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Seconde guerre froide

Les termes de seconde guerre froide ou de nouvelle guerre froide sont employés à partir de la fin des années 1970 pour désigner une période de retour à la guerre froide (1975-1985) qui rompt avec la détente (1962-1975). Ils sont de nouveau employés après la fin de la Guerre froide proprement dite (1947-1991), avec une signification différente, pour désigner les tensions qui opposent la Russie ou la Chine et les États-Unis au début du XXIe siècle.

Un retour Ă  la guerre froide

Les termes de seconde guerre froide apparaissent au tournant des années 1980. « La coexistence pacifique et la détente mettent en sommeil les activités du Mouvement de la paix et de ses innombrables structures, écrit Lilly Marcou dans Le Monde diplomatique en décembre 1984. Ce n’est qu’avec le début de la seconde guerre froide, l’escalade de la course aux armements et la détérioration des rapports Est-Ouest que la vague néopacifiste démarre, entraînant avec elle un certain renouveau des activités du Mouvement de la paix[1].»

La seconde guerre froide succède à la Détente, après une première guerre froide.

  • Une première guerre froide de 1947 Ă  1953 : les doctrines Truman et Jdanov, la première crise de Berlin et la partition de l'Allemagne, la guerre de CorĂ©e.
  • Des tentatives de coexistence entre les blocs de 1953 Ă  1975 : la « coexistence pacifique » et la DĂ©tente, deux pĂ©riodes sĂ©parĂ©es par la seconde crise de Berlin (1958-1961) et la crise des missiles de Cuba (1962), deux crises graves, certes, mais qui contribuent Ă  figer le rapport de force et facilitent de la sorte l'entrĂ©e dans la DĂ©tente.
  • Une seconde guerre froide de 1975 Ă  1985 suivie d'une nouvelle dĂ©tente laquelle se termine par la chute de l'URSS et la fin de la guerre froide. « La fin de la seconde guerre froide, Ă©crit Robert Frank, a lieu avant la fin du conflit Est-Ouest. [...] Il s'ensuit une nouvelle dĂ©tente dans les relations internationales[2]. »

La seconde guerre froide se caractérise à la fois par une poussée soviétique et par un durcissement de la politique extérieure américaine.

  • Une poussĂ©e soviĂ©tique (ou un raidissement dans le cas polonais) : l'intervention cubaine en Angola en 1975, le dĂ©ploiement des missiles soviĂ©tiques SS-20 en Europe Ă  partir de 1977, l'intervention soviĂ©tique en Afghanistan en 1979, la victoire des sandinistes au Nicaragua la mĂŞme annĂ©e 1979, la proclamation de l’état de siège en Pologne en 1981.
  • Un durcissement de la politique extĂ©rieure amĂ©ricaine, antĂ©rieur Ă  l'entrĂ©e en fonction du prĂ©sident Ronald Reagan, mĂŞme si celui-ci adopte une attitude plus ferme Ă  l'encontre de « l'empire du mal ». Le dĂ©ploiement des missiles Pershing II date de 1983, mais la dĂ©cision initiale, la « double dĂ©cision », remonte Ă  1979. Le boycott des Jeux olympiques d’étĂ© de Moscou par les États-Unis, en 1980, date lui aussi de la prĂ©sidence de Jimmy Carter. En 1984, l'URSS boycotte Ă  son tour les Jeux olympiques d’étĂ© de Los Angeles et fait organiser dans une dizaine de capitales d'autres pays socialistes participant Ă  ce boycott, des contre-jeux au cours desquelles les performances soviĂ©tiques et est-allemandes dĂ©valorisent quelque peu les prouesses amĂ©ricaines.

Des bornes chronologiques variables

La seconde guerre froide reçoit des bornes chronologiques variables.

  • L'annĂ©e 1975 est celle de la signature de l'acte final de la confĂ©rence sur la sĂ©curitĂ© et la coopĂ©ration en Europe (confĂ©rence d'Helsinki), apogĂ©e de la dĂ©tente en Europe, mais c'est aussi celle de la chute de Phnom Penh et SaĂŻgon et celle des indĂ©pendances de l'Angola et du Mozambique.
  • On peut aussi fixer le dĂ©but de la seconde guerre froide Ă  l'annĂ©e 1979, date de la intervention soviĂ©tique en Afghanistan, ou Ă  l'annĂ©e 1981, date de l'entrĂ©e en fonction du prĂ©sident Ronald Reagan, lequel prĂ©sente l’Union soviĂ©tique comme l’« Empire du mal » (1983). Mais on sait depuis 1998 que l'administration Carter avait mis en place opĂ©ration secrète le programme afghan le , aux dires mĂŞme d'un de ses initiateurs, Zbigniew BrzeziĹ„ski, pour pousser les SoviĂ©tiques Ă  l'intervention (en fait Ă  une rĂ©ponse favorable aux demandes rĂ©pĂ©tĂ©es du gouvernement afghan depuis le printemps 1979).
  • L'annĂ©e 1985 est celle de la mort de Konstantin Tchernenko et de l'arrivĂ©e au pouvoir de MikhaĂŻl Gorbatchev, celle du sommet Reagan-Gorbatchev de Genève, lequel inaugure une sĂ©rie de rencontres au sommet : elle marque le dĂ©but d'une nouvelle DĂ©tente. Mais jusqu'Ă  l'automne 1987, le processus est laborieux et les moments de dĂ©tente alternent avec des moments de tension, notamment entre avril 1986 et le premier semestre 1987. Les deux premiers sommets se dĂ©roulent hors des deux capitales, Ă  Genève en novembre 1985 et Ă  Reykjavik en octobre 1986. Gorbatchev ne veut pas se dĂ©placer Ă  Washington (la dernière rencontre au sommet dans l'une des deux capitales avait eu lieu Ă  Moscou en juin 1974) sans avoir la preuve que Ronald Reagan est revenu de ses diatribes et de ses insultes contre l'« Empire du Mal », et qu'il ne soit disposĂ© Ă  conclure un accord.

