SerafĂn Fanjul
SerafĂn Fanjul (nĂ© le Ă Madrid) est un universitaire, islamologue et arabisant espagnol, spĂ©cialiste de la philologie sĂ©mitique. Professeur Ă l'UniversitĂ© autonome de Madrid, il fut Ă©galement directeur du Centre culturel hispanique du Caire et membre de l'AcadĂ©mie royale d'histoire.
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Biographie
SerafĂn Fanjul est diplĂŽmĂ© en philologie sĂ©mitique de l'universitĂ© complutense de Madrid. Son mĂ©moire de diplĂŽme est dĂ©diĂ© à « Ahmad Rami, poĂšte populaire ». Sa thĂšse de doctorat a Ă©tĂ© qualifiĂ©e avec mention cum laude exceptionnelle et il s'est penchĂ© sur « Le mawwal Ă©gyptien, expression littĂ©raire populaire »[1].
Il a enseigné la littérature arabe à l'Université autonome de Madrid. Il est membre depuis 2011 de l'Académie royale d'histoire[1].
Il collabore aussi comme chroniqueur au journal ABC et au quotidien Ă©lectronique Libertad Digital.
Egalement diplĂŽmĂ© en histoire amĂ©ricaine, SerafĂn Fanjul a publiĂ© de nombreux ouvrages, dont Literatura popular ĂĄrabe (« LittĂ©rature arabe populaire ») en 1977[1]. Cet arabisant expert a traduit des ouvrages classiques, tels que Rihla d'Ibn BattĂ»ta, publiĂ© sous le titre A travĂ©s del Islam (Rihla, Viajes), en collaboration avec F. ArbĂłs, le Livre des Avares d'Al-Jahiz, les MaqĂąmĂąt, d'Al-Hamadhani, publiĂ© sous le titre Venturas y desventuras del pĂcaro Abu l-Fath de AlejandrĂa, et la Description de l'Afrique de LĂ©on l'Africain[1]. Il est Ă©galement l'auteur de nouvelles et de romans[1].
SerafĂn Fanjul a concentrĂ© ses recherches notamment sur la sociologie d'Al-Andalus et sur les relations entre l'Espagne et Al-Andalus[1]. Il publie en l'an 2000 Al-Ăndalus contra España : la forja del mito (Al-Ăndalus contre l'Espagne. La crĂ©ation d'un mythe) et plus rĂ©cemment, chez le mĂȘme Ă©diteur La quimera de Al-Ăndalus (« La chimĂšre dâAl-Andalus », 2004). Ces Ă©tudes prennent entiĂšrement le contrepied de la vision « irĂ©niste » et « idĂ©aliste » d'autres universitaires, tels que BernabĂ© LĂłpez GarcĂa, pour qui l'arrivĂ©e des immigrants marocains s'insĂ©rait dans le renouveau de « l'Espagne des trois cultures » (voir InmigraciĂłn magrebĂ en España : el retorno de los moriscos (Immigration maghrĂ©bine en Espagne : le retour des morisques) (Madrid, Mapfre, 1993).
Le « mythe d'Al-Andalus »
Dans Al-Ăndalus contra España, SerafĂn Fanjul dĂ©nonce le « mythe d'Al-Ăndalus » (c'est-Ă -dire de la contribution musulmane Ă la construction nationale), notamment la mythification de la pensĂ©e islamique dĂ©veloppĂ©e au XIXe siĂšcle par le romantisme littĂ©raire qui tend Ă reprĂ©senter une facette de l'histoire de l'Espagne d'une maniĂšre erronĂ©e[2]. Cette mythification de la sociĂ©tĂ© « maure » ne serait qu'une reprise du discours eurocentrique, celui du « Bon sauvage » et celui du « Paradis perdu ». Ainsi, l'auteur veut « dĂ©mythifier » l'idĂ©alisation du passĂ© islamique, autrement dit des Arabes supĂ©rieurs, raffinĂ©s et cultivĂ©s succombant aux chrĂ©tiens barbares, ignorants et maladroits. Il tente de montrer que cette image idĂ©alisĂ©e d'une Espagne multiculturelle, terre de tolĂ©rance et de vie en commun entre trois cultures et trois religions monothĂ©istes est, pour une trĂšs large part, historiquement fausse.
