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TĂȘte d'Oliver Cromwell

La tĂȘte d'Oliver Cromwell est une relique dont la valeur symbolique changea avec le temps. Elle passa dans plusieurs mains de 1685 Ă  1960. Son authenticitĂ© fut remise en question et une Ă©tude scientifique fut entreprise dans les annĂ©es 1930, qui ne parvint pas Ă  confirmer ou infirmer son authenticitĂ©.

Une reprĂ©sentation du XVIIIe siĂšcle de la tĂȘte d'Oliver Cromwell, empalĂ©e.

AprĂšs la mort d'Oliver Cromwell, le , celui-ci eut droit Ă  une cĂ©rĂ©monie funĂšbre publique Ă  l'abbaye de Westminster, Ă  la maniĂšre des rois qui l'avaient prĂ©cĂ©dĂ©. AprĂšs avoir dĂ©fait et exĂ©cutĂ© le roi Charles Ier pendant la PremiĂšre RĂ©volution anglaise, Cromwell Ă©tait devenu Lord Protecteur, dirigeant du Commonwealth d'Angleterre. Lui succĂ©da alors son fils, Richard Cromwell, qui, bientĂŽt, fut renversĂ© par l'armĂ©e en 1659, aprĂšs la rĂ©installation de la monarchie et le rappel de Charles II, alors en exil. Le parlement de Charles ordonna l'exhumation de la dĂ©pouille de Cromwell de l'abbaye de Westminster, en plus de celles d'autres rĂ©gicides, dont John Bradshaw et Henry Ireton, pour une exĂ©cution posthume, Ă  Tyburn. AprĂšs les avoir pendus et laissĂ©s suspendus « du matin Ă  quatre heures de l'aprĂšs-midi »[1], les corps furent dĂ©coupĂ©s et les tĂȘtes empalĂ©es sur des piques de six mĂštres, au-dessus du palais de Westminster. En 1685, une tempĂȘte brisa la pique[2], jetant la tĂȘte Ă  terre, aprĂšs quoi elle circula des mains de collectionneurs particuliers Ă  celles de propriĂ©taires de musĂ©es, jusqu'au , jour oĂč elle fut enterrĂ©e au Sidney Sussex College de Cambridge.

FichĂ©e au bout de sa pique au-dessus de l'horizon londonien, la tĂȘte constituait un puissant avertissement pour les spectateurs. Au XVIIIe siĂšcle, elle devint une curiositĂ©, une relique. Elle fut admirĂ©e, fustigĂ©e, puis niĂ©e, considĂ©rĂ©e comme fausse. AprĂšs que Thomas Carlyle eut niĂ© l'existence de la tĂȘte, dĂ©clarant qu'il s'agissait d'une « rumeur frauduleuse »[3] et, aprĂšs l'apparition d'un nouvel individu prĂ©tendant possĂ©der la tĂȘte, des analyses scientifiques et archĂ©ologiques furent menĂ©es, dans le but d'en identifier l'origine. Des tests sans rĂ©sultats tangibles aboutirent Ă  un rapport dĂ©taillĂ© de Karl Pearson et de Geoffrey Morant concluant, qu'aprĂšs une Ă©tude approfondie de la tĂȘte et d'autres indices et preuves, l'appartenance de la tĂȘte Ă  Cromwell Ă©tait une « certitude morale »[4].

Contexte

Henry Ireton, Ă  qui Cromwell confia le commandement des forces du Parlement d'Irlande en 1650. Il mourut d'une maladie, au siĂšge de Limerick, en 1651.
Oliver Cromwell, par Sir Peter Lely.
John Bradshaw.

