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Taktika de LĂ©on VI

Les Taktika, ou Tactica (grec : ΀αÎșτÎčÎșÎŹ), sont un traitĂ© militaire Ă©crit par ou pour l'empereur byzantin LĂ©on VI le Sage c. 895-908[1] et plus tard Ă©ditĂ© par son fils, Constantin VII[2]. S'appuyant sur des auteurs antĂ©rieurs tels qu'Élien le Tacticien c. Ier - IIe siĂšcle, Onosandre c. Ier siĂšcle et le Strategikon de l'empereur Maurice[2] c. VIe siĂšcle, c'est l'un des principaux travaux sur la tactique militaire byzantine, Ă©crit Ă  la veille de « l'Ăąge de la reconquĂȘte » byzantine. Le titre grec original est Ï„áż¶Îœ ጐΜ Ï€ÎżÎ»Î­ÎŒÎżÎčς ταÎșτÎčÎșáż¶Îœ ÏƒÏÎœÏ„ÎżÎŒÎżÏ‚ Ï€Î±ÏÎŹÎŽÎżÏƒÎčς (« Courte instruction de la tactique de la guerre »). Le Taktika porte sur un large Ă©ventail de sujets, tels que les formations d'infanterie et de cavalerie, les exercices, le siĂšge et la guerre navale. Il est Ă©crit dans une langue de forme lĂ©gislative et comprend 20 constitutions (ΔÎčÎ±Ï„ÎŹÎŸÎ”Îčς / Diataxeis)[3], un Ă©pilogue et 12 chapitres supplĂ©mentaires principalement consacrĂ©s aux tactiques anciennes qui proviennent du Sylloge Tacticorum (grec: ÎŁÏ…Î»Î»ÎżÎłÎź ΀αÎșτÎčÎșώΜ), un manuel militaire datant probablement du milieu du Xe siĂšcle[4].

Tactika, frontispice d'une Ă©dition italienne de 1586.

Texte

Le texte du Taktika est transmis dans plusieurs manuscrits, dont le plus ancien remonte Ă  une gĂ©nĂ©ration de LĂ©on lui-mĂȘme. LĂ©on mentionne dans le Taktika que le christianisme pourrait adopter la doctrine islamique d'une « guerre sainte » pour ses applications militaires[5].

Une édition largement inspirée d'un manuscrit florentin du Xe siÚcle est parue en 2010 avec sa traduction en anglais[6].

Contexte militaire de la rédaction

Ce manuel a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© entre les annĂ©es 886 Ă  912 soit avant la grande pĂ©riode de reconquĂȘte qu’a vĂ©cu l’Empire byzantin durant le XIe siĂšcle sous les successeurs de LĂ©on VI. MalgrĂ© la rĂ©daction de ce manuel militaire trĂšs important pour ses successeurs, son rĂšgne a connu peu de conflits importants. La guerre face Ă  l’Empire bulgare du Tsar Simeon Ier entre 894 et 896-897. Ce conflit sera provoquĂ© par un diffĂ©rend commercial et il sera gagnĂ© par les Bulgares Ă  la suite de la bataille de Bulgarophygon. Le second conflit, c’est la suite de la conquĂȘte musulmane de la Sicile, conquĂȘte qui dure depuis l’an 827 (soit depuis 59 ans avant l’avĂšnement de LĂ©on VI sur le trĂŽne) et qui se terminera en 902 avec la chute de Taormine[7]. L’Empereur a lancĂ© peu de campagnes militaires offensives durant son rĂšgne. À la suite du sac de 904 du port de Thessalonique par LĂ©on de Tripoli[8], l'Empereur envoya une expĂ©dition de reconquĂȘte de la CrĂȘte en 911 qui se soldera par un Ă©chec[9]. Sans compter les nombreux raids frontaliers qui ont lieu Ă  la frontiĂšre d’Anatolie entre l’Empire Byzantin et les Arabes depuis 824, car la frontiĂšre est fortifiĂ©e et dĂ©peupler par les deux entitĂ©s.

Contenu

Préface

L’empereur annonce ce dont il est question dans cet ouvrage, c’est-Ă -dire : de ne pas oublier les tactiques militaires anciennes et enseigner celle modernes. Selon lui, elles semblent ĂȘtre nĂ©gligĂ©es voire oubliĂ©es par ses gĂ©nĂ©raux, il Ă©nonce aussi que l’usage de tactique et de connaissance militaire vaux mieux que de reposer sur le nombre de ses troupes : « [
] ce n’est pas avec une multitude d’hommes que la guerre se termine heureusement, [
], mais par la science de les ranger, de les faire mouvoir et de les mĂ©nager. »[10].