Tout en prĂ©cisant qu'on ne peut considĂ©rer de maniĂšre homogĂšne un processus historique qui s'Ă©tale sur prĂšs de huit siĂšcles, SerafĂn Fanjul dĂ©finit la sociĂ©tĂ© du royaume de Grenade (1238-1492) comme « une sociĂ©tĂ© monoculturelle, avec une seule langue, une seule religion. Une sociĂ©tĂ© terriblement intolĂ©rante, par instinct de survie, puisqu'elle Ă©tait acculĂ©e Ă la mer ». D'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, durant ces huit siĂšcles, la tolĂ©rance ne fut jamais sans limites et dĂ©pendit des circonstances. « Plus le pourcentage (des musulmans) Ă©tait important, moins la sociĂ©tĂ© Ă©tait tolĂ©rante ». Les concessions sont toujours octroyĂ©es Ă des groupes. L'individu, lui, n'est jamais mis sur le mĂȘme pied que les musulmans. Il tente de montrer Ă©galement, contrairement aux interprĂ©tations d'un Arnold Toynbee, que cette sociĂ©tĂ© est loin d'ĂȘtre affranchie des prĂ©jugĂ©s raciaux. La pression religieuse est constante : « Les pouvoirs religieux d'al-Ăndalus cherchĂšrent toujours l'islamisation totale et il y eut des exodes massifs de chrĂ©tiens vers le nord, jusqu'au XIIe siĂšcle[3]⊠».
Positions politiques
Serafin Fanjul est rĂ©putĂ© pour ĂȘtre passĂ© de l'extrĂȘme-gauche Ă l'extrĂȘme droite[4] - [5].
L'historienne Mercedes GarcĂa-Arenal (es) souligne le rĂŽle prĂ©gnant de l'idĂ©ologie dans les ouvrages de S. Fanjul[6]. Elle note la prĂ©sence surprenante de S. Fanjul, un universitaire arabisant, aux cĂŽtĂ©s d'idĂ©ologues qui entretiennent «les fantĂŽmes de la pensĂ©e la plus rĂ©actionnaire» et qui sollicitent l'Histoire pour justifier des mesures d'exclusion de populations musulmanes europĂ©ennes[6]. De mĂȘme pour Alejandro GarcĂa SanjuĂĄn (es) «le travail historiographique de S. Fanjul coĂŻncide avec son activisme politique»[7]. JosĂ© Antonio Gonzalez Alcantud, professeur d'anthropologie sociale Ă l'universitĂ© de Grenade et Ă l'EHESS Ă Paris[8], a publiĂ© une longue critique des thĂšses de Fanjul, passĂ© pour lui "du statut de chercheur Ă celui de paladin anti-arabe" (paladĂn de lo antiĂĄrabe)[9]. En 2005, Fanjul estime que l'Espagne s'est forgĂ©e « contre l'Islam »[10].
Serafin Fanjul fait partie de la fondation DENAES crĂ©Ă©e par Santiago Abascal, prĂ©sident du parti d'extrĂȘme droite Vox[10].
Critiques
Il est reprochĂ© Ă Serafin Fanjul d'inventer des adversaires pour triompher d'eux plus facilement. Ainsi, Fanjul attaque les auteurs qui idĂ©alisent al Andalus, mais en rĂ©alitĂ©, il ne peut citer d'historiens modernes dĂ©fendant des thĂšses aussi simplistes, et ne trouve que des romanciers ou des essayistes[7]. «Le mythe dâal-Andalus nâa pas lâimportance acadĂ©mique que Serafin Fanjul veut lui attribuer », Ă©crit Ă ce sujet l'historien Alejandro GarcĂa SanjuĂĄn (es)[7]. A. GarcĂa SanjuĂĄn relĂšve la similitude de certains anachronismes commis par Serafin Fanjul et de ceux pratiquĂ©s par l'essayiste Bat Yeâor, gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©e comme islamophobe[7].
L'historienne Mercedes GarcĂa-Arenal (es) attire l'attention sur la justification par Fanjul de l'expulsion d'Espagne, en 1610, des Morisques, au nom de l'idĂ©e que « les Morisques nâĂ©taient pas des Espagnols » (La quimera de al-Andalus, La chimĂšre dâAl-Andalus, 2004)[6]. Les Morisques Ă©taient les musulmans demeurĂ©s en Espagne aprĂšs 1492 et convertis au catholicisme. Ainsi, les rejeter hors de la nation espagnole implique de dĂ©finir la nation espagnole selon un critĂšre ethnique, et fait appel Ă un postulat nationaliste[6].