Oliver Cromwell (né en avril 1599) fit de l'Angleterre une république, abolissant la monarchie et la Chambre des lords, aprÚs l'exécution de Charles Ier, en janvier 1649. Cependant, le rÚgne de Cromwell, en tant que Lord Protecteur (qui débuta en décembre 1653), n'était pas différent de celui de son prédécesseur. Il se maintint seul, au pouvoir illimité, et vécut dans plusieurs palais royaux qui, autrefois, hébergÚrent l'ancienne dynastie régnante. En 1657, le parlement lui offrit solennellement le titre de roi mais, aprÚs « une agonie de conscience », il le refusa[5]. Durant l'année 1658, Cromwell souffrait de maladie et de tragédies personnelles, le laissant faible. Il mourut l'aprÚs-midi du [5].

Sa mort et ses funĂ©railles suivirent le mĂȘme protocole que celui qui Ă©tait accordĂ© aux monarques. Le , son corps fut dĂ©placĂ© Ă  Somerset House oĂč il fut exposĂ© allongĂ©, afin de le prĂ©senter aux yeux du public qui fut autorisĂ© Ă  rendre hommage Ă  sa dĂ©pouille, le 18 octobre. Le corps avait Ă©tĂ© embaumĂ©, couvert et installĂ© dans un cercueil de plomb qui, lui-mĂȘme, fut placĂ© dans un cercueil de bois, ornĂ© richement. Le tout fut placĂ© prĂšs d'une statue Ă  son effigie[6], dĂ©corĂ©e des symboles royaux, incluant « Un tissu de velours 
 entourĂ© d'un lacet fait d'or, en plus de fourrures d'hermines »[7]. La procession funĂšbre, reportĂ©e par deux fois tant elle fut Ă©laborĂ©e avec soin, traversa Londres, le . Le corps avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© enterrĂ© Ă  l'abbaye de Westminster, deux semaines avant l'Ă©vĂšnement, pour prĂ©venir les risques de dĂ©composition, la procession funĂšbre ayant lieu trois mois aprĂšs sa mort[8]. Un catafalque fut Ă©rigĂ©, afin d'abriter ce cercueil qui ressemblait Ă  celui du roi Jacques Ier, Ă©tant seulement « plus artistique et plus onĂ©reux »[9].

Le corps de Cromwell demeura intact jusqu'Ă  la Restauration anglaise, sous l'Ă©gide du fils de Charles, Charles II, en 1660. AprĂšs leurs procĂšs, douze des rĂ©gicides survivants (ceux ayant participĂ© au procĂšs et Ă  l'exĂ©cution de Charles Ier) furent pendus, traĂźnĂ©s dans les rues et Ă©quarris, c'est-Ă -dire traĂźnĂ©s dans les rues par une claie jusqu'Ă  la potence, pendus par le cou, Ă©ventrĂ©s vivants, Ă©tĂȘtĂ©s et dĂ©membrĂ©s (coupĂ©s en quatre quartiers)[10]. De plus, le parlement reformĂ© ordonna l'exĂ©cution posthume des dĂ©funts Oliver Cromwell, John Bradshaw et Henry Ireton. Les lois relatives Ă  la trahison placent la dĂ©pouille d'un traĂźtre entre les mains du roi. Les tĂȘtes des traĂźtres Ă©taient souvent exposĂ©es sur des ponts, la Tour de Londres, ou encore d'autres points d'affluence de la ville, alors que les quartiers Ă©taient souvent expĂ©diĂ©s dans diffĂ©rentes villes de provinces voisines.

