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Temple d'Israël

Le Temple d'Israël est une congrégation juive réformée de Memphis, dans le Tennessee (États-Unis). Il s'agit de la seule synagogue réformée de Memphis, la plus ancienne et la plus importante congrégation juive du Tennessee, et l'une des plus grandes congrégations réformées aux États-Unis. Le temple est fondé en 1853 par des juifs pour la plupart allemands comme la « Congregation B'nai Israel » (de l'hébreu : « les enfants d'Israël »). D'abord dirigé par des hazzanim, le temple embauche en 1858 son premier rabbin, Jacob Peres, et loue son premier bâtiment, qu'il restaure avant de finalement l'acheter.

Temple d'Israël
Entrée du Temple d'Israël.
L'entrée de la synagogue.
Présentation
Nom local (en) Temple Israel
Culte Judaïsme réformé
Type Temple
DĂ©but de la construction 1853
Fin des travaux 1976
Architecte Francis Gassner,
Percival Goodman
Style dominant Architecture contemporaine
Site web http://www.timemphis.org
GĂ©ographie
Pays Drapeau des États-Unis États-Unis
État Tennessee
Comté Shelby
Ville Memphis
CoordonnĂ©es 35° 06′ 40″ nord, 89° 50′ 47″ ouest
GĂ©olocalisation sur la carte : Tennessee
(Voir situation sur carte : Tennessee)
Temple d'Israël
Géolocalisation sur la carte : États-Unis
(Voir situation sur carte : États-Unis)
Temple d'Israël

Peres est démis de ses fonctions en 1860 pour avoir tenu un magasin qu'il ouvre également le samedi, le jour du shabbat. Il est remplacé par Simon Tuska qui amène la congrégation du judaïsme orthodoxe au judaïsme réformé. Il meurt en 1871 et Max Samfield lui succède. Sous sa direction, la synagogue est l'une des fondatrices de l'Union pour le judaïsme réformé. En 1884, les Enfants d'Israël construisent un nouveau bâtiment, permettant à la communauté d'accueillir rapidement plus de membres. Samfield meurt en 1915 et est remplacé à son tour par Bill Fineshriber, un ardent défenseur du droit de vote des femmes et de l'égalité des droits pour les Noirs américains. L'année suivante, la congrégation emménage dans un nouveau bâtiment dans lequel la communauté ne cesse de croître. Fineshriber part en 1924 et Harry Ettelson le remplace.

La synagogue subit plusieurs difficultés au début de la Grande Dépression : le nombre d'adhésions chute, l'école de la congrégation est fermée et le personnel voit baisser son salaire. Les conditions s'améliorent dans les années 1930. En 1943, la synagogue change de nom pour celui de « Temple d'Israël », tandis qu'à la fin des années 1940, le nombre d'adhérents a presque doublé par rapport à son point le plus bas dans les années 1930. Ettelson prend sa retraite en 1954 et Jimmy Wax lui succède.

Wax se fait connaĂ®tre en se joignant au mouvement des droits civiques. Bien que certains membres (particulièrement ceux dont la famille a vĂ©cu dans le Sud depuis des gĂ©nĂ©rations) aient un point de vue sĂ©grĂ©gationniste, d'autres ont une importance de premier ordre dans le combat pour les droits civiques des Noirs amĂ©ricains. Pendant la direction de Wax, les membres du Temple d'IsraĂ«l s'Ă©loignent de la synagogue dĂ©jĂ  existante. En 1976, elle fait construire un autre bâtiment (l'actuelle synagogue) dans un lieu plus proche du quartier de la plupart des membres. Wax prend sa retraite en 1978 et est remplacĂ© par Harry Danziger, qui ramène la congrĂ©gation Ă  des pratiques plus traditionnelles. Il se retire en 2000 et Micah Greenstein lui succède. Depuis 2010, le Temple d'IsraĂ«l compte près de 1 600 familles membres. Greenstein en est le grand rabbin et John Kaplan le hazzan.

Histoire

Les premiers temps (1853–1857)

Le Temple d'Israël est créé en tant que congrégation orthodoxe de B'nai Israel en 1853 par trente-six chefs de famille. Une charte lui est accordée par la législature d'État du Tennessee le [1] - [2] - [3]. Cette charte est issue de la Memphis's Hebrew Benevolent Society (Société hébraïque de bienfaisance de Memphis), créée en 1850 par des Juifs allemands. Cette société s'occupe alors du cimetière juif de Memphis, aide les Juifs démunis et conduit les offices des Yamim Noraïm[4]. L'office est initialement dirigé par des hazzanim à temps partiel[5]. Le premier, Jonas Levy, est engagé comme hazzan et shohet[4] - [6] - [7]. H. Judah lui succède, puis J. Sternheimer[5]. Un Talmud Torah est créé puis dirigé par le révérant Sternheimer, considéré comme le premier directeur de l'école hébraïque, initialement érigée par Jacob Peres[7] - [8] - [5]. En 1857, B'nai Israel engage un organiste, Christopher Philip Winkler, décrit par Tim Sharp (doyen du département des beaux-arts au Rhodes College de Memphis) comme le « doyen des musiciens de Memphis ». Né en Allemagne en 1824, il émigre aux États-Unis à l'âge de 16 ans et emménage à Memphis en 1854. Il y enseigne la musique, l'interprète et en compose pour les offices de B'nai Israel. À partir de 1894, il réalise plus de 850 morceaux pour la congrégation[9].

Durant les premières dĂ©cennies, la congrĂ©gation cĂ©lèbre le culte en diffĂ©rents endroits du centre-ville de Memphis, sur les rives du Mississippi. Elle reçoit un legs de 2 000 $ de la part d'un philanthrope de la Nouvelle-OrlĂ©ans, Judah Touro, et l'utilise pour acheter un terrain sur la Deuxième avenue mais ne se sent pas suffisamment sĂ»re financièrement pour construire une synagogue. Le terrain est finalement vendu[7] - [10] - [6]. Ă€ la place, les membres accueillent chez eux la cĂ©lĂ©bration du culte pendant toute l'annĂ©e 1853. Par la suite, jusqu'en 1857, plusieurs locaux sont louĂ©s sur Front Street[4] - [11] - [6]. Les fonds lĂ©guĂ©s par Touro permettent en fin de compte aux membres de louer des bâtiments Ă  la Farmers and Merchants Bank sur Main Street et Exchange Avenue Ă  la fin de l'annĂ©e 1857, qu'ils transforment en synagogue[6] - [4] - [11] - [7]. Deux comitĂ©s lèvent des fonds pour sa rĂ©novation, l'un d'eux sollicite des dons de la part de « tous les IsraĂ©lites de la ville » tandis que l'autre doit « recevoir les souscriptions des Gentils » (les non-Juifs). Des fonds supplĂ©mentaires sont levĂ©s en vendant la place rĂ©servĂ©e des membres dans le nouveau sanctuaire. Une vente aux enchères est tenue le dans laquelle les sièges de cinquante hommes sont vendus pour 343 $ et de quarante-quatre femmes pour 158 $. Les locaux rĂ©novĂ©s possèdent cent-cinquante sièges pour les hommes et Ă  peu près cinquante pour les femmes. La synagogue est inaugurĂ©e par l'État le [6] - [4]. En 1860, la congrĂ©gation s'engage Ă  acheter la propriĂ©tĂ© ; l'hypothèque est payĂ©e en ; Ă  partir de 1865, elle rembourse complètement sa dette[4] - [12]. Le , 153 ans exactement après que la congrĂ©gation eut reçu sa charte de l'État du Tennessee, une plaque est Ă©rigĂ©e par la Shelby County Historical Commission (Commission historique du comtĂ© de Shelby), la Jewish American Society for Historic Preservation (SociĂ©tĂ© judaĂŻque amĂ©ricaine pour la prĂ©servation du patrimoine historique) et le Temple d'IsraĂ«l Ă  l'angle de la rue oĂą la synagogue se tenait Ă  l'Ă©poque. La plaque dĂ©crit le bâtiment comme le « premier lieu de culte juif permanent du Tennessee »[2] - [3] - [6].

L'adhésion à B'nai Israel est restreinte aux hommes et la présence aux réunions trimestrielles (au moins) est obligatoire. Les hommes manquant une réunion sans une excuse recevable doivent payer une amende, qui est de cinquante cents en 1857[13]. Les membres instituent également des règles censées protéger l'image de la petite congrégation juive aux yeux de la communauté chrétienne, majoritaire dans la ville. L'adhésion de nouveaux membres doit être approuvée par la communauté à bulletin secret. Un membre peut aussi être suspendu ou expulsé s'il agit de manière déshonorante[5].