Publications
- Ouvrages traduits en français
- Al Andalus, l'invention d'un mythe: La réalité historique de l'Espagne des trois cultures, L'Artilleur, 2017
Ouvrage critique publié en français
Gonzales Alcantud, José Antonio (2007). Le maure d'Andalousie : les raisons d'une exclusion et la formation d'un stéréotype. Montpellier: Archange Minotaure
- Travaux universitaires
- (es) Canciones populares ĂĄrabes, Madrid, Almenara, .
- (es) Literatura popular ĂĄrabe, Madrid, ed. Nacional, .
- (es) El Mawwal egipcio : ExpresiĂłn literaria popular, Madrid, Instituto Hispano-Arabe de Cultura, .
- (es) Al-Ăndalus contra España : La forja del mito, Madrid, Siglo XXI, .
- Al Andalous, l'invention d'un mythe : La réalité historique de l'Espagne des trois cultures (trad. Nicolas Klein), Paris, L'Artilleur, .
- (es) La quimera de Al-Andalus, Madrid, Siglo XXI, .
- (es) Buscando a Carmen, Madrid, Siglo XXI, .
- (es) Al-Andalus, una imagen en la Historia, Madrid, RAH, .
- Traductions de l'arabe
- (es) Libro de los avaros de Al-Yahiz. Madrid: Editora Nacional, 1974.
- (es) A través del Islam de Ibn Battuta (en colaboración con Federico Arbós)
- (es) Venturas y desventuras del pĂcaro Abu l-Fath de AlejandrĂa Maqamas de Al-Hamadani. Madrid: Alinaza Editorial, 1988
- (es) DescripciĂłn general de Ăfrica de LĂ©on l'africain.
- Fictions
- (es) El retorno de Xan Furabolos (brĂšves)
- (es) Los de Chile (nouvelle)
- (es) Habanera de Alberto GarcĂ (nouvelle)
Notes et références
- (es) SerafĂn Fanjul, nuevo acadĂ©mico de la Historia, elmundo.es, 8 avril 2011
- Jaume Flaquer, Al Andalus de SerafĂn Fanjul, revue-etudes.com, NumĂ©ro 4250, Juin 2018
- SerafĂn Fanjul, entretien, « Le « mythe d'Al-Ăndalus », La Nouvelle Revue d'histoire, no 62, septembre-octobre 2012, p. 31-34.
- «son voyage idĂ©ologique du communisme Ă lâextrĂȘme droite, secteur avec lequel il sâidentifie prĂ©sentement», Alejandro GarcĂa-SanjuĂĄn, «Reseña de S. Fanjul, Al-Andalus, Lâinvention dâun mythe. La rĂ©alitĂ© historique de lâEspagne des trois cultures», Cahiers de Civilisation MĂ©diĂ©vale, 2018
- «Un prominente comunista que ahora oficia de ultraderechista», (es) JosĂ© Antonio GonzĂĄlez Alcantud, Al Ăndalus y lo andaluz, Editorial Almuzara, (ISBN 978-84-17044-17-6, lire en ligne), note 827
- GARCĂA ARENAL, Mercedes. «Al-Andalus et lâEspagne : La trajectoire dâun dĂ©bat», In : Construire un monde ? Mondialisation, pluralisme et universalisme [en ligne]. Tunis : Institut de recherche sur le Maghreb contemporain, 2007, lire en ligne. (ISBN 9782821850439). DOI : 10.4000/books.irmc.435.
- Alejandro GarcĂa-SanjuĂĄn, «Reseña de S. Fanjul, Al-Andalus, Lâinvention dâun mythe. La rĂ©alitĂ© historique de lâEspagne des trois cultures», Cahiers de Civilisation MĂ©diĂ©vale, 2018
- « José Antonio Gonzalez Alcantud - Biographie, publications (livres, articles) », sur www.editions-harmattan.fr (consulté le )
- GonzĂĄlez Alcantud, JosĂ© Antonio (2002). Lo moro: las lĂłgicas de la derrota y la formaciĂłn del estereotipo islĂĄmico. RubĂ: Anthropos. (ISBN 84-7658-620-5). p. 225
- Alejandro Garcia Sanjuan, « SerafĂn Fanjul, Al-Andalus, lâinvention dâun mythe. La rĂ©alitĂ© historique de lâEspagne des trois cultures », Cahiers de civilisation mĂ©diĂ©vale. Xe-XIIe siĂšcle, no 243,â , p. 299â301 (ISSN 0007-9731, lire en ligne, consultĂ© le )
Liens externes
- (es) « Entrevista a don SerafĂn Fanjul » sur le site de El Catoblepas,