CachĂ© dans le mur de l'aile centrale de la chapelle d'Henri VII, le corps de Cromwell fut laborieusement extrait tant le bois et les vĂȘtements furent difficiles Ă  dĂ©placer. Le , les corps de Cromwell et Ireton furent dĂ©placĂ©s au Red Lion Inn Ă  Holborn, rejoints, le jour suivant, par la dĂ©pouille de Bradshaw, avant d'ĂȘtre emmenĂ©s Ă  Tyburn pour l'exĂ©cution. Au matin du , date de l'anniversaire de Charles Ier, les corps enturbannĂ©s dans leurs cercueils ouverts furent traĂźnĂ©s par une charrette jusqu'au gibet, oĂč chacun fut pendu devant une foule nombreuse, aux environs de quatre heures de l'aprĂšs-midi[11]. La tĂȘte de Cromwell fut arrachĂ©e en Ă©tant bastonnĂ©e huit fois, empalĂ©e sur une pique de six mĂštres, et plantĂ©e au-dessus du Westminster Hall. Il existe une quantitĂ© de thĂ©ories conspirationnistes qui s'interrogent sur le sort du corps. Une rumeur Ă©met la possibilitĂ© que Mary, la fille de Cromwell, l'aurait subtilisĂ© aprĂšs la dĂ©capitation et enterrĂ© dans le jardin de la demeure de son mari, Ă  Newburgh Priory. Une crypte, scellĂ©e par un rocher massif, fut suspectĂ©e d'hĂ©berger les restes de Cromwell, mais les descendants de Cromwell refusĂšrent les demandes d'ouverture, dont une d'Édouard VII[12]. Le biographe John Morill dĂ©clara qu'il Ă©tait fort probable que le corps de Cromwell eĂ»t Ă©tĂ© jetĂ© dans une fosse, Ă  Tyburn, oĂč il resta[5].

Parcours

ScĂšne contemporaine Ă  l'extĂ©rieur du palais de Westminster, illustrant les tĂȘtes empalĂ©es aprĂšs l'exĂ©cution de Cromwell, Bradshaw et Ireton Ă  Tyburn.

Du palais de Westminster Ă  Du Puy

La tĂȘte de Cromwell demeura sur la pique au-dessus du palais de Westminster jusqu'Ă  la fin des annĂ©es 1680. Elle fut enlevĂ©e en 1681, le temps de travaux d'entretien, puis replacĂ©e. La position de la tĂȘte, par rapport Ă  celles de Bradshaw et d'Ireton, fut sujette Ă  discussion. Pearson et Morant ont soutenu, dans les annĂ©es 1930, que sa position supposĂ©e (Cromwell Ă  droite, Bradshaw au centre, Ireton Ă  gauche) Ă©tait contestable, comme ils l'ont dĂ©montrĂ© dans leur Ă©tude[13]. Bien qu'ils aient continuĂ© Ă  soutenir la thĂšse traditionnelle aprĂšs analyse de dessins et poĂšmes contemporains[14], les circonstances dans lesquelles elle tomba entre les mains de collectionneurs privĂ©s sont prĂ©tendument reliĂ©es Ă  une forte tempĂȘte, en 1689, qui brisa la pique et projeta la tĂȘte au sol. Une sentinelle en patrouille la ramassa et la camoufla sous son manteau avant de la cacher dans la cheminĂ©e de sa maison. La perte de la tĂȘte avait Ă©mu la population, au point que quantitĂ© de citoyens se mirent Ă  sa recherche, espĂ©rant en tirer « la considĂ©rable rĂ©compense »[15] promise Ă  celui qui la restituerait aux autoritĂ©s. La sentinelle, bien qu'elle eĂ»t vu « les affiches dans la ville ordonnant Ă  celui qui la dĂ©tenait de la remettre aux autoritĂ©s
 eut peur de divulguer son secret »[15]. Cependant, des preuves de la dĂ©gringolade de la tĂȘte du haut du Palais ne furent retrouvĂ©es qu'en 1710, quand on la retrouva en possession de Claudius Du Puy, un Franco-suisse, collectionneur de curiositĂ©s, alors qu'elle Ă©tait exposĂ©e dans son musĂ©e privĂ© de Londres[16]. D'aprĂšs Fitzgibbons, le musĂ©e de Du Puy Ă©tait internationalement connu et considĂ©rĂ© comme l'une des principales attractions culturelles de la ville[16], attirant des visiteurs tel qu'un voyageur dĂ©nommĂ© Zacharias Conrad von Uffenbach, qui ne fut pas impressionnĂ© par ce qu'il vit. AprĂšs avoir entendu Du Puy dire qu'il pourrait vendre la tĂȘte pour 60 guinĂ©es (environ 5 000 ÂŁ), Uffenbach s'exclama, surpris, que cette « tĂȘte monstrueuse pouvait toujours s'avĂ©rer chĂšre et utile aux Anglais »[17].

