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Eloul

Eloul (en hĂ©breu : ŚÖ±ŚœŚ•ÖŒŚœ, de l’akkadien eloulou « rĂ©colte Â» ; en amharique : loul) est le dernier mois de l’annĂ©e civile (qui commence en tishri) et le 6e mois de l’annĂ©e ecclĂ©siastique (qui commence en nissan) du calendrier hĂ©braĂŻque.

Un homme sonne du chofar Ă  l’aube, comme il est de coutume tous les matins (sauf le chabbat) Ă  partir de la nĂ©omĂ©nie d’eloul.

C'est un mois estival « défectif » de 29 jours.
Il correspond dans le calendrier grégorien à une période entre la mi-août et la mi-septembre (ou la mi-octobre lors des années embolismiques).

Du fait de sa place dans le calendrier, le mois d'eloul est placé dans la tradition rabbinique sous le signe de la pénitence, en prélude au jugement divin rendu à Roch Hachana et scellé à Yom Kippour. Chacune des journées du mois (chabbat excepté) est saluée dans les synagogues par la sonnerie du chofar, un instrument à vent apparenté au cor. Les Juifs pieux jeûnent et certains consacrent leurs nuitées à la récitation de selihot, piÚces liturgiques implorant le pardon divin.

Eloul dans les sources juives

Dans la Bible hébraïque

La Bible ignore, avant NĂ©hĂ©mie 6:15, la dĂ©nomination eloul, celle-ci ayant Ă©tĂ© empruntĂ©e au calendrier babylonien[1]. Elle n’emploie pas davantage celle de yarea'h qayitz (hĂ©breu ancien : Ś™ŚšŚ— Ś§Ś™Ś„, « lunaison de la cueillette des figues ») qui dĂ©signe le mois dans le calendrier de Gezer[2] et utilise celle de « sixiĂšme mois[3] ». Le prophĂšte AggĂ©e, contemporain de NĂ©hĂ©mie restĂ© en JudĂ©e lors de la dĂ©portation des JudĂ©ens Ă  Babylone, demeure d’ailleurs attachĂ© Ă  l’ancienne appellation[4].

Dans la littérature des Sages

La Meguilat Ta'anit, considĂ©rĂ©e comme l’une des premiĂšres sources Ă©crites de la tradition rabbinique, mentionne trois jours en eloul au cours desquels elle interdit de jeĂ»ner, afin de marquer divers Ă©vĂšnements de nature politique dont le parachĂšvement des murailles d’enceinte de JĂ©rusalem, la sortie des Romains de la ville et l’expĂ©dition punitive sur des traitres[5]. Ces cĂ©lĂ©brations tombent en dĂ©suĂ©tude aprĂšs la destruction du second Temple[6].

La Mishna, dont la composition est achevĂ©e environ un siĂšcle aprĂšs la destruction du Temple de JĂ©rusalem, mentionne Ă©galement des pratiques rĂ©volues : au temps du Temple, le 1er eloul marquait le nouvel an pour la dĂźme sur le bĂ©tail[7] et des Ă©missaires Ă©taient dĂ©pĂȘchĂ©s en ce jour dans les communautĂ©s diasporiques afin de leur annoncer la nĂ©omĂ©nie et de leur permettre de cĂ©lĂ©brer la nouvelle annĂ©e en son temps[8].

En revanche, le Midrash, recueil d’enseignements transmis et Ă©laborĂ©s au cours des Ăąges, rapporte un aspect du mois d’eloul suivi jusqu’à nos jours : en retraçant la chronologie des Ă©vĂšnements bibliques Ă  partir d’indices textuels et de traditions orales, les Sages parviennent Ă  la conclusion que c’est au 1er jour du mois d’eloul que MoĂŻse, ayant taillĂ© les secondes tables de la Loi dans une carriĂšre de saphir miraculeusement suscitĂ©e, serait remontĂ© sur le mont SinaĂŻ tandis qu’on faisait donner du chofar dans le camp, ainsi qu’il est dit (Psaumes 47:6) : « Dieu est montĂ© au son du chofar Â». DĂšs lors, de mĂȘme que le premier sĂ©jour de MoĂŻse sur le SinaĂŻ avait durĂ© quarante jours, quarante jours s’écoulent dans l’attente avant que MoĂŻse ne redescende, le 10 tishri, avec les nouvelles tables, concrĂ©tisant la promesse faite par Dieu de pardonner au peuple le pĂ©chĂ© du veau d’or. C’est pourquoi les Sages instituent de faire sonner du chofar pendant quarante jours Ă  partir de la nĂ©omĂ©nie d’eloul[9] - [10] (toutefois, l’on n’a plus vu depuis l’époque d’Ezra le Scribe, de mois d’eloul durant trente jours[11]).

