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Tourelle de 75 mm R modèle 1932

La tourelle pour deux pièces de 75 mm R modèle 1932 est l'un des types de tourelle qui équipent les blocs d'artillerie de la ligne Maginot. Il s'agit d'un modèle de tourelle à éclipse, installé en saillie sur la dalle de béton de son bloc et armé avec deux canons de 75 mm raccourcis (d'où l'abréviation « R »). Son rôle était d'assurer la continuité des tirs d'artillerie le long de la ligne, en soutien des tirs de mitrailleuses des casemates et blocs d'infanterie.

Tourelle de 75 mm en batterie.

Caractéristiques

La tourelle de 75 mm R modèle 1932 fait 3,04 mètres de diamètre à l'extérieur et 189 tonnes au total. Sa partie mobile est mise en batterie à l'aide d'un contrepoids à l'extrémité d'un balancier, le tout étant en équilibre, actionné par un moteur électrique (de marque Sautter-Harlé) ou manuellement. Une fois en batterie, elle émerge de 1,02 mètre au-dessus de son avant-cuirasse[1].

Son blindage est de 300 mm d'épaisseur d'acier, que ce soit pour la toiture comme pour la muraille (partie entre la toiture et l'avant-cuirasse). Une fois la tourelle éclipsée, la toiture repose sur les voussoirs d'acier de l'avant-cuirasse scellées dans la dalle de béton du bloc.

Armes

Deux canons de 75 mm R modèle 1932 provenant de l'ouvrage du Mont-des-Welches et exposés dans l'ouvrage de Schœnenbourg.

La tourelle est armée d'un jumelage de canons de 75 mm modèle 1932 R, une version du canon de 75 mm modèle 1897 dont le tube a été raccourci à 1,555 mètre[N 1], capables de tirer à une portée maximale de 9 200 mètres et à une cadence de tir nominale de 13 coups par pièce et par minute. En cas d'urgence, la cadence de tir de la tourelle peut être plus que doublée et dépasser les 50 coups par minute (en additionnant les deux pièces)[2]. Le pointage en hauteur peut se faire de -5° jusqu'à 35°[3].

Servants

Une tourelle de 75 mm nécessite une équipe de vingt-cinq hommes pour son service complet en situation de combat : six sous-officiers et dix-neuf servants (l'équipe de combat est composée de l'équipe de veille et de l'équipe de piquet). En situation de veille, l'équipe réduite compte deux sous-officiers et dix servants (l'équipe de veille ne peut fournir qu'un tir à cadence lente, uniquement avec des obus percutants)[N 2].

L'équipe de combat se répartit à raison d'un sous-officier (brigadier tireur) et trois servants (un tireur et deux chargeurs[N 3]) dans la chambre de tir, quatre sous-officiers (un adjudant chef de tourelle, un maréchal des logis chef de pièces, un brigadier pointeur et un brigadier artificier) et quatorze servants (un aide-pointeur, deux déboucheurs pour les tirs fusants, cinq pourvoyeurs transportant les munitions vers les norias, deux approvisionneurs chargeant les norias et quatre auxiliaires manœuvrant les châssis de munitions depuis le M 3) à l'étage intermédiaire, un sous-officier (brigadier) et deux servants (le premier s'occupe de la marche à bras du mouvement d'éclipse, le second des appareils électriques) à l'étage inférieur[4].

Équipements

La tourelle est équipée d'une lunette de visée installée entre les deux tubes pour effectuer des tirs directs, mais les tirs sont normalement réglés à partir des informations fournies par le poste central de tir du PC artillerie de l'ouvrage puis par les observatoires. La communication entre le PC de l'ouvrage et celui du bloc se fait par téléphone, celle entre le PC du bloc et le poste de pointage (sur le fût-pivot de la tourelle) se fait par transmetteur d'ordres (système visuel copié sur celui de la marine), tandis que celle entre l'étage intermédiaire et la chambre de tir se fait par tuyau acoustique ou par transmetteur[N 4] - [5].

Le magasin de munitions M 3 se trouve à l'étage intermédiaire, sa dotation pour la tourelle était de 1 200 coups de 75 mm[N 5] - [6].

Le refroidissement des tubes peut se faire par aspersion d'eau (150 litres d'eau sont prévus par jour, stockés dans des citernes situées à l'étage supérieur du bloc[N 6])[7]. L'évacuation des douilles se fait par un entonnoir les évacuant à l'étage intermédiaire où elles passent dans un toboggan qui les descend au pied du bloc (généralement à 30 m sous terre). L'évacuation des gaz dégagés par les armes se fait par refoulement à l'extérieur, les blocs étant en légère surpression[8].

  • Les dessus du bloc 3 de l'ouvrage de Schœnenbourg.
    Les dessus du bloc 3 de l'ouvrage de Schœnenbourg.
  • Tourelle en batterie.
    Tourelle en batterie.
  • Début de la manœuvre.
    Début de la manœuvre.
  • Tiers de la manœuvre.
    Tiers de la manœuvre.
  • La tourelle éclipsée.
    La tourelle éclipsée.
  • Schéma d'un bloc d'artillerie montrant le système de mise en batterie d'une tourelle.
    Schéma d'un bloc d'artillerie montrant le système de mise en batterie d'une tourelle.
  • Étage intermédiaire de la tourelle.
    Étage intermédiaire de la tourelle.
  • Extrémité du balancier (étage inférieur).
    Extrémité du balancier (étage inférieur).
  • Vue complète d'une tourelle.
    Vue complète d'une tourelle.
  • Détails.
    Détails.

