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Yamim NoraĂŻm

Les jours redoutables (hĂ©breu : Ś™ŚžŚ™Ś Ś Ś•ŚšŚŚ™Ś yamim noraĂŻm) dĂ©signent dans le judaĂŻsme une pĂ©riode mal dĂ©finie, considĂ©rĂ©e comme particuliĂšrement propice au repentir, alors mĂȘme que l’humanitĂ© est en instance de jugement devant Dieu.

Yamim NoraĂŻm
Image illustrative de l’article Yamim Noraïm
Le chofar dit : Éveillez-vous, dormeurs, de votre sommeil et vous, assoupis, de votre torpeur !
(MaĂŻmonide, Ya"d Hilkhot teshouva 3:4)
Sources halakhiques
Textes dans la Loi juive relatifs Ă  cet article
Choulhan Aroukh Orah Hayim chap. 581
Autres références rabbiniques Sefer Maharil, Hilkhot yamim noraïm

Apparue au XIVe siĂšcle, la notion dĂ©signe tantĂŽt une saison pĂ©nitentielle s’étalant du mois d’eloul Ă  Yom Kippour voire Ă  Hochana Rabba (le dernier jour de la fĂȘte de Souccot), tantĂŽt les seules fĂȘtes solennelles de Roch Hachana et Yom Kippour ou les dix jours entre ces deux fĂȘtes.

Les yamim noraĂŻm dans les sources juives

Le terme yamim noraĂŻm apparaĂźt pour la premiĂšre fois dans le Sefer Minhaggim du Maharil et y dĂ©signe la pĂ©riode des selihot (poĂšmes liturgiques implorant le pardon divin) qui dĂ©bute le dernier dimanche du mois d’eloul, c’est-Ă -dire le dimanche prĂ©cĂ©dant Roch Hachana[1].
La notion de noraout (« redoutabilitĂ© Â») est plus ancienne et rencontrĂ©e Ă  maintes reprises dans la Bible hĂ©braĂŻque pour dĂ©crire la crainte respectueuse inspirĂ©e par la majestĂ© divine[2].

Le terme n’apparaĂźt pas dans la littĂ©rature sĂ©farade mĂ©diĂ©vale et le Choulhan Aroukh ne parle que des « jours des supplications Â» (yemei tahanounim), qui couvrent une pĂ©riode allant du mois d’eloul Ă  Yom Kippour[3]. C’est Ă©galement la coutume des Juifs d’orient[4] ; les rabbins yĂ©mĂ©nites dĂ©livrent mĂȘme des sermons sur le repentir lors du chabbat prĂ©cĂ©dant la nĂ©omĂ©nie du mois d’eloul[4] alors que leurs homologues ashkĂ©nazes ne le font qu’à l’occasion du chabbat prĂ©cĂ©dant Yom Kippour.

Diverses opinions continuent donc Ă  se rencontrer dans la littĂ©rature ultĂ©rieure, parfois au sein d’un mĂȘme ouvrage. En effet, Shneour Zalman de Liadi utilise tantĂŽt le terme pour la pĂ©riode allant des selihot Ă  Yom Kippour[5] (Ă  l'instar du Magen Avraham (en)[6]), tantĂŽt pour dĂ©signer les dix jours de pĂ©nitence entre Roch Hachana et Yom Kippour[7]. L’Aroukh Hachoulhan ne dĂ©finit par ce terme que les fĂȘtes de Roch Hachana et Yom Kippour[8], de mĂȘme qu’Ovadia Yossef dans le Yabia Omer.

Le Rem"a signale par ailleurs les nombreuses coutumes qui rapprochent le dernier jour de Souccot, Hochanna Rabba, de la veille de Yom Kippour[9], reprenant une tradition kabbalistique qui voit en Hochana Rabba le jour de la finalisation du jugement.

