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Streptavidine

La streptavidine est une protĂ©ine de 52,8 kDa purifiĂ©e Ă  partir de la bactĂ©rie Streptomyces avidinii. Les homo-tĂ©tramĂšres de streptavidine ont une affinitĂ© exceptionnellement haute pour la biotine (Ă©galement appelĂ©e vitamine B7, B8 ou H selon les nomenclatures). Ainsi, avec une constante de dissociation (Kd) de l'ordre de 10−14 mol/L[1], la liaison non covalente de la biotine Ă  la streptavidine est l'une des plus fortes interactions connues dans la nature. La streptavidine est trĂšs utilisĂ©e en biologie molĂ©culaire et bionanotechnologie en raison de la rĂ©sistance du complexe streptavidine-biotine aux solvants organiques, dĂ©naturants (ex : chlorure de guanidinium), dĂ©tergents (ex : SDS, Triton), enzymes protĂ©olytiques et tempĂ©ratures et pH extrĂȘmes.

Streptavidine
Image illustrative de l’article Streptavidine
Représentation graphique de la streptavidine (1pts)
Caractéristiques générales
Streptomyces avidinii

Structure

Structure tétramérique de la streptavidine avec deux liaisons à la biotine.

La structure du cristal de strepatavidine liĂ©e Ă  la biotine a Ă©tĂ© publiĂ©e par deux Ă©quipes en 1989. La structure a pu ĂȘtre dĂ©terminĂ©e en utilisant des techniques de diffractions anomales multiples par Hendrickson et al.[2] Ă  l'universitĂ© Columbia, et en utilisant la technique de remplacement isomorphe multiple par Weber et al.[3] Ă  l'E. I. DuPont Central Research and Developpement Department. Depuis , 135 structures sont dĂ©posĂ©es dans la Protein Data Bank. Les extrĂ©mitĂ©s N et C-terminales de la protĂ©ine native de 159 rĂ©sidus sont excisĂ©s afin de donner une streptavidine plus courte, habituellement composĂ©e des rĂ©sidus 13 Ă  139. Cette modification est nĂ©cessaire Ă  l'obtention de la haute affinitĂ© avec la biotine. La structure secondaire du monomĂšre de streptavidine est composĂ©e de 8 feuillets bĂȘta antiparallĂšles qui se replient pour obtenir une structure tertiaire de tonneau bĂȘta antiparallĂšle. Un site de liaison Ă  la biotine est situĂ© au bout de chaque tonneau bĂȘta. Quatre monomĂšres identiques de streptavidine s'associent pour donner la structure quaternaire tĂ©tramĂ©rique de la streptavidine. Le site de liaison Ă  la biotine de chaque tonneau bĂȘta est constituĂ© de rĂ©sidus situĂ©s Ă  l'intĂ©rieur du tonneau associĂ©s Ă  un rĂ©sidu conservĂ© Trp120 de la sous-unitĂ© voisine. De cette maniĂšre, chaque sous-unitĂ© contribue au site de liaison de la sous-unitĂ© voisine, le tĂ©tramĂšre pouvant ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un dimĂšre de dimĂšres fonctionnels.

Origines de la haute affinité à la biotine

Les nombreuses structures cristallographiques du complexe streptavidine-biotine ont mis en lumiĂšre la remarquable affinitĂ© existant entre ces deux composĂ©s. D'abord, il existe une forte complĂ©mentaritĂ© conformationnelle entre la poche de liaison de la streptavidine et la biotine. Ensuite, lors de la liaison entre les deux molĂ©cules, un important rĂ©seau de liaisons hydrogĂšne se forme. Ainsi, il existe 8 liaisons hydrogĂšne crĂ©Ă©es directement Ă  partir des rĂ©sidus de la poche de liaison formant une premiĂšre couche et impliquant les rĂ©sidus Asn23, Tyr43, Ser27, Ser45, Asn49, Ser88, Thr90 and Asp128. Il existe Ă©galement une seconde couche de liaisons hydrogĂšne impliquant les rĂ©sidus interagissant avec les rĂ©sidus Ă  l'origine de la premiĂšre couche. Cependant, l'affinitĂ© streptavidine-biotine dĂ©passe effectivement les prĂ©dictions faites Ă  partir de la connaissance de ces liaisons hydrogĂšne seules suggĂ©rant l’existence d'un autre mĂ©canisme contribuant Ă  cette haute affinitĂ©[4]. La poche de liaison Ă  la biotine est de nature hydrophobe et il existe de nombreuses interactions et contacts hydrophobes mĂ©diĂ©s par la force de van der Waals lorsque la biotine se trouve dans la poche de liaison, ces Ă©lĂ©ments pouvant participer Ă  la forte affinitĂ©. Cette hypothĂšse est renforcĂ©e par l'existence de rĂ©sidus tryptophane conservĂ©s au niveau de la poche. Enfin, la liaison de la biotine est accompagnĂ©e par la stabilisation d'une boucle flexible reliant les feuillets bĂȘta 3 et 4 verrouillant la biotine dans la poche de liaison comme une ceinture et contribuant Ă  l'extrĂȘme lenteur du taux de dissociation de la biotine.

