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Sel de Salies-de-BĂ©arn

Le Sel de Salies-de-BĂ©arn est un sel gemme ou halite (issu des dĂ©pĂŽts sĂ©dimentaires du sous sol) exploitĂ© grĂące Ă  des sources salĂ©es. Connu et exploitĂ© depuis toujours dans sa rĂ©gion, il bĂ©nĂ©ficie d’une indication gĂ©ographique protĂ©gĂ©e depuis 2016. En 2015, 1760 tonnes de sel gros ont Ă©tĂ© produites Ă  Salies. La Commission europĂ©enne a enregistrĂ© la dĂ©nomination « Sel de Salies-de-BĂ©arn » en indication gĂ©ographique protĂ©gĂ©e (IGP) par rĂšglement paru au Journal Officiel de l’Union europĂ©enne le 14 juin 2016[1]. Ainsi, la qualitĂ© du sel et l’eau de source salĂ©e de Salies-de-BĂ©arn et de sa mĂ©thode d’évaporation spĂ©cifique sont officiellement reconnus.

Les Salines de Salies de BĂ©arn

La LĂ©gende du Sanglier

Selon une lĂ©gende du XVIIe siĂšcle, le Sel de Salies-de-BĂ©arn doit sa dĂ©couverte Ă  une partie de chasse au sanglier[2]. Le sanglier blessĂ© se rĂ©fugia dans un marais bourbeux et y fut retrouvĂ© recouvert de cristaux de sel. Avant de mourir, il aurait eu ces derniĂšres paroles, en BĂ©arnais : « Se you nou eri mourt, ares n’y bibere » (Si je n’y Ă©tais point mort, personne n’y vivrait)[3]. La ville de Salies-de-BĂ©arn se serait alors dĂ©veloppĂ©e autour de cette source salĂ©e, qui serait devenue au fil du temps la crypte du BayaĂ .

Histoire et Fabrication ancestrale

Formation géologique

Le Sel de Salies-de-BĂ©arn est le produit de l’enchaĂźnement de plusieurs Ă©vĂšnements gĂ©ologiques[4] - [5].

À la fin du Trias (-200 millions d’annĂ©es), la dislocation de la PangĂ©e (ensemble des terres Ă©mergĂ©es) provoque l’ouverture d’un Golfe marin, entre la plaque ibĂ©rique et la plaque europĂ©enne, permettant la pĂ©nĂ©tration des eaux de la Mer BorĂ©ale. La Bassin Aquitain actuel se retrouve ainsi sous les eaux, qui sous un climat aride se sont lentement Ă©vaporĂ©es, en dĂ©posant des quantitĂ©s considĂ©rables de sel. Au cours des pĂ©riodes suivantes, le Jurassique (-200 Ă  -145 millions d’annĂ©es) et le CrĂ©tacĂ© (-145 Ă  -66 millions d’annĂ©es), des sĂ©diments (marnes, dĂ©bris d’animaux marins, seiches et coraux) se dĂ©posent sur le sel, et forment une couche protectrice. La formation des PyrĂ©nĂ©es Ă  la fin du CrĂ©tacĂ© entraine la formation d’immenses failles, dans lesquelles le sel, plus souple que la roche se glisse et atteint parfois en surface, sous forme de dĂŽmes, ou diapirs[6].

L’eau qui s’infiltre au cours du temps dans le sol dissout la roche saline, tout en traversant les couches supĂ©rieures de sĂ©diment, se chargeant en oligoĂ©lĂ©ments. Ces « sources salĂ©es » sont prĂ©sentes tout autour de la rĂ©gion de Salies-de-BĂ©arn et prĂ©sentent de trĂšs fortes concentrations en sel[6].

Age du Bronze

TrĂšs tĂŽt, les premiers hommes maitrisent la technique d’extraction de sel par Ă©vaporation.

C’est Ă  l’ñge du bronze () que les premiĂšres traces d’exploitation du sel Ă  Salies-de-BĂ©arn ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es. La dĂ©couverte de fragments de pots en cĂ©ramiques tĂ©moigne de l’extraction de sel par Ă©vaporation de l’eau salĂ©e. Des vases d’une nouvelle forme apparaissent ensuite, signe de l’évolution de la technique d’évaporation[7]. L’eau de source salĂ©e Ă©tait chauffĂ©e pour qu'elle s'Ă©vapore dans des vases en cĂ©ramique, que l'on brisait au moment d'extraire le sel.