Dans la littérature rabbinique médiévale et ultérieure

Au Moyen Âge, le dĂ©cret des Sages est suivi mais une coutume se rĂ©pand Ă  partir de la RhĂ©nanie de rĂ©duire les sonneries Ă  Roch Hachana[12]. Certains l’expliquent par une interprĂ©tation de Psaumes 81:4 : « sonnez le mois du chofar – sonnez un mois complet [et pas davantage] Â»[13], d’autres suggĂšrent que « l’on confond ainsi le satan Â» qui perd le compte des jours et se trouve incapable de jouer son rĂŽle d’accusateur Ă  Roch Hachana[14]. Une autre coutume se dĂ©veloppe aussi de lire des selihot, piĂšces liturgiques implorant le pardon divin, et des viddouĂŻm (confessions) mais les pratiques varient en fonction des communautĂ©s[12] - [14].

L’atmosphĂšre pĂ©nitentielle d’eloul est encore accentuĂ©e par les dĂ©cisionnaires ultĂ©rieurs : diverses correspondances sont trouvĂ©es entre des versets bibliques incitant au repentir et les initiales d’eloul, dont ani ledodi vedodi li (« Je suis Ă  mon bien-aimĂ©, et mon bien-aimĂ© est Ă  moi[15] Â») qui indique que Dieu est proche de ceux qui L’appellent[16]. Eloul devient particuliĂšrement important dans les enseignements d'IsraĂ«l Salanter[17], fondateur du mouvement du Moussar, au point qu'un zman eloul (temps d’eloul) est instaurĂ© dans les acadĂ©mies talmudiques, au cours duquel les Ă©tudiants sont encouragĂ©s Ă  redoubler d'attention envers leur comportement et les textes d’éthique[18]. Certains jeĂ»nent jusqu'Ă  Yom Kippour[19] (comme il est interdit de jeĂ»ner Ă  chabbat et Ă  la nĂ©omĂ©nie, beaucoup commencent Ă  jeĂ»ner aprĂšs le 15 av[20]).

Feuillet de selihot daté du VIIIe siÚcle, découvert en 1908 dans une grotte en Chine.

Lois et statuts d’eloul dans le judaïsme rabbinique

Eloul est, en vertu du calendrier hĂ©braĂŻque actuel, un mois constitutionnellement « dĂ©fectif Â» de vingt-neuf jours ; sa nĂ©omĂ©nie est cĂ©lĂ©brĂ©e pendant deux jours, le 30 av et le 1er eloul, lequel doit obligatoirement avoir lieu un dimanche, lundi, mercredi ou vendredi[21].

Il est d'usage dans la plupart des communautĂ©s ashkĂ©nazes de s'y prĂ©parer dĂšs la veille de la nĂ©omĂ©nie de ce mois, en jeĂ»nant et en rĂ©citant le rituel de Yom Kippour Katan (en)[22]. Le matin, on sonne du chofar dĂšs le 2 eloul jusqu'Ă  la veille de roch hachana (jusqu'Ă  yom kippour pour les sĂ©farades[23]). Il est de coutume de rĂ©citer, soir et matin, le Psaume 27 jusqu'Ă  Hoshanna Rabba ou Chemini Atseret, d'Ă©changer avec les amis le souhait d'ĂȘtre inscrits et consignĂ©s dans le Livre de bonne vie[24] et de faire vĂ©rifier leurs objets de culte[25].