Observances des yamim noraĂŻm

Lecture des selihot au pied du Mur occidental, la veille de Yom Kippour 2010

Les jours redoutables ont, de tout temps, Ă©tĂ© les temps de plus grande affluence annuelle des Juifs Ă  la synagogue[10] et il est interdit en ces jours de se dĂ©rober Ă  la participation aux priĂšres publiques lorsqu’on sait que la congrĂ©gation atteint pĂ©niblement le quorum de dix hommes[11].

La pĂ©riode, quelle qu’en soit la durĂ©e, doit privilĂ©gier le repentir. La tsedaqa (dons monĂ©taires, de prĂ©fĂ©rence anonymes, aux pauvres) et la priĂšre (au sens oĂč le judaĂŻsme l’entend, c’est-Ă -dire plus axĂ©e sur l’introspection que sur l’imploration[12]) sont Ă©galement encouragĂ©es[13] car elles annulent selon la tradition tous les mauvais dĂ©crets.

Ce processus d’introspection serait facilitĂ© par les sept sections de consolation, lues pendant les sept chabbatot sĂ©parant le 9 av de Roch Hachana car elles Ă©voquent la vulnĂ©rabilitĂ© de l’ĂȘtre devant le changement[14].

Avant les fĂȘtes

Les ashkĂ©nazes commencent Ă  sonner du chofar aprĂšs l’office du matin Ă  partir du mois d’eloul jusqu’à la veille de Roch Hachana afin de marquer une diffĂ©rence entre sonneries facultatives et obligatoires. Il est aussi de coutume de lire le psaume 27 aprĂšs les offices du matin et du soir, de la nĂ©omĂ©nie d’eloul jusqu’à Hochanna Rabba[15].
Les sĂ©farades (et les orientaux) ne font rien de tout cela (apparemment pour des raisons de censure de la part des autoritĂ©s musulmanes[4]) mais commencent Ă  lire des selihot Ă  l’aube (alors que les ashkĂ©nazes ne le font qu’à partir du dimanche prĂ©cĂ©dant Roch Hachana[16]). Dans les communautĂ©s sĂ©farades et orientales, un chamach (bedeau) passait rĂ©veiller tous les membres de la congrĂ©gation, les appelant par leur nom (y compris les nourrissons qui ne l’avaient pas encore reçu). La participation Ă©tait obligatoire et les enfants avaient pour rĂŽle de rĂ©veiller les rĂ©calcitrants, de la maniĂšre forte si besoin Ă©tait[4].
Tous formulent des bons vƓux (« puissiez-vous ĂȘtre Ă©crit et consignĂ© dans le livre de bonne vie Â») dans leur correspondance, dĂšs le mois d’eloul[15].

Certains ont coutume, avant les fĂȘtes des yamim noraĂŻm, de se mortifier par des jeĂ»nes volontaires[17]. Il est Ă©galement devenu traditionnel, depuis l’instauration de cette pratique par les kabbalistes de la terre d’IsraĂ«l[4], de se rendre sur les tombes des Justes pour demander Ă  Dieu de prendre en compte les mĂ©rites de ces illustres morts lorsque viendra le moment de juger les vivants (en veillant Ă  ne pas adresser les priĂšres aux morts eux-mĂȘmes mais des formules de consolation sont autorisĂ©es)[18].

Les fĂȘtes des jours redoutables

Les fĂȘtes des yamim noraĂŻm (Roch Hachana, Yom Kippour et Hochana Rabba) sont, pour les ashkĂ©nazes, marquĂ©es par le blanc car en ces jours, les hommes atteignent ou doivent Ă  tout le moins viser un niveau de puretĂ© angĂ©lique : rideau de l’arche, manteau des rouleaux de la Torah, estrade de lecture, napperons des pupitres, officiant et chefs de famille sont revĂȘtus de blanc[19]. L’officiant et le sonneur de chofar ont par ailleurs l’habitude de s’isoler avant Roch Hachana, se gardant de toute impuretĂ© et se plongeant dans une littĂ©rature appropriĂ©e (lois des jours ou du chofar, poĂšmes, Ă©thique, morale, etc.)[20].

