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TempĂŞte de neige Aphid du 12-13 octobre 2006

La tempĂŞte de neige Aphid est une importante chute de neige très localisĂ©e survenue du 12 au dans la rĂ©gion des lacs ÉriĂ© et Ontario en AmĂ©rique du Nord. Il s’agit d’un cas prĂ©coce de bourrasques de neige en aval d’un plan d'eau qui a surtout touchĂ© la rĂ©gion de Buffalo, dans l'État de New York aux États-Unis. Elle a laissĂ© au sol une couche de neige atteignant jusqu’à 60 cm le long d’un Ă©troit corridor, causant de sĂ©rieux dommages. C’est l’un des plus importants Ă©vĂ©nements du genre et l’un des plus prĂ©coces[1].

TempĂŞte de neige Aphid
Neige laissée par Aphid'
Localisation
Pays
Régions affectées
Coordonnées
42° 54′ 40″ N, 78° 43′ 12″ O
Caractéristiques
Type
Bourrasque de neige côtière
Largeur du corridor
40 Ă  60 km
Longueur du corridor
environ 100 km
Hauteur de neige
60 cm
Date de formation
12 octobre 2006 Ă  15 h
Date de dissipation
13 octobre 2006 Ă  8 h
Conséquences
Nombre de morts
3 directes
10 indirectes
Coût
160 millions $US (2006)
Carte

Le nom de « Aphid », qui signifie puceron en anglais, lui a été donné par le bureau de Buffalo du National Weather Service (service météorologique américain). Ce type de phénomène étant très commun en hiver dans la région des Grands Lacs, le bureau prépare chaque année une liste de noms, comme pour ceux donnés aux ouragans, le thème de 2006 était celui des insectes[2]. Les médias, de leur côté, ont baptisé la tempête de noms comme[3] : la « Surprise d’octobre », la « tempête d’Arborgeddon[4] » et le « Massacre du Columbus Day»[5].

Situation météorologique

Prévision

Carte météorologique de surface du 12 octobre montrant l'air froid envahissant les Grands Lacs derrière un front froid.

Le , le modèle de prévision numérique à long terme montraient que la situation météorologique pouvait être favorable à la formation de bourrasques de neige autour du . Un dôme d’air très froid devait descendre vers les Grands Lacs, dont la température était encore de 16 degrés Celsius[6], alors que des vents suivraient l’axe des lacs Ontario et Érié ce qui favoriserait la formation de fortes averses de neige. Cependant, comme la température prévue en surface était au-dessus de zéro, une bonne partie de la neige serait amenée à fondre. Les prévisions à long terme émises par le bureau de Buffalo du NWS et l'analyse du Centre de prévision de Toronto du Service météorologique du Canada (SMC) mentionnaient la possibilité de bourrasques de neige fondante pour le 12 [7].

Dès le 9 octobre, les modèles montraient que l’instabilité serait très importante, donnant un fort taux de précipitations. Même avec un mercure au-dessus de zéro, le refroidissement causé par la fonte de cette neige faisait redouter aux météorologistes une nouvelle baisse de température dès le début des chutes de neige permettant une accumulation importante[8] - [9]. En raison de divergences concernant la vitesse de déplacement des systèmes météorologiques due à des modèles de prévisions différents et parce que ce genre de phénomène n'affecte habituellement que de très étroits corridors, ce n’est que le dans l'après-midi que le NWS et le SMC émirent des bulletins mentionnant la possibilité de bourrasques de neige en aval des Grands Lacs, donnant des accumulations locales jusqu’à 5 cm[7].

DĂ©roulement

Le , le front chaud d’une dépression en développement apporta de la pluie et des orages sur le sud des Grands Lacs. Le front froid qui suivit, traversa la région de Port Colborne, dans le sud-ouest de l’Ontario, à 23 h 35 locale[10] et celle de Buffalo à 0 h 46, le 12. Avec l’arrivée d’air continental arctique derrière le front et les vents bien alignés dans l’axe du lac Érié, les premières averses de pluie débutèrent à l’aéroport de Buffalo à 03h54[11].

Le matin du , pour la première fois, l'analyse météorologique du bureau de Buffalo mentionne que la convection atmosphérique sera importante mais qu'il s'agira surtout d'un événement apportant pluie et grésil, la neige demeurant fondante[7]. Le premier signe de changement vers d'importantes précipitations sous forme solide survint à 12h14 quand un rapport de l'aéroport de Buffalo mentionna du grésil ou de la petite grêle et une température de 5 °C. Puis la température se mit à descendre pour atteindre 2 °C à 13 h 38. À 13 h 51 la pluie se mêla de neige et se changea rapidement en neige fondante avec une température de 1 °C à 14 h 13[11].