Les hommes se regroupent alors autour de cette source salĂ©e pour en exploiter le sel et en faire le commerce. Des Ă©changes de sel et de biens s’organisent alors le long du piĂ©mont PyrĂ©nĂ©es par le Cami SaliĂ©[8].

La Fontaine salée et les PART-PRENANTS[9] de Salies-de-Béarn

Pendant longtemps, le sel est un vĂ©ritable Ă©lĂ©ment de survie pour les populations. Il est l’unique moyen de conserver les aliments avant l’invention du froid mĂ©canique ou de l’appertisation. C’est ainsi que dans le Sud-Ouest apparaissent les produits de charcuterie locale (jambon de Bayonne, confits
) ou les fromages des PyrĂ©nĂ©es. De plus, le sel est soumis Ă  l'impĂŽt : la gabelle.

Conscients de l’importance de cette prĂ©cieuse « fontaine » et de la convoitise que celle-ci attise auprĂšs des â€˜Ă©trangers’ et des ‘puissants’, les habitants de Salies-de-BĂ©arn s’organisent afin de protĂ©ger leur prĂ©cieuse fontaine. Ils instaurent une propriĂ©tĂ© collective et rĂ©digent en 1587 le RĂšglement de la Fontaine SalĂ©e[10], consignĂ© dans le Livre Noir. Ce rĂšglement organise la rĂ©partition de l’eau salĂ©e entre « les voisins » Ă  travers les principes suivants : droit du sol et droit du sang, le prĂ©lĂšvement de l’eau n’est autorisĂ© qu’aux familles salisiennes et transmis de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration sous certaines conditions[11] - [12].

Jusqu’au XIXe siĂšcle l’eau salĂ©e de Salies-de-BĂ©arn est exploitĂ©e de maniĂšre familiale. Chaque famille a droit Ă  une quantitĂ© dĂ©finie d’eau salĂ©e pour fabriquer son propre sel. Cette eau salĂ©e est rĂ©coltĂ©e les jours de distribution, selon un rituel bien prĂ©cis, qui aujourd'hui encore est au cƓur de la FĂȘte du Sel, cĂ©lĂ©brĂ©e tous les ans Ă  Salies-de-BĂ©arn[13].

Les parts prenants ont dĂ©fendu ce privilĂšge auprĂšs des plus hautes instances et l'ont conservĂ© pendant des siĂšcles[14]. Aujourd’hui encore la corporation des parts prenants existe et compte prĂšs de 500 familles salisiennes, descendantes des habitants du XVIe siĂšcle[15].

Les Salines

L'exploitation familiale du sel a perdurĂ© jusqu'Ă  la loi sur le sel de 1840. En , la loi sur le sel impose la fabrication de sel sur des sites produisant au moins 500 tonnes de sel par an. L’exploitation familiale du sel est alors abandonnĂ©e, au profit d'une exploitation a plus grande Ă©chelle[16]. En 1842, une premiĂšre saline est construite Ă  Salies-de-BĂ©arn, puis une seconde en 1899 Ă  l’emplacement du site de production actuellement en activitĂ©. L’usine reprend Ă  grande Ă©chelle les Ă©lĂ©ments de la production artisanale jusqu’alors pratiquĂ©e. Au fil du temps elle est rĂ©novĂ©e et les pratiques modernisĂ©es : chauffage au bois des forĂȘts environnantes, puis chauffage Ă©lectrique. Grace aux revenus de l'exploitation du sel, les parts prenants aidĂ©s par de Dr Nogaret dĂ©montrent les vertus des eaux de Salies-de-BĂ©arn, et en 1857 ouvrent les Thermes de Salies-de-BĂ©arn, Ă©tablissement toujours en activitĂ©[17].

Le "Baron Jean BRICE DE COUSTALE DE LARROQUE Médecin de sa Majesté L'Empereur Napoléon III qui, par ses éminents travaux sur les eaux thermales de SALIES, leur conféra une notoriété mondiale" en attirant une clientÚle parisienne aisée[18] - [19].

L'exploitation des salines est reprise en 2011 par le Consortium du Jambon de Bayonne à travers la Société d'Exploitation des Salines de Salies-de-Béarn, dans le but d'assurer la pérennité de son approvisionnement en sel.