Chapitre I - Sur la tactique et sur le général

Ce premier chapitre explique d’abord l’interprĂ©tation de la tactique, elle est dĂ©crite comme « la science des mouvements qui se font Ă  la guerre [
] l’art de ranger les troupes et de disposer les diffĂ©rentes armes. ». Dans un second temps, on Ă©voque la sĂ©paration du personnel militaire en deux catĂ©gories: « les gens destinĂ©s pour combattre » (troupes Ă  pied et troupes Ă  cheval) et « ceux qui sont Ă  la suite » (tous les serviteurs, mĂ©decins et autres personnels militaires non combattants). TroisiĂšmement, on Ă©nonce ce que sont les fonctions et les responsabilitĂ©s d’un gĂ©nĂ©ral : « [
] il est chargĂ© de l’administration civile et militaire de la province oĂč il commande, d’assembler les troupes dispersĂ©es, d’en former le corps d’armĂ©e et d’y maintenir la discipline [
] ». Cette description de responsabilitĂ© Ă©voque le systĂšme administratif des ThĂšmes (grec : ΞΔΌατα : Themata)[11].

Chapitre II - Les qualités requises pour un général

Ce chapitre Ă©nonce de nombreuses qualitĂ©s ou aspects qu’un bon gĂ©nĂ©ral ou stratĂšge (grec : ÏƒÏ„ÏÎ±Ï„Î±ÎłÏŒÏ‚, strategos) devrait possĂ©der. En voici la liste des plus importantes[12] :

  • Il ne doit pas gouverner par cupiditĂ©, mais plutĂŽt par dĂ©vouement envers sa tĂąche : « [
] qu’il mĂ©prisera l’argent quand il ne laissera point corrompre, qu’il gouvernera [
] sans autres buts que l’honneur de les faire rĂ©ussir. »
  • Il ne doit pas ĂȘtre trop jeune ni trop vieux car : « [
] la jeunesse est inconstante et sans lumiĂšre et [
] la vieillesse [
] manque de force pour agir [
] ».
  • Il doit ĂȘtre aimĂ© de ses hommes : « Un gĂ©nĂ©ral affectionnĂ© des troupes les gouvernera facilement [
] ne se refuseront Ă  aucun pĂ©ril. »
  • Il doit ĂȘtre un orateur charismatique : « La voix d’un gĂ©nĂ©ral vaut mieux que le son de la trompette; elle remue l’ñme avec plus de force, [
] »
  • Il ne doit pas ĂȘtre nommĂ© selon sa fortune mais plutĂŽt pour ses compĂ©tences peu importe ses richesses.
  • Il doit ĂȘtre un chrĂ©tien fidĂšle et pieux : « [
] sans sa divine assistance rien ne vous rĂ©ussira [
]; que sans elle vous ne vaincrez point les plus faibles ennemis, parce que la Providence rĂ©git tout, [
] ».

Chapitre III - Comment doit-on tenir conseil ou La nécessité de faire des plans

Il est question dans ce chapitre du processus par lequel une dĂ©cision ou un plan qu’il soit administratif ou militaire devrait passer. Il faut d’abord former un conseil de personnes jugĂ©es pertinentes Ă  une dĂ©libĂ©ration du plan envisagĂ© par le gĂ©nĂ©ral. Ce conseil sert Ă  dĂ©battre de la pertinence du plan, du comment il devrait ĂȘtre appliquĂ© et du pourquoi il devrait ĂȘtre exĂ©cutĂ©. Les participants Ă  la dĂ©libĂ©ration devront toujours avoir une vision publique et non personnelle lors du conseil. Il est aussi conseillĂ© que les participants aux dĂ©bats soient discrets afin de ne rien rĂ©vĂ©ler, il est aussi dit qu’une action proposĂ©e lors d’un conseil doit ĂȘtre possible et utile sinon elle sera jugĂ©e comme imprudente. Finalement, il est dit qu’il est possible de tenir conseil seul (si cela se voit ĂȘtre la seule option), mais il faut que le gĂ©nĂ©ral ne soit pas entravĂ© par ses Ă©motions et inquiĂ©tudes[13].