À partir du dimanche prĂ©cĂ©dant roch hachana pour les ashkĂ©nazes ou du 2 eloul dans les communautĂ©s sĂ©farades d'orient, on rĂ©cite les selihot, une Ă  deux heures avant le lever du soleil[26]. L'officiant des selihot, choisi parmi les hommes de bien notoires dans la communautĂ©, s'enveloppe d'un tallit empruntĂ© afin de pouvoir rĂ©aliser la bĂ©nĂ©diction sur le tallit (certains sĂ©farades ne la disent pas) bien qu'on puisse rĂ©citer les selihot et les treize attributs sans tallit. Les selihot ou au moins les treize attributs doivent ĂȘtre rĂ©citĂ©s debout[27].
Un endeuillé qui a perdu son pÚre ou sa mÚre moins de douze mois avant roch hachana ou yom kippour ne peut officier en ces jours mais il peut le faire lors des selihot sauf s'il se trouve dans la semaine suivant le décÚs[28]. Dans ce dernier cas, il n'a d'ailleurs pas le droit de sortir de son domicile pour se rendre à l'office de selihot, sauf la veille de roch hachana[29].

À la fin du mois d’eloul (c'est-à-dire la veille de Roch Hachana), il est d’usage de se rendre sur la tombe des justes aprùs la priùre du matin[30].

Eloul dans le karaĂŻsme

Les KaraĂŻtes, membres d’un courant juif n’acceptant d’autre autoritĂ© que la Bible hĂ©braĂŻque et rejetant l’autoritĂ© de la Torah orale, n’observent aucune des rĂ©gulations rabbiniques concernant ce mois, y compris l’impossibilitĂ© pour eloul d’ĂȘtre un mois de trente jours.

C’est ainsi que Juda HalĂ©vi met en scĂšne dans son Kuzari des KaraĂŻtes se gaussant des Juifs rabbanites qui cĂ©lĂšbrent Yom Kippour le 9 et non le 10 tishri car, selon leur mĂ©thode de dĂ©termination des nĂ©omĂ©nies, celle d’eloul a lieu un jour plus tard que la date calculĂ©e par les rabbins[31].

Notes et références

  1. Cf. Encyclopedia Judaica 2008
  2. Cf. (en) « Gezer Calendar (in Encyclopedia Judaica 2008) », sur Jewish Virtual Library (consulté le )
  3. Cf. ÉzĂ©chiel 8:1
  4. Aggée 1:1
  5. Meguilat Taanit chap. 6.
  6. Cf. T.B. Roch Hachana 18b.
  7. Mishna Roch Hachana 1:1.
  8. Mishna Roch Hachana 1:3.
  9. PirqĂ© de-Rabbi ÉliĂ©zer, chap. 46, cf. Encyclopedia Judaica 2008 & Encyclopedia Talmudit 2009.
  10. Midrash Tanhouma sur Ki Tissa, chap. 31 s.v. psal lekha et ailleurs.
  11. T.B. Beitza 6a & Rachi ad loc., citant Néhémie 8:13 ; cf. Encyclopedia Talmudit 2009.
  12. Eleazar de Worms, Sefer HaRokeah, Hilkhot Rosh Hashana chap. 307
  13. Isaac Tyrnau, Minhaggim, Eloul, yemei haselihot
  14. Jacob ben Asher, Tour Orah Hayim 581:1
  15. Cantique des cantiques 6:3
  16. Cité par R'Tsaddok de Lublin au nom du Shla"h in Pri tzadik, devarim lÚrosh hodesh eloul, 4, s.v. vÚzÚ inyan
  17. I. Salanter, Or Israël, lettre n°14
  18. Yehezqel Levenstein, Or Yehezqel, p. 83
  19. Rem"a sur Choulhan Aroukh Orah Hayim 568:4
  20. Maguen Avraham Orah Hayim 568:17
  21. Tour Orah Hayim 427 & 428, Choulhan Aroukh Orah Hayim 428:2, cf. Encyclopedia Talmudit 2009.
  22. R' Shlomo Ganzfried, Kitsour Choulhan Aroukh (en) 128:1.
  23. Cf. Yossef Daat sur K.C.A. 128:5.
  24. K.C.A. 128:2.
  25. K.C.A. 128:3.
  26. K.C.A. 128:5.
  27. K.C.A. 128:6-7 & Y. D. ad loc.
  28. K.C.A. 121:8.
  29. K.C.A. 121:9.
  30. K.C.A. 121:13.
  31. J. Hallévi (trad. de Charles Touati), Le Kuzari, apologie de la religion méprisée, éd. Verdier 2001, coll. Les dix paroles, p. 121

Annexes

Voir aussi

Bibliographie

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