La plupart des tentatives de modification de la streptavidine ont abouti à une diminution de l'affinité avec la biotine ce qui est prévisible considérant le niveau d'optimisation du systÚme de liaison. Cependant, un mutant récent de streptavidine nommé traptavidine a montré une dissociation de la biotine 10 fois inférieure à l'originale, ainsi qu'une stabilité thermique et mécanique augmentées[5]. Cette diminution de dissociation s'accompagne d'une diminution par 2 du taux d'association. Cette protéine est distribuée par le département de biochimie de l'université d'Oxford.

Utilisation en biotechnologies

Parmi les utilisations les plus communes de la protĂ©ine, on retrouve la purification ou la dĂ©tection de diverses biomolĂ©cules. Le fort lien streptavidine-biotine peut ĂȘtre utilisĂ© afin d'attacher diverses biomolĂ©cules l'une Ă  l'autre ou sur un support solide. Des conditions sĂ©vĂšres sont nĂ©cessaires Ă  la cassure du lien streptavidine-biotine dĂ©naturant souvent la protĂ©ine d’intĂ©rĂȘt en cours de purification. Cependant, il a Ă©tĂ© montrĂ© qu'une courte incubation dans de l'eau Ă  au moins 70 °C peut casser l'interaction de maniĂšre rĂ©versible et sans dĂ©naturer la streptavidine, permettant une rĂ©utilisation de la protĂ©ine sur un support solide[6]. Une autre application baptisĂ©e Strep-tag est un systĂšme optimisĂ© pour la purification et la dĂ©tection de protĂ©ines. La streptavidine est largement utilisĂ©e dans des expĂ©riences de Western blot ou immuno-enzymatiques, conjuguĂ©e Ă  des molĂ©cules rapportrices telles que la peroxydase de raifort. La streptavidine a Ă©galement Ă©tĂ© utilisĂ©e au cours du dĂ©veloppement des nanobiotechnologies, l'utilisation de molĂ©cules biologiques telles que les protĂ©ines ou les lipides Ă©tant nĂ©cessaire Ă  la crĂ©ation de structures Ă  l'Ă©chelle nanomĂ©trique. Dans ce contexte, la streptavidine peut ĂȘtre utilisĂ©e comme une brique afin de lier des molĂ©cules d'ADN biotinylĂ©es pour crĂ©er des Ă©chafaudages de nanotubes Ă  paroi de carbone[7] ou encore des complexes d'ADN polyĂ©driques[8]. La streptavidine tĂ©tramĂ©rique a Ă©galement Ă©tĂ© utilisĂ©e comme un point de fixation autour duquel d'autres protĂ©ines peuvent ĂȘtre arrangĂ©es, soit par tag d'affinitĂ© tel que dans les mĂ©thodes Strep-tag ou Avitag, ou par fusion gĂ©nĂ©tique de type SpyTag[9].

Immunothérapie pré-ciblée

L'immunothérapie pré-ciblée utilise la streptavidine conjuguée à un anticorps monoclonal contre un antigÚne spécifique de cellule cancéreuse suivi d'une injection de biotine radiomarquée afin de délivrer une radiation à la seule cellule cancéreuse. Les premiers écueils impliquent la saturation de la streptavidine par la biotine endogÚne et un fort taux d'exposition radioactive des reins en raison de la forte capacité de la streptavidine à s'adsorber sur les cellules. Il est actuellement supposé que cette propriété à se lier aux cellules adhérentes telles que les plaquettes activées ou les mélanomes résulte d'une liaison à l'intégrine médiée par la séquence RYD de la streptavidine[10].

Variantes à nombre contrÎlé de sites de liaison à la biotine

Streptavidine monovalente vs streptavidine monomérique
Comparaison schématique entre streptavidine monovalente et streptavidine monomérique.

La streptavidine est un tĂ©tramĂšre et chaque sous-unitĂ© lie la biotine avec une affinitĂ© Ă©gale. La multivalence est un avantage pour certaines applications, par exemple lorsque l'effet d'aviditĂ© amĂ©liore la capacitĂ© des molĂ©cules liĂ©es Ă  la streptavidine Ă  dĂ©tecter des cellules T spĂ©cifiques[11]. Dans d'autres cas, tel que l'utilisation de streptavidine pour l'imagerie de protĂ©ines spĂ©cifiques dans les cellules, la multivalence peut perturber le fonctionnement de la protĂ©ine d'intĂ©rĂȘt. La streptavidine monovalente est une forme recombinante de streptavidine tĂ©tramĂ©rique avec un unique site de liaison Ă  la biotine fonctionnel. Ce site a une affinitĂ© de 10−14 mol/L et ne peut pas causer de liaison non spĂ©cifique[12]. Cette protĂ©ine est distribuĂ©e par l'universitĂ© d'Oxford. Les applications de cette protĂ©ine incluent le suivi fluorescent de rĂ©cepteur de surface cellulaires, l'identification de rĂ©gions pour la cryomicroscopie Ă©lectronique, la dĂ©coration d'origami ADN.