Chapitre IV - Sur la Division de l'armée et la nomination des Officiers

Ce chapitre traite d’abord du recrutement des troupes, quel type de personnes doit ĂȘtre enrĂŽlĂ© ou pas. Ensuite comment l’armĂ©e doit-elle organiser ses troupes et quelle est la hiĂ©rarchie Ă  adopter (voir ThĂšme). Il est donc aussi question de tous les rangs ou fonctions possiblement utilisĂ©s dans une armĂ©e, en voici les plus importants[14] :

  • GĂ©nĂ©ral (ÎŁÏ„ÏÎ±Ï„Î”ÎłÎżÏƒ, Strategos)
  • Lieutenant-GĂ©nĂ©ral (áœ‘Ï€ÎżÏƒÏ„ÏÎ±Ï„Î”ÎłÎżÏƒ, Hypostrategos)
  • Drongaire (Î”ÏÎżÏ…ÎœÎłÎ±ÏÎčÎżÏƒ, Droungarios)
  • Comte (ΚόΌης, Komes)
  • Centurion (ÎšÎ”ÎœÏ„Î±ÏÏ‡ÎżÏƒ, Kentarchos)
  • Dizainier (ΔΔÎșÎ±ÏÏ‡ÎżÏƒ, Dekarchos)
  • Soldat

De trĂšs nombreuses autres fonctions sont Ă©numĂ©rĂ©es comme : le porte-enseigne (Î’Î±ÎœÎŽÎżÏ†ÎżÏÎ”, Bandophore), le chef de file (Ï€ÏÏ‰Ï„ÎżÏƒÏ„ÎŹÏ„Î·Ï‚, Protostates), les espions (ÎŁÎșÎżÏ…Î»Î±ÎșÎŹÏ„ÎżÏÎ”Ï‚, Skoulkatores), les docteurs (ÎŁÎșρÎčÎČÎżÎœÎ”Ïƒ, Skribones) et bien d’autres[15]. Finalement, il est aussi question de l’organisation des hommes dans les diffĂ©rentes formations de dĂ©placement et des connaissances requises pour les centurions et les dizainiers.

Chapitre V - Sur les préparatifs des armes

Dans ce chapitre, on Ă©nonce que les armes doivent toujours ĂȘtre dans un Ă©tat convenable Ă  l’usage immĂ©diat. Il est aussi Ă©numĂ©rĂ© de quels types d’armes, d’armures et d’équipements les diffĂ©rentes troupes armĂ©es doivent ĂȘtre Ă©quipĂ©es. Il est aussi considĂ©rĂ© de prendre compte de l’usage de chariots dans le transport de vivres, d’armes, de personnel ou d’autres matĂ©riaux. L’usage potentiel de diffĂ©rentes armes de siĂšge (s’il doit y en avoir un) est aussi Ă©voquĂ©, ainsi que l’usage de petites embarcations de bois pour traverser les cours d’eau ou de navire de transport/de guerre si l’utilisation de ces vaisseaux se voit nĂ©cessaire dans la situation actuelle[16].

Chapitre VI - Sur l'Ă©quipement de cavalerie et d'infanterie

Le chapitre aborde tout ce qui a rapport aux armures et Ă  l’attirail d’équipements que les archers, les cavaliers et les fantassins doivent porter (dĂ©taillant surtout les deux derniers). CatĂ©gorisant aussi dans un mĂȘme temps les diffĂ©rents corps d’armĂ©es :

  • Les cavaliers : les cataphractes (ÎșαταφραÎșÏ„ÎżÎč, katafraktoi, une cavalerie avec de lourdes armures) et les non-cataphractes (ÎșÎżÏ…ÏÏƒÎżÏÏƒÎ”Ïƒ, koursorses, regroupant des cavalerie de jet et des cavaliers lanciers)
  • Les fantassins : les porte-boucliers (ÎŁÎșÎżÏ…Ï„Î±Ï„ÎżÎč, Skoutatoi, dĂ©rivĂ©s des hoplites grecs) et les psilistes (ΠσÎčλοÎč, Psiloi, armĂ©s d’arc et peu protĂ©gĂ©s)

Hormis les Ă©numĂ©rations d’équipements, on retrouve quelques conseils divers : « Plus le soldat est armĂ© et vĂȘtu proprement, plus cela relĂšve son courage et intimide l’ennemi. ». Utiliser l’hiver ou les temps de repos pour savoir quels Ă©quipements ou bĂȘtes sont manquants ou nĂ©cessaires. Il conclut le chapitre en faisant Ă©cho aux anciens types d’infanterie que sont les peltastes et les phalanges macĂ©doniennes[17].