Russell et Cox

Publicité pour l'exposition des frÚres Hughes.

À la mort de Du Puy en 1738, la tĂȘte perdit de son importance. En effet, quand elle Ă©tait encore au sommet du palais de Westminster, au-dessus de l'horizon londonien, elle constituait encore un sinistre avertissement. Au XVIIIe siĂšcle, elle devint une curiositĂ©, une attraction, et ne transmettait plus son symbolique et sinistre message[18]. Elle tomba dans l'oubli jusqu'Ă  la fin du XVIIIe siĂšcle, oĂč elle se retrouva entre les mains d'un comĂ©dien ratĂ© et ivrogne, nommĂ© Samuel Russell. Une rumeur circulait dans la ville disant qu'il Ă©tait un descendant de Cromwell (ce qui Ă©tait somme toute possible, les Cromwell s'Ă©tant mariĂ©s Ă  des Russell un nombre incalculable de fois). Il est Ă©galement plausible que la tĂȘte, aprĂšs la mort de Du Puy, fut vendue Ă  la famille Russell, ces derniers Ă©tant une cible facile pour une telle transaction[19]. Cependant, elle fut repĂ©rĂ©e par le propriĂ©taire d'un musĂ©e londonien, du nom de James Cox, qui Ă©tait « convaincu par toutes les circonstances qu'il s'agissait lĂ  de la tĂȘte de Cromwell »[19]. Cox offrit 100 ÂŁ (environ 5 600 ÂŁ actuelles) mais, « malgrĂ© sa pauvretĂ© et son excessive dette, Russell refusa cette offre, confirmant l'authenticitĂ© de la tĂȘte, qui Ă©tait bien une relique sacrĂ©e de son glorieux ancĂȘtre »[20]. Russell ne prit cependant pas soin de la tĂȘte. Lors de regroupements festifs et arrosĂ©s, il faisait passer la relique de table en table, entraĂźnant ainsi des « dommages irrĂ©parables »[20]. Russell devait aussi avoir des relations quelconques avec le Sidney Sussex College, puisqu'il voulut offrir la tĂȘte au doyen, qui la refusa. Cox, dans sa volontĂ© d'obtenir la tĂȘte, retourna chez Russell et lui prĂȘta, par versements rĂ©guliers de petites sommes, jusqu'Ă  atteindre les 100 ÂŁ fatidiques. Russell, se retrouvant dans l'incapacitĂ© de rembourser ce prĂȘt, fut donc obligĂ© de la lui cĂ©der. Cependant Fitzgibbons, Pearson et Morant ont soutenu que la quĂȘte de Cox n'Ă©tait motivĂ©e que par l'espoir d'en tirer un bon bĂ©nĂ©fice. Au moment de cette acquisition, Cox, riche joaillier et ayant vendu son musĂ©e, ne l'avait pas achetĂ©e pour l'exposer[21].

Cox vendit la tĂȘte en 1799, pour 230 ÂŁ (prĂšs de 7 400 ÂŁ actuelles), Ă  trois frĂšres du nom de Hughes[21]. Ayant pour projet, eux, de l'exposer sur Bond Street, les frĂšres acquirent la tĂȘte pour l'adjoindre Ă  un ensemble d'objets relatifs Ă  Cromwell. Des milliers d'affiches furent imprimĂ©es pour l'Ă©vĂšnement, mais l'exhibition fut gĂąchĂ©e par les doutes quant Ă  l'origine de la tĂȘte. Les frĂšres Hughes et leur publicitaire, John Cranch, interrogĂšrent Cox qui resta Ă©vasif. Les frĂšres commencĂšrent alors Ă  douter de l'authenticitĂ© de la tĂȘte[22]. En effet, Cranch ne put trouver suffisamment d'informations sur sa provenance et improvisa une histoire. Selon lui, la tĂȘte des Hughes « prĂ©sente bien des traces caractĂ©ristiques de la dĂ©capitation, de l'empalement et de l'embaumement »[23]. MalgrĂ© le fait reconnu qu'Ireton ait Ă©tĂ© embaumĂ© avant d'ĂȘtre dĂ©capitĂ©, l'argumentation de Cranch ne convainquit personne. L'exposition fut un Ă©chec. Non seulement le ticket d'entrĂ©e Ă©tait onĂ©reux (prĂšs de ÂŁ actuelles), mais l'authenticitĂ© de la tĂȘte exposĂ©e Ă©tait remise en question[24].

