Traité quadripartite des agences de presse
Appelé aussi « Cartel des agences », le traité quadripartite des agences de presse a été signé en 1875 entre 4 agences, Reuters, Havas, AP et l'Agence Continentale, dans un contexte où le coût des liaisons télégraphiques restait très élevé, ce qui les incite à organiser un « partage du monde », pour s'échanger ensuite les dépêches.
C'est une nouvelle version du « Cartel des agences de presse" de janvier 1859, qui était un accord exclusif et réciproque d’Havas avec Reuters et l'Agence Continentale (Agence Wolff) pour les nouvelles étrangères, un partage du monde entre trois agences européennes qui font ensuite face, après 1865, à l'arrivée d'un câble télégraphique transatlantique.
Histoire
Contexte et objectifs
La première idée du traité, partagée par tous, était d'accorder à chacun une zone cohérente, pour limiter les coûts. La seconde, plus présente chez les Anglais et les Américains, était de serrer les coudes face aux tentatives des gouvernements européens de contrôler entièrement le marché de l'information, via la propriété des lignes télégraphiques. Le contexte est alors marqué par le début de l'interventionnisme du chancelier Otto von Bismarck, dans la gestion de l'Agence Continentale allemande. En Italie, Francesco Crispi veut faire de l'Agence Stefani un agent de sa politique. En Angleterre, par la loi du 31 juillet 1868, le gouvernement conservateur de Benjamin Disraeli a nationalisé les compagnies anglaises de télégraphe[1] tandis que le Telegraph Act de 1869 a tenté d'abaisser les tarifs pour Reuters et sa partenaire sur le marché de l'info nationale, la Press Association. Mais en France, le gouvernement conserve la main, sans se soucier des prix élevés. Il faudra attendre les Lois sur le télégraphe de 1878 pour que l'hexagone s'inspire de l'exemple anglais du Telegraph Act de 1869.
Conséquences du Traité
Le traité est signé par Reuters pour le compte des trois agences européennes, car c'est elle qui est à l'extrémité du premier câble télégraphique transatlantique. Auparavant, la négociation réunit autour de la table les quatre partenaires, l'Associated Press, l'Agence Havas, Reuters et l'Agence Continentale allemande.
Cet accord permet à la New York Associated Press de revenir dans la course alors que l'Agence Continentale allemande avait décidé en 1869 se retourner vers la Western Associated Press. Le traité est suivi d'aménagements des accords antérieurs. Ainsi, en 1876 : Havas demande la révision du traité de 1874 la liant à Reuters, avec l'accord de cette dernière. Ainsi l’agence française opère seule en Amérique du Sud à partir de juillet 1876.
Nouvelles versions au XXe siècle
Le traité est profondément réécrit par l'Alliance entre agences de presse de 1902, voulue essentiellement par les américains, et consentie du bout des lèvres par les allemands. L'alliance nouvelle formule donne à AP le droit de couvrir les Philippines, Cuba, Hawaï et Porto Rico comme des territoires exclusifs. Entre 1901 et 1903, l'agence américaine installe par ailleurs quatre bureaux en Europe, à Londres, Berlin, Rome, Paris alors qu'elle ne disposait jusque-là que d'un correspondant à Londres.
Nouveau coup de Trafalgar en avril 1927 quand la direction d'Associated Press vote la dénonciation du Traité. Le est organisé une conférence générale des 4 agences alliées, à Varsovie, que la SDN réunit à nouveau, à Genève le . L'Accord du 26 août 1927 sur l'information ouvre à l'Associated Press le Canada et l'Amérique latine, également ouverte à Reuters[2] Finalisé à la fin de l'année, il ouvre à Agence Havas et Reuters le Canada le Mexique. Le Japon, jusque-là territoire Reuters, devient accessible à l'Associated Press [3]
Chronologie des accords internationaux
- Janvier 1859 : un Cartel des agences de presse est créé par un accord exclusif et réciproque d’Havas avec Reuters et l'Agence Continentale (Agence Wolff) pour les nouvelles étrangères.
- 1865: expansionnisme de Reuters, qui se heurte Ă Bismarck
- 1869: accord de l'Agence Continentale avec la Western Associated Press de Chicago plutôt que partager avec Havas et Reuters le coût du service que Reuters reçoit de New York Associated Press.
- : accord de “fusion d’intérêts” proposé par Reuters à Havas, d’exploitation, dans le monde entier, à bénéfices et à pertes égales
- 1869 : Wolff verse à Reuters une forte indemnité financière pour qu'il se retire de l'Allemagne du Nord, car Brème et Hambourg s'étaient tournés vers l'agence anglaise, en raison de l'expansionnisme de Bismarck[4].
- 1870: l'Agence Continentale a l'Allemagne, la Scandinavie, Saint-PĂ©tersbourg et Moscou. Reuters obtient les Pays-Bas. La New York Associated Press se joint au cartel en 1875.
- : 2e traité Havas-Reuter, met en commun tous les services télégraphiques
- , Reuters signe pour les trois agences un contrat avec la New York Associated Press, valable pour un an et indéfiniment renouvelable.
- janvier 1876: Havas demande révision du traité de 1874. À partir de juillet 1876, l’agence française opère seule l’Amérique du Sud mais se retire d'Egypte, tandis que Reuters obtient le monopole de l'Extrême-Orient.
- février 1887: alliance "offensive" Reuters et Continental, action commune pour étendre leur couverture européenne.
- 1902: création de l'Alliance entre agences de presse de 1902
- 1909: création de la United Press International américaine
- : traité entre Havas, Reuters, Continental et Associated Press. Cuba, Porto Rico, l'Amérique centrale, Hawaï et les Philippines deviennent AP, qui sert un tiers des 2000 journaux américains et étend son réseau à Paris, Londres, Bruxelles.
- 1909: création de l'International News Service (INS) américain
- juillet 1909: accord décennal d'échange des nouvelles et de partage du monde entre l'Agence Havas, Reuters et Continental
- , le traité quadripartite est dénoncé. AP obtient la suppression du paiement de la soulte versée à Londres et à Paris, la liberté d'action à Cuba, aux Antilles britanniques, en Amérique centrale et du Sud.
Notes et références
- "ImageCLEF: Experimental Evaluation in Visual Information Retrieval", par Henning MĂĽller,Paul Clough,Thomas Deselaers, page 470
- "Un siècle de chasse aux nouvelles: de l'Agence d'information Havas à l'Agence France-presse (1835-1957)", par Pierre Frédérix – 1959 -, page 365
- "Un siècle de chasse aux nouvelles: de l'Agence d'information Havas à l'Agence France-presse (1835-1957)", par Pierre Frédérix – 1959 -, page 366
- "Havas : les arcanes du pouvoir", par Antoine Lefébure, page 142, Editions Bernard Grasset, 199 (ISBN 2-246-41991-3)