Chapitre VII - Sur l'entrainement de l'infanterie et de la cavalerie

Cette partie aborde des diffĂ©rents entraĂźnements et tĂąches que les soldats doivent faire lorsqu’ils sont au repos (hiver, campement, etc.). Ces exercices doivent accoutumer les soldats aux dangers qui les attendent, les tenir prĂȘts et les garder motivĂ©s. Les entraĂźnements effectuĂ©s sont nombreux et diffĂ©rents selon la classe du soldat (hoplite, archer, cavalier, etc.), ils peuvent ĂȘtre effectuĂ©s seuls ou en groupe, ils peuvent parfois ĂȘtre une compĂ©tition entre deux Ă©quipes ou la pratique des formations et des commandes vocales ou simplement des tĂąches de nettoyage et d’entretien. Tous ces exercices cherchent Ă  nouer des liens de camaraderie entre les soldats et leur officier et les empĂȘcher de devenir oisifs lors de leur campement. Le chapitre dĂ©crit trĂšs prĂ©cisĂ©ment les exercices, les formations et les "simulations" de bataille qui peuvent ĂȘtre enseignĂ©s et pratiquĂ©s durant ces pĂ©riodes de repos. On y trouve aussi une liste de commandements vocaux Ă  apprendre aux soldats et officiers[18].

Chapitre VIII - Sur les délits et punitions militaires

On Ă©voque dans cette partie les peines qui peuvent ĂȘtre appliquĂ©es aux soldats et aux personnes de rang supĂ©rieurs Ă  ceux-ci. Ces punitions varient grandement selon l’acte rĂ©prĂ©hensible allant de la peine de mort, la punition, le chĂątiment corporel, dĂ©dommagement ou la mise en amende[19].

Chapitre IX - Sur la marche de l'armée

Cette section offre de nombreuses consignes et conseils Ă  suivre lors du dĂ©placement d’une armĂ©e en territoire ami ou ennemi. On y Ă©voque entre autres que : la marche protĂšge la rĂ©gion patrouillĂ©e contre les pillages de l’ennemi, que les soldats doivent ĂȘtre disciplinĂ©s dĂšs le dĂ©part afin qu’ils soient organisĂ©s en cas d’attaque ou qu’ils ne partent pas en dĂ©bandade si une bĂȘte sauvage est croisĂ©e et finalement de les empĂȘcher de se jeter sur de potentiels butins lors de la marche. Le chapitre donne aussi plusieurs conseils et prĂ©cautions Ă  prendre afin de prĂ©venir tous accidents ou embuscades lorsque la troupe doit passer par des endroits Ă©troits, cols, dĂ©filĂ©s, riviĂšres ou ce qu’il faut faire en l’absence d’un guide. On retrouve aussi l’importance d’utiliser des Ă©claireurs et d’éviter ceux ennemis. Il aborde aussi l’importance de l’abondance des vivres et du ravitaillement pour la troupe durant ses dĂ©placements par exemple : effectuer une invasion du territoire ennemi le plus rapidement afin de ne pas Ă©puiser le ravitaillement trop tĂŽt, ne jamais laisser l’armĂ©e oisive au mĂȘme endroit et ne pas laisser les soldats rechercher eux-mĂȘmes les vivres, organiser plutĂŽt des groupes de recherches[20].

Chapitre X - Sur les trains de bagages

Ce chapitre traite de la dĂ©fense, l’organisation des bagages et de la suite d’une armĂ©e et ceux-ci doivent ĂȘtre protĂ©gĂ©s et en sĂ©curitĂ©. Le contraire serait trĂšs nĂ©faste pour le soldat partant au combat, il doit avoir l’esprit serein en ce qui concerne la sĂ©curitĂ© des non-combattants qui les suivent (domestiques, femmes et enfants) : « [
] la crainte de perdre ce qu’on a de plus cher, on ne se prĂ©sente au combat qu’avec rĂ©pugnance et en tremblant.». Il est aussi question de comment les protĂ©ger selon la situation et quel type de bagage le soldat doit amener selon la situation : expĂ©dition de longue durĂ©e, course en territoire ennemi ou encore dĂ©fense frontaliĂšre[21].