Animation des échos du radar météorologique de Buffalo montrant le corridor suivi par les bourrasques de neige sortant des lacs Érié et Ontario (Source: NWS).

La température de surface étant à la baisse, les premiers avertissements météorologiques de bourrasques de neige furent émis par le bureau du NWS pour la région de Buffalo à 14 h 36, avisant de chutes de neige entre 5 et 15 centimètres à partir de 18 h jusqu'à 6 h le lendemain matin, les plus importantes quantités étant prévues pour les secteurs plus éloignés des rives du lac Érié[7]. L'avertissement mentionnait également la possibilité de dommages aux arbres et aux installations électriques à cause du poids de cette neige très dense. Le centre de prévision du Service météorologique canadien émit le même type d'avertissement pour les rives ontariennes des lacs Ontario et Érié.

Le dôme d'air froid passant au-dessus des lacs était de plus en plus froid, le contraste avec la température de l'eau rendit l'air de plus en plus instable et la convection de plus en plus intense. L'épaisseur des nuages créés augmenta en proportion pour atteindre plusieurs kilomètres comme dans une situation estivale. À 14h54, le sommet des cumulus bourgeonnants atteignait kilomètres d'altitude et ils se transformèrent rapidement en cumulonimbus donnant les premiers éclairs de l'événement. Ces orages de neige, alignés dans l'axe du lac Érié comme le montre l'animation radar à droite, donnaient de la neige forte qui ne s'accumulait au début que sur les gazons, les branches et les lignes de transmissions. À 16 h 54, le rapport de l'aéroport de Buffalo mentionne un taux de cm/h qui commence à s'accumuler même sur les routes. À 18 h 48, le NWS met à jour son avertissement avec des quantités à la hausse et des dommages importants aux arbres et aux lignes électriques[7]. À 20 h, les signalements de dégâts commencèrent à être nombreux et l'accumulation mesurée était de 7 cm. Du côté ontarien, la neige tomba également abondamment dans la région des Chutes du Niagara.

Ă€ 21 h 15, la Police provinciale de l'Ontario ferma l'autoroute QEW entre Hamilton et la frontière amĂ©ricaine. Le prolongement de cette route du cĂ´tĂ© amĂ©ricain Ă©tait fermĂ©e Ă  22 h 25 par les autoritĂ©s du New York State Thruway ainsi que le Pont de la Paix (en) entre les deux pays. Le , l'aĂ©roport de Buffalo rapporte 21,84 cm de neige Ă  01h du matin et Ă  8 h, il y en a 56 cm. La neige cessa ensuite graduellement, le dĂ´me d'air froid Ă©tant passĂ© au sud des lacs.

Accumulations

Neige à l'aéroport de Buffalo.

Le corridor affectĂ© par les chutes de neige fut très Ă©troit comme on peut le voir sur la carte des accumulations. Il va de la pointe Est du lac ÉriĂ© vers Rochester. Il est tombĂ© jusqu'Ă  60 cm de neige dans certains secteurs de la rĂ©gion mĂ©tropolitaine de Buffalo, du cĂ´tĂ© amĂ©ricain[6], et Fort Erie, du cĂ´tĂ© canadien, en a reçu 30 cm ainsi que 23 mm de pluie[12]. Ces quantitĂ©s sont bien plus faibles en allant vers le Lac Ontario ou Ă  quelques dizaines de kilomètres de chaque cĂ´tĂ© de la trajectoire de la ligne d'averses. Par exemple, il n'est tombĂ© que quelques flocons aux chutes du Niagara du cĂ´tĂ© canadien[13] et de 2 Ă  3 cm du cĂ´tĂ© amĂ©ricain.

Le National Weather Service a qualifié l'événement d'exceptionnel. Bien que la région des Grands Lacs subisse chaque hiver des épisodes de bourrasques de neige, au moins aussi importants, celui-ci fut surtout remarquable par sa précocité et par les orages qui ont accompagné la neige[6]. Les 12 et furent les jours les plus neigeux d'octobre dans la région de Buffalo, selon les statistiques du National Weather Service qui remontent à 1869. Le total de 60 cm en fait la sixième plus importante chute de neige en vingt-quatre heures pour cette région[6]. La plus grande partie de la neige avait fondu le car les températures étaient remontées au-dessus du point de congélation[14].