B'nai Israel est la seule congrégation juive de Memphis et, depuis sa création, les membres sont partagés entre traditionalistes et réformateurs[8]. Lors de la rénovation du bâtiment, la congrégation vote à dix-huit voix contre quatorze le maintien traditionnel de la séparation des hommes et des femmes[10]. À partir de 1858, avec suffisamment de fonds pour engager à plein temps un leader spirituel, elle consulte Rabbi Isaac Leeser, le leader de la communauté juive orthodoxe américaine mais prend aussi contact avec Rabbi Isaac Mayer Wise, leader du tout nouveau mouvement juif réformé d'Amérique, qui consacre le dernier sanctuaire de B'nai Israel cette même année[5] - [14]. Les membres lancent une annonce dans le journal de Wise, The American Israelite, ainsi que dans d'autres journaux juifs de langue anglaise, en même temps qu'une annonce pour rechercher un boucher cacher[5]. Leeser leur recommande finalement le rabbin orthodoxe Jacob J. Peres[14] - [5].

Un premier rabbin : Jacob J. Peres (1858–1860)

Portrait d'un homme avec une longue barbe bouclée, avec des cheveux partant sur le côté gauche.
Rabbi Jacob J. Peres.

Né et élevé aux Pays-Bas, Peres est un enfant prodige qui, avant d'avoir dix-huit ans, publie déjà une grammaire de l'hébreu ainsi qu'un livre de proverbes écrits en cinq langues. Après l'obtention de son diplôme de lycée, il reçoit une bourse de Guillaume Ier des Pays-Bas pour poursuivre simultanément des études rabbiniques et laïques au Séminaire israélite des Pays-Bas[5] - [8]. Il travaille alors les mathématiques ainsi que les langues, la littérature ou le droit. Il cofonde Peres and Micou, un cabinet juridique[8].

B'nai Israel engage Peres en comme hazzan et professeur d'anglais et d'allemand avec un salaire annuel de 600 $ et des avantages sociaux s'Ă©levant Ă  400 $[N 1] - [14] - [5]. Peres dirige Ă©galement le Talmud Torah, la chorale, tout en Ă©tant de fait le rabbin[5] - [7] - [8]. Sous sa direction, la communautĂ© s'intĂ©resse activement Ă  la situation critique des Juifs dans le monde. Pendant une rĂ©union de la congrĂ©gation en , il est collectĂ© de l'argent auprès des membres prĂ©sents et de la trĂ©sorerie de B'nai Israel pour aider les Juifs marocains et il est crĂ©Ă© un comitĂ© censĂ© lever des fonds Ă  Memphis en leur propre nom. La congrĂ©gation s'oriente de plus en plus vers l'orthodoxie et fait passer une règle stipulant que seuls les membres observant strictement la Loi juive, peuvent faire lecture de la Torah pendant les jours de yamim noraĂŻm – les jours redoutables[15].

Peres ne trouvant pas son salaire suffisamment élevé pour pouvoir répondre à ses besoins, ceux de sa femme et de ses quatre enfants, il ouvre une épicerie pour augmenter ses revenus et reçoit avec son frère une commission, due à la vente d'autres marchandises en consignation. Comme le samedi, jour du Shabbat, est aussi le jour le plus animé pour les commerçants, il décide de garder son magasin ouvert ce jour-là, chose totalement contraire aux règles du shabbat qu'il a lui-même rappelées. Quelques membres en font la remarque et lors de la réunion trimestrielle de B'nai Israel en , de premières accusations sont portées contre lui ; par la suite, un tribunal juif le reconnaît coupable et Peres est renvoyé. En retour, il poursuit la congrégation en justice devant un tribunal civil pour perte de salaire et diffamation. Cette affaire est portée devant la Cour suprême du Tennessee et jugée en sa faveur pour la perte de salaire mais contre lui quant à la diffamation. La cour déclare qu'« une institution religieuse est souveraine ; ses lois et ses règlements sont suprêmes ; et sa politique et ses pratiques ne peuvent être contestées par une procédure juridique dans une cour de justice »[8].

Après le renvoi de Peres, les membres commencent Ă  rechercher un rabbin « modĂ©rĂ©ment rĂ©formĂ© ». Cette fois, ils consultent Wise et non Leeser. Le poste proposĂ© dans le journal de Wise est celui d'« enseignant, de prĂ©dicateur et de lecteur » avec un salaire de 1 000 $ par an. La congrĂ©gation exige que le postulant puisse « enseigner l'hĂ©breu aux enfants, fasse une lecture hebdomadaire en allemand ou en anglais et sache lire correctement les Prières »[16]. En 1860, elle engage Simon Tuska[17]. Peres reste Ă  Memphis et les tensions thĂ©ologiques Ă  l'intĂ©rieur de la congrĂ©gation s'apaisent lorsque quarante des membres les plus traditionnels partent avec Peres comme leader spirituel pour former la congrĂ©gation orthodoxe Beth El Emeth en 1861 ou 1862[16] - [18]. Ce genre de scission devient alors banal dans les congrĂ©gations amĂ©ricaines de l'Ă©poque[16].

Simon Tuska (1860–1871)

Portrait d'un homme avec un grand front, des cheveux en arrière et une moustache, portant des petits lunettes et un nœud-papillon sombre.
Rabbi Simon Tuska.

NĂ© Ă  VeszprĂ©m en Hongrie en 1835, Tuska est Ă©levĂ© Ă  Rochester dans l'État de New York oĂą son père est rabbin. Tuska est Ă©lève Ă  l'UniversitĂ© de Rochester puis au Colgate Rochester Crozer Divinity School jusqu'Ă  l'obtention de ses diplĂ´mes, respectivement en 1856 et 1858. Il est envoyĂ© par la suite au sĂ©minaire de thĂ©ologie juive de Breslau afin de devenir rabbin, oĂą il reste deux ans[1] - [19]. Il n'obtient pas son diplĂ´me et retourne aux États-Unis en 1860, oĂą il rĂ©pond Ă  une offre d'emploi lancĂ©e par le Temple Emanu-el de New York mais on lui refuse le poste Ă  cause de sa petite taille et sa voix faible[17]. Puis il postule au Temple d'IsraĂ«l oĂą il est unanimement Ă©lu le et signe un contrat de trois ans pour 800 $ par an[19] - [17]. Il s'avère très populaire dans la congrĂ©gation et en , six mois avant la fin du contrat, son renouvellement est dĂ©jĂ  prĂ©vu. Il est rĂ©Ă©lu rabbin pour dix ans et son salaire est Ă©levĂ© Ă  1 500 $ par an[20].

Tuska réforme l'office de B'nai Israel en supprimant les piyyoutim – les poèmes liturgiques – en 1861 et en ajoutant un orgue et une chorale mixte en 1862, ainsi qu'un rite de confirmation pour les jeunes juifs souhaitant embrasser pleinement la religion[N 2] - [19] - [17] - [21] - [10]. Il raccourcit également le livre de prière – adoptant ainsi le Minhag America de Wise –, ajoute un dernier office de nuit le vendredi et crée patriotiquement des offices à thème pour Thanksgiving et le Jour national de prière[11] - [17] - [22]. La congrégation ayant besoin de plus de bancs, Tuska en place d'abord dans la section des hommes et des femmes puis place les bancs familiaux où hommes et femmes peuvent se côtoyer[17] - [19]. En , il célèbre le premier mariage juif du Tennessee ; jusqu'ici, cet État n'autorisait pas les rabbins à effectuer de mariage[1]. Tuska s'implique aussi dans la ville de Memphis et participe à des offices interconfessionnels[22].

Tuska soutient l'esclavage, décrivant les abolitionnistes tels que Henry Ward Beecher comme des « fanatiques ». Comme la plupart des membres de B'nai Israel, après le début des hostilités entre l'Union et les États confédérés d'Amérique, il soutient la sécession – le Tennessee est le dernier État à déclarer son retrait de l'Union[20] - [23]. Plus de dix membres de la congrégation se portent volontaires dans l'Armée des États confédérés. Ils reçoivent des honneurs spéciaux et des bénédictions durant une cérémonie du shabbat[24]. Plusieurs écoles de Memphis ferment alors, à cause de la guerre civile ; en retour, B'nai Israel crée un institut scolaire hébraïque en 1863 ou 1864[11] - [5] - [25]. L'école laïque comprenant une centaine d'élèves enseigne l'anglais, l'hébreu, l'allemand et le français ainsi que la géographie et la musique. Tuska est alors l'un des professeurs de langue de l'école. Cependant le manque d'argent force la fermeture de l'établissement en 1868[26].

En 1864, B'nai Israel compte quatre-vingt-trois membres. L'emprunt pour la construction de la synagogue est remboursé à partir de 1865[4], mais dès 1867 les dépenses de la synagogue dépassent ses revenus[12]. La cotisation est augmentée à $ par membre et par mois ; la congrégation contracte alors un nouvel emprunt[12]. En , la congrégation déplace l'office de nuit du vendredi à 19 heures 30 ; auparavant l'office avait lieu juste après le coucher du soleil, en accord avec la Loi juive, ce qui signifie un office tard dans la soirée en été et un office en fin d'après-midi en hiver. Plusieurs années après, l'office du Yamim Noraïm est déplacé à cette même heure. Cette année, Tuska commence à donner son sermon du vendredi soir en anglais plutôt qu'en allemand[12]. En 1871, la communauté atteint les cent membres[10]. À la fin de cette année, le , Tuska meurt d'une attaque cardiaque[22] - [12] - [21].