Chapitre XI - Sur les camps

Cette partie donne des conseils sur la bonne mise en place d’un campement : le choix du terrain (dĂ©couvert et loin d’un milieu humide), Ă©viter d’ĂȘtre proche d’un terrain que l’ennemi pourrait utiliser, creuser un fossĂ© autour du camp, toujours avoir une garde, toujours traiter l’ennemi comme s’il Ă©tait proche, etc. On y recommande aussi de ne pas rester trop longtemps au mĂȘme endroit, afin d’éviter l’accumulation des dĂ©chets ce qui pourrait amener des maladies. Si le camp doit durer plus longtemps, il doit ĂȘtre mieux fortifiĂ© et les soldats doivent rester actifs et ne pas ĂȘtre oisifs, tandis que toute fĂȘte ou jeu sont interdits durant la nuit. L’importance du bon ravitaillement et la dĂ©fense des habitants voisins au camp, si en territoire ami, y est encore abordĂ©e. On retrouve aussi des consignes sur le dĂ©placement du camp, les directives que les gardes doivent appliquer (questions, etc.), une description schĂ©matique de l’organisation du camp est prĂ©sentĂ©e, ainsi que les actions qui doivent ĂȘtre prises si l’ennemi est proche ou est en vue du camp[22].

Chapitre XII - Sur la préparation pour la bataille

Il est question ici de l’importance de la mise en place de l’armĂ©e avant la bataille et de ses consĂ©quences au fil de celle-ci. On y cite quelques conseils sur les formations qui sont propices Ă  la bataille et celles qui le sont moins (sur une ou plusieurs lignes, etc.), l’importance que les ordres du chef doivent ĂȘtre compris et transmis aux diffĂ©rentes parties de la troupe, la grande importance de garder une force en rĂ©serve en cas d’imprĂ©vu, etc. On y dĂ©crit de nombreux scĂ©narios de formation selon divers besoins, mais aussi tout le processus menant aux dĂ©cisions de placement des troupes : Ă©valuations des forces ennemies, prise en compte du terrain, adaptation de la formation selon les facteurs (ennemi, terrain, mĂ©tĂ©o, troupes et Ă©quipements Ă  disposition), etc. Des consignes trĂšs prĂ©cises autant pour les soldats que pour les officiers sont aussi incluses[23].

Chapitre XIII - Sur la veille de la bataille

Cette partie du manuel porte sur les prĂ©paratifs et les actions qui doivent ĂȘtre faits un ou deux jours avant une bataille. On peut en citer quelques-uns[24] :

  • L’envoi d’espions vers l’ennemi afin d’empĂȘcher une attaque surprise et obtenir des informations sur leur nombre et leurs Ă©quipements.
  • Motiver les troupes de plusieurs maniĂšres possibles : dĂ©filĂ© de prisonniers faibles devant les soldats, discours faisant Ă©cho aux gloires passĂ©s et rĂ©centes et tenter de dissiper les inquiĂ©tudes des soldats, tenter de briser la rĂ©putation de l’ennemi, etc.
  • Le gĂ©nĂ©ral doit repenser Ă  tous les facteurs et les possibilitĂ©s qui pourraient se produire durant la prochaine bataille ou avant : tenir conseil (voir chapitre III).
  • Se retirer ou fortifier la position si l’ennemi attaque dans des conditions peu favorables.
  • Faire des provisions pour un Ă  deux jours, en vue de la bataille.

Chapitre XIV - Le jour de la bataille

Dans ce chapitre, on Ă©nonce de nombreuses actions qu’un bon chef doit faire le jour de la bataille, telles que : sanctifier son armĂ©e Ă  Dieu, adapter la tactique selon le terrain ou les troupes de l’adversaire (archer, cavalier, etc.), etc. On prĂ©sente aussi plusieurs cas de figure qui peut se produire durant la bataille : surnombre de l’ennemi, dĂ©bordement, perte de moral des troupes, etc., ainsi que plusieurs directives portant sur la ligne et la formation de l’armĂ©e durant la bataille : ligne pas trop Ă©tendue, pas trop mince, trop espacĂ©e, etc[25].

Chapitre XV - Assiéger une ville

Cette partie Ă©voque quelques instructions ou conseils et quelques machines de guerre pouvant ĂȘtre utilisĂ©es durant un siĂšge. Ces conseils sont regroupĂ©s en deux parties. Lorsque l’on assiĂšge, il est important de se fortifier contre les assiĂ©gĂ©s ou leurs alliĂ©s, de mettre en place une garde pour ces mĂȘmes raisons, de mettre des troupes face aux portes et poternes ennemies, une attaque Ă  de multiples endroits fatigue l’adversaire et il est primordial de vĂ©rifier si les voies de ravitaillements (vivre et eau) de l’ennemi sont coupĂ©es ou exploitĂ©es, etc. AprĂšs le siĂšge, il est important de traiter la population avec douceur afin de gagner leur affection. Tandis qu’en tant que dĂ©fenseur, il faut amasser le plus de vivres possibles, expulser les bouches inutiles (femmes, enfants et vieillards) de la ville, il faut Ă©viter toute dissension au sein des personnes restant dans la forteresse, les portes seront gardĂ©es par les gens les plus fidĂšles, etc. Finalement, dans les deux cas, le chef doit donner autant d’effort que ses soldats afin de les motiver et leur donner des discours soutenant leur moral1[26].