La streptavidine monomĂ©rique est une forme recombinante de streptavidine incluant des mutations cassant le tĂ©tramĂšre en un monomĂšre permettant d’augmenter la solubilitĂ© de la sous-unitĂ© ainsi isolĂ©e. Les diffĂ©rentes versions de streptavidine monomĂ©rique ont une affinitĂ© de 10−7 mol/L 10−8 mol/L et ne sont donc pas idĂ©ale pour des applications de marquage mais sont utiles pour la purification, situation dans laquelle la rĂ©versibilitĂ© de la liaison est souhaitable[13] - [14].

Strepatavidine divalente définie
Coupes au travers de la protéine comparant l'orientation de biotine liée à de la streptavidine cis- ou trans-divalente.

Une streptavidine avec exactement deux sites de liaison Ă  la biotine peut ĂȘtre produite en mĂ©langeant des sous-unitĂ©s avec et sans site de liaison fonctionnel puis par purification par chromatographie Ă  Ă©change d'ions. Les sites fonctionnels ont la mĂȘme stabilitĂ© de liaison Ă  la biotine que la streptavidine sauvage. Les streptavidines divalentes prĂ©sentant deux sites de liaison fonctionnels rĂ©unis (cis-divalente) ou sĂ©parĂ©s (trans-divalente) peuvent ĂȘtre purifiĂ©es sĂ©parĂ©ment[15].

Comparaison avec l'avidine

La streptavidine n'est pas la seule protĂ©ine capable de lier la biotine avec une forte affinitĂ©. L'avidine est notablement capable de lier la biotine avec une forte affinitĂ©. Originellement isolĂ©e du blanc d’Ɠuf, l'avidine ne prĂ©sente que 30% d'homologie avec la streptavidine, mais des structures secondaire, tertiaire et quaternaire quasiment identiques. Elle a une affinitĂ© plus forte pour la biotine (Kd ~ 10−15 M) mais est glycosylĂ©e, chargĂ©e positivement, possĂšde une activitĂ© pseudo-catalytique (elle peut favoriser l'hydrolyse alcaline d'une liaison ester entre la biotine et un groupement nitrophĂ©nol) et possĂšde une plus forte tendance Ă  l’agrĂ©gation. De plus, la streptavidine se lie mieux aux conjuguĂ©s de biotine. L'avidine possĂšde une affinitĂ© plus basse que la streptavidine quand la biotine est conjuguĂ©e Ă  une autre molĂ©cule, ceci malgrĂ© une affinitĂ© plus forte pour la biotine libre.

La streptavidine a un point isoélectrique autour de 5 (bien qu'une forme recombinante avec un point isoélectrique neutre soit commercialement disponible). En raison de l'absence de sucre et de ce point isoélectrique proche de la neutralité, la streptavidine a l'avantage de créer bien moins de liaisons non spécifiques que l'avidine. L'avidine déglycosylée (NeutrAvidin) est plus comparable à la streptavidine concernant la taille, le point isoélectrique et les liaisons non spécifiques.

Références

  1. Green, NM (1975).
  2. Hendrickson, W. A. (1989).
  3. Weber, P. C. (1989).
  4. DeChancie, Jason; Houk, K. N. (2007).
  5. Chivers, Claire E; Crozat, Estelle; Chu, Calvin; Moy, Vincent T; Sherratt, David J; Howarth, Mark (2010).
  6. Holmberg, Anders; Blomstergren, Anna; Nord, Olof; Lukacs, Morten; Lundeberg, Joakim; Uhlén, Mathias (2005).
  7. Osojic, GN; Hersam, MC (2012).
  8. Zhang, C; Tian, C; Guo, F; Liu, Z; Jiang, W; Mao, C (2012).
  9. Fairhead, M; Veggiani, G et al. (2014).
  10. Alon, R; Bayer, EA; Wilchek, M (1992).
  11. Xu, X; Screaton, GR (2002).
  12. Howarth, Mark; Chinnapen, Daniel J-F; Gerrow, Kimberly; Dorrestein, Pieter C; Grandy, Melanie R; Kelleher, Neil L; El-Husseini, Alaa; Ting, Alice Y (2006).
  13. Wu, S.-C.; Wong, SL (2005).
  14. Lim, K (2011).
  15. Fairhead, M. et al. (2013).
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