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USS Kentucky (BB-66)

L'USS Kentucky (BB-66)[Note 1] était un navire de guerre inachevé, initialement prévu pour être le sixième et dernier membre de la classe de navires Iowa construite pour l'United States Navy. Il est le dernier cuirassé de classe Iowa construit. À l'époque de sa construction, il était le second navire de la marine américaine à avoir été baptisé en l'honneur de l'état du Kentucky. La coque BB-66 devait être initialement le second navire de la classe Montana. Toutefois, les expériences de la Navy au cours de la Seconde Guerre mondiale la menèrent à conclure que, pour escorter les porte-avions de classe Essex, elle aurait besoin de plus de navires rapides que ceux qu'elle avait déjà prévu d'avoir. En conséquence, le Kentucky fut réorienté vers un navire de classe Iowa au milieu de la guerre.

USS Kentucky (BB-66)
illustration de USS Kentucky (BB-66)
L'USS Kentucky en cours de construction. Les barbettes qui auraient dĂ» accueillir les tourelles des canons sont bien visibles.

Type Cuirassé
Classe Classe Iowa
Histoire
A servi dans Pavillon de l'United States Navy United States Navy
Chantier naval Drapeau des États-Unis Norfolk Naval Shipyard
Commandé
Quille posée
Lancement Annulé
Statut Projet annulé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, vendu pour démantèlement le
Équipage
Équipage 151 officiers et 2 637 membres d'Ă©quipage
Caractéristiques techniques
Longueur 270,43 m
MaĂ®tre-bau 32,97 m
DĂ©placement 45 000 tonnes
Vitesse 33
Caractéristiques militaires
Blindage Ceinture : 310 mm
Cloisons : 290 mm
Barbettes : de 290 Ă  440 mm
Tourelles : 500 mm
Ponts : 190 mm
Armement 9 Ă— canons de 16 pouces/50 calibres
20 Ă— canons de 5 pouces/38 calibres
80 Ă— canons antiaĂ©riens de 40 mm/56 calibres
49 Ă— canons antiaĂ©riens de 20 mm/70 calibres
Carrière
Pavillon États-Unis
Indicatif BB-66

Comme son sister-ship USS Illinois, le Kentucky était toujours en construction à la fin de la guerre et fut pris dans les coupes drastiques qui affectèrent les armées après la fin des hostilités. Sa construction fut arrêtée deux fois, périodes pendant lesquelles il servit de banque de pièces détachées de toutes sortes. En 1950, il y eut plusieurs propositions de terminer le navire en le convertissant en navire lance-missiles. Ces propositions furent abandonnées, en raison des coûts importants qu'elles impliquaient, et le navire fut finalement vendu pour la ferraille en 1958.

Contexte

Le Kentucky Ă©tait l'un des concepts de « navires rapides » prĂ©vus en 1938 par la Preliminary Design Branch au Bureau of Construction and Repair. Il devait ĂŞtre le sixième et dernier navire de la classe Iowa[1]. Comme pour ses semblables de la classe Iowa, sa construction fut initiĂ©e en rĂ©ponse au besoin de navires d'escorte rapides pour assister les porte-avions de la classe Essex. Il fut conçu en 1935, quand l'US Navy initia des Ă©tudes pour la crĂ©ation d'une classe South Dakota agrandie qui n'Ă©tait pas soumise aux restrictions du second TraitĂ© naval de Londres. Les quatre derniers navires de la classe Iowa (Missouri, Wisconsin, Illinois et Kentucky) ne furent pas autorisĂ©s Ă  la construction avant le [2], et Ă  cette pĂ©riode les Illinois et Kentucky allaient s'agrandir et devenir de plus lents navires, dotĂ©s de douze canons Mark 7 de 16 pouces[3] - [Note 2].

Construction

La batterie principale du Kentucky aurait Ă©tĂ© constituĂ©e de 9 canons de 406 mm/50 calibres Mark 7, capables de tirer des obus perce-blindage de 1 200 kg jusqu'Ă  une distance de 20 miles (32 km). Sa batterie secondaire aurait consistĂ© en 20 canons de 5 pouces/38 calibres, disposĂ©s dans 10 tourelles et qui pouvaient tirer jusqu'Ă  une distance de 10 miles (16 km). Avec l'arrivĂ©e de la puissance aĂ©rienne, et le besoin de gagner et maintenir la supĂ©rioritĂ© aĂ©rienne, vint le besoin de protĂ©ger la flotte grandissante de porte-avions alliĂ©s. Ă€ ces fins, le Kentucky devait ĂŞtre Ă©quipĂ© avec un Ă©cran de 80 canons antiaĂ©riens de 40 mm/56 calibres et 49 canons antiaĂ©riens de 20 mm/70 calibres, permettant de dĂ©fendre efficacement les porte-avions alliĂ©s des attaques ennemies[5].