XIXe et XXe siĂšcles

Masque mortuaire d'Oliver Cromwell exposé au chùteau de Warwick.

MalgrĂ© l'Ă©chec de l'exposition des frĂšres Hughes, une de leurs filles continua d'exhiber la tĂȘte Ă  ceux qui souhaitaient l'apercevoir. Une offre fut faite Ă  Sir Joseph Banks, mais ce dernier dĂ©sira « ĂȘtre excusĂ© de ne pas vouloir observer les restes d'un ancien et vil RĂ©publicain, mentionner ce nom lui faisant bouillir le sang d'indignation »[25]. William Bullock, voulant acquĂ©rir la piĂšce, Ă©crivit Ă  Robert Jenkinson, qui formula un « puissant refus quant Ă  l'exhibition de restes humains au sein d'un musĂ©e public frĂ©quentĂ© par des personnes de tous Ăąges et sexes »[25]. L'incapacitĂ© Ă  vendre la tĂȘte Ă  des musĂ©es publics poussa la fille Hughes Ă  recourir Ă  des acheteurs privĂ©s, collectionneurs avertis et, en 1815, elle fut vendue Ă  Josiah Henry Wilkinson, dont la famille la conserva jusqu'Ă  son enterrement. Maria Edgeworth, qui Ă©tait conviĂ©e Ă  un petit dĂ©jeuner en compagnie de Wilkinson en 1822, vit la tĂȘte et Ă©crivit sa grande surprise d'avoir vu « la tĂȘte d'Oliver Cromwell, non pas une reprĂ©sentation, non pas un buste, rien qui fut en pierre, en marbre ou en plĂątre de Paris, mais sa vraie tĂȘte »[26].

CoĂŻncidant avec la publication de son ouvrage, Lettres et Discours d'Oliver Cromwell en 1845, Thomas Carlyle demanda Ă  voir la tĂȘte. Cependant, bien qu'il ne la vĂźt pas et se basant sur le tĂ©moignage d'un ami, il rĂ©futa l'authenticitĂ© de la tĂȘte : « elle avait des cheveux, de la chair, une barbe, une affichette disant qu'elle fut achetĂ©e 100 ÂŁ (je repense au remboursement de la dette) il y a 50 ans
 L'histoire dans son intĂ©gralitĂ© semble ĂȘtre fantaisiste, une chose mĂȘme pas agrĂ©able Ă  regarder, surtout pour une affaire telle celle d'Oliver. »[3]

Plaque au Sidney Sussex College, Cambridge, commĂ©morant l'enterrement de la tĂȘte de Cromwell en 1960.

Fitzgibbons, Pearson et Morant se sont accordĂ©s sur le fait que la dĂ©claration de Carlyle n'ait aucun fondement historique ou scientifique. Cependant, Carlyle concĂ©da que la tĂȘte Ă©tait « celle d'un homme distinguĂ© dĂ©capitĂ© », le seul autre homme distinguĂ© ayant Ă©tĂ© dĂ©capitĂ© de la sorte durant ces 200 derniĂšres annĂ©es Ă©tant Henry Ireton[27]. George Rolleston examina un autre crĂąne — dit le crĂąne AshmolĂ©en — aprĂšs qu'on prĂ©tendit qu'il s'agissait de la tĂȘte de Cromwell, mais ne fut pas convaincu par l'histoire du crĂąne, et rendit visite Ă  Wilkinson afin d'examiner la tĂȘte. AprĂšs examen, il affirma que le crĂąne AshmolĂ©en Ă©tait faux, et que celui qui Ă©tait en possession de Wilkinson Ă©tait bel et bien celui de Cromwell[28].