MĂ©thode d'obtention

L'eau de source est puisĂ©e sur la commune d'Oraas, Ă  quelques kilomĂštres du site de production des salines de Salies-de-BĂ©arn. Cette eau a une concentration supĂ©rieure Ă  300 g/L de sel. Elle est pompĂ©e, puis acheminĂ©e jusqu'aux salines, oĂč elle suit les Ă©tapes de fabrication suivantes[20] :

  • DĂ©cantation : l’eau est dĂ©cantĂ©e naturellement dans des bassins
  • Evaporation / Cristallisation : le chauffage de l’eau Ă  87 °C permet l’évaporation et la cristallisation optimale du sel
  • RĂ©colte : le sel formĂ© est rĂ©coltĂ© Ă  l’aide d’un grappin
  • Stockage : le sel est ensuite Ă©gouttĂ© puis stockĂ©
  • Conditionnement : le sel est conditionnĂ©, sous diffĂ©rentes formes en vue de sa commercialisation

La production annuelle avoisine les 2000 tonnes (1760 tonnes en 2015[21]).

Caractéristiques

Le Sel de Salies-de-Béarn est un produit naturel, issu de l'évaporation de l'eau de source. Il ne subit aucun traitement ni ajout d'additif[22]. D'une grande blancheur il est parfois qualifié d'or blanc de Salies-de-Béarn[23]. D'une grande disparité morphologique, ses grains de forme et de tailles variables, sont adaptés à son utilisation en salaison[5].

En plus du chlorure de sodium (NaCl) le Sel de Salies-de-Béarn contient de nombreux oligo éléments, comme le calcium, le magnésium, le potassium et des sulfates, caractéristiques des évaporites du Trias. L'agencement irrégulier du chlorure et du sodium lors de la cristallisation donne naissance à de minuscules cavités appelées "inclusions fluides" dans lesquelles l'eau de source est piégée. Dans ces cavités se concentrent les oligo éléments et minéraux présents naturellement dans l'eau de source[5].

Sel de Salies-de-BĂ©arn & Jambon de Bayonne

La prĂ©sence de sel gemme et de sources salĂ©es dans la rĂ©gion de Salies-de-BĂ©arn a trĂšs tĂŽt permis aux habitants de la rĂ©gion de confectionner leurs propres charcuteries, dont le jambon sec. D’Orthez, d’Arzacq et d’autres localitĂ©s du bassin de l’Adour, ils Ă©taient vendus Ă  Bayonne Ă  l’occasion du marchĂ© puis acheminĂ©s via le port de Bayonne. C’est de lĂ  que le nom Jambon de Bayonne provient et s'est imposĂ© dans le langage courant[24] - [25].

En 1998, le Jambon de Bayonne obtient une IGP (indication géographique protégée). L'appellation est depuis lors protégée par un cahier des charges qui vise à protéger et garantir la provenance du produit. Il impose notamment la provenance du sel utilisé : un sel gemme, issu du bassin de l'Adour. Depuis 2011, seul le Sel de Salies-de-Béarn répond à cette exigence[26].

Le Sel de Salies-de-Béarn est aujourd'hui l'unique sel utilisé pour la salaison du Jambon de Bayonne.

IGP Sel de Salies-de-BĂ©arn

La Commission europĂ©enne a enregistrĂ© la dĂ©nomination « Sel de Salies-de-BĂ©arn » en Indication GĂ©ographique ProtĂ©gĂ©e (IGP) par rĂšglement paru au Journal Officiel de l’Union europĂ©enne le [27].Cet enregistrement vient reconnaitre la qualitĂ© du produit liĂ©e Ă  l’eau de source salĂ©e de la rĂ©gion de Salies-de-BĂ©arn et Ă  une mĂ©thode d’évaporation spĂ©cifique et naturelle[21] - [28].

Elle est la garanti de la provenance du produit, du respect d'un mode de fabrication ancestrale ainsi que du lien (historique, géographique, humain) du produit avec sa zone de production[29].

Commercialisation du Sel de Salies-de-BĂ©arn

Le Sel de Salies-de-Béarn est commercialisé sous différentes formes, à destination des professionnels et des particuliers, via les épiceries fines et les distributeurs de la grande distribution[30]. Sa commercialisation se développe dans le Sud Ouest de la France. La gamme de produit est composée de moulins, boites, sachets et de sels aromatisés[31] - [32].

De nouveaux marchés, en particulier grùce à l'obtention de l'IGP, se sont ouverts à l'export (Europe, Asie).