La coque incomplète du Kentucky est sortie de son alvéole pour permettre à l'USS Missouri d'entrer en cale sèche pour réparations.

Comme la dĂ©fense contre les torpilles de la classe Iowa Ă©tait virtuellement la mĂŞme que celle de la prĂ©cĂ©dente classe de navires South Dakota, il fut proposĂ© que la coque du Kentucky soit redessinĂ©e pour fournir un degrĂ© de protection accru contre les torpilles au nouveau navire. Sous les schĂ©mas originaux de construction de la classe, chaque cĂ´tĂ© du navire Ă©tait protĂ©gĂ© sous la ligne de flottaison par deux rĂ©servoirs montĂ©s Ă  l'extĂ©rieur du blindage de ceinture, qui Ă©taient sĂ©parĂ©s du reste du navire par une Ă©paisse cloison. Ces rĂ©servoirs devaient thĂ©oriquement ĂŞtre vides mais, en pratique, ils auraient Ă©tĂ© remplis avec de l'eau ou du mazout. Le blindage de ceinture descendait sous la ligne de flottaison jusqu'Ă  une profondeur de 100 mm. Derrière cette portion Ă©tait placĂ© un espace vide puis une autre cloison. La coque externe Ă©tait calculĂ©e pour faire dĂ©toner une torpille, les deux caissons externes encaissant le choc et dissipant l'Ă©nergie de l'explosion, tandis que les dĂ©bris et les Ă©clats auraient Ă©tĂ© stoppĂ©s par l'espace vide et la deuxième cloison qui se trouvaient derrière la ceinture blindĂ©e. En 1939, la Navy dĂ©couvrit que ce système Ă©tait considĂ©rablement moins efficace que les systèmes de dĂ©fense anti-torpilles prĂ©cĂ©dents[6] - [7], et ajusta en consĂ©quence le dessin du Kentucky afin de lui apporter une rĂ©sistance 20 % supĂ©rieure, lui permettant Ă©galement de rĂ©duire les risques de naufrage et de voies d'eau en cas d'impact de torpille. MalgrĂ© ces souhaits exprimĂ©s par la Navy, il n'est malheureusement pas possible de dĂ©terminer si l'idĂ©e fut rĂ©ellement adoptĂ©e ou non[8].

La construction du Kentucky fut en proie Ă  des suspensions. Sa quille fut posĂ©e le au Norfolk Navy Yard, Ă  Portsmouth en Virginie[1]. Cependant, les travaux sur le navire furent suspendus une première fois au mois de juin de la mĂŞme annĂ©e, et la partie basse de la structure du Kentucky fut dĂ©placĂ©e le , afin de libĂ©rer de la place dans l'alvĂ©ole pour y construire des Landing Ship Tanks[1] - [9] - [10]. Pendant que sa construction Ă©tait suspendue, et Ă  la suite des rĂ©sultats des batailles de la mer de Corail et de Midway, le bureau des navires (Bureau of Ships) considĂ©ra un temps la proposition de conversion en porte-avions des Kentucky et Illinois. Selon la proposition faite, le Kentucky converti aurait Ă©tĂ© dotĂ© d'un pont d'envol de 263 m de long pour 33 m de large, avec un armement identique Ă  celui des porte-avions de la classe Essex : 4 affĂ»ts doubles de canons de 5 pouces et 4 autres canons de 5 pouces en affĂ»ts simples, auxquels s'ajoutaient 6 affĂ»ts quadruples de canons de 40 mm. L'idĂ©e fut abandonnĂ©e, après que le bureau des navires dĂ©cidât que les navires convertis transporteraient moins d'avions que les Essex, que ces derniers prendraient sĂ»rement moins de temps Ă  fabriquer que le temps nĂ©cessaire Ă  cette conversion, tout en Ă©tant moins cher. Les Kentucky et Illinois furent donc finalement prĂ©vus comme des navires de bataille, mais leur construction fut relĂ©guĂ©e au rang des très faibles prioritĂ©s[11]. Les travaux sur le Kentucky reprirent le , quand la structure de la quille fut renvoyĂ©e dans la cale. La cadence de travail Ă©tait faible, et l'achèvement de la construction du navire fut estimĂ©e pour le troisième trimestre 1946. En , il fut recommandĂ© que le Kentucky soit construit en tant que navire antiaĂ©rien, et sa construction fut stoppĂ©e une seconde fois en , alors que cette proposition Ă©tait en cours de rĂ©flexion. La construction reprit Ă  nouveau le , bien qu'Ă  ce moment-lĂ , aucune dĂ©cision ne fĂ»t encore arrĂŞtĂ©e concernant sa forme finale[1]. Les travaux continuèrent jusqu'au , date Ă  laquelle il fut dĂ©cidĂ© se stopper la construction du navire[12]. Après cette dĂ©cision, le navire fut dĂ©placĂ© Ă  flot Ă  l'extĂ©rieur de sa cale sèche pour faire de la place Ă  son sister-ship l'USS Missouri, qui s'Ă©tait Ă©chouĂ© en cours de route en venant de Hampton Roads et qui nĂ©cessitait des rĂ©parations[13] - [14].