Max Samfield (1871–1915)

Max Samfield succède à Simon Tuska en , après avoir été élu le de la même année[27] - [28] - [21]. Fils de rabbin, il naît en 1846 à Marktsteft en Bavière et est ordonné rabbin en Allemagne[29] - [28]. Il part pour les États-Unis en 1867, afin de devenir rabbin de la congrégation B'nai Zion de Shreveport en Louisiane où il travaille alors pendant quatre ans[29]. Il est ensuite en sérieuse compétition pour le poste de rabbin à B'nai Israel puisqu'il y a au moins une dizaine de candidats. Cependant, Samfield prêche durant le shabbat avant l'élection du rabbin ; il est finalement engagé pour un an[N 3] - [28]. Fervent partisan du judaïsme réformé[27], il s'associe avec Wise pour fonder l'Union des congrégations hébraïques américaines (maintenant dénommée l'Union pour le judaïsme réformé) et, sous sa direction, B'nai Israel en devient l'une des communautés fondatrices, en 1873[30] - [10]. Il est aussi président du conseil d'établissement de l'Hebrew Union College (HUC) à Cincinnati en Ohio, ainsi que superviseur de la Conférence Centrale des Rabbins Américains (en anglais : Central Conference of American Rabbis)[31]. En 1875, il demande à la congrégation s'il peut abandonner la traditionnelle kippa pendant les prières[32] ; les membres répondent que tous les hommes sont dès lors priés de retirer leur kippa durant l'office[11]. Il pousse la congrégation à adopter le nouvel Union Prayer Book du mouvement réformé en 1896 mais ne va pas jusqu'à déplacer l'office du shabbat le dimanche[33]. Comme la plupart des rabbins réformés de l'époque, il est fermement anti-sioniste, écrivant que le sionisme est « une éruption anormale de sentiment perverti »[34].

Un homme rasé de près portant des lunettes, habillé d'une longue veste sombre, est assis à une petite table ronde avec un livre ouvert. Sa main droite et son avant-bras reposent sur les pages ouvertes.
Rabbi Max Samfield.

Franc-maçon de la Grande Loge d'Écosse[31], Samfield est engagé dans la vie publique. Quand la première Société pour la Prévention de la Cruauté envers les Animaux et les Enfants (SPCAE) est formée en 1880, il devient son premier vice-président[35]. En 1889, il mène une collecte de fonds pour le premier hôpital civil de Memphis, le St Joseph's Hospital, une institution catholique[36] - [37]. Il fonde l'Association de secours hébraïque de Memphis (en anglais : Hebrew Relief Association), une association caritative laïque ; il devient le directeur du foyer des orphelins juifs de la Nouvelle-Orléans, de la maison des tuberculeux juifs de Denver et de l'association de logement des sans-abris de New York[31]. Pendant les quinze dernières années de sa vie, il travaille sur la création d'une maison juive du Sud pour le troisième âge et les infirmes, finalement terminée en 1927[38].

Pendant l'Ă©pidĂ©mie de fièvre jaune, il reste, lui et d'autres rabbins ainsi que des juifs engagĂ©s de Memphis, dans la ville au lieu de fuir[39]. Pendant les sept semaines que dure l'Ă©pidĂ©mie, cinquante-et-une personnes sont enterrĂ©es au cimetière de B'nai Israel, presque le double de personnes habituellement enterrĂ©es en ce lieu en une annĂ©e[40]. Lorsqu'une autre Ă©pidĂ©mie de fièvre jaune Ă©clate en 1878, Samfield reste encore, s'occupant des morts et mourants de toute confession[10]. Durant cette Ă©pidĂ©mie, soixante-dix-huit personnes sont enterrĂ©es dans le cimetière de la congrĂ©gation[41]. Ces nombreuses Ă©pidĂ©mies dĂ©ciment la communautĂ© juive qui passe de 2 100 Ă  300 personnes[10]. Elles frappent Ă©galement les finances de B'nai Israel ; les membres ne pouvant plus payer leurs cotisations, la congrĂ©gation ne peut plus se permettre de payer Samfield pendant un temps[42]. Cependant, Ă  partir de 1880, la communautĂ© atteint le nombre de 124 familles ce qui permet alors d'amĂ©liorer les finances[10]. Ă€ cette Ă©poque, la synagogue est de plus en plus appelĂ©e « les Enfants d'IsraĂ«l »[35]. Beth El Emeth est affectĂ© plus sĂ©vèrement par les Ă©pidĂ©mies que les Enfants d'IsraĂ«l : Jacob J. Peres, toujours rabbin de la congrĂ©gation, meurt de la fièvre jaune en 1879[43] - [10]. En 1882, Beth El Emeth se dissout et transfère ses biens aux Enfants d'IsraĂ«l, bien que la plupart des membres de Beth El Emeth se joignent Ă  la synagogue Baron Hirsch affiliĂ©e au judaĂŻsme orthodoxe[10]. Les biens incluent un terrain sur Second Street et le cimetière de Beth El Emeth[11] - [32] - [35].

En 1872, les Enfants d'IsraĂ«l achètent un terrain sur Adams Avenue, avec l'intention de construire une nouvelle synagogue mais des pressions financières retardent le projet. En 1880, la congrĂ©gation dĂ©cide de vendre le terrain et en trouve un meilleur. Elle vend sa propriĂ©tĂ© en 1882 et achète Ă  la place un terrain sur Poplar Avenue entre Second Street et Third Street[44]. Ă€ partir de 1884, ils terminent leur nouvelle synagogue pour un coĂ»t de 39 130 $[35]. Sa structure de style nĂ©o-byzantin est dotĂ©e d'une façade impressionnante : deux grandes flèches et une grande rosace comportant une Ă©toile de David[10]. Le bâtiment aide Ă  attirer de nouveaux membres Ă  partir de 1885 ; quarante-cinq membres supplĂ©mentaires ont rejoint la communautĂ© pour un total de 173 familles membres. La congrĂ©gation n'a alors plus aucune dette[35] - [10]. Cette annĂ©e, la synagogue acquiert un cimetière sur Hernando Road[N 4] - [45] - [46].

Bien que la congrĂ©gation continue de croĂ®tre, la plupart des Juifs immigrĂ©s de Memphis viennent d'Europe de l'Est, plus traditionnels que les membres des Enfants d'IsraĂ«l[10]. Par consĂ©quent, ils forment leurs propres synagogues orthodoxes, la plus ancienne et durable d'entre elles Ă©tant la synagogue Baron Hirsch. Les Enfants d'IsraĂ«l s'attellent Ă  aider les Juifs d'Europe de l'Est en les assimilant Ă  la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine, et en leur fournissant une assistance financière, une Ă©ducation gratuite en ce qui concerne l'anglais, l'instruction civique et mĂŞme l'hygiène. De 1897 Ă  1907, ils tiennent une Ă©cole du dimanche pour les enfants de la congrĂ©gation Baron Hirsch. En 1890, les Enfants d'IsraĂ«l comptent 186 familles tandis que l'Ă©cole religieuse compte 148 Ă©lèves. En 1897, pour traiter les Ă©ternelles questions financières et attirer des membres plus jeunes, la congrĂ©gation crĂ©e une nouvelle classe de membres ayant une place attitrĂ©e, les seatholder, mais qui ne peuvent ĂŞtre Ă©lus Ă  aucune fonction. En retour, ils voient leur cotisation baisser. Cette innovation est un succès ; quarante-sept nouveaux membres se joignent Ă  la communautĂ© en 1898, elle compte ainsi 222 familles. Grâce notamment Ă  des rĂ©ductions de coĂ»t dans d'autres domaines – principalement dans le budget rĂ©servĂ© au chĹ“ur –, la synagogue sort de quatre annĂ©es de dĂ©ficit financier[N 5] - [47] - [48].

Ă€ la fin du XIXe siècle, les revenus annuels de la synagogue sont de 7 500 $[48]. Ă€ cette Ă©poque, la congrĂ©gation cesse d'employer des hazzanim, comptant sur l'organiste et le chĹ“ur pour mener les prières chantĂ©es[33]. Ă€ partir de 1905, la congrĂ©gation compte 262 familles et 285 dès 1907 ; ses revenus annuels sont de 8 500 $[10] - [49]. L'Ă©cole de la congrĂ©gation, qui donne des cours une fois par semaine, compte quinze professeurs et 220 Ă©lèves[49]. Cette annĂ©e, la congrĂ©gation ajoute cinquante-six sièges dans le sanctuaire, pour principalement gĂ©rer la prĂ©sence accrue de membres lors des jours redoutables[50]. Bien que la congrĂ©gation se soit agrandie et qu'on ait dĂ» agrandir le sanctuaire, la frĂ©quentation des offices habituels est inĂ©gale, surtout le vendredi soir[10]. Ă€ partir 1892, Samfield doit rĂ©primander publiquement les membres pour leur prĂ©sence Ă©pisodique au shabbat[51]. En 1907, il insiste pour que les membres du conseil assistent Ă  l'office du vendredi soir. Le conseil accepte Ă  condition que Samfield assure que ses sermons ne durent pas plus de vingt-cinq minutes[10]. MalgrĂ© cela, en 1904, les Enfants d’IsraĂ«l lui achètent une maison et en 1910, l'Ă©lisent « rabbin Ă  vie » avec un salaire annuel de 4 200 $[52] - [10] - [53]. Cette annĂ©e, la congrĂ©gation compte 305 familles. En , William H. « Bill » Fineshriber devient le premier rabbin associĂ© de la congrĂ©gation[53]. Ă€ partir de 1912, la congrĂ©gation est une fois de plus trop grande pour son bâtiment[10]. Il y a Ă  prĂ©sent 340 familles et l'Ă©cole religieuse compte 260 Ă©lèves[54]. La congrĂ©gation fait l'acquisition d'un terrain entre Poplar Avenue et Montgomery Street Ă  3,2 km Ă  l'est de leur synagogue et commence Ă  construire leur nouveau lieu de culte[10].