Notes et références

  1. RÚglement d'exécution (UE) 2016/931 de la Commission du 1er juin 2016 enregistrant une dénomination dans le registre des appellations d'origine protégées et des indications géographiques protégées [Sel de Salies-de-Béarn (IGP)], (lire en ligne)
  2. « Salies-de-Béarn la cité du sel », sur tourisme-bearn-gaves.com
  3. Jean Labarthe, Salies-de-Béarn, Cité du Sel, chez l'auteur, , 153 p.
  4. Raoul Deloffre, GĂ©ologie du Bassin de l'Adour, 1989
  5. D. Cussey-Geisler et M-H Grimaldi, Rapport, Caractérisation du sel utilisé pour la salaison du Jambon de Bayonne, UPPA, 1989
  6. BRGM / DRIRE, Ressource en eaux thermales et minérales des stations du département des Pyrénées-Atlantiques, Station thermale de Salies-de-Béarn, Rapport BRGM, mars 2000. p25-26 §7 Contexte géologique et hydrogéologique
  7. Marie-Yvane DAIRE, « Le sel Ă  l'age du fer: rĂ©flexions sur la production et les enjeux Ă©conomiques », Revue archĂ©ologique Ouest,‎ , p. 195-207
  8. Corporation des parts prenants de la fontaine salĂ©e de Salies-de-BĂ©arn, Au cƓur de la citĂ© La communautĂ© du sel depuis 1587
  9. « LA COMMUNAUTE DU SEL depuis 1587 », sur salies-de-bearn.fr
  10. « MEMENTO DU PART-PRENANT », sur http://www.sel-salies-de-bearn.com
  11. S. Trébucq, Salies-de-Béarn et ses environs à travers les ùges, , RÚglement de la fontaine d'eau salée de Salies-de-Béarn 11 novembre 1587
  12. « Réglement de la Fontaine d'eau salée de Salies - 11 novembre 1587 », sur persogeneal.fr
  13. Marcel Saule et Henriette Saule, BD Au temps des tiradous, la semaine d'un part prenant, Les Amis du Vieux Salies,
  14. « CORPORATION DES PART-PRENANTS », sur http://www.salies-de-bearn.fr
  15. Romain Bely, « Ils dĂ©tiennent l'or blanc de Salies-de-BĂ©arn », Sud Ouest,‎
  16. Nelly Hissung-Convert, « L'impĂŽt sur le sel Ă  Salies-de-BĂ©arn, la fin d'un privilĂšge sous la monarchie de Juillet », Annales du Midi, Tome 121, n°269,‎ , p. 365-384
  17. « L'histoire de la ville thermale de Salies-de-Béarn », sur thermes-de-salies.com
  18. « DE COUSTALE DE LARROQUE Étude thĂ©orique et clinique des eaux minĂ©rales chloro-bromo-iodurĂ©es de Salies-de-BĂ©arn », sur gallica.bnf.fr,
  19. « DE COUSTALE DE LARROQUE, Hydrologie médicale. Salies de Béarn et ses eaux chlorurées sodiques (bromo-iodurées) », sur gallica.bnf.fr,
  20. « Sel de Salies-de-Béarn », sur sel-salies-de-bearn.com
  21. « Le sel de Salies-de-Béarn obtient l'IGP », sur inao.gouv.fr,
  22. « Un sel de source », sur sel-salies-de-bearn.com
  23. Romain Bely, « Ils dĂ©tiennent l'Or blanc de Salies-de-BĂ©arn », Sud Ouest,‎
  24. « Histoire du Jambon de Bayonne », sur maison-du-jambon-de-bayonne.com
  25. Louis Laborde-Balen, Livre d'or du Jambon de Bayonne, Cerpic, , 190 p.
  26. « Labels et IGP », sur maison-du-jambon-de-bayonne.com
  27. Avis relatif à l'enregistrement par la commission européenne en indication géographique protégée de la dénomination Sel de Salies-de-Béarn. Cahier des Charges. 14/06/2016
  28. « Le Sel de Salies-de-Béarn obtient l'IGP », sur agriculture.gouv.fr, 20 juin 2016
  29. « Pyrénées Atlantiques : le sel gemme, un trésor classé de Salies-de-Béarn », sur leparisien.fr,
  30. Eric Normand, « Le sel de Salies gagne les tables des consommateurs », La RĂ©publique des PyrĂ©nĂ©es,‎ (lire en ligne)
  31. « Sel de Salies-de-Béarn », sur produits-de-nouvelle-aquitaine.fr
  32. « Sel de Salies-de-Béarn », sur maison-du-jambon-de-bayonne.com

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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