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Plate-forme de Pittsburgh de 1885

La plate-forme de Pittsburgh de 1885 est le texte fondamental de la réforme classique du judaïsme aux États-Unis.

Appelant les Juifs à adopter une approche moderne dans la pratique de leur foi, elle énonce en huit points la primauté de la croyance et de l’éthique sur la pratique et la tradition ainsi que le rejet de toute définition nationaliste de la communauté juive.

Cette plate-forme a été adoptée par l'UAHC (Union of American Hebrew Congregations) en 1885.

Aux origines de la plate-forme

La réforme du judaïsme, née en Allemagne, se diffuse ensuite aux États-Unis où les Juifs souhaitent pour la plupart une certaine évolution du judaïsme, depuis l’aile dure représentée par David Einhorn, adepte de Samuel Holdheim, à ceux qui entendent se situer dans la continuité du courant allemand (plus influencé par Abraham Geiger) comme Isaac Mayer Wise et à des rabbins orthodoxes « progressistes » comme Marcus Jastrow et Sabato Morais.

Au plus fort de sa controverse avec Alexander Kohut, opposant au radicalisme, le rabbin réformé Kaufmann Kohler, proche de David Einhorn, convoque une convention au Concordia Club à Pittsburgh, Pennsylvanie, laquelle se tient du au . Il la présente comme la suite logique de la convention de Philadelphie de 1869, qui avait abouti à la constitution du Minhag America, rituel réformé unifié, alors même qu’il s’était opposé aux mesures d’Isaac Mayer Wise, les jugeant contraires à l’idéologie libertaire du mouvement réformé. Cependant, soucieux de l’influence qu’il entend donner à cette conférence, il demande à Wise d’y présider.

Les huit points de la plate-forme

Ce document fondateur définit l'idéologie de la réforme classique en huit points[1], et nommé « Déclaration juive d'indépendance » par le rabbin Isaac Mayer Wise.

  • Le premier dĂ©finit la religion comme un dĂ©sir universel Ă  Ă©prouver la « prĂ©sence de Dieu dans l'homme » et le judaĂŻsme comme la religion possĂ©dant « la conception la plus Ă©levĂ©e de l'idĂ©e de Dieu », bien que soit reconnu que toute religion tend vers « Celui qui est infini ».
  • Le second appuie sur l’importance de la Bible plutĂ´t que du Talmud, soulignant par ailleurs qu’il s’agit d’un produit humain de son Ă©poque.
  • Les troisième et quatrième points dĂ©clarent explicitement vouloir n’en garder que les aspects moraux et appellent au rejet pur et simple de toutes les lois Ă©tablies sur des bases rituelles plutĂ´t que morales. La cacheroute (observation des lois alimentaires juives) est l’un de ces rituels qu’il convient d’abroger car inadaptĂ©s Ă  la civilisation moderne et Ă©dictĂ©s en rĂ©ponse Ă  des idĂ©es « Ă©trangères Ă  notre statut mental et spirituel actuel », focalisant indĂ»ment les esprits sur des pratiques dĂ©passĂ©es plutĂ´t que sur des considĂ©rations Ă©thiques.
  • Les cinquième et sixième points sont un rejet de la notion de peuple juif et de retour en Palestine, la plate-forme de Pittsburgh dĂ©finissant les Juifs comme une communautĂ© religieuse, certes consciente et fière de son passĂ© glorieux, Ă  l'intĂ©rieur de la nation amĂ©ricaine. Elle appelle donc au rejet dĂ©finitif de toute vellĂ©itĂ© de rĂ©instaurer une prĂ©sence juive dans son berceau historique ou du culte sacrificiel : il ne saurait ĂŞtre question « d'un retour vers la Palestine, d'un culte qui autoriserait le sacrifice d'animaux et de la restauration des lois de l'Etat hĂ©breu ». La plate-forme appelle aussi Ă  reconnaĂ®tre les mĂ©rites du christianisme et de l'islam, en tant que religions dĂ©rivĂ©es du judaĂŻsme et par lĂ  mĂŞme alliĂ©es naturelles dans l’établissement de l’idĂ©al juif.
  • Le septième point situe la notion de rĂ©tribution dans le seul plan de l’âme, rejetant les concepts de rĂ©surrection, de paradis et d’enfer.
  • Le huitième point insiste enfin fortement sur le concept de justice sociale, dĂ©fini comme le fondement, le but et l’idĂ©al de la loi mosaĂŻque (et actuellement exprimĂ© par la conception rĂ©formĂ©e du tikkoun olam, « rĂ©paration du monde »).