En 1885, en plus de ses autres activités, Samfield fonde The Jewish Spectator, un journal hebdomadaire sur la vie et la culture juive du Sud. Il en est l'éditeur jusqu'à sa mort en [55] - [56], juste quelques jours avant le jour prévu de sa retraite[57]. Son décès fait les gros titres et pour commémorer sa mort, les tramways de Memphis sont arrêtés pendant dix minutes[58].

William Fineshriber (1915–1924)

Portrait d'un homme rasé de près avec des cheveux partant sur le côté gauche, portant des lunettes, un costume et une cravate.
Rabbi William Fineshriber.

Fineshriber succède à Samfield en 1915[11] - [58]. Né à Saint-Louis (Missouri) en 1878, son père est un rabbin réformé. Ce dernier meurt à l'âge de trente-sept ans tandis que son fils n'en a que treize. De sa propre initiative, il part au lycée de Cincinnati. Après l'obtention de son diplôme, il suit les cours de l'Université de Cincinnati et un cursus de huit années à l'Hebrew Union College (HUC). À partir de 1900, il reçoit son diplôme des deux établissements et il est ordonné rabbin[59]. Il accepte sa première chaire cette année au Temple Emanuel de Davenport (Iowa) puis rejoint les Enfants d'Israël en 1911 comme rabbin assistant[11] - [58]. Il est le premier diplômé de HUC de la synagogue[53]. Il est tout de suite remarqué pour son esprit vif, son éloquence et sa capacité à disserter sur presque tous les sujets[60]. Souvent cité dans les journaux et engagé dans la communauté de Memphis, il est rotarien, shriner et franc-maçon[60] - [61]. Il est également un des premiers suffragistes et prend à cœur cette cause avec les Enfants d'Israël. Lors d'un meeting pour la Journée de la femme en 1913 réunissant des orateurs de Louisiane, d'Arkansas, du Mississippi et du Tennessee, il en est le seul représentant masculin. Pendant un rassemblement en 1914, il déclare que « la taxation sans représentation est une tyrannie. Le but de ce rassemblement […] est de choquer les habitants de Memphis pour qu'ils réalisent que le suffrage des femmes n'est pas un caprice d'enfant »[60].

En 1917, il se prononce fermement contre le lynchage d'Ell Persons. Ce dernier, un Noir américain accusé d'avoir violé et décapité une jeune fille blanche âgée de 16 ans, avait été brûlé vif devant des milliers de personnes à Memphis et ses restes démembrés, dispersés et exposés[62]. Fineshriber organise la réunion de la congrégation pour protester contre le lynchage, convainc les membres de condamner publiquement cette exécution que dénonce également une déclaration publiée par un groupe d'ecclésiastiques dont Fineshriber est le secrétaire[63] - [10]. Il convainc aussi l'éditeur du plus grand journal de Memphis, The Commercial Appeal, d'écrire un éditorial critiquant ce lynchage[64]. Fineshriber soutient également d'autres causes affectant les Afro-américains ; il travaille à l'amélioration de leur logement, se rend dans les églises noires et les aide dans des collectes de fonds[65]. Il critique le Ku Klux Klan depuis sa chaire. Il fait figure d'exception dans la communauté ecclésiastique de Memphis. En 1921, il publie son intention de « prêcher contre le Ku Klux Klan » devant les Enfants d'Israël dans un événement censé attirer de nombreuses personnes extérieures à la congrégation[66]. Le Klan se réorganise cette même année à Memphis, et moins d'un mois avant le discours de Fineshriber, marche publiquement à la célébration du Jour du Souvenir de Nashville. Malgré les menaces contre lui, sa femme et ses enfants, Fineshriber continue de prêcher contre le Klan, à la synagogue et ailleurs[67].

Vue arrière de nombreuses rangées de bancs, avec une allée tapissée au centre. À l'avant de la pièce se trouve une structure très grande en bois, qui remplit le mur du fond.
Le sanctuaire, dans le bâtiment de Poplar Avenue et Montgomery Street.

En 1922, en réponse à la tentative de William Jennings Bryan et de ses partisans de bannir l'enseignement de la théorie de l'évolution dans les universités et les écoles publiques, Fineshriber consacre trois sermons du vendredi soir à des débats sur la question. Il souligne devant l'assemblée le « droit inaliénable de libre pensée et de liberté d'expression garanti par la Constitution des États-Unis » et ajoute que « la majorité des prêcheurs intelligents et tolérants du monde n'ont trouvé aucune difficulté à admettre la théorie de l'évolution sans renoncer à la Bible ou à leur religion. Vous ne pouvez adorer Dieu que dans la lumière de la vérité »[68]. Pourtant, en 1925, le Tennessee devient le premier État interdisant l'enseignement de la théorie évolutive dans les écoles publiques. Cette loi ne fut abrogée qu'en 1967[69].

Pendant les premières années de Fineshriber, la congrégation continue de modifier ses pratiques religieuses. Pour les funérailles, elle encourage les parents du défunt à quitter la tombe plutôt que d'attendre que le cercueil soit descendu et qu'ils le recouvrent eux-mêmes avec de la terre – comme l'exigeait la tradition. À cette époque, peu de membres incitent leurs garçons à faire leur bar mitzvah. À la place, filles et garçons participent à la cérémonie de confirmation réformée, bien que la synagogue autorise toujours à ceux qui le veulent de fêter leur bar mitzvah. En 1916, la congrégation élimine l'observance de la fête de Pessa’h et de Souccot, demande à tous les fidèles de se lever lorsque les endeuillés récitent le kaddish, et restaurent la pratique orthodoxe de bénir et de baptiser les nouveau-nés dans la synagogue pendant l'office[70].

Les Enfants d'IsraĂ«l consacre sa nouvelle synagogue dès pour s'y installer finalement en 1917[11] - [10] - [71] - [72] - [73]. Conçue par les architectes locaux, Sir Walk C. Jones et Max Furbringer[74], elle comprend un large dĂ´me central et deux dĂ´mes plus petits sur les cĂ´tĂ©s. Elle est conçue pour ressembler Ă  la basilique Sainte-Sophie d'Istanbul[75]. L'entrĂ©e est composĂ©e de trois portes Ă  double battant et sur le fronton est taillĂ© un fragment d'un verset de la Bible : « TU AIMERAS TON PROCHAIN COMME TOI-MĂŠME » (LĂ©vitique 19:18)[75]. Le sanctuaire du bâtiment peut accueillir 1 200 personnes. Il y trĂ´ne Ă©galement un Ă©norme orgue ayant coĂ»tĂ© 10 000 $. L'argent pour ce dernier est collectĂ© par l'Auxiliaire fĂ©minin rĂ©cemment formĂ© dont les activitĂ©s les plus efficaces pour la collecte de fonds est la vente de plats cuisinĂ©s maison. Le bâtiment possède Ă©galement un auditorium avec une scène et quatorze salles de classe pour l'Ă©cole religieuse[10]. Les locaux libĂ©rĂ©s par les Enfants d'IsraĂ«l sont achetĂ©s par une nouvelle congrĂ©gation orthodoxe qui adopte le nom de l'assemblĂ©e dissoute Beth El Emeth[N 6] - [10] - [71].

Après l'entrĂ©e des États-Unis dans la Première Guerre mondiale en 1917, 131 hommes des Enfants d'IsraĂ«l sont enrĂ´lĂ©s ou appelĂ©s sous les drapeaux ; un seul fut tuĂ©[76]. Ă€ partir de 1919, la congrĂ©gation comprend 450 familles membres et ses revenus annuels atteignent les 18 000 $. L'Ă©cole de la congrĂ©gation, qui fait toujours classe une fois par semaine, compte 14 enseignants et 388 Ă©lèves[77]. Les annĂ©es suivantes, les femmes reçoivent le droit de voter Ă  toutes les rĂ©unions de la congrĂ©gation[68]. Fineshriber part en 1924 pour devenir le rabbin en chef de la congrĂ©gation Keneseth Israel de Philadelphia[78]. Entre le dĂ©but et la fin de l'occupation du poste de rabbin par Fineshriber, la communautĂ© double en effectif[61], et l'Ă©cole religieuse passe de 100 Ă  500 Ă©lèves[11] - [79]. Il meurt en 1968. Il est le seul rabbin de la congrĂ©gation Ă  ne pas ĂŞtre enterrĂ© dans son cimetière[80].