Roch Hachana

Le « jour de la sonnerie Â» ou « du souvenir de la sonnerie Â» est devenu dans la littĂ©rature rabbinique le jour de jugement de l’humanitĂ© au cours de laquelle celle-ci passe comme un troupeau devant son crĂ©ateur, trĂŽnant devant trois livres, celui de la vie, celui de la mort et celui des cas non-dĂ©cidĂ©s[21].

La liturgie est marquĂ©e par la sonnerie du chofar (sauf le chabbat), les piĂšces liturgiques emplies de crainte comme l’OunetanĂš Toqef ou de supplication comme l’Avinou Malkenou (Ă  l'exception du chabbat).
L’aprĂšs-midi du premier jour (ou du second si le premier a lieu Ă  chabbat), les fidĂšles se hĂątent prĂšs d’un point d’eau pour y jeter leurs fautes au plus profond des mers, lĂ  oĂč, selon les paroles de MichĂ©e[22], elles ne remonteront plus jamais[23].

Yom Kippour

Le « jour des propitiations Â» est celui oĂč Dieu entĂ©rine la dĂ©cision qu'il a, selon la tradition rabbinique, Ă©crite Ă  Roch Hachana[21]. Les dix jours compris entre Roch Hachana et Yom Kippour et incluant ceux-ci sont, selon la tradition rabbinique, les jours oĂč, selon les mots d’IsaĂŻe, Dieu se laisse trouver (par les pĂ©nitents)[24]. Ils reprĂ©sentent donc pour les cas non-dĂ©cidĂ©s Ă©voquĂ©s plus haut la plus grande chance de faire revenir Dieu sur une dĂ©cision nĂ©faste les concernant.
Les jours précédant Yom Kippour donnent lieu, dans les milieux orthodoxes, à la cérémonie des kapparot au cours de laquelle un animal (le plus souvent un coq) est offert en victime expiatoire de substitution[25].

Yom Kippour donne donc lieu à une ferveur intense, se manifestant par forces confessions et supplications ainsi que par des piùces liturgiques plus expressives encore qu’à Roch Hachana.

Hochana Rabba

En ce dernier jour de Souccot, oĂč la joie l’emporte franchement sur la solennitĂ©, le monde est, selon la tradition rabbinique, jugĂ© sur l’eau et, comme tout ce qui concerne la vie humaine en dĂ©pend[26], une tradition kabbaliste y voit le jour de la « fin de jugement du monde[27], Â» l’ultime chance de se repentir. La soukka elle-mĂȘme inspire des rĂ©flexions profondes sur la prĂ©caritĂ© de l’existence qui tempĂšrent les Ă©ventuels dĂ©bordements lors de la joyeuse fĂȘte de Souccot.

C’est pourquoi, bien qu’on lise Ă  Hochana Rabba le Hallel, contrairement Ă  Roch Hachana, l’austĂ©ritĂ© demeure dans la liturgie de ce jour, prĂ©cĂ©dĂ© par une veillĂ©e d’étude Ă  consonance fortement pĂ©nitentielle. Chez les ashkĂ©nazes, diverses coutumes ont pour but de mettre en exergue la puretĂ©, dont le bain rituel pris la veille de la fĂȘte ; la synagogue est encore vĂȘtue de blanc, ainsi que l’officiant[9].

Les yamim noraĂŻm de nos jours

En Israël

L’acceptation la plus frĂ©quente des yamim noraĂŻm Ă©tant celle des dix jours de pĂ©nitence, comme dans l’anthologie intitulĂ©e Yamim NoraĂŻm de l’écrivain Sha"y Agnon, le ministĂšre israĂ©lien de l’éducation a dĂ©cidĂ© de les dĂ©finir ainsi pour prĂ©senter les cent concepts fondamentaux de l’éducation israĂ©lienne[28].
La rĂ©alitĂ© israĂ©lienne, notamment sa constitution d’une armĂ©e en service permanent, y compris les jours de fĂȘte a soulevĂ© de nouvelles questions et rĂ©ponses dans le domaine de la Loi juive[29]

Aux États-Unis

Les jours redoutables ont Ă©galement Ă©tĂ© identifiĂ©s aux dix jours de pĂ©nitence par Ronald Reagan lorsqu’il a actĂ© l’existence des « Jewish High Holy Days Â» dans les annĂ©es 1980[30].