RĂ©percussions de la plate-forme

Loin d’être le document conciliant toutes les tendances, la plate-forme de Pittsburgh reflète principalement les opinions et positions de Kaufmann Kohler, dont la foi a été anéantie par les nouvelles sciences dispensées à l’Université de Berlin. La pratique et le nationalisme juif sont donc abandonnées sur l’autel de la religion naturelle, dont le judaïsme réformé n’est plus qu’une variante juive.

Le rejet des repères traditionnels comme la cacherout, concrétisé par la présence de fruits de mer au buffet suivant la déclaration, met fin au rêve d’Isaac Mayer Wise de réunir sous sa bannière toutes les tendances juives des États-Unis. Les dénominations Union of American Hebrew Congregations et Hebrew Union College-Jewish Institute of Religion sont toutefois conservées (l’UAHC deviendra ultérieurement l’Union for Reform Judaism).

Les partisans d’une réforme modérée, principalement représentés par Sabato Morais et Marcus Jastrow, appuyés par Alexander Kohut et Bernard Drachman et soutenus par des juifs désormais en rupture tant avec l’orthodoxie traditionnelle que la réforme, fondent le Jewish Theological Seminary of America. Celui-ci prône initialement une orthodoxie « progressiste » modérée avant de devenir, vers la fin des années 1880, le centre d’une nouvelle tendance, le « judaïsme conservateur », sous l’impulsion du rabbin Solomon Schechter et de divers rabbins formés au Jüdisch-Theologische Seminar de Zacharias Frankel à Breslau.

L’aspect le plus controversé de la plate-forme de Pittsburgh demeure néanmoins son anti-sionisme patent. Si Isaac Mayer Wise avait pu faire une entorse à ses principes en maintenant à son poste Caspar Levias, Kaufmann Kohler, le « Torquemada de l’anti-sionisme », écartera ce dernier ainsi que Henry Malter, Max Schloessinger et Max Margolis de l’Hebrew Union College[2].

Devenir de l’idéologie de la plate-forme

Ainsi que le notait Kohler, le judaïsme réformé se veut progressiste et ses positions sont périodiquement réévaluées afin de répondre aux souhaits de la majorité des membres de l’Union pour le judaïsme réformé.

Kohler mort, le mouvement réformé révise progressivement ses positions sur le sionisme, principalement du fait de l’arrivée aux États-Unis de populations d’Europe de l'Est pour lesquels les États-Unis sont avant tout un refuge contre l’anti-sémitisme. La plate-forme de Columbus de 1937 évoque le sujet, encore que de manière assez nuancée, bien que le très influent et pro-sioniste American Jewish Congress, fondé un an plus tard, compte parmi ses principaux représentants les rabbins réformés Stephen Wise, Abba Hillel Silver et Max Raisin[3]. En 1976, la reconnaissance du peuple juif est actée lors de la « Centenary Perspective », adoptée par la Central Conference of American Rabbis (CCAR) à San Francisco à l’occasion du centenaire de la fondation des principales institutions réformées[4] et, en 1997, à l’occasion du centenaire du sionisme politique, la CCAR traite, pour la première fois, spécifiquement des rapports entre judaïsme réformé et sionisme dans son Reform Judaism & Zionism : A Centenary Platform, également appelée plate-forme de Miami[5].

Par ailleurs, la plate-forme de Pittsburgh de 1999 se marque par un retour relatif à la tradition, bien que maintenant ses positions sur la non-contraignance de la Loi juive. Par ailleurs, l’attitude du judaïsme réformé sur d’autres points, tels que la patrilinéarité, la reconnaissance partielle de la validité des mariages mixtes et l’ordination des femmes, le maintient en tension avec les mouvements du judaïsme plus traditionnels et en opposition avec les lois religieuses en Israël.

Notes

  1. Central Conference of American Rabbis (ccarnet.org/rabbis-speak/platforms/declaration-principles/ (CCAR ed. 2014)
  2. Naomi Wiener Cohen, The Americanization of Zionism, 1897-1948, Brandeis University Press/University Press of New England, 2003, pp. 55-57
  3. (en) « Religion : Jews v. Jews », sur Time,
  4. (en) « Reform Judaism : A Centenary Perspective. Adopted in San Francisco – 1976 »
  5. (en): Reform Judaism & Zionism: A Centenary Platform "The Miami Platform" - 1997

Références

Liens externes

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