Harry William Ettelson (1925–1954)

Portrait d'un homme rasé de près portant des lunettes rondes, une chemise blanche et une cravate sombre, couvertes par un peignoir sombre.
Rabbi Harry Ettelson.

Harry William Ettelson (ou Ettleson)[81] - [11] succède à Fineshriber en 1925 ; il est le premier rabbin venant du sud des États-Unis à prêcher dans la congrégation[82] - [83] - [84]. Né en 1883, il est élevé à Mobile (Alabama)[N 7] - [82] - [81] - [84] - [83]. Il fait un baccalauréat universitaire ès lettres (B.A.) à l'université de Cincinnati – obtenant son diplôme de fin d'étude en 1900 à l'âge de 17 ans –, puis une maîtrise ès lettres (M.A.) à l'université de Chicago et enfin un doctorat en philosophie (Ph.D.) à l'université de Yale[82] - [83]. Ordonné rabbin à HUC en 1904, il travaille d'abord à la Congrégation Achduth Vesholom à Fort Wayne (Indiana) de 1904 à 1910, puis à la Congrégation Beth Israel à Hartford (Connecticut) de 1911 à 1919[82] - [83] - [85] - [86]. De 1919 à 1925, il devient rabbin associé puis rabbin en chef à la Congrégation Rodelph Shalom à Philadelphie[87].

Ettelson soutient fermement la plate-forme de Pittsburgh de 1885 et ses principes qui deviendront les fondements de ce qu'on appellera plus tard le judaĂŻsme rĂ©formĂ© « classique ». Les offices auxquels il prĂ©side reflètent cet esprit : la participation des membres aux offices — surtout faits en anglais — est limitĂ©e[10]. Ă€ Achduth Vesholom, il dĂ©place rĂ©gulièrement les offices du samedi au dimanche afin d'augmenter la prĂ©sence des membres[88]. Avant qu'il rejoigne les Enfants d'IsraĂ«l, la congrĂ©gation avait considĂ©rablement rĂ©formĂ© leurs offices ; elle ne faisait plus de bar mitzvahs, n'observait plus les lois du Cacherout et autorisait les fidèles Ă  faire la lecture de la Torah. En dehors du Shema IsraĂ«l et du kaddich, les prières en hĂ©breu et en aramĂ©en avaient presque toutes disparu. Bien qu'il ait fait certains changements de rituel lui-mĂŞme[89], Ettelson reste dans cette tradition et insiste pour que les offices de la communautĂ©, au-delĂ  des pratiques rituelles, promeuvent un judaĂŻsme universel avec une mission de justice et de paix[90]. L'annĂ©e pendant laquelle il organise le Cross Cut Club, un groupe interconfessionnel tentant de lutter contre les prĂ©jugĂ©s religieux, il devient son premier prĂ©sident et le redevient en 1950. Il initie entre autres l'Union du service civique de Thanksgiving, une veille interconfessionnelle qui fut tenue pendant de nombreuses annĂ©es. Dans les annĂ©es 1930, il prononce un discours lors d'un meeting sur l'intĂ©gration raciale mais n'est pas rĂ©invitĂ© l'annĂ©e suivante[91] - [82]. Quand Ettelson rejoint la congrĂ©gation, elle compte 650 familles membres. Pour remĂ©dier Ă  cette augmentation, en 1926, une annexe est construite dans la synagogue pour l'Ă©cole religieuse[N 8] - [92]. Cette annĂ©e la congrĂ©gation Ă©tablit Ă©galement le « Club pour Hommes du Temple » (en anglais : Temple Men's Club) qui rĂ©unit plus de 200 membres et rejoint la FĂ©dĂ©ration Nationale des FraternitĂ©s de Temple (en anglais : National Federation of Temple Brotherhoods)[89]. En 1928, la congrĂ©gation achète pour 7 250 $ une maison contiguĂ« Ă  la façade sud de la synagogue, pour les rĂ©unions de la Junior Congregation, et pour une radio qui diffuse l'office du vendredi soir[93]. La somme pour ces deux achats est offerte anonymement par un membre de la synagogue, Abe Plough, fondateur et prĂ©sident de Schering-Plough Corporate, une entreprise pharmaceutique[94]. Lors de la Grande DĂ©pression, la synagogue est sĂ©vèrement frappĂ©e. Ses revenus passent de 47 000 $ en 1928 Ă  23 000 $ en 1932 et la communautĂ© de 750 familles en 1929 Ă  629 en 1932[10]. L'Ă©cole Talmud Torah est fermĂ©e Ă  cause du manque de fonds et le conseil se focalise essentiellement sur la pĂ©rennitĂ© financière de la synagogue. Ettelson demande une rĂ©duction de paye de 1 000 $ en 1931. En 1933, son salaire ainsi que celui des autres employĂ©s de la synagogue est rĂ©duit de 10 %[95] - [96]. MalgrĂ© cela, la Junior Congregation se porte bien, elle paye 189 membres dès 1933 et tient l'office du samedi matin et des jours redoutables, et organisent de nombreux programmes[96]. La congrĂ©gation s'est finalement remise dans l'ensemble, aidĂ©e par les membres travaillant dans le monde des affaires[10]. Ă€ partir de 1936, la communautĂ© compte 650 familles et la synagogue rembourse dĂ©finitivement l'emprunt sur la construction de la synagogue, qui s'Ă©levait Ă  40 000 $[97].

Une ligne d'hommes et femmes respectivement en costumes et en robes, debouts à l'extérieur à côté d'un grand drapeau américain sur un poteau. Devant eux, une jeune fille tient une pelle et creuse la terre.
L'école religieuse révolutionnaire en 1950.

En 1932, Ettelson devient localement cĂ©lèbre lors d'un dĂ©bat Ă  l'Ellis Auditorium de Nashville avec Clarence Darrow, avocat des Ă©volutionnistes lors du procès du singe, sur la question de la nĂ©cessitĂ© de la religion. Ettelson Ă©tait bien sĂ»r en faveur de la religion tandis que Darrow Ă©tait contre[98] - [10]. Des accrochages entre Ettelson et certains membres du conseil Ă©clatent en 1937, lorsque le conseil discute son maintien en tant que rabbin. InvitĂ© Ă  la rĂ©union, Ettelson parle brièvement et demande sa dĂ©mission. Le conseil opte pour un vote de la congrĂ©gation Ă  la prochaine rĂ©union annuelle, lors de laquelle il est rĂ©Ă©lu Ă  bulletin secret Ă  303 voix contre 31. En 1938, il prend un congĂ© de maladie de huit mois. Les Enfants d'IsraĂ«l engagent un rabbin assistant, Morton Cohn[99].

La congrĂ©gation est profondĂ©ment engagĂ©e dans la Seconde Guerre mondiale. De nombreux membres sont engagĂ©s dans l'armĂ©e, Dudley Weinberg entre autres, qui avait succĂ©dĂ© Ă  Morton Cohn en tant qu'assistant. Les Enfants d'IsraĂ«l publient une lettre d'information spĂ©ciale pour les membres au combat[100]. Ă€ la fin de la guerre, Ă  peu près 400 fidèles avaient servi dans l'armĂ©e, et 14 y Ă©taient morts[72] - [10]. Comme dans d'autres congrĂ©gations rĂ©formĂ©es, les membres du Temple d'IsraĂ«l sont divisĂ©s sur la question du sionisme. La majoritĂ© Ă©tait vraisemblablement anti-sioniste. Le prĂ©sident de la synagogue rejoint l'anti-sioniste Conseil AmĂ©ricain du JudaĂŻsme (en anglais : American Council of Judaism) alors que d'autres membres importants supportent clairement le sionisme. Initialement opposĂ© au sionisme, Ettelson refuse cependant de rejoindre le Conseil. Avec la montĂ©e de l'antisĂ©mitisme Ă  l'intĂ©rieur et en dehors des États-Unis, il change d'opinion et devient l'un des premiers membres de la station locale sioniste de l'Appel Ă  une Palestine Unie (en anglais : United Palestine Appeal). Pourtant, il rĂ©ussit Ă  ne pas faire de cette question un sujet de division dans le temple[101] - [10] - [102].

En 1943, la congrĂ©gation est renommĂ©e « Temple d'IsraĂ«l »[103]. La communautĂ© s'agrandit rapidement, de 914 familles en 1944 Ă  plus de 1 100 en 1949, en plus d'un nombre important d'enfants nĂ©s lors du baby boom. En 1951, le temple ajoute un nouveau bâtiment pour l'Ă©cole religieuse qui compte 22 salles de classe, des bureaux et une bibliothèque. Cette annĂ©e la congrĂ©gation rĂ©nove la cuisine de la synagogue, installe l'air climatisĂ© dans la sacristie et l'auditorium puis dans le sanctuaire en 1953[104] - [10]. Ettelson prend sa retraite l'annĂ©e suivante. Il est remplacĂ© en tant que rabbin principal par James Wax[105].