Accumulation en centimètres dans la région de Buffalo. Les indicatifs désignent : Toronto (TOR), Rochester (ROC), Syracuse (SYR), Jamestown (JHW) et Buffalo (BUF) (Source: NWS).
Stations canadiennes Accumulations[15]
(cm)
Fort Erie 30
Niagara Falls (Ontario) Trace
Port Colborne 15
Stations américaines Accumulation[1]
(cm)
Lancaster/Depew 60
Alden (Millgrove) 60
Cheektowaga (NWS) 58
Buffalo (New York) (secteur nord) 51
(centre-ville) 38
(secteur sud) 26
Amherst 35 Ă  58
Clarence 16 Ă  22
Tonawanda 30 Ă  46
West Seneca 30
North Tonawanda 15 Ă  30
Hamburg 20 Ă  35
Orchard Park 20
Batavia 26
Medina 20
Lockport 15 Ă  20
Grand Island 5 Ă  26
Albion 13
Brockport 8
Niagara Falls (États-Unis) 2 à 3

Impact

Une rue à Buffalo (New York) où l'on remarque l'hécatombe parmi les arbres à cause du poids de la neige.

La densitĂ© de la neige est le rapport entre l'Ă©paisseur en centimètres de la couche de neige et la quantitĂ© d'eau en millimètres qu'elle donne lorsqu'on la fait fondre. Plus le rapport est faible, plus la neige est dense. Dans la rĂ©gion affectĂ©e, la neige lourde et humide avait un coefficient de l'ordre 6:1 au dĂ©but de la tempĂŞte, remontant Ă  12:1 Ă  la fin[6]. En comparaison, une neige poudreuse, particulièrement apprĂ©ciĂ©e des skieurs, a un coefficient de 25:1. Un calcul rapide montre que les 58 Ă  60 cm d'accumulation exerçaient une pression dĂ©passant les 45 kg/m2 (ou 450 pascals) au sol[1]. L'effet fut amplifiĂ© parce qu'en ce dĂ©but d'octobre, les arbres n'avaient pas encore perdu leurs feuilles. La neige a donc pu s'accumuler non seulement sur les branches mais Ă©galement sur la surface des feuilles.

Après seulement 5 à 8 cm de chute de neige, des témoins ont déjà rapporté des dommages aux branches de certains arbres[6]. Les centimètres s'accumulant, de plus en plus grosses branches se sont cassées, et finalement ce sont des arbres entiers qui se sont écroulés, rompant les lignes électriques déjà chargés de neige[6]. Les sols déjà détrempés par des pluies assez importantes, au cours des jours précédents, furent un facteur aggravant de la déstabilisation des arbres[6]. Les médias comme le Toronto Star parlèrent « d'une des tempêtes de neige les plus dévastatrices de l'histoire des États-Unis »[1], les dommages étant similaires à ceux causés par un cyclone tropical mais sur une région très limitée[1] - [16].

On estime Ă  400 000[17] le nombre de foyers privĂ©s d'Ă©lectricitĂ©, en ce vendredi 13 octobre, soit près d'un million de personnes[1]. Sur ce nombre, 100 000 foyers restèrent dans le noir pendant une semaine et quelques autres milliers jusqu'Ă  dix jours[18]. On dĂ©plora trois morts durant la tempĂŞte, deux dans des accidents de la route et le dernier Ă  la suite de la chute d'une branche. Dix autres personnes sont mortes, dans les jours suivants, de crises cardiaques, d'autres affections prĂ©existantes s'Ă©tant aggravĂ©es Ă  cause de l'effort exigĂ© pour dĂ©neiger, ainsi que par intoxication au monoxyde de carbone dĂ©gagĂ© par des chauffages d'appoint mal ventilĂ©s. On compte Ă©galement plusieurs centaines de blessĂ©s durant et après la tempĂŞte pour des raisons similaires, ainsi qu'un accident avec une tronçonneuse[19].

Automobile écrasée par une grosse branche à Buffalo.

L'enlèvement de la neige dans les rues de Buffalo, 4 à 6 millions de mètres cubes, et le rétablissement du courant furent ralentis à cause des arbres et des lignes électriques tombés à terre[20]. Les autoroutes comme la New York State Thruway et la Queen Elizabeth Way furent interdites à la circulation sur plus de 160 km et l'aéroport international de Buffalo-Niagara fut fermé durant plusieurs heures lors de la tempête. La plupart des commerces fermèrent leurs portes pour quelques jours au moins et la plupart des écoles ne rouvrirent que le lundi , certaines plus touchées ne le firent que plus tard dans la semaine[21]. Les comtés affectés par la tempête dans l'ouest de l'État de New York soit Érié, Genesee, Orléans et Niagara furent déclarés zone sinistrée par le président George W. Bush le , ouvrant ainsi droit à de l'aide fédérale[22].