Par ailleurs, le bombardement de Tripoli le est suivi de l'ajournement par Moscou d'un déplacement de son ministre des affaires étrangères Edouard Chevardnadze à Washington. L'arrestation en septembre 1986 d'un savant soviétique Zakharov aux États-Unis par le FBI pour espionnage est suivie de celle d'un journaliste américain Danilov par le KGB. L'affaire va empoisonner jusqu'en novembre les relations soviéto-américaines et provoquer des expulsions croisées de diplomates après le sommet de Reykjavik. L'URSS refusera le 1er janvier 1987 de renouveler avec les États-Unis l'échange de vœux croisés de l'année précédente. C'est l'affaire Mathias Rust de juin 1987 qui débloque définitivement la situation et permet de négocier pour le mois de décembre le traité de Washington.

Guerre fraîche et seconde guerre froide

Les termes de guerre fraîche appartiennent à l'histoire de la seconde guerre froide.

  • L'expression est employĂ©e le 1978 Ă  Prague par LĂ©onid Brejnev, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Parti communiste de l'Union soviĂ©tique : la dĂ©gradation des relations internationales, explique-t-il, reprĂ©senterait un retour « sinon Ă  la guerre froide, du moins Ă  la guerre fraĂ®che[3] ».
  • Elle est reprise le lors d'une confĂ©rence de presse donnĂ©e Ă  l'ÉlysĂ©e par le prĂ©sident ValĂ©ry Giscard d'Estaing : « Je me demandais si l'expression « guerre fraĂ®che », employĂ©e par Brejnev, ne vous semblait pas plus appropriĂ©e pour dĂ©crire les relations Est-Ouest que le mot « dĂ©tente », Ă©tant donnĂ© ce qui se passe en Afrique[4] - [5] ! », lui demande le journaliste du Monde.
  • Elle cohabite nĂ©anmoins avec les termes de seconde guerre froide ou de nouvelle guerre froide, d'emploi plus courant. Le 16 octobre 1980, recevant Ă  Moscou le prĂ©sident afghan Babrak Karmal, Leonid Brejnev lui-mĂŞme accuse les États-Unis et leurs alliĂ©s de « s'engager manifestement dans la voie d'une nouvelle guerre froide et de crĂ©er une situation qui met en danger la paix gĂ©nĂ©rale, la sĂ©curitĂ© de tous les peuples[6] ».
  • L'expression est parfois utilisĂ©e en France, dans des manuels Ă©lĂ©mentaires, pour dĂ©signer l'ensemble de la pĂ©riode, mais elle est beaucoup moins courante dans la bibliographie savante, laquelle lui prĂ©fère les termes de nouvelle guerre froide ou de seconde guerre froide[7].
  • Sa signification est en outre incertaine. La guerre fraĂ®che se distinguerait de la guerre froide et prĂ©senterait par rapport Ă  celle-ci une diffĂ©rence de degrĂ©, mais le changement d'adjectif n'indique pas prĂ©cisĂ©ment laquelle : la guerre fraĂ®che est-elle plus chaude que la guerre froide ?

Notes et références

  1. Lilly Marcou, « De la lutte pour la révolution à la recherche d’un équilibre entre les deux Grands », Le Monde diplomatique, décembre 1984, p. 28
  2. Robert Frank, « Réflexions sur l'état des relations internationales depuis 1945 », Historiens et géographes, no 376, Paris, , p. 319.
  3. Patrice Touchard (sous la direction de), Le Siècle des excès, Paris, PUF, 2002, p. 279.
  4. « Déclarations de politique étrangère ».
  5. « Réunion de presse du président Giscard d'Estaing (extraits de politique étrangère) », .
  6. Daniel Vernet, « M. Brejnev accuse les États-Unis de relancer la guerre froide », Le Monde, 18 octobre 1980.
  7. Georges-Henri Soutou, La Guerre de Cinquante Ans, Les relations Est-Ouest, 1943-1990, Paris, Fayard, 2001, p. 567, 609 et 631.

Voir aussi

Bibliographie

  • Robert Frank, « RĂ©flexions sur l'Ă©tat des relations internationales depuis 1945 », Historiens et gĂ©ographes, no 376, Paris, , p. 303-322.
  • Georges-Henri Soutou, La Guerre de Cinquante Ans, Les Relations Est-Ouest, 1943-1990, Paris, Fayard, 2001.

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