James Aaron Wax (1954–1978)

Né en 1912, James Aaron « Jimmy » Wax est élevé à Herculaneum (Missouri) dans la seule famille juive de la ville. Pendant ses études à l'Université Washington de Saint-Louis, il est fortement influencé par le rabbin Ferdinand Isserman du Temple d'Israël de Saint-Louis et décide à son tour de devenir rabbin dans le but de promouvoir la justice sociale. À cause de contraintes financières dues à la Grande Dépression, Wax doit terminer ses études en licence à l'Université Southeast de l'État du Missouri où il obtient un baccalauréat universitaire ès lettres en 1935[105]. Incité par Isserman, il entre à HUC. À cause de sa faible maîtrise de l'hébreu, il travaille intensément avant et pendant son admission. Il est finalement ordonné rabbin et obtient une maîtrise en lettres hébraïques en 1941[106]. Refusé par l'armée en tant qu'aumônier militaire, il travaille à la Congrégation Hébraïque Unie de Saint Louis et à la Congrégation Israël de North Shore de Glencoe (Illinois) de 1941 à 1945[106] - [107]. En 1946, il devient rabbin assistant du Temple d'Israël et en 1947, il est promu rabbin associé[10]. Au début des années 1950, il est élu deux fois président de la Société pour la Santé Mentale du Comté de Memphis et de Shelby (en anglais : Memphis and Shelby Mental Health Society)[108]. Lorsqu'Ettelson prend sa retraite en 1954, Wax devient rabbin en chef[109] - [10].

Portrait d'un homme rasé de près, portant une chemise blanche et une cravate, couvertes par un peignoir sombre.
Rabbi James Wax.

Ă€ cette Ă©poque la synagogue comprend 1 200 familles membres et plus de 600 enfants Ă  l'Ă©cole religieuse. Wax initie quelques changements dans les pratiques religieuses de la congrĂ©gation. Il insiste pour que la congrĂ©gation ait un vrai chophar en corne de bĂ©lier. En 1954, ce chofar est utilisĂ© pour la première fois lors de la fĂŞte de Roch Hachana au lieu de la trompette qui avait servi pendant des annĂ©es dans la synagogue. Sous sa direction, un certain nombre de membres commencent Ă  cĂ©lĂ©brer leur bar mitzvah bien que cela ne devienne une habitude que dans les annĂ©es 1970, date Ă  laquelle il ajoute une classe d'hĂ©breu Ă  l'Ă©cole religieuse[110].

En 1955, il encourage la création de la première synagogue du judaïsme conservateur de Memphis, la synagogue Beth Sholom pour laquelle il organise une collecte de fonds afin que les Juifs conservateurs puissent avoir enfin leur propre lieu de culte[111]. À partir de 1964, quatre rabbins assistants se succèdent : Milton G. Miller, Robert Blinder, Sandford Seltzer et Sylvin Wolf. Cette année, Wax ajoute des lectures de la Torah à l'office du vendredi soir et le conseil commence à acheter les premières obligations de l'État d'Israël. À la suite de la guerre des Six Jours, le conseil se résout à vendre ses obligations le plus rapidement possible[112]. Dès 1970, Wax introduit un office pour célébrer le Yom Haʿatzmaout et commémorer le massacre de la Shoah. Bien qu'il résiste au début à l'idée d'engager un hazzan, il finit par accepter si son rôle reste limité. En 1971, Thomas Schwartz est engagé en tant que premier hazzan à plein temps du Temple d'Israël depuis 80 ans. Son salaire n'est pas payé par la synagogue mais par un groupe de membres[113]. En 1978, Wax reçoit le Prix National de Relations Humaines (en anglais : National Human Relations Award) de la Table Ronde de Memphis de la Conférence Nationale Chrétienne et Juive (en anglais : the Memphis Round Table of National Conference of Christians and Jews)[114]. Il prend sa retraite quelques semaines plus tard bien qu'il continue de servir en tant que rabbin au Temple Beth El d'Helena en Arkansas, qu'il visite régulièrement de 1978 jusqu'à sa mort en 1989[115] - [116].

Mouvement des droits civiques

Le mouvement afro-américain des droits civiques déclenche un antisémitisme extrême dans le Sud des États-Unis et les « Juifs communistes » sont accusés de détruire la démocratie en respectant l'arrêt Brown v. Board of Education décidé par la Cour suprême des États-Unis, qui interdit la ségrégation dans les écoles publiques. Les Juifs du Sud se trouvent alors dans une position compliquée, ils sont une minorité vulnérable dont le statut dans la société blanche du sud est marginal et dépend alors essentiellement de l'acceptation ou le refus de cette loi[117]. À cause de ces préoccupations et surtout après l'attentat à la bombe à l'Hebrew Benevolent Congregation Temple, la congrégation refuse que Wax s'affiche publiquement aux côtés du mouvement pour les droits civiques. De plus, bien que Wax soutienne l'intégration raciale, il n'est pas suivi par tous les membres de la congrégation. Selon Wax, « presque tous les natifs du Sud, dont la famille a vécu dans le Sud depuis deux ou trois générations, ont une attitude ségrégationniste »[118]. Au lieu de participer aux manifestations publiques, Wax travaille avec des groupes soutenant l'intégration tels que l'Association des Ministres du culte de Memphis (en anglais : the Memphis Ministers Association). Il encourage également les membres du Temple d'Israël à rejoindre des groupes comme l'association des Femmes Américaines (en anglais : Panel of American Women), un groupe interconfessionnel et interracial se proclamant en faveur de la tolérance religieuse et raciale lors d'événements communautaires et dont la section de Memphis fut fondée par un membre de la congrégation, Jocelyn Wurzburg[107] - [119]. Un autre membre, Myra Dreifus, co-crée une fondation pour les écoliers dans le besoin de Memphis dans les années 1960. Elle offre de la nourriture – essentiellement dans les écoles pour Afro-américains –, et plus tard permet la distribution de chaussures et de vêtements gratuits ou à un prix réduit[120]. La fondation comprend des femmes blanches et noires dont plusieurs appartiennent au Temple d'Israël, qui décident de soutenir cette action, en particulier à cause du rôle qu'y tient Myra Dreifus. À partir de 1968, plusieurs membres de cette solidarité féminine font un don afin que des professeurs particuliers puissent être emmenés en bus vers l'école de Kansas Street, à majorité afro-américaine. Selon Kimberly K. Little, professeur de sociologie spécialisée dans les questions d'égalité des sexes et de la place de la femme, « c'est la première fois que le Temple d'Israël ouvre ses portes à des programmes communautaires ; son action caritative antérieure restait un travail de proximité sociale concentré sur la communauté juive »[121].

Wax est particulièrement engagé dans le Comité de Memphis pour les Relations Communautaires (en anglais : Memphis Committee on Community Relations). Ce comité est formé en 1958 par un groupe de citoyens engagés de Memphis avec l'idée de lutter contre la ségrégation dans une attitude non-violente. Des comités individuels travaillent à abolir la ségrégation dans plusieurs installations publiques de Memphis. Il se bat également pour que les Noirs soient représentés au gouvernement – par élection ou nomination de fonctionnaires – et créent des programmes permettant d'améliorer les conditions économiques et les offres d'emploi pour les Noirs. Wax sert en tant que secrétaire dans le comité, de sa formation à sa dissolution dans les années 1970. Plusieurs autres membres du Temple d'Israël travaillent dans le comité, et certains en tant que propriétaires de grandes compagnies de Memphis peuvent alors mettre en œuvre cette déségrégation dans leur propre lieu de travail[122]. D'autres membres du Temple d'Israël soutiennent le mouvement des droits civiques : des cadres supérieurs convainquent leurs magasins d'employer des vendeurs noirs. Herschel Feibelman préside au Comité de Guerre contre la Pauvreté de Memphis et Marvin Ratner crée un partenariat avec un cabinet juridique local très en vue pour former, avec deux avocats blancs et deux avocats noirs, le premier cabinet juridique intégré de Memphis[107].

En , le maire de Memphis, William B. Ingram, demande à Wax de rejoindre son Comité d'Action Communautaire, un groupe qui tente de récupérer des fonds fédéraux afin de lutter contre la pauvreté et de former la jeunesse afro-américaine à un travail. En août, Wax devient président de ce comité politique à majorité afro-américaine. Bien que le comité crée un certain nombre de programmes efficaces, des désaccords à propos du rôle du maire dans le choix des membres et le contrôle de fonds mènent à la dissolution du groupe en . En tout cas, Ingram loua les efforts de Wax pour le compte du groupe[123]. Wax est également actif dans d'autres groupes pour les droits civiques tels que le Conseil du Tennessee en Relations Humaines, l'Union américaine pour les libertés civiles, la Ligue Urbaine de Memphis et le Programme pour le Progrès, un groupe travaillant à la réforme du gouvernement local[124]. Il est élu président de l'Association des Ministres du Culte de Memphis en , bien qu'il en soit l'unique représentant de confession juive[125].