Chapitre XVI - Sur les actions aprĂšs la fin de la guerre

AprĂšs une victoire, il est dĂ©crit qu’il est important de rendre grĂące Ă  Dieu pour celle-ci, rĂ©compenser ceux qui se sont battus avec courage et au contraire punir les lĂąches (autant les soldats que les officiers ou un corps entier). Le butin peut ĂȘtre vendu, au lieu d’ĂȘtre distribuĂ© comme rĂ©compense, pour couvrir des dĂ©penses. Les prisonniers ne doivent pas ĂȘtre tuĂ©s, mais utilisĂ©s comme moyen de pression (rançon, etc.) et les soldats tombĂ©s au combat doivent ĂȘtre enterrĂ©s dans une sĂ©pulture. Tandis qu’en cas de dĂ©faite, l’armĂ©e doit ĂȘtre revigorĂ©e par des discours et punir les ennemis s’ils baissent leur garde aprĂšs leur victoire (en cas de victoire, rester vigilant envers l’ennemi). Si une trĂȘve a Ă©tĂ© conclue, elle doit ĂȘtre respectĂ©e, mais il faut rester sur ses gardes. Finalement, il ne faut jamais refuser un Ă©missaire[27].

Chapitre XVII - Sur les attaques surprises

Dans ce chapitre, il est question de plusieurs tactiques ou mĂ©thodes pour amener le bon dĂ©roulement d’une attaque surprise : les attaques nocturnes, faux abandon de position, crĂ©ation de sentiments de confiance ou de supĂ©rioritĂ© chez l’ennemi pour ensuite en profiter, etc. On retrouve aussi de nombreuses directives logistiques portant sur les expĂ©ditions en territoire ennemi ainsi que plusieurs instructions sur l’espionnage et l’estimation des forces adverses[28].

Chapitre XVIII - Sur l'Ă©tude des diverses formations de bataille de divers peuples et romaines

Ce chapitre traite des formations de batailles que les Romains (áżŹÏ‰ÎŒÎ±áż–ÎżÎč : Rhomaioi) peuvent adopter en attaque ou en dĂ©fense, ainsi que celles d’autres peuples et de leurs contre-mesures possibles. On y retrouve une description des stratĂ©gies, coutumes, histoires et cultures combattantes :

  • Les Perses qui sont prĂ©sentĂ©s comme des troupes peu disciplinĂ©es, motivĂ©s par le butin et le zĂšle de leur faux culte.
  • Les anciens Scythes qui ont influencĂ© les Turcs et Bulgares dans leurs tactiques d’attaque surprise.
  • Les Bulgares des chrĂ©tiens qui sont prĂ©sentĂ©s comme les vassaux de l’Empire.
  • Les Turcs sont prĂ©sentĂ©s comme de redoutables combattants, non-chrĂ©tiens, avides d’argent, sans paroles dont l’auteur dĂ©crit en dĂ©tail les Ă©quipements et formations.
  • Les Francs et Lombards sont dĂ©crits comme des chrĂ©tiens braves, aimant la guerre, impatients, faciles Ă  corrompre, supportant mal les longues privations et qui devraient ĂȘtre les vassaux de l’Empire.
  • Les Slaves sont des chrĂ©tiens dĂ©crits comme d’infatigables combattants, pouvant subir de longues privations, mais refusent la vassalitĂ© de l’Empire. L’auteur Ă©voque mĂȘme les conversions religieuses faites par l’Empereur Basile Ier.
  • Les Sarrasins ou Arabes sont prĂ©sentĂ©s comme des adversaires continuels impies de l’Empire, dont le gĂ©nie militaire les place au-dessus des autres nations et qui ne doit pas ĂȘtre nĂ©gligĂ©, car ceux-ci imitent et reprennent les tactiques des Romains.

