Shangchen
Shangchen (chinois : äžé) est un site prĂ©historique du PalĂ©olithique infĂ©rieur situĂ© dans la province du Shaanxi, en Chine centrale. Les outils en pierre trouvĂ©s sur le site, dont les plus anciens ont Ă©tĂ© datĂ©s de 2,12 millions d'annĂ©es, permettent de penser que les humains, ou un genre apparentĂ©, ont quittĂ© l'Afrique plus tĂŽt qu'estimĂ© auparavant. Les artĂ©facts de Shangchen confirment le trĂšs ancien peuplement de l'Asie en gĂ©nĂ©ral et de la Chine en particulier.
Shangchen | |
Localisation | |
---|---|
Pays | Chine |
Province | Shaanxi |
District | Xian de Lantian |
Village | Shangchen |
CoordonnĂ©es | 34° 13âČ 07âł nord, 109° 29âČ 08âł est |
Histoire | |
Ăpoque | PalĂ©olithique infĂ©rieur |
Localisation
Le site prĂ©historique se trouve prĂšs du village de Shangchen (äžéæ), dans le xian de Lantian, dans la province du Shaanxi[1], Ă 25 km au sud de Weinan et Ă 50 km au sud-est de la capitale du district, Xi'an. Ă 4 km de Shangchen ont Ă©tĂ© dĂ©couverts en 1963 les fossiles de l'Homme de Lantian, datĂ©s en 2015 de 1,63 Ma[2].
Les artĂ©facts ont Ă©tĂ© mis au jour dans le flanc d'un ravin du plateau de LĆss[3]. Le lĆss Ă©tant un sol constituĂ© de particules Ă©oliennes (transportĂ©es par le vent) extrĂȘmement fines, toutes les roches plus grosses trouvĂ©es dans les dĂ©pĂŽts de loess ont dĂ» y ĂȘtre apportĂ©es par des humains ou par des animaux[4].
Historique
Le site, connu depuis 1964, a Ă©tĂ© fouillĂ© entre 2004 et 2017. Lors de la derniĂšre campagne de fouilles, le sol a Ă©tĂ© creusĂ© sur 73 mĂštres de profondeur afin de dĂ©gager les 17 strates oĂč Ă©taient enfouis les artĂ©facts[5]. Les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© publiĂ©s en 2018 dans la revue Nature[6]. Le lieu faisant l'objet d'une exploitation industrielle, il est impossible actuellement de creuser Ă de plus grandes profondeurs Ă la recherche d'Ă©ventuels vestiges plus anciens[7].
Description des artéfacts
Une séquence stratigraphique d'une épaisseur de 39 mÚtres[8] a livré 96 outils en pierre[6]. L'analyse de ces artéfacts montre qu'il ne s'agit pas de pierres façonnées par des processus naturels, mais bien de galets taillés portant des traces de percussion et de retouches. Les pierres de quartzite qui ont servi à la fabrication des outils ont été transportées probablement depuis les monts Qinling, situés à environ 5 kilomÚtres[8].
Les auteurs de l'Ă©tude de 2018 soulignent le fait qu'une origine naturelle des artĂ©facts est exclue, car Shangchen et ses environs immĂ©diats n'ont pas de riviĂšres anciennes connues, qui pourraient avoir sculptĂ© des formes semblables Ă des outils. «âLâobjectif principal de ces pierres Ă©caillĂ©es Ă©tait de produire des Ă©clats tranchants utilisables pour couper ou trancher. Câest une technologie simple mais efficace qui a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e il y a 2,6 millions dâannĂ©es en Afrique de lâEstâ», explique Robin Dennell, coauteur de l'Ă©tude[9].
Certains des outils ont été trouvés avec des fragments d'os d'animaux, notamment de cerfs et de bovidés[1]. Les auteurs de l'étude n'évoquent pas d'éventuelles traces de percussion laissées sur les os par des outils lithiques[10].
Datation
Le site de Shangchen manquant de dépÎts volcaniques, l'étude a daté les sédiments en utilisant la méthode du paléomagnétisme. La plus ancienne couche contenant des artéfacts est datée de 2,12 millions d'années (loess L28), tandis que la plus récente est datée de 1,26 million d'années (paléosol S15), indiquant que le site a été occupé pendant 850 000 ans, mais pas nécessairement de maniÚre continue.
Des scientifiques n'ayant pas participé à l'étude jugent les datations convaincantes[11]. Des vestiges encore plus anciens peuvent ne pas avoir été découverts : les couches les plus profondes de Shangchen sont inaccessibles depuis 2018 car la zone est « activement exploitée »[11].
Analyse
La datation de 2,12 Ma est antérieure de 350 000 ans à celle des plus anciens fossiles connus d'humains archaïques en Eurasie (Homo georgicus, découvert à Dmanissi, en Géorgie, daté de 1,77 Ma)[6]. Elle est également antérieure à la datation attribuée au plus ancien fossile humain découvert à ce jour en Asie de l'Est, en l'occurrence à proximité de Shangchen, l'Homme de Lantian, daté en 2015 de 1,63 Ma.