Le , deux éboueurs de Memphis sont tués dans un compacteur défectueux, entraînant le début de la grève des éboueurs de Memphis le . La plupart d'entre eux sont noirs et ont un salaire bien inférieur à celui des autres fonctionnaires de Memphis. Leurs heures supplémentaires ne sont pas payées, ainsi que leur congés[126]. Le maire de l'époque, Henry Loeb, est un ancien membre du Temple d'Israël, converti au christianisme au début de son mandat en 1968, après son mariage avec sa compagne affiliée à l'Église épiscopale[10] - [127]. Il refuse de négocier avec les éboueurs et la grève attire l'attention de tout le pays qui la considère comme un véritable problème de droits civiques[126]. Après avoir été contacté par des prêtres noirs, Wax organise une rencontre le entre Loeb, des dirigeants syndicaux locaux et Jerome Wurf, le président de l'American Federation of State, County and Municipal Employees. Les tractations, qui se prolongent jusqu'à 5 heures du matin et qui reprennent un peu plus tard dans la journée, n'amènent aucune solution[128]. Myra Dreifus tente de convaincre Loeb en lui rappelant son soutien durant la campagne municipale. Il représente donc à la fois les blancs mais aussi les noirs de Memphis[129]. La grève dure tout le mois de mars. Afin d'apaiser les tensions, Wax appelle à une autre rencontre le entre les clergés des deux communautés : la Memphis Ministers Association, majoritairement blanche et l'Interdenominational Alliance, composée plutôt de prêtres noirs[130]. La rencontre a en fait l'effet inverse. Les prêtres noirs veulent immédiatement défiler jusqu'au bureau du maire tandis que les autres, ainsi que Wax, refusent de se joindre à la manifestation qui, selon eux, risque d'enflammer la communauté blanche[130].

Martin Luther King, Jr. est assassinĂ© Ă  Memphis la nuit d'après. La Memphis Ministers Association organise une cĂ©rĂ©monie commĂ©morative le . Pendant la cĂ©rĂ©monie, les prĂŞtres dĂ©cident de manifester jusqu'Ă  la mairie et insistent pour que Loeb examine les revendications des Ă©boueurs et mette un terme Ă  la grève. MenĂ©s par Wax et William Dimmick, le doyen de la cathĂ©drale Sainte-Marie, 250 religieux marchent deux par deux jusqu'au bureau du maire oĂą Loeb est contraint de mettre fin Ă  la grève devant les camĂ©ras de tĂ©lĂ©vision[131]. Dans son sermon au Temple d'IsraĂ«l, Wax dĂ©clare devant la congrĂ©gation : « Cette ville sera le tĂ©moin d'un esprit nouveau et la mĂ©moire de ce grand prophète de notre temps sera honorĂ©e. Des fanatiques, des sĂ©grĂ©gationnistes et des personnes, prĂ©tendument respectables mais injustes, rĂ©sisteront. Mais au regard de l'histoire, Dieu seul prĂ©vaudra »[119]. La grève prend fin le avec la reconnaissance d'un syndicat des Ă©boueurs ainsi que d'autres avantages[114]. Une seule revendication n'est pas exaucĂ©e, celle qui exige une augmentation de 10 Â˘ de l'heure Ă  partir du 1er mai, suivie d'une autre augmentation Ă  partir du 1er septembre. La ville ne possède pas le budget suffisant estimĂ© Ă  558 000 $. Pour sortir de cette impasse, Abe Plough, un membre de la synagogue fait don de la somme manquante anonymement[132] - [10].

Déménagement sur East Massey Road

Une vue aérienne d'une grande pièce semi-circulaire, remplie de rangées de bancs courbés et un balcon semblable à l'étage. Les gens sont debout devant la plupart des sièges, tenant des livres ouverts. Beaucoup d'hommes portent des kippahs. Les bancs font face à une plate-forme surélevée et devant cela, une arche ouverte contenant des Torahs.
Le sanctuaire de la synagogue d'East Massey Road.

Ă€ partir de 1957, le sanctuaire de la synagogue, censĂ© recevoir quelque 350 familles, devient trop petit pour accueillir les 1 100 familles membres du Temple d'IsraĂ«l. De plus, depuis les annĂ©es 1950, la communautĂ© juive se dĂ©place peu Ă  peu du centre-ville oĂą se situe la synagogue de Poplar Avenue vers la banlieue est. Dès 1957, plus de la moitiĂ© des membres ainsi que les trois-quarts des enfants de l'Ă©cole de la congrĂ©gation vivent lĂ . La frĂ©quentation scolaire augmente rapidement et, en 1951, les bâtiments ne peuvent plus accueillir tous les Ă©lèves. En 1959, l'Ă©cole doit diviser la classe en deux, les plus jeunes assistant aux cours le samedi et les plus vieux le dimanche[10]. Ă€ partir de 1961, 780 enfants y sont inscrits[133]. Au dĂ©but des annĂ©es 1960, le Temple d'IsraĂ«l commence Ă  faire classe pendant la semaine dans la synagogue de Beth Sholom, plus proche pour beaucoup de membres[10].

En 1963, le Temple d'IsraĂ«l conçoit des plans pour un nouveau bâtiment et, en 1964, achète un terrain sur White Station Road[109] - [10]. En 1966, les membres votent contre ce nouveau bâtiment, inquiets pour les dĂ©penses Ă  venir[10]. Pourtant au dĂ©but des annĂ©es 1970, le problème ne peut plus ĂŞtre ignorĂ©. Plough propose une donation de 1 million de dollars, soit le quart du coĂ»t d'une telle construction[N 9] - [10]. Le terrain de White Station Road est vendu pour 1 million de dollars tandis qu'un terrain de 12 hectares est achetĂ© sur East Massey Road pour 700 000 $[134] ; la congrĂ©gation dĂ©mĂ©nage dans les nouveaux bâtiments en [72]. La vieille synagogue est vendue au Mid-America Baptist Theological Seminary qui doit occuper les locaux pour les vingt annĂ©es suivantes[N 10] - [135] - [136]. Le nouveau bâtiment est conçu par Francis Gassner de Gassner, Nathan and Partners (ou Gassner, Nathan and Browne), avec Percival Goodman comme architecte consultant[137] - [138] - [139]. Il est construit en acier et en maçonnerie, autant Ă  l'intĂ©rieur qu'Ă  l'extĂ©rieur, et un toit en cuivre le recouvre[138]. La façade es constituĂ©e d'une vĂ©randa Ă  deux Ă©tages abritant un jardin et une salle de rĂ©ception qui mène Ă  un vestibule plus petit, et enfin au sanctuaire principal[140]. Le bâtiment comprend 32 salles de classe[141], et une chapelle de 300 places, plus tard appelĂ©e la chapelle Danziger en honneur au rabbin Harry Danziger et Ă  sa femme Jeanne[137]. La lampe Ă©ternelle, les portes de l'arche sainte et la dĂ©coration murales des Dix commandements du bâtiment de Poplar Road sont transfĂ©rĂ©s dans la nouvelle chapelle[141].

Le sanctuaire, qui comprend entre 1 335 et 1 500 places, est de forme semi-circulaire afin qu'aucun fidèle ne t soit Ă  plus de 15 rangs de l'arche sainte[137] - [139]. Il est Ă©clairĂ© par des lucarnes et possède un balcon. Son plafond attenant au vestibule et Ă  la chapelle est en chĂŞne, de mĂŞme que les portes et les boiseries[137]. L'intĂ©rieur du bâtiment fut dessinĂ© par Efrem Weitzman, ainsi que l'arche sainte, la plupart des objets rituels, les vitraux, les mosaĂŻques et les tapisseries[137] - [72]. Pour l'architecte, la conception compacte du sanctuaire et l'usage dĂ©libĂ©rĂ© de vitraux et de boiseries « achevait les sentiments dĂ©sirĂ©s d'intimitĂ© »[137]. Sur le mĂŞme niveau que le balcon, est construit une galerie, originellement prĂ©vue pour des expositions d'art judaĂŻque[137]. En 1994, avec le don de Herta et Justin Adler de la Adler Judaica Collection, cette galerie devient un musĂ©e permanent[142] - [143]. Cet ensemble situĂ© au 1376 East Massey Road coĂ»te finalement 7 millions de dollars, dont plus de 2 millions de dollars sont offerts par Plough[10]. En remerciement pour cette offre gĂ©nĂ©reuse, Plough est nommĂ© prĂ©sident honoraire Ă  vie[144].

En 2003, la congrĂ©gation entreprend une rĂ©novation significative et une expansion des locaux. Plus de 9 300 m2, incluant le grand hall, sont rĂ©novĂ©s et un centre pour les familles et la petite enfance est construit, crĂ©ant ainsi un bâtiment en forme de U encerclant une cour centrale. L'architecte Walt Reed de la Crump Firm dit qu'il voulait garder « la forme simple, gĂ©omĂ©trique et contemporaine » du bâtiment prĂ©cĂ©dent, ainsi que le toit en cuivre et plusieurs dĂ©tails d'architecture. Le projet de construction d'approximativement 15 millions de dollars prend deux ans et se termine en 2007[138]. Dans l'atrium, on installe la sculpture Wings to the Heavens de David Ascalon de 9,10 m en aluminium et en acier inoxydable soudĂ©s, une Ĺ“uvre abstraite d'art cinĂ©tique[145].