Un autre examen intĂ©gral datant de 1911 a prouvĂ© que le crĂąne AshmolĂ©en Ă©tait faux. Cependant, l'absence de toute preuve concernant les diffĂ©rents endroits oĂč la tĂȘte fut exposĂ©e entre 1684 et 1787 les a empĂȘchĂ©s de dĂ©clarer que la tĂȘte est authentique. Ils ont conclu que leur Ă©tude ne leur a pas permis de confirmer ni de rĂ©futer l'authenticitĂ© de la tĂȘte[29]. L'incertitude a exacerbĂ© les demandes publiques d'analyses scientifiques intĂ©grales de la tĂȘte et Wilkinson a accordĂ©, Ă  contre-cƓur, le droit au spĂ©cialiste en eugĂ©nisme Karl Pearson et Ă  l'anthropologue Geoffrey Morant de l'examiner. Leur rapport de 109 pages Ă©tablit l'existence d'une « certitude morale » quant Ă  l'authenticitĂ© de la tĂȘte de Wilkinson[4]. Horace Wilkinson est dĂ©cĂ©dĂ© en 1957, confiant la tĂȘte Ă  son fils, Ă©galement appelĂ© Horace. Cependant, Horace Wilkinson a prĂ©fĂ©rĂ© organiser des funĂ©railles pour la tĂȘte, plutĂŽt que de l'exposer dans un musĂ©e. Il a alors contactĂ© le Sidney Sussex College, oĂč est enterrĂ©e la tĂȘte depuis le , Ă  un endroit secret prĂšs de l'absidiole, prĂ©servĂ©e dans un coffre en bois de chĂȘne qui date de 1815 quand la tĂȘte devint propriĂ©tĂ© de la famille Wilkinson. L'enterrement s'est fait en secret, en comitĂ© restreint : les Wilkinson et quelques reprĂ©sentants de l'universitĂ©. Il a Ă©tĂ© rendu public en octobre 1962, deux ans plus tard[30].

Authenticité

Corps

L'authenticitĂ© de la tĂȘte a longtemps Ă©tĂ© sujette Ă  dĂ©bats et a donnĂ© lieu Ă  nombre d'analyses scientifiques. La plus remarquable et dĂ©taillĂ©e est celle de Karl Pearson et Geoffrey Morant, dans les annĂ©es 1930, qui affirme que la tĂȘte en possession des Wilkinson est bien celle de Cromwell[4]. Cependant, des rumeurs et des thĂ©ories conspirationnistes sont nĂ©es depuis la chute de la tĂȘte de Cromwell du palais de Westminster.