Liste des tourelles

Un total de 12 tourelles sont commandées en 1932 auprès des entreprises Châtillon-Commentry d'une part et Ateliers et Chantiers de la Loire d'autre part. Elles sont toutes attribuées au front du Nord-Est[3].

Secteur fortifié de Thionville
OuvragesNuméros du blocNuméros de tourelle
Rochonvillers3401
Molvange5405
Soetrich5409
Soetrich6406
Kobenbusch5410
Billig4403
Secteur fortifié de Boulay
OuvragesNuméros du blocNuméros de tourelle
Mont-des-Welches2402
Mont-des-Welches4407
Secteur fortifié de Rohrbach
OuvragesNuméros du blocNuméros de tourelle
Schiesseck7404
Secteur fortifié des Vosges
OuvragesNuméros du blocNuméros de tourelle
Four-à-Chaux2408
Secteur fortifié de Haguenau
OuvragesNuméros du blocNuméros de tourelle
Schœnenbourg3412
Schœnenbourg4411

Notes et références

Notes

  1. Il s'agit simplement d'un canon de 75 mm modèle 1905 R à culasse Nordenfeld monté sur un nouvel affût.
  2. L'équipage d'un bloc d'artillerie est divisé en trois équipes : l'équipe de veille, l'équipe de piquet et l'équipe de repos. Le bloc est occupé par deux équipes tandis que la troisième est au repos dans la caserne de l'ouvrage pour 24 heures. L'équipe de veille est en permanence aux postes de combat, l'équipe de piquet s'occupe des corvées ou se repose en dehors des alertes.
  3. L'instruction du 2 octobre 1935 sur le service d'une tourelle de 75 mm précise que les chargeurs doivent être « de petite taille ».
  4. Transmetteur d'ordres modèle 1937 C (Carpentier) entre le PC du bloc et la tourelle, transmetteur téleflex (plus compact) entre l'étage intermédiaire et la chambre de tir.
  5. La dotation totale en munitions de chaque pièce était de 4 000 coups par pièce, soit 1 800 dans le M 1, 1 600 dans le M 2 et 600 dans le M 3. La dotation était composée de 70 % d'obus explosifs (modèle 1917 de 6,20 km à fusée percutante), de 25 % d'obus à balles (modèle 1926 de 7,24 kg), de 3 % d'obus de rupture (modèle M de 6,40 kg à fusée de culot) et de 2 % de boîtes à mitraille (modèle 1913 de 7,25 kg, pour tir à moins de 300 m).
  6. Ces citernes sont alimentées par les eaux de ruissellement canalisées par des drains. En cas d'insuffisance, des wagonnets-citerne munis d'une pompe peuvent ravitailler les blocs en manque.

Références

  1. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 2, Paris, éditions Histoire & collections, coll. « L'Encyclopédie de l'Armée française », , 222 p. (ISBN 2-908182-97-1), p. 72.
  2. Marc Halter, Histoire de la ligne Maginot, Strasbourg, Moselle River, , 48 p. (ISBN 978-2-9523092-4-0 et 2-9523092-4-8) .
  3. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, op. cit., t. 2, p. 100-101.
  4. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 3, Paris, éditions Histoire & collections, coll. « L'Encyclopédie de l'Armée française », , 246 p. (ISBN 2-913903-88-6), p. 10-14.
  5. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, op. cit., t. 2, p. 125-126.
  6. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, op. cit., t. 2, p. 34 et 101.
  7. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, op. cit., t. 2, p. 40.
  8. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, op. cit., t. 2, p. 86 et 117.

Voir aussi

Bibliographie

  • Philippe Truttmann (ill. Frédéric Lisch), La Muraille de France ou la ligne Maginot : la fortification française de 1940, sa place dans l'évolution des systèmes fortifiés d'Europe occidentale de 1880 à 1945, Thionville, Éditions G. Klopp, (réimpr. 2009), 447 p. (ISBN 2-911992-61-X).
  • Jean-Yves Mary, Alain Hohnadel, Jacques Sicard et François Vauviller (ill. Pierre-Albert Leroux), Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 1, Paris, éditions Histoire & collections, coll. « L'Encyclopédie de l'Armée française » (no 2), (réimpr. 2001 et 2005), 182 p. (ISBN 2-908182-88-2).
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 2 : Les formes techniques de la fortification Nord-Est, Paris, Histoire et collections, , 222 p. (ISBN 2-908182-97-1).
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 3 : Le destin tragique de la ligne Maginot, Paris, Histoire et collections, , 246 p. (ISBN 2-913903-88-6).
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 4 : la fortification alpine, Paris, Histoire & collections, , 182 p. (ISBN 978-2-915239-46-1).
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 5 : Tous les ouvrages du Sud-Est, victoire dans les Alpes, la Corse, la ligne Mareth, la reconquête, le destin, Paris, Histoire & collections, , 182 p. (ISBN 978-2-35250-127-5).

Liens externes

Articles connexes

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