Harry Danziger (1978–2000), la synagogue de nos jours

Portrait d'un homme rasé de près souriant avec des cheveux grisonnants, portant des lunettes de style d'aviateur teintées, une cravate et une veste de costume avec de fines rayures.
Rabbi Harry Danziger.

Harry K. Danziger succède Ă  Wax en tant que rabbin en 1978[109] - [10]. Fils de rabbin, Danziger est diplĂ´mĂ© de l'universitĂ© de Cincinnati et ordonnĂ© rabbin par la HUC[109] - [10]. Il rejoint le Temple d'IsraĂ«l comme assistant du rabbin en 1964. Mais en 1969, il dĂ©mĂ©nage Ă  Monroe en Louisiane pour prĂ©sider Ă  la congrĂ©gation B'nai Israel[109] - [10]. Il est remplacĂ© d'abord par Howard Schwartz, puis par Richard Birnholz[146]. Birnholz donne sa dĂ©mission en 1973 et Wax commence Ă  penser Ă  prendre sa retraite. Danziger, alors au Temple Oheb Shalom de Baltimore, est contactĂ© par Wax pour devenir son successeur. Il retourne au Temple d'IsraĂ«l cette mĂŞme annĂ©e en tant que rabbin associĂ©[147]. La synagogue comprend 1 350 familles au milieu des annĂ©es 1960 mais le nombre de fidèles augmente après le dĂ©mĂ©nagement sur East Massey Road[148]. Lors du dĂ©part de Wax, la communautĂ© compte 1 500 familles[109] - [10], et plus de la moitiĂ© des 10 000 juifs de Memphis appartient au Temple d'IsraĂ«l[148].

Dans son premier sermon en tant que rabbin associé, Danziger déclare que « nous pouvons nous permettre d'avoir l'air juifs après toutes ces années… et ne serait-ce que par respect pour soi, nous ne pouvons nous permettre de faire autrement ». En tant que rabbin principal, il reprend lentement des pratiques religieuses plus traditionnelles, s'éloignant ainsi du radicalisme du judaïsme réformé[10]. Ces pratiques comprennent le chant des bénédictions de la Torah, une procession de la Torah à travers les rangs du sanctuaire[10], le jeûne du Yom Kippour, la circoncision des enfants mâles et la récitation du kaddish lors des décès[147]. En 1979, il remplace progressivement le vieux Union Prayer Book par le nouveau siddour Gates of Prayer et, plus tard, il commence à porter le talit en montant à la Torah. Ces changements ne se passent pas sans heurt et, à la suite du retour de cette dernière pratique, un des membres quitte la congrégation en signe de protestation[149]. Bien que plus conservateur que ces prédécesseurs, il tient à marier des couples dont l'un des membres n'est pas forcément juif, mais il informe également les mariés de la signification de la famille juive[150]. Danziger s'implique dans la Central Conference of American Rabbis et devient finalement son président[151].

John Kaplan est engagé comme hazzan de la synagogue en 1981 et préside aux offices moins formels et plus interactifs[10]. Il innove en amenant des musiques plus modernes, encourageant la congrégation à chanter et préférant un accompagnement à la guitare plutôt qu'à l'orgue[152]. En 2006, l'office du vendredi soir inclut un office spirit dans lequel joue un house band[151].

Une vue à ras du sol d'une douzaine de rangées de chaises, remplies d'hommes et de femmes, tous faces au devant de la pièce. Une œuvre d'art vivement colorée avec un arc-en-ciel et une conception du Soleil remplit le mur frontal. Le centre de l'œuvre d'art représente une arche de Torah ouverte et au-dessus de cela est une représentation des deux tablettes tenant les Dix Commandements.
La chapelle dans le bâtiment d'East Massey Road.

Sous la direction de Danziger, plusieurs assistants rabbins se succèdent : Alan Greenbaum (1977–1981), Harry Rosenfled (1981–1984), Constance Abramson Golden (1984–1986, première femme assistante rabbin du Temple d'Israël) et Marc Belgrad (1986–1991)[153]. Micah D. Greenstein, le fils du rabbin Howard Greenstein[154] - [155], succède à Belgrad comme assistant rabbin en 1991 puis est promu rabbin associé[156]. Diplômé de l'Université Cornell et de la John F. Kennedy School of Government, il est ordonné rabbin par la HUC. Après le départ en retraite de Danziger en 2000, il devient le rabbin principal. Défenseur de la justice sociale, il tenta de convaincre la commission du comté de Shelby de voter une loi interdisant les discriminations contre les homosexuels et les transsexuels et utilise la Bible afin de contrer les arguments de ceux qu soutiennent sur la base des versets de la Bible que les homosexuels méritent une telle discrimination[157]. Il est élu président de la Memphis Ministers Association pour deux mandats, et s'assoit à la table de plusieurs associations locales à but non lucratif[158].

Valerie Cohen devient rabbin assistante en 1999 jusqu'en 2003, avant de devenir rabbin dans la Congrégation Beth Israel de Jackson (Mississippi)[159]. Adam B. Grossman, un diplômé de l'Université d'État de l'Ohio, ordonné rabbin par la HUC, rejoint la congrégation comme assistant rabbin en . Il avait auparavant servi en tant que rabbin stagiaire au Temple d'Israël de Dayton. Katie M. Bauman, diplômée de l'Université Washington de Saint-Louis et ordonnée rabbin par la HUC devint assistante rabbin en . Elle avait auparavant tenu le rôle de rabbin à Natchez (Mississippi) et à Marion (Ohio), celui de hazzan à Cincinnati au Temple de Rockdale et en 2003–2004, elle était artiste et éducatrice en résidence au Temple d'Israël[156].

Le Temple d'IsraĂ«l subit de modestes fluctuations dans le nombre de fidèles dans les annĂ©es 1990 et 2000. La moitiĂ© des juifs pratiquants de Memphis vient rĂ©gulièrement au Temple d'IsraĂ«l[160]. En 1995, il y a plus de 1 700 familles et en 2004, il y en a plus de 1 800. L'Ă©cole religieuse accueille quelque 800 Ă©lèves[109] - [10]. En 2008, l'Ă©cole (renommĂ© the Wendy and Avron Fogelman Religious School) n'en accueille que 500 et en 2010, la communautĂ© ne compte que 1 600 familles[161]. Elle reste cependant la seule synagogue rĂ©formĂ©e de Memphis, la plus grande et la plus vieille synagogue du Tennessee et l'une des plus grandes synagogues rĂ©formĂ©es des États-Unis[162] - [1] - [158]. Ă€ partir de 2010, Micah Greenstein devient le rabbin principal avec Adam Grossman et Katie Bauman comme assistants rabbins, Harry Danziger comme rabbin Ă©mĂ©rite et John Kaplan en tant que hazzan[156].

Notes et références

Notes

  1. En comparaison, le salaire du boucher casher est de 300 $, sans compter ce qu'il gagne en tuant les volailles.
  2. Le chœur est approuvé en 1862, mais commence le chant dans les services à partir du printemps de l'année 1863, à temps pour les premières cérémonies de confirmation. L'organe est utilisé pour la première fois en avril 1864 pour les services de la Pâque, à la demande de la chorale.
  3. Le score final en sa faveur est de 41 sur 48 votes.
  4. Le terrain est acquis pour 1 000 $ ou 1 750 $ en 1890 selon les sources, avec un supplĂ©ment de 2 000 $ pour les travaux de cette annĂ©e-lĂ , et 1 800 $ pour l'amĂ©nagement paysager et une chapelle l'annĂ©e suivante. Le terrain est d'abord la propriĂ©tĂ© de Beth El Emeth.
  5. En 1898 et 1899, les Enfants d'IsraĂ«l compte 185 familles, et l'Ă©cole religieuse douze enseignants et 130 Ă©lèves.
  6. Les Enfants d'IsraĂ«l ont payĂ© 2 500 $ en espèces, et ont avancĂ© la valeur rĂ©siduelle de 12 000 $ par le biais d'un prĂŞt au nom du Temple.
  7. Selon les sources, il serait soit né en Lituanie, soit à Mobile.
  8. La moitiĂ© du coĂ»t total, environ 24 000 $, est financĂ©e par le don du prĂ©sident de la synagogue Joseph Newburger, et le reste par un prĂŞt totalement remboursĂ© en 1928.
  9. La donation de 1 million de dollars correspond aujourd'hui Ă  5 200 000 $.
  10. Le Temple d'IsraĂ«l veut un million de dollars pour la vieille synagogue. Bien que le prix soit ramenĂ© ensuite Ă  940 000 $, les acheteurs l'achètent pour seulement 800 000 $. Finalement, Plough accepte de rĂ©duire encore son prix de 140 000 $.

Références

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Annexes

Bibliographie

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Ouvrages

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