D'aprĂšs Fitzgibbons, les rumeurs concernant le corps de Cromwell aprĂšs sa mort ne sont que « lĂ©gendes issues d'imaginations hyper-actives »[31]. Une lĂ©gende prĂ©tend que la dĂ©pouille fut escortĂ©e secrĂštement jusqu'Ă  Naseby, l'endroit de « sa plus grande victoire »[32], pour un enterrement nocturne. Le terrain fut alors Ă©galisĂ© afin de camoufler les marques de l'enterrement[32]. Une autre lĂ©gende, rĂ©digĂ©e dans les annĂ©es 1730 par un certain John Oldmixon, prĂ©tend qu'une « noble dame fiable qui assista Ă  l'agonie de Cromwell »[32] vit le cercueil jetĂ© dans la Tamise, Ă  son niveau le plus profond et, ce, le soir suivant la mort de Cromwell. Craignant les royalistes, « on dĂ©battit de la façon dont le corps sera mis en sĂ©curitĂ©. Ils ne pouvaient le prĂ©senter au cours d'une cĂ©rĂ©monie funĂšbre publique
 et pour Ă©viter qu'il ne tombe aux mains de barbares, il fut dĂ©cidĂ© qu'on allait l'envelopper de draps lestĂ©s de plomb, de le mettre dans une barque sur la Tamise et ensuite le faire couler au point le plus profond du fleuve, ce qui a Ă©tĂ© effectuĂ© la nuit suivant la mort de Cromwell »[33]. En 1664, Samuel Pepys Ă©crivit une histoire qu'il avait entendue disant que Cromwell, de son vivant, aurait interverti plusieurs dĂ©pouilles de monarques, semant ainsi le doute sur les propriĂ©taires des tĂȘtes[34]. Fitzgibbons a relevĂ© l'ironie d'une telle situation, la cĂ©rĂ©monie funĂšbre donnĂ©e Ă  Londres ayant alors eu pour objet la dĂ©pouille d'un roi. Une autre histoire raconte que le corps de Cromwell fut substituĂ© Ă  celui de Charles Ier, ajoutant encore plus d'ironie aux Ă©vĂšnements du [35]. Cependant il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que cette histoire est fausse : la tombe de Charles Ier a Ă©tĂ© ouverte en 1813, rĂ©vĂ©lant que ses restes, ainsi que la trace de dĂ©capitation, n'ont pas bougĂ© depuis 1649[36].

Fitzgibbons rajoute aussi qu'il n'est pas impossible que le corps de Cromwell ait été déplacé avant l'exécution posthume. Une théorie avance que le sergent Norfolke, qui était chargé d'exhumer les corps, trouva les tombes de Cromwell et d'Ireton vides, obligeant le gouvernement à ouvrir deux autres tombes. Cela a été mis en évidence par le fait que le corps de Bradshaw arriva un jour plus tard à l'auberge du Lion Rouge de Holborn, la rumeur disant qu'il fut le seul corps authentique à avoir été pendu à Tyburn. Une autre possibilité est que des amis de Cromwell aient corrompu les gardes chargés de surveiller la tombe de Cromwell, « l'enterrant secrÚtement dans un enclos prÚs de Holborn »[37], pour que, quand les corps furent traßnés au gibet, celui de Cromwell soit déjà à l'abri[38]. Cependant les visages des pendus étaient clairement visibles, malgré des altérations et, comme aucun témoin n'a remis en cause leur authenticité, il n'y a aucune preuve d'un tel fait[39].

TĂȘte

L'authenticitĂ© de la tĂȘte en elle-mĂȘme a Ă©tĂ© remise en cause Ă  plusieurs reprises. L'Ă©chec des frĂšres Hughes dans leur tentative d'invention d'une histoire crĂ©dible explique en grande partie l'Ă©chec de leur exposition[40]. La dĂ©couverte du crĂąne AshmolĂ©en, prĂ©sentĂ© comme Ă©tant celui de Cromwell, fut la premiĂšre dĂ©claration contraire (on avait deux tĂȘtes Ă  prĂ©sent), mais les Ă©vĂšnements n'aidĂšrent pas Ă  en confirmer l'authenticitĂ©.

L'histoire retient que : « En 1672, le crĂąne d'Oliver fut emportĂ© par le vent du cĂŽtĂ© nord du Hall de Westminster et est tombĂ©e dans les fossĂ©s puis emportĂ©e par M. John Moore
 Peu de temps aprĂšs, il le donna Ă  Mr. Warner, un apothicaire de King Street Ă  Westminster. Mr. Warner le vendit pour 20 piĂšces d'or Ă  Humphrey Dove
 Le crĂąne fut rĂ©cupĂ©rĂ© dans le coffre de Dove, Ă  sa mort, en 1687 »[41].

