivages. Éviter de se répéter tout en restant fidèle à un enracinement, n'est-ce pas là un but à atteindre pour un musicien populaire ? »[1]. L'artiste confirme ce constat, en disant dans la revue Rock Hebdo en , qu'« une évolution n'est pas un déplacement mais un élargissement. Ce qui veut dire que je laisserais pas tomber la musique traditionnelle ». Quant à Vincent Elvrett du journal Rock en stock, il écrit qu'« Alan Stivell est le musicien le plus pur et le plus accompli que la terre bretonne ait jamais enfanté. Il sait travailler dans tous les registres sans jamais quitter les sources celtiques de sa musique. "Journée à la maison" marque un retour vers les airs et les chants traditionnels. »[7]
Caractéristiques artistiques
Description des morceaux
- Trinquons nos verres
- Air traditionnel de Haute-Bretagne qui appelle à la bonne humeur et à la paix. La répétition du thème par le dédoublement de la bombarde est survolée par la flûte traversière, qui donne une couleur « jazzy »[8].
- Ar Wezenn avaloù (« Le Pommier »)
- Cet air traditionnel bien connu en Haute-Cornouaille (Kernev-Uhel), démarre a cappella par la voix du barde – à laquelle se mêlent des sonorités de sitar et de tampura sur les couplets suivants – Un certain Yann ar zoner (Jean le sonneur) se plaint de la disparition d'un pommier, qui donnait... un si bon cidre[9].
- Henchou kuzh (« Chemins invisibles »)
- Improvisation musicale où la harpe répond aux instruments extrême-orientaux à cordes (sitar et tampura) et aux percussions assurées par Hayward.
- Tabud Kemper (« Manifestation à Quimper »)
- Chanson politique et sociale en kan ha diskan interprétée avec Yann-Jakez Hassold, qui évoque en breton les manifestations paysannes des années 1960 : « Ils voulaient montrer aux gens du gouvernement / Combien la vie est cruelle pour le pauvre paysan […] D'une année à l'autre les choses empirent / C'est pourquoi à Quimper il y avait des jeunes au sang chaud ». Il conclut par « Je pense que le jour viendra où la Bretagne sera dirigée / Par les Bretons eux-mêmes, et ce sera normal. / Ce jour-là, le travailleur dans les champs ou en ville / Fera ses lois lui-même dans une grande maison de Quimper. »[10]
- Warlec'h koan (« Après-dîner »)
- Autre improvisation, qui achève la première face du disque, à la fin de laquelle Stivell dialogue en chantant avec la flûte de Chris Hayward[11].
- An Try Marrak (« Les Trois Chevaliers »)
- Chanson de la Cornouailles britannique douce et tragique accompagnée à la harpe, mettant en scène trois chevaliers aimant une belle dame qu'assassine son frère Jean en la poignardant. La présence du violoncelle et de l'accordéon n'est pas fréquente chez l'artiste. La voix semble aussi épouser les vallons et les côtes rocheuses de cette pointe d'Angleterre où l'on parle cornique : à l'écoute du drame chanté, se dessinent les trois chevaliers – celui tout de blanc vêtu venant vers la jeune fille « comme un soupirant », celui tout de vert vêtu s'offrant à être « son cher compagnon » et le troisième, tout de rouge vêtu, « voulant prendre sa précieuse virginité » – chevauchant à travers les bocages, les prairies que les moutons ponctuent de blanc, avec en arrière-plan ce bleu délicat où se fondent le ciel et l'océan[12].
- Tal An Tan (« Face à l'âtre »)
- Ce moment instrumental qui suit permet de prolonger la méditation en suivant l'arpège lancé par Alan Stivell sur le même mode mélodique mais en plus aigu, avec des interventions de Chris Hayward (flûte, percussion) et des cordes[13].
- An Nighean Dubh (« La Fille aux cheveux noirs »)
- Traditionnel écossais des îles Hébrides : le narrateur – un marin – y raconte joyeusement qu'il s'est « amusé avec la fille aux cheveux noirs après [s'] être levé le matin ». La flûte traversière est encore bien présente, rejointe par la cornemuse avant que la harpe ne conclue[14].