Aucun fossile humain associĂ© aux outils n'ayant Ă©tĂ© dĂ©couvert sur le site, on ne peut savoir qui a taillĂ© les pierres de Shangchen[5]. Selon MarĂa MartinĂłn-Torres, directrice du Centre national d'Ă©tude de l'Ă©volution humaine (CENIEH), Ă Burgos, en Espagne, « nous n'avons pas encore la rĂ©ponse Ă la question relative Ă l'identitĂ© des premiers hominidĂ©s asiatiques »[5]. William Jungers (en), palĂ©oanthropologue de l'universitĂ© d'Ătat de New York Ă Stony Brook, n'exclut pas que les artisans du site de Shangchen soient des AustralopithĂšques, un genre connu jusqu'Ă prĂ©sent uniquement en Afrique[7] - [11]. Les plus anciens outils lithiques connus, dĂ©couverts Ă Lomekwi 3, au Kenya, et datĂ©s de 3,3 millions dâannĂ©es, sont peut-ĂȘtre l'Ćuvre d'AustralopihĂšques[12] - [8].
Le plus ancien outil lithique d'Asie trouvé en stratigraphie, associé à des traces de boucherie, a été découvert à Masol, en Inde sous-himalayenne. Il est daté de plus 2,6 Ma par le paléomagnétisme de la couche en place[13]. Son découvreur, Anne Dambricourt-Malassé, n'exclut pas que son auteur soit un Homo archaïque ou un pré-Homo[14] - [8]. L'Homme de Wushan, un Homininé mal identifié associé à des outils lithiques dans la grotte de Longgupo, en Chine, a été daté en 2017 de 2,5 Ma par le paléomagnétisme des couches en place. La datation et l'attribution de ce fossile à une espÚce précise sont cependant controversées[12] - [8].
« Il y a sans doute eu plusieurs sorties [d'Afrique] et peut-ĂȘtre par plusieurs espĂšces qui ont pu emprunter des chemins diffĂ©rents », dĂ©clare Hermine Xhauflair, chercheuse Ă l'institut d'ArchĂ©ologie de l'universitĂ© de Cambridge[15]. Shangchen est distante de lâAfrique de l'Est d'environ 14 000 kilomĂštres, distance franchissable par une espĂšce en expansion au fil de nombreuses gĂ©nĂ©rations[16].
Références
- Zhang Chen (ćŒ ćźž), « Paleolithic site discovered in Lantian County; evidence of hominins on the Loess Plateau from 2.12 million years ago », Institute of Archaeology, Chinese Academy of Social Sciences,â
- Zhu, « New dating of the Homo erectus cranium from Lantian (Gongwangling), China », Journal of Human Evolution, vol. 78,â , p. 144â157 (ISSN 0047-2484, PMID 25456822, DOI 10.1016/j.jhevol.2014.10.001)
- Carl Zimmer, « Archaeologists in China Discover the Oldest Stone Tools Outside Africa », The New York Times,â (lire en ligne)
- Robinson Meyer, « Ancient Humans Lived in China 2.1 Million Years Ago », The Atlantic,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- @NatGeoFrance, « Chine : la dĂ©couverte d'outils en pierre repousse l'arrivĂ©e de nos ancĂȘtres sur le continent », sur National Geographic,
- (en) Zhu Zhaoyu (æ±ç §ćź), Robin Dennell, Huang Weiwen (é»æ °æ) et Wu Yi (ćŽçżŒ), « Hominin occupation of the Chinese Loess Plateau since about 2.1 million years ago », Nature, vol. 559, no 7715,â , p. 608â612 (ISSN 0028-0836, PMID 29995848, DOI 10.1038/s41586-018-0299-4)
- « Des outils datés de 2,1 millions d'années en Chine - Hominidés », sur www.hominides.com (consulté le )
- François Savatier, « Des hominiens en Chine il y a plus de deux millions dâannĂ©es ? », sur Pourlascience.fr (consultĂ© le )
- « La dĂ©couverte dâoutils repousse les dates de la prĂ©sence de lâHomme en Asie », sur Sciencepost,
- (en) « Were Hominins In China 2.1 Million Years Ago? », sur Discover Magazine (consulté le )
- (en) Colin Barras, « Tools from China are oldest hint of human lineage outside Africa », Nature,â (ISSN 0028-0836, DOI 10.1038/d41586-018-05696-8, lire en ligne)
- « INFOGRAPHIE. Des outils vieux de 2,1 millions dâannĂ©es montrent comment les humains ont conquis la Chine », sur Sciences et Avenir (consultĂ© le )
- « UISPP, XVIIIe Colloque (Paris) - Sciencesconf.org », sur uispp2018.sciencesconf.org (consulté le )
- (en) Anne Dambricourt-Malassé, « Hominin activities in the sub-Himalayan floodplain during the late Pliocene », sur Académie pontifcale des sciences,
- Vincent Bordenave, « Des outils découverts en Chine repoussent dans le passé la date de la premiÚre sortie d'Afrique », sur Le Figaro.fr,
- « Des Hominines pourraient avoir peuplĂ© la Chine bien plus tĂŽt que ce que lâon pensait », Le Temps,â (ISSN 1423-3967, lire en ligne)
Bibliographie
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- @NatGeoFrance, « Chine : la dĂ©couverte d'outils en pierre repousse l'arrivĂ©e de nos ancĂȘtres sur le continent », sur National Geographic,
- « INFOGRAPHIE. Des outils vieux de 2,1 millions dâannĂ©es montrent comment les humains ont conquis la Chine », sur Sciences et Avenir (consultĂ© le )
- Ann Gibbons, « Our ancestors may have left Africa hundreds of thousands of years earlier than thought », Science,â (lire en ligne)