Cependant, la tĂȘte fut manifestement vue en 1684 sur le toit du palais de Westminster et Ă©tait posĂ©e sur l'aile sud du hall. Des travaux archĂ©ologiques ont remis Ă©galement en cause son authenticitĂ© : le crĂąne a Ă©tĂ© percĂ© d'en haut et non d'en bas, et il n'y a aucune trace de peau ou de cheveux prouvant qu'il a Ă©tĂ© embaumĂ©[42].

Notes et références

  1. Pearson et Morant 1934, p. 26
  2. (en) « Book World: What became of Oliver Cromwell's Head? », sur Bookworld.typepad.com, (version du 26 mars 2012 sur Internet Archive)
  3. Cité par Fitzgibbons 2008, p. 78-79
  4. Pearson et Morant 1934, p. 109
  5. Morrill 2004
  6. Fitzgibbons 2008, p. 11
  7. Fitzgibbons 2008, p. 12
  8. Fitzgibbons 2008, p. 14
  9. Fitzgibbons 2008, p. 16
  10. Axtell 2006. À la fin du compte rendu, il existe une description des exĂ©cutions : ils furent tous pendus, traĂźnĂ©s dans les rues et Ă©quarris, sauf Francis Hacker, qui fut pendu. Trois autres rĂ©gicides furent punis de la sorte pendant les deux annĂ©es ayant suivi ce procĂšs.
  11. Fitzgibbons 2008, p. 39
  12. Fitzgibbons 2008, p. 46
  13. Pearson et Morant 1934, p. 46-47
  14. Pearson et Morant 1934, p. 47-53
  15. Cité par Fitzgibbons 2008, p. 55
  16. Fitzgibbons 2008, p. 56
  17. Pearson et Morant 1934, p. 22-23
  18. Fitzgibbons 2008, p. 59
  19. Fitzgibbons 2008, p. 61
  20. Fitzgibbons 2008, p. 62
  21. Pearson et Morant 1934, p. 11
  22. Fitzgibbons 2008, p. 69-70
  23. Cité par Fitzgibbons 2008, p. 71
  24. Noble 1787, p. 291
  25. Cité par Howarth 1911, p. 14-15
  26. Cité par Fitzgibbons 2008, p. 74
  27. Fitzgibbons 2008, p. 79
  28. Fitzgibbons 2008, p. 81
  29. Fitzgibbons 2008, p. 88-89
  30. Fitzgibbons 2008, p. 96
  31. Fitzgibbons 2008, p. 43-44
  32. Banks 1760, p. 212
  33. Cité par Fitzgibbons 2008, p. 42
  34. (en) Samuel Pepys, Diary, 13 octobre 1664
  35. Fitzgibbons 2008, p. 43
  36. Fitzgibbons 2008, p. 44
  37. Prestwich 1787, p. 149
  38. Fitzgibbons 2008, p. 45
  39. Fitzgibbons 2008, p. 45-46
  40. Fitzgibbons 2008, p. 71
  41. Howarth 1911, p. 10
  42. Fitzgibbons 2008, p. 87

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Daniel Gibbs Axtell, « An Exact and most Impartial Accompt Of the Indictment, Arraignment, Tryal, and Judgment (according to Law) of Twenty Nine Regicides, The Murtherers of His Late Sacred Majesty Of Most Glorious Memory
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  • (en) John Banks, A short critical review of the political life of Oliver Cromwell, C. Hitch and L. Hawes; J. Rivington; L. Davis and C. Reymers; S. Crowder; and T. Longman,
  • (en) Derek Edward Dawson Beales et Hugh Barr Nisbet, The Posthumous History of Oliver Cromwell's Head, Woodbridge, Boydell Press, (ISBN 0-85115-629-0)
  • (en) Sir William Blackstone, Commentaries on the Laws of England, Londres, Clarendon Press, 1765-1769
  • (en) Jonathan Fitzgibbons, Cromwell's Head, Kew, The National Archives, , 240 p. (ISBN 978-1-905615-38-4)
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