Les discussions sur la conversion en lance-missiles du Kentucky et du grand croiseur USS Hawaii (CB-3) commencèrent dès 1946[15]. Au début des années 1950, les avancées effectuées dans la technologie des missiles guidés conduisirent à une proposition de créer un grand navire, armé de canons et de missiles. Dans cette optique, le Kentucky inachevé fut choisi pour la conversion d'un navire « tout canons » en « navire à missiles guidés » (guided missile battleship)[16]. Cette proposition aurait été très conservatrice, et aurait impliqué l'installation d'une paire de lanceurs doubles pour le missile surface-air RIM-2 Terrier, sur la plage arrière, ainsi qu'une paire d'antennes pour le radar Doppler d'interception AN/APG-55 associé, installées devant le poste de tir. Un mât de petites dimensions aurait également été installé pour soutenir le radar de recherche aérienne AN/SPS-2B[17].

Comme le navire Ă©tait dĂ©jĂ  achevĂ© Ă  approximativement 73 % (la construction avait Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©e au niveau du pont principal)[12], l'installation des missiles et de l'Ă©lectronique associĂ©e n'auraient impliquĂ© que l'installation du nĂ©cessaire, sans nĂ©cessitĂ© de devoir opĂ©rer de lourdes modifications Ă  la structure dĂ©jĂ  existante[Note 3]. Certains concepts proposaient l'installation de deux lanceurs pour huit missiles de croisière nuclĂ©aires Regulus II ou Triton[19]. Le projet de construction d'un navire de bataille lance-missiles fut autorisĂ© en 1954, et la numĂ©rotation du Kentucky passa de BB-66 Ă  BBG-1, la fin de la conversion devant ĂŞtre achevĂ©e en 1956. Cependant, le projet fut rapidement annulĂ©, avec le transfert des idĂ©es de conversion vers une plateforme plus petite, ce qui donna naissance aux croiseurs lance-missiles de la classe Boston[17].

Un autre projet de conversion, proposé au début 1956, faisait appel à l'installation de deux lanceurs de missiles balistiques UGM-27 Polaris, avec une capacité de 16 munitions en réserve[1]. Il aurait été également équipé de 4 lanceurs de missiles antiaériens RIM-8 Talos, dotés de 80 missiles par lanceur, et de 12 lanceurs RIM-24 Tartar, avec 504 missiles. Une estimation de jugeait le projet faisable pour , mais le coût de la conversion força finalement la Navy à abandonner l'idée[20].

Destin

Le Kentucky acheminé pour la mise à la ferraille.

Le Kentucky ne fut jamais terminĂ©, servant plutĂ´t d'Ă©pave source de pièces dĂ©tachĂ©es au sein de la flotte de rĂ©serve de la Navy au Philadelphia Naval Shipyard, d'environ 1950 Ă  1958[16]. L'ouragan Hazel toucha la zone le . La tempĂŞte fit se libĂ©rer le Kentucky de ses amarres et il s'Ă©choua dans la Delaware river[21]. En 1956, la proue du Kentucky fut retirĂ©e et utilisĂ©e pour la rĂ©paration de l'USS Wisconsin, qui avait Ă©tĂ© endommagĂ© dans une collision avec le destroyer USS Eaton (DDE-510) le [16]. Le dĂ©putĂ© William Huston Natcher tenta de bloquer la vente du navire en s'opposant au projet de loi en [22]. NĂ©anmoins, le Kentucky fut Ă©jectĂ© du Naval Vessel Register le et sa coque incomplète fut vendue pour dĂ©mantèlement Ă  la Boston Metals Company de Baltimore, le [12] - [23]. La Boston Metals Company versa une somme de 1 176 666 $ pour le navire, qu'elle remorqua vers son chantier naval en [20].