Outre les nombreuses tactiques et ordres de bataille prĂ©sentĂ©s, on retrouve aussi plusieurs discours de l’auteur portant sur la dĂ©fense de la foi chrĂ©tienne, en voici quelques-uns : « [
] toujours ĂȘtre prĂȘt Ă  rĂ©pandre votre sang pour le soutien de la foi chrĂ©tienne, ainsi que la dĂ©fense des fidĂšles [
] », « [
], nous dĂ©testons leur impiĂ©tĂ©, et leur faisons la guerre pour le soutien de la foi. » et « Le zĂšle de nos soldats s’animera, quand ils sauront qu’ils combattent pour la foi, [
] et le repos de tous les chrĂ©tiens. »[29].

Chapitre XIX - Sur la guerre navale

Cette section aborde la guerre navale qui est dĂ©crite comme peu documentĂ©e par l’auteur et qui se transmettait oralement entre gĂ©nĂ©raux. Il y est dĂ©crit les spĂ©cificitĂ©s que les navires doivent avoir, les fournitures et le bon positionnement des diffĂ©rents membres d’équipage ainsi que leurs Ă©quipements. On y Ă©voque surtout le dromon (grec : ΎρόΌωΜ, remplaçant de la trirĂšme antique), comme navire principalement utilisĂ©, mais il est aussi Ă©voquĂ© l’existence de dromons plus gros pouvant contenir 200 marins. L’auteur aborde plusieurs tactiques, formations et stratĂ©gies militaires navales qui devraient ĂȘtre utilisĂ©es, ainsi que plusieurs prĂ©cautions Ă  prendre : faire garder les navires lorsque la flotte est dĂ©barquĂ©e pour Ă©viter tout sabotage, etc. Plusieurs mĂ©thodes et tactiques d’utilisation du feu grĂ©geois sont aussi enseignĂ©es durant ce chapitre, en voici deux extraits[30]:

  • « Tels sont ces feux prĂ©parĂ©s dans des siphons, d'oĂč ils partent avec un bruit de tonnerre et une fumĂ©e enflammĂ©e qui va brĂ»ler les vaisseaux sur lesquels on les envoie. »
  • « On se servira aussi de petits siphons Ă  la main que les soldats portent derriĂšre leurs boucliers, et que nous faisons fabriquer nous-mĂȘmes : ils renferment un feu prĂ©parĂ© qu'on lance aux visages des ennemis. »

Chapitre XX - Sur les différentes maximes

On Ă©voque dans ce chapitre de nombreux conseils et maximes pouvant servir Ă  perfectionner la "science des armes" dont certaines proviennent d’auteurs anciens. On peut citer ceux-ci en exemple : « [
] partager en toute occasion les travaux et les fatigues de la guerre avec ceux que vous commandez, [
] », « vos mƓurs doivent ĂȘtre un modĂšle pour les autres. », etc[31].

Épilogue

Ici l’auteur rappel les leçons les plus importantes qu’un gĂ©nĂ©ral devrait avoir apprises : l’important de la priĂšre Ă  Dieu et de la bonne piĂ©tĂ©, ce que devrait ĂȘtre un bon gĂ©nĂ©ral et savoir bien utiliser la science de la guerre (tactiques, formations et adaptation, etc.)[32].

Compléments du Sylloge Tacticorum

  • Chapitre XXXII - Leurs formations d'infanterie (grec ancien)
  • Chapitre XXXIII - Leurs formations de cavalerie (grec ancien)
  • Chapitre XXXIV - Leurs formations mixtes (grec ancien)
  • Chapitre XXXV - Comment les Romains nomment les officiers de l'armĂ©e et de leurs unitĂ©s
  • Chapitre XXXVIII - Armes d'infanterie romaine
  • Chapitre XXXIX - Armes de cavalerie romaine
  • Chapitre XLI - Noms des manƓuvres des troupes
  • Chapitre XLII - Formations de phalange
  • Chapitre XLIII - En profondeur, c'est-Ă -dire la profondeur des formations d'infanterie et de cavalerie, leur longueur et l'espace occupĂ© par un fantassin au sein de la formation, le cavalier et l'intervalle entre eux dans les formations et sur le vol d'une flĂšche.
  • Chapitre LIII - Ce que le gĂ©nĂ©ral doit faire lorsqu'il est assiĂ©gĂ©
  • Chapitre LIV - Que doit faire le gĂ©nĂ©ral en assiĂ©geant l'ennemi
  • Chapitre LV - Comment le gĂ©nĂ©ral doit rapidement construire un fort proche de la frontiĂšre ennemie sans dĂ©clencher une bataille