Jusqu'à 90 pour cent des arbres de la ville de Buffalo furent endommagés à des degrés divers[23] - [24], y compris ceux des parcs créés par le célèbre architecte paysagiste Frederick Law Olmsted. Ces dégâts vinrent contrecarrer les efforts de reforestation entrepris par la ville[25] qui visait de passer d'une couverture verte de 12 pour cent (2003) à 30 pour cent, une moyenne nationale pour les grandes villes américaines. Les banlieues de Buffalo qui avaient déjà entre 20 et 30 pour cent de couvert forestier[26] furent durement frappées. Les coûts de la tempête sont estimés à 160 millions $US (2006)[6].


Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. « "Historic Lake Effect Snow Storm of October 12-13, 2006" », National Weather Service Forecast Office in Buffalo (version du 8 avril 2015 sur Internet Archive).
  2. Bob Swanson et Doyle Rice, « Aphid aftermath », USA Today, 20 octobre, 2006 (version du 4 novembre 2006 sur Internet Archive).
  3. « Off Main Street », Buffalo News, (consulté le ).
  4. Arborgeddon un jeu de mots avec Arbor (arbre) et geddon comme dans Armageddon en référence aux dommages causés aux arbres par la tempête
  5. La tempête est arrivée le jour férié américain du Columbus Day
  6. (en) Robert S. Hamilton, David Zaff et Thomas Niziol, « A catastrophic Lake Effect snow storm over Buffalo, NY, October 12-13, 2006 », National Weather Service, Buffalo, NY, American Meteorological Society (consulté le ).
  7. (en) National Weather Service Office, Buffalo, « Discussion météorologique pour le mois d’octobre 2006 du NWS », Vaughan Weather (consulté le ).
  8. (en) NCEP, « Carte de surface du 11 octobre », NOAA (consulté le ).
  9. (en) NCEP, « Carte de surface du 13 octobre », NOAA (consulté le ).
  10. (en) « METAR de l’aéroport de Port Colborne », Vaughan Weather (version du 7 octobre 2008 sur Internet Archive).
  11. (en) « METAR de l’aéroport de Buffalo, NY », sur mesonet.agron.iastate.edu (consulté le ).
  12. Service météorologique du Canada, « Rapport de données quotidiennes pour octobre 2006, Fort Erie Ontario », Environnement Canada (consulté le ).
  13. Service météorologique du Canada, « Rapport de données quotidiennes pour octobre 2006, Niagara Falls Ontario », Environnement Canada (consulté le ).
  14. (en) « WNYers Flock To Erie For Snow Supplies », WBEN 930 AM, (version du 27 septembre 2007 sur Internet Archive).
  15. Service météorologique du Canada, « Rapport de données quotidiennes pour octobre 2006, Ontario », Environnement Canada (consulté le ).
  16. (en) Stu Ostro, « Historic snowfall for the Niagara Frontier », Weather Channel blog, (version du 16 mars 2007 sur Internet Archive).
  17. (en) « Buffalo, New York snow storm closes schools, leaves nearly 400,000 without power », Wikinews, (consulté le ).
  18. (en) Michael Beebe, Dan Herbeck et T. J. Pignataro, « Major disaster status expected », Buffalo News, (consulté le ).
  19. (en) Michael Beebe et al., « Cleanup costs top $135 million, more residents get back power as officials focus on safety issues », Buffalo News, (consulté le ).
  20. (en) Michael Beebe et Gene Warner, « 270,000 still lack power Despite influx of crews, some users may not have electricity until weekend », Buffalo News, (consulté le ).
  21. (en) « Most western New York schools reopen after October-surprise », 13WHAM TV (Associated Press), (consulté le ).
  22. (en) « FEMA Disaster Declaration: What It Means For You », WBEN 930AM, (consulté le ).
  23. (en) Caroline Thompson, « "Early snowstorm battered Buffalo's historic parks, trees" », Associated Press, USA Today.
  24. (en) Gene Warner, « Parks' treasures badly battered. "Psychologically, . . . we've lost a lot of wealth." », Buffalo News, (consulté le ).
  25. (en) Press Release, « City of Buffalo Receives State Grant », Bureau du maire de Buffalo, (consulté le ).
  26. (en) « Urban Ecosystem Analysis Buffalo-Lackawanna Area Erie County, New York », American Forests, (consulté le ).

Sources

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