Quand les deux premiers navires de soutien rapides de la classe Sacramento, l'USS Sacramento (AOE-1) et l'USS Camden (AOE-2), furent prĂ©vus en 1961 et 1964, les constructeurs utilisèrent quatre installations de turbines du Kentucky pour propulser les nouveaux navires. Ce choix se montra plus tard avoir Ă©tĂ© une bonne dĂ©cision : quand la Navy passa des bouilleurs Ă  41,3 bar Ă  ceux de 82,6 bar, les marins qui avaient servi Ă  bord des Sacramento et Camden furent transfĂ©rĂ©s pour faire fonctionner les vieux bouilleurs de l'USS New Jersey pendant sa campagne de combat pendant la guerre du ViĂŞt Nam. Ils furent Ă©galement employĂ©s sur les quatre autres navires de la classe Iowa quand ils furent rappelĂ©s et modernisĂ©s dans les annĂ©es 1980, dans le cadre du plan de « marine de 600 navires »[16]. Une paire de portes en acajou fut donnĂ©e Ă  l'État du Kentucky pendant que le navire Ă©tait toujours en construction. Elles furent utilisĂ©es dans un club d'officiers Ă  New York avant de finalement retourner, dĂ©but , Ă  la Kentucky Historical Society, un organisme privĂ© conservant les traces d'histoire de l'État du Kentucky[24].

Notes et références

Notes

  1. Bien que le Kentucky n'ait jamais été commissionné par l'US Navy, et donc ne reçût jamais officiellement le préfixe « USS », il est conventionnellement fait référence à ce navire sous la désignation d'« USS Kentucky ».
  2. Ce n'était pas la première fois que des changements avaient été proposés à la classe Iowa : à la période où les navires furent autorisés à la construction, quelques responsables politiques n'étaient pas réellement conquis par le besoin de navires rapides des États-Unis et proposèrent de transformer les navires de la classe Iowa en porte-avions, en conservant la coque déjà conçue mais en modifiant leurs ponts pour en faire des aires d'envol pour les avions (cela avait déjà été fait pour les croiseurs de bataille Lexington et Saratoga). Cette proposition fut rejetée par le contre-amiral Ernest King, le chef des opérations navales[4].
  3. L'ajout de missiles sur un navire de bataille avait déjà été opéré à bord de l'USS Mississippi pour tester le missile RIM-2 Terrier après la Seconde Guerre mondiale. Plus récemment, les quatre navires de la classe Iowa ont été modifiés pour pouvoir lancer les missiles BGM-109 Tomahawk et RGM-84 Harpoon[18].

Références

Ouvrages

  • (en) Norman Friedman, U.S. Battleships : An Illustrated Design History, Annapolis, Naval Institute Press, , 463 p. (ISBN 978-0-87021-715-9, OCLC 12214729)
  • (en) William H. Garzke et Robert O., Jr. Dulin, Battleships : United States Battleships 1935–1992, Annapolis, Naval Institute Press, , 386 p. (ISBN 978-1-55750-174-5, OCLC 29387525)
  • (en) Hugh Lyon et J. E. Moore, The Encyclopedia of the World's Warships : A technical directory of major fighting ships from 1900 to the present day, Londres, Salamander Books, (ISBN 978-0-86101-007-3)
  • (en) Ian Johnston et Rob McAuley, The Battleships, Londres, Channel 4 Books, , 192 p. (ISBN 978-0-7522-6188-1)
  • (en) Wayne Scarpaci, Iowa Class Battleships and Alaska Class Large Cruisers Conversion Projects 1942–1964 : A Technical Reference, Nimble Books, , 40 p. (ISBN 978-1-934840-38-2)
  • (en) Robert Sumrall, Iowa Class Battleships : Their Design, Weapons & Equipment, Annapolis, Naval Institute Press, , 192 p. (ISBN 978-0-87021-298-7, OCLC 19282922)
  • (en) M.J. Whitley, Battleships of World War Two : An International Encyclopedia, Londres, Arms and Armour, (ISBN 978-1-85409-386-8)

Sources en ligne

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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