La tentative de "Guerre sainte" de LĂ©on VI

Aux environs de l’an 900, l’Empereur LĂ©on VI tentent de mobiliser les byzantins Ă  faire une guerre sainte (une guerre au nom de Dieu ou contre les ennemis de Dieu) contre les musulmans en s’inspirant de ce qu’il connaĂźt du Djihad, auquel il porte une certaine admiration (voir les Guerres Arabo-Byzantines pour plus de contexte). Il dĂ©crit ainsi une solidaritĂ© chrĂ©tienne entre tous les byzantins dans cet effort militaire : « [
] les non-combattants fournissant aux combattants des armes, des dons et des priĂšres [
] s’il manque quelque chose aux corps de troupes [
] ils se cotisent pour le fournir par entraide et solidarité  Si, aidĂ©s par Dieu [
] affrontant les SaracĂšnes franchement et vaillamment pour le salut de notre Ăąme, persuadĂ©s que nous combattons, [
] pour ceux de notre race et tous nos frĂšres chrĂ©tiens, [
] »[29]. Cette idĂ©e de "guerre sainte chrĂ©tienne" ne dĂ©clenchera pas de grande mobilisation chez les byzantins, mais plutĂŽt une indiffĂ©rence et une rĂ©serve de la part des autoritĂ©s relieuses qui ne veulent pas mĂȘler les affaires temporelles (la guerre) et celle intemporels (Dieu)[33].

Informations divers

Les vingt premiers chapitres sont largement repris du Strategikon Ă©crit durant le rĂšgne de l’Empereur Maurice entre 582 et 602, mais ils ont Ă©tĂ© remis au goĂ»t du jour et adaptĂ©s selon la vision de Leon VI aux environs du Xe siĂšcle.

Le texte comporte quelques problĂšmes de rĂ©daction, il tombe trĂšs souvent dans la rĂ©pĂ©tition et l’usage inutile de mot, malgrĂ© les promesses de l’Empereur envers le lecteur en prĂ©face : « Je ne me suis point piquĂ© d’élĂ©gance et me suis plus attachĂ© Ă  l’essence des choses qu’à l’ornement du discours. J’ai tachĂ© autant que j’ai pu de rendre ma narration simple, claire et prĂ©cise[34]. »

Articles Connexes

Bibliographie

Notes et références

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  2. (en) Edward N. Luttwak, The Grand Strategy of the Byzantine Empire, Harvard University Press, , p. 305.
  3. (en) Shaun Tougher, The Reign of Leo VI (886-912) : Politics and People, Brill, , p. 169.
  4. (en) Alexander P. Kazhdan, « Sylloge Tacticorum », the oxford dictionary of byzantium
  5. (en) Bernard Lewis, The Middle East : A brief history of the last 2000 years, Scribner, , p. 234–235.
  6. (en) George T. Dennis (dir.), The Taktika of Leo VI. Text, Translation and Commentary, Washington, D.C., Dumbarton Oaks, , xiii.
  7. Georg Ostrogorsky, Histoire de l'État byzantin, Ă©ditions Payot, p. 283.
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  11. Joly de Maizeroy, 1859, Institutions 1
  12. Joly de Maizeroy, 1859, Institutions 2
  13. Joly de Maizeroy, 1859, Institutions 3
  14. Joly de Maizeroy, 1859, Institutions 4
  15. (en) George T. Dennis (dir.), Washington, D.C., Dumbarton Oaks, 2010, iv.
  16. Joly de Maizeroy, 1859, Institutions 5
  17. Joly de Maizeroy, 1859, Institutions 6
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  20. Joly de Maizeroy, 1859, Institutions 9
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  25. Joly de Maizeroy, 1859, Institutions 14
  26. Joly de Maizeroy, 1859, Institutions 16 (inversé avec la 15 par l'auteur)
  27. Joly de Maizeroy, 1859, Institutions 15 (inversé avec la 16 par l'auteur)
  28. Joly de Maizeroy, 1859, Institutions 17
  29. Joly de Maizeroy, 1859, Institutions 18
  30. Joly de Maizeroy, 1859, Institutions 19
  31. Joly de Maizeroy, 1859, Institutions 20
  32. Joly de Maizeroy, 1859, Épilogue
  33. Gilbert Dagron, « Byzance entre le djihĂąd et la croisade. Quelques remarques », Publications de l'École Française de Rome,‎ , p. 325-327 (lire en ligne)
  34. Joly de Maizeroy, Léon le sage : Institutions militaires, Paris, traduction 1778, édition 1859 numérisé par marc szwajcer (lire en ligne), Avant-Propos

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