- Slán Chearbhallain (« L'Adieu d'O'Carolan »)
- Reel traditionnel irlandais (O'Carolan's Farewell en anglais) en hommage au célèbre compositeur irlandais, l'harpiste aveugle Toirdhealbhach Ó Cearbhalláin (Turlough O'Carolan en anglais) (1675-1740), contemporain de J-S Bach. Morceau interprété uniquement à la harpe[15].
Pochette et disque
Sur la pochette, Alan Stivell, dont le nom est encore stylisé, est assis sur le seuil de sa maison de pierre, jouant du dulcimer près d'un rosier en fleurs que l'on retrouve au dos de la pochette, en pull noir sur lequel se détache le fameux grand triskell, en jean et espadrilles, cheveux longs et barbe noire.
La démarche du musicien est alors la même que celle, par exemple, de la poète occitane Marcelle Delpastre : être ancré en un lieu précis, mais en faire un centre du monde et donc l'ouvrir à l'universel.
Fiche technique
Liste des morceaux
Toutes les musiques sont des arrangements ou des improvisations d'Alan Stivell.
Équipe artistique
- Alan Stivell : chant, harpes celtiques, cornemuse écossaise, bombarde, flûte irlandaise, piano
- Chris Hayward : flûte traversière, percussions
- Marc Perru : guitare acoustique
- Michel Valy (dit Mikael Ar Valy) : basse
- Hervé Derrien : violoncelle
- Claude Nicault : accordéon
- Yann-Jakez Hassold : chant
- Jean-Claude Oliver : sitar
- Michel Delaporte : tampura
Équipe technique
- Production : Alan Stivell (pour Keltia III)
- Arrangements : Alan Stivell
- Enregistrement et mixage : Gilbert Grenier (Studio Aquarium/Geneix, Paris)
- Gravure : Christian Orsini (Translab)
- Photographes : Patrice Pascal, Salut, Claude Jarroir
- Direction d'art : Maximillian
- Mastering digital effectué à partir de l'enregistrement original par Yves Delaunay et Patrice Decomarmon (Dyam Music, CD Dreyfus)
Notes et références
- Culture et Celtie, dossier Stivell
- Erwan Le Tallec, Discographie commentée, Paroles et Musiques no 27, février 1983
- J. Erwan et M. Legras, Racines interdites, p. 131
- Dominique Le Guichaoua, « Alan Stivell », Trad Magazine, no 100, , p. 5.
- Discographie internationale, Harpographie.fr
- Notice bibliographique A Home-coming, catalogue du site de la Bibliothèque nationale de France (catalogue.bnf.fr)
- Alan Stivell ou l'itinéraire d'un harper hero, p. 122
- "Trinquons nos verres", musique mise en ligne sur YouTube par KBBZH
- Paroles de "Ar Wezenn awalou" (Le pommier) sur le site Culture & Celtie
- Bourdelas 2012, p. 172
- Jacques Vassal, « Un dewezh'barzh'gêr », Rock & Folk, , p. 99 (lire en ligne)
- Bourdelas 2012, p. 173
- Chronique de l'album sur nightfall.fr
- Paroles traduites en anglais de The Dark-haired Girl, sur celticlyricscorner.net
- Folk Harp Journal, 1980, p. 4
Voir aussi
Bibliographie
- Laurent Bourdelas, Alan Stivell, Brest, Éditions Le Télégramme, , 336 p. (ISBN 978-2-84833-274-1 et 2-84833-274-3, OCLC 796785429), p. 171-174 : réédition 2017, Le Mot et le Reste (ISBN 2360544551)
- Anny Maurussane et Gérard Simon, Alan Stivell ou l'itinéraire d'un harper hero, Culture et Celtie, , 272 p. (ISBN 2-9526891-0-5 et 978-2-952-68910-6, OCLC 643474179)
- Alan Stivell, Jacques Erwan et Marc Legras, Racines interdites : Gwriziad difennet, Jean-Claude Lattès, coll. « Musiques & musiciens », , 224 p. (OCLC 5708907)
Articles connexes
Liens externes
- Ressources relatives à la musique :
- Site officiel
- (en) Journée à la maison sur Discogs (liste des versions d'une même œuvre)