Ceux-ci continuent Ă  constituer un pic dans la frĂ©quentation annuelle des lieux de priĂšre au point d’excĂ©der souvent leur capacitĂ©. Un usage assez impopulaire s’est dĂ©veloppĂ© de faire payer les places Ă  l’avance, ce qui reprĂ©senterait une certaine source de revenus mais il serait question de renoncer Ă  cette pratique[31] - [32].

Notes et références

  1. Sefer Maharil, Hilkhot yamim hanoraĂŻm, Ă©d. Sevonto 1556, p. 35
  2. Juges 13:6, Psaumes 47:3 etc.
  3. Choulhan Aroukh Orah Hayim 581:1
  4. (he) Pr. Y.J. Rivlin, « Les jours redoutables dans les communautés orientales », sur Daat
  5. Choulhan Aroukh HaRav O.H. 88
  6. Magen Avraham 88:2
  7. C.A. HaRav O.H. 6
  8. Aroukh Hachoulhan O.H. 581:4
  9. C.A. O.H. 664:1
  10. Cf. T.J. Roch Hachana 4:8, 59c ; Tzemah Tzedek Orah Hayim, n°20
  11. C.A. HaRav, O.H. 55
  12. cf. E. Gugenheim, Le judaïsme dans la vie quotidienne, éd. Albin Michel, coll. Présences du judaïsme, p.30
  13. R' Shlomo Ganzfried, Kitsour Choulhan Aroukh (en) 128:1
  14. « The High Holidays », sur My Jewish Learning (consulté le )
  15. K.C.A. 128:2
  16. K.C.A. 128:5 & Yossef Da'at ad loc.
  17. ibid. 128:12
  18. ibid. 128:13
  19. E. Gugenheim, loc. cit., p.98
  20. K.C.A. 128:11
  21. T.B. Roch Hachana 16a-b
  22. Michée 7:18-20
  23. K.C.A. 129:21
  24. T.B. Roch Hachana 18a
  25. K.C.A. 131:1
  26. Tour Orah Hayim 664:1
  27. Zohar, Tzav 31b
  28. (he) [doc] « Cent concepts de base de l’hĂ©ritage, du sionisme et de la dĂ©mocratie », sur Misrad Hahinoukh, hatarbout vehasport (MinistĂšre de l’éducation, de la culture et du sport) ; Ă©galement disponible sur (he) « Jours redoutables - explication du concept », sur Daat
  29. Cf. (he) « Les jours redoutables à l'armée selon la Torah orale », sur Daat
  30. Cf. « Reagan on Observance of the Jewish High Holy Days » & « Reagan Acknowledges Jewish High Holy Days », sur Jewish Virtual Library
  31. Sue Fishkoff, « Praying without Paying' is becoming a more popular option among shuls », sur JTA,
  32. Gabrielle Dunn, « Jewish high holidays come at a high cost », sur The Boston Globe,

Annexes

Liens internes

Bibliographie

  • Kitsour Choulhan Aroukh, abrĂ©gĂ© du Choulhane 'Aroukh, accompagnĂ© de Yossef Da'at, vol. II, pp. 615-659, Ă©d. Colbo, Paris, 1996/2009
  • Grandes FĂȘtes in S.-A. Goldberg (Ă©d.), Dictionnaire encyclopĂ©dique du judaĂŻsme, Ă©d. Cerf/Robert Laffont, Paris 1996, (ISBN 978-2